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14/03/2024 | FRANCE | N°22/11601

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 14 mars 2024, 22/11601


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT D'IRRECEVABILITE D'APPEL

DU 14 MARS 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/11601 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4YL







[X] [Z]





C/



S.A.S. [12]

CPAM DES [Localité 10]

S.A.S.U. [13]

SOCIETE [9]





































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le :

à :

Me Riadh JAIDANE

Me Sylvie LANTELME

Me Stéphane CECCALDI

Me Marion HENNEQUIN

SOCIETE [9]





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 13 Juillet 2022, enregistré au répertoire général sous le n° 18/00981.





APPELANT



Monsieur [X] [Z]

(bénéficie d'une aide ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT D'IRRECEVABILITE D'APPEL

DU 14 MARS 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/11601 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4YL

[X] [Z]

C/

S.A.S. [12]

CPAM DES [Localité 10]

S.A.S.U. [13]

SOCIETE [9]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Riadh JAIDANE

Me Sylvie LANTELME

Me Stéphane CECCALDI

Me Marion HENNEQUIN

SOCIETE [9]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 13 Juillet 2022, enregistré au répertoire général sous le n° 18/00981.

APPELANT

Monsieur [X] [Z]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/7292 du 16/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AIX-EN-PROVENCE)

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Riadh JAIDANE, avocat au barreau de NICE

substitué par Me Julien SELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

S.A.S. [12] prise en la personne de son représentant légal en exercice

demeurant [Adresse 15]

représentée par Me Sylvie LANTELME, avocat au barreau de TOULON

CPAM DES [Localité 10]

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE

substitué par Me Florent TIZOT, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.S.U. [13]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Marion HENNEQUIN, avocat au barreau de LYON

substitué par Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau

d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

SOCIETE [9] venant aux droit de la S.A.

AVIVA ASSURANCES

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Marion HENNEQUIN, avocat au barreau de LYON substitué par Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Anne BARBENES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [X] [Z], salarié intérimaire de la société [13] (dite [13]), a été victime le 7 avril 2016, alors qu'il était mis à disposition de la société [12], d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10] l'a déclaré consolidé à la date du 12 avril 2017 en retenant un taux d'incapacité permanente partielle de 5%.

M. [Z] a saisi le 29 mai 2018, un tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans son accident du travail.

Par jugement en date du 10 février 2021, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, a, notamment:

* dit que l'accident du travail dont a été victime le 7 avril 2016 M. [Z] est imputable à la faute inexcusable de la société [13],

* fixé au maximum la majoration de la rente,

* ordonné avant dire droit sur la réparation de ses préjudices une expertise médicale,

* débouté M. [Z] de sa demande de provision,

* dit que la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10] fera l'avance des sommes allouées à titre de réparation à M. [Z],

* condamné la société [13] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10] les sommes dont elle sera amenée à faire l'avance au titre de la réparation de la faute inexcusable, outre celles prévues par le dernier alinéa de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale,

* condamné la société [12] à relever et garantir la société [13] du chef des sommes mises à sa charge au titre de la réparation de la faute inexcusable, outre celles prévues par le dernier alinéa de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale.

Ce jugement a été déclaré commun et opposable à la société [11].

Par jugement en date du 9 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, a débouté la société [13] de sa demande en rectification d'erreur matérielle tendant à ce qu'il soit 'dit que l'accident du travail dont a été victime le 7 avril 2016 M. [Z] est imputable à la faute inexcusable de la société [12] substituée dans la direction de la victime de l'accident'.

Le rapport d'expertise a été déposé le 9 septembre 2021.

Par jugement en date du 13 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, a :

* rejeté la demande de contre-expertise,

* alloué à M. [X] [Z] la somme de 21 717 euros au titre de l'indemnisation des préjudices subis et résultant de l'accident du travail imputable à la faute inexcusable de la société [13] [Localité 14] ([13]) et non couverts par le titre IV du code de la sécurité sociale ainsi décomposée :

- souffrances endurées avant consolidation: 12 000 euros,

- préjudice esthétique temporaire: 800 euros,

- préjudice esthétique permanent: 3 000 euros,

- préjudice d'agrément: 0 euro,

- préjudice sexuel: 700 euros,

- assistance tierce personne avant consolidation: 1 620 euros,

- frais d'aménagement de logement (salle de bain): 0 euro,

- frais d'aménagement de véhicule: 0 euro,

- déficit fonctionnel temporaire: 3 597 euros,

- perte de chance de promotion professionnelle: 0 euro,

* dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement,

* dit irrecevable la demande indemnitaire de M. [X] [Z] au titre du préjudice sexuel de sa conjointe,

* débouté M. [X] [Z] de toute autre demande,

* rappelé que la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10] fera l'avance du montant alloué au titre de la réparation à M. [X] [Z],

* condamné la société [13] [Localité 14] ([13]) à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10] les sommes dont elle sera amenée à faire l'avance au titre de la réparation de la faute inexcusable, outre celles prévues par le dernier alinéa de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale,

* condamné la société [13] [Localité 14] ([13]) à verser à M. [X] [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à maître Riadh Jaidane, qui déclare renoncer alors au bénéfice de l'aide juridictionnelle,

* débouté la société [12] et la société [13] [Localité 14] ([13]) de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société [12] à relever et garantir la société [13] ([13]) de toutes sommes mises à la charge de cette dernière, en ce compris les frais d'expertise et la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

* condamné la société [13] [Localité 14] ([13]) aux dépens, en ce compris les frais d'expertise.

M. [Z] a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées, cet appel étant limité aux chefs de jugement lui ayant alloué la somme de 21 717 euros en réparation de ses préjudices et l'ayant débouté de ses demandes au titre du préjudice d'agrément, du poste d'aménagements, et de l'incidence professionnelle).

Par conclusions récapitulatives réceptionnées par le greffe le 26 janvier 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [Z] sollicite la confirmation du jugement entrepris sur les montants des indemnités alloués au titre des préjudices suivants: souffrances endurées avant consolidation, préjudice esthétique temporaire, préjudice esthétique permanent, préjudice sexuel, assistance tierce personne et déficit fonctionnel temporaire, ainsi que ses autres dispositions,

et son infirmation sur l'absence d'indemnisation des autres préjudices, qu'il demande à la cour de fixer ainsi qu'il suit :

* préjudice d'agrément: 5 000 euros,

* frais d'aménagement de véhicule: 25 000 euros,

* frais d'aménagement de logement (salle de bain): 7 000 euros,

* perte d'incidence professionnelle: 130 000 euros.

Il sollicite en outre la condamnation de la société [13] à verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à maître Riadh Jaidane, qui déclare renoncer alors au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Par conclusions récapitulatives en réponse, visées par le greffier le 31 janvier 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [13], venant aux droits de la société [13] [Localité 14], et la société [9], son assureur, soulèvent, à titre principal, l'irrecevabilité de l'appel dirigé à l'encontre de la société [13] 8, dépourvue d'existence juridique et demandent à la cour de débouter la caisse primaire d'assurance maladie de sa demande de condamnation à hauteur de 5 000 euros de dommages et intérêts

A titre subsidiaire, elles lui demandent de débouter M. [Z] de toutes ses demandes et de le condamner à verser à la société [13] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par conclusions récapitulatives n°1, remises par voie électronique le 26 janvier 2024, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [12] soulève, à titre principal, l'irrecevabilité de l'appel dirigé à l'encontre de la société [13] 8, dépourvue d'existence juridique.

A titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes au titre du préjudice d'agrément, du poste d'aménagements, et de l'incidence professionnelle) et son infirmation sur les sommes allouées au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel temporaire.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau de :

* limiter les souffrances endurées à 8 000 euros,

* limiter l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire à 2 997.50 euros,

* condamner M. [Z] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 30 janvier 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société [13] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10] les sommes dont elle sera amenée à faire l'avance au titre de la réparation de la faute inexcusable, outre celles prévues par le dernier alinéa de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, mais à son infirmation en ce qu'il a désigné l'employeur comme étant la société [13] [Localité 14].

Elle demande à la cour de :

* rejeter la fin de non-recevoir relative à l'irrecevabilité de l'appel soulevée par la société [13],

* condamner la société [13] à lui rembourser les sommes dont elle sera amenée à faire l'avance au titre de la réparation de la faute inexcusable, outre celles prévues par le dernier alinéa de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale,

* condamner la société [13] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère dilatoire de sa stratégie contentieuse,

* déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à l'assureur de la société [13], la société [9], ex [11],

* condamner la partie succombant à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Exposé des moyens des parties :

La société [13], tout en précisant venir aux droits de la société [13] [Localité 14], et la société [9], son assureur, soulèvent l'irrecevabilité de l'appel pour désigner comme intimée une société qui n'avait plus d'existence juridique. Elles arguent que la déclaration d'appel mentionne que l'appel est dirigé à l'encontre de la société [13] ([13] 8) et que son siège social est sis [Adresse 1], alors que cette société a été radiée le 10 août 2020, ayant fait l'objet d'une fusion et ayant été absorbée par la société [13]-[13] immatriculée au registre du commerce et des sociétés Lyon.

Elles se prévalent de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 8 septembre 2022 (2e Civ., n° 21-11.892), de celui de la présente cour du 2 décembre 2022 (RG 21/09017) et de celui de la cour d'appel de Riom du 23 mai 2023 (RG 21/00662), et soutiennent que cette irrégularité de fond ne peut être régularisée.

Elles ajoutent que si le recours initial de M. [Z] n'était pas entaché d'irrégularité, pour être antérieur à la fusion, il lui incombait lors de son appel de procéder aux vérifications nécessaires afin de l'exercer à l'encontre de la personne morale pourvue d'une existence juridique.

Tout en reconnaissant que la transmission de l'actif et du passif résultant de la fusion absorption a bien eu lieu, la société [13]-[13] soutient que par ce mécanisme si l'appel avait été dirigé à l'encontre de la société [13] inscrite au registre du commerce et des sociétés de Lyon, il aurait été recevable, alors qu'il a été dirigé contre la société [13] 8 dépourvue d'existence juridique au moment de l'appel, et que la jurisprudence invoquée par la caisse primaire d'assurance maladie, selon laquelle la validité de la désignation d'un mandataire en cause d'appel est admise, est spécifique aux procédures collectives et n'est pas transposable en l'espèce.

La société [12] argue de l'invisibilité du litige en matière de faute inexcusable pour soutenir que l'irrecevabilité de l'appel à l'égard d'une partie, rend celui-ci irrecevable à l'égard de l'ensemble des intimés.

L'appelant ne réplique pas sur l'irrecevabilité de l'appel ainsi soulevée.

La caisse primaire d'assurance maladie demande à la cour de rejeter la fin de non-recevoir soulevée en arguant que l'instance a été régulièrement introduite par le salarié contre un employeur in bonis pour soutenir que l'appel est recevable.

Elle relève que selon l'article L.236-3 du code de commerce, la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où elles se trouvent à la date de réalisation définitive de l'opération, et que l'article L.236-4 du même code permet que la fusion intervienne sans création d'une société nouvelle.

Elle argue que le traité de fusion publié au bulletin des annonces civiles et commerciales du 24 avril 2020 mentionne que la fusion a un effet rétroactif au 1er janvier 2020, et que le recours formé le 29 mai 2018 par le salarié aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son l'employeur a été valablement dirigé contre la société [13] [Localité 14], qui avait alors une existence juridique, pour soutenir que l'arrêt de la Cour de cassation du 8 septembre 2022 ne peut être sérieusement invoqué.

Elle ajoute que la Cour de cassation reconnaît le droit de faire appel contre une société qui n'a plus d'existence légale en citant l'arrêt de la chambre commerciale du 2 novembre 2011 (n°10-25.130), tout en soutenant que la régularisation de 'l'instance' d'appel à l'encontre de la société employeur disparue par suite de fusion absorption n'est pas nécessaire puisqu'il résulte du traité de fusion que la société [13] inscrite au registre du commerce et des sociétés de Lyon reprend rétroactivement l'actif et le passif de la société employeur dissoute et que cette société est intervenue volontairement à l'instance d'appel en prenant des conclusions récapitulatives et rectificatives communiquées aux parties en novembre 2022.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Cette situation n'est pas susceptible d'être régularisée lorsque la prétention est émise par ou contre une partie dépourvue de personnalité juridique.

La réponse au moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel, dépend pour partie de la nature de l'irrecevabilité soulevée: exception de procédure (l'acte d'appel étant nul en raison d'une irrégularité de fond), ou fin de non-recevoir.

1- sur la recevabilité de l'appel:

Selon l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

- le défaut de capacité d'ester en justice,

- le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice,

- le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

Il résulte de l'article 120 du code de procédure civile que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public.

Le juge peut relever d'office la nullité pour défaut de capacité d'ester en justice.

L'article 121du code de procédure civile stipule que dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Il résulte cependant de l'article 126 du code de procédure civile que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue, et qu'il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance.

Les articles 117, 120 et 121sont insérés dans le chapitre II (titre V) du code de procédure civile relatif aux exceptions de procédure, alors que les articles 122 et 126, relèvent du chapitre III (titre V) du même code relatif aux fins de non-recevoir.

Il résulte des articles 32 et 117 du code de procédure civile qu'est irrecevable toute prétention émise contre une personne dépourvue du droit d'agir et que cette situation n'est pas susceptible d'être régularisée lorsque la prétention est émise contre une partie dépourvue de personnalité juridique, cette irrégularité de fond ne pouvant être couverte par l'intervention volontaire à l'instance d'une autre partie. (2e Civ., 8 septembre 2022, n°21-11.892, 2e Civ., 4 mars 2021, n°19-22.829, Com., 20 juin 2006, n°03-15957, Com., 30 novembre 1999, n°97-14.595, Com.n 14 juin 2000, -98.10.617 ).

L'article L.236-3 I du code de commerce dispose que la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération. Elle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d'associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission.

Il s'ensuit que par suite de la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, celle-ci a, de plein droit, qualité pour poursuivre les instances engagées par ou contre la société absorbée.

Dés lors deux situations doivent être distinguées :

*lorsque l'opération de fusion absorption se réalise au cours de la procédure engagée contre la société absorbée et que la société absorbante intervient à l'instance, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de droit d'agir de la société absorbée doit être écartée, en application de l'article 126 du code de procédure civile,

* par contre lorsque fusion absorption est antérieure à l'acte introductif d'instance, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Par applications des articles 57 et 933 du code de procédure civile, la déclaration d'appel qui est l'acte de saisine de la cour, et comme tel l'acte introductif de l'instance d'appel, contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité, l'indication des noms, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social.

En l'espèce, l'instance aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, engagée le 29 mai 2018 par la saisine d'un tribunal des affaires de sécurité sociale a pris fin par le jugement du 23 juillet 2022.

La déclaration d'appel formalisée par R.P.V.A le 12 août 2022, désigne comme intimées, outre les sociétés [12] et [11] ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10], la société 'S.A.R.L. [13] [Localité 14] [13]' ayant pour adresse '[Adresse 1]'.

Il résulte de l'extrait Kbis de la société [13]-[13] daté du 5 octobre 2022 que :

* elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés Lyon, sous le numéro 879 428 050, * son siège est sis [Adresse 2],

* elle résulte d'une fusion, notamment avec la société à responsabilité limitée [13] 8 [Adresse 4] registre du commerce et des sociétés [N° SIREN/SIRET 7] et avec la société à responsabilité limitée [13] 21 [Adresse 1], registre du commerce et des sociétés [N° SIREN/SIRET 8] GTC Grenoble, sociétés apporteuses, ces mentions étant en date du 12/08/2020.

L'extrait Kbis de la société [13]-[13] 8, daté du 13 avril 2020, établit qu'elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés Lyon, sous le numéro [N° SIREN/SIRET 7], que son siège est sis [Adresse 4], dont dépend son établissement secondaire sis [Adresse 1].

Le bulletin des annonces civiles et commerciales en date du 24 avril 2020, porte publication de la fusion absorption par la société par action simplifiée [13], dont le siège social est sis [Adresse 2], 'société absorbante' de la société [13] 8, désignée 'société absorbée', avec effet rétroactif au 1er janvier 2020, laquelle a été précédée d'un avis de projet de fusions aux termes d'un acte sous seing privé en date du 17 avril 2020.

Cette publication rend opposable aux tiers les modifications survenues dans ces sociétés.

Il résulte des énonciations du jugement du 13 juillet 2022 frappé d'appel que la S.A.R.L unipersonnelle [13] ([13]), désignée comme défenderesse, est sise [Adresse 1], et que les conclusions ont été prises au nom de la société [13] [Localité 14] ([13]), et il n'est nullement fait état d'une intervention volontaire en cours d'instance de la société absorbante.

La déclaration d'appel du 12 août 2022, désigne parmi les intimées, la société 'S.A.R.L. [13] [Localité 14] [13]' ayant pour adresse [Adresse 1], soit la société absorbée qui n'avait plus d'existence juridique.

Il s'ensuit que cet acte d'appel,qui initie l'instance d'appel, énonce, au sens des dispositions de l'article 32 du code de procédure civile, une prétention irrecevable pour être émise contre une personne dépourvue du droit d'agir, en ce qu'elle n'a plus de personnalité juridique.

Cette irrégularité de fond affectant l'acte d'appel, saisissant la cour, n'est pas susceptible d'être régularisée.

La jurisprudence invoquée par la caisse primaire d'assurance maladie concernant des fin de non-recevoir est par conséquent inopérante.

La circonstance qu'au cours de la première instance, il n'a jamais été fait état par la société [13]-[13] de la fusion absorption ainsi que de la radiation du registre du commerce et des sociétés de la société absorbée est également sans incidence sur l'irrégularité de fond affectant l'acte de saisine de la cour.

La première instance a été régulièrement introduite contre une société, à une date où elle était pourvue du droit d'agir pour avoir une personnalité juridique. Son absorption n'a pu interrompre l'instance alors en cours, puisque sa dissolution s'est opérée sans sa liquidation, ainsi que cela résulte des dispositions de l'article L.236-3 I du code de commerce.

M. [X] [Z] est effectivement irrecevable en son appel dirigé contre la société [13] 13 et les conclusions prises au nom de la société '[13]-[13], immatriculée au registre du commerce et des sociétés Lyon 879 428050, dont le siège social est sis [Adresse 2], venant aux droits de [13] [Localité 14] [13] ayant pour adresse [Adresse 1]' ne peuvent avoir pour effet de régulariser la procédure.

L'irrecevabilité de l'appel soulevée constitue une exception de nullité, pour nullité de fond affectant l'acte d'appel, qui ne peut être couverte.

La cour ajoute que l'absence de possibilité d'une telle régularisation de la procédure ne méconnaît pas le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dés lors que le but poursuivi par la règle qui impose que la personne morale, en demande comme en défense, soit pourvue d'une existence juridique est légitime, en ce qu'il tend à protéger les droits de la défense.

Cette règle ne porte pas atteinte au droit d'accès à un tribunal dans sa substance.

L'appelant doit en conséquence être déclaré irrecevable en son appel.

2 - sur les conséquences de l'exception de nullité :

En matière d'accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur, il résulte de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale que l'entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction, au sens de l'article L.452-1, à l'entreprise de travail temporaire et l'article L.1251-21 du code du travail dispose que pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, et notamment de ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail.

Il s'ensuit que par combinaison des articles L. 412-6, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale qu'en cas d'accident survenu à un travailleur intérimaire et imputable à une faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice, l'indemnité allouée à la victime en réparation de ses préjudices est versée directement à la victime par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur et que l'entreprise de travail temporaire, employeur de la victime, est seule tenue envers la caisse du remboursement des indemnisations complémentaires prévues par la loi, l'entreprise utilisatrice étant seulement exposée à une action en remboursement de la part de l'employeur.

Dès lors, le litige présentant un caractère indivisible à l'égard de l'ensemble des parties (salarié, employeur, entreprise utilisatrice et caisse primaire d'assurance maladie) l'irrégularité de fond tenant à la désignation de l'employeur dans la déclaration d'appel affecte la validité de l'acte d'appel à l'égard de l'ensemble des parties.

L'irrecevabilité de l'appel fait donc obstacle à ce qu'il soit statué au fond, le jugement entrepris n'a pas à être confirmé ni à être infirmé.

Elle fait également obstacle à la demande de dommages et intérêts de la caisse primaire d'assurance maladie.

M. [X] [Z] doit être condamné aux dépens, et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de la société [13]-[13], de la société [9], de la société [12] et de la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10] les frais exposés pour leur défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

- Dit M. [X] [Z] irrecevable en son appel,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société [13]-[13], de la société [9], de la société [12] et de la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10],

- Condamne M. [X] [Z] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la réglementation en vigueur en matière d'aide juridictionnelle.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/11601
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.11601 ?
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