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14/03/2024 | FRANCE | N°20/11900

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 14 mars 2024, 20/11900


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2024



N° 2024/ 138









Rôle N° RG 20/11900 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGS3Z







[G] [Y] [R]

[V] [T] [R] épouse [Y] [R]





C/



[E] [U]

[W] [U]

[B] [X]

[C] [D] épouse [X]

S.A. FILIA-MAIF













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alice CATALA





Me C

atherine COTTRAY-LANFRANCHI







Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 10 Novembre 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° .



APPELANTS



Monsieur [G] [Y] [R]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]



r...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2024

N° 2024/ 138

Rôle N° RG 20/11900 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGS3Z

[G] [Y] [R]

[V] [T] [R] épouse [Y] [R]

C/

[E] [U]

[W] [U]

[B] [X]

[C] [D] épouse [X]

S.A. FILIA-MAIF

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alice CATALA

Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 10 Novembre 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° .

APPELANTS

Monsieur [G] [Y] [R]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Alice CATALA, avocat au barreau de NICE, plaidant

Madame [V] [T] [R] épouse [Y] [R]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Alice CATALA, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Monsieur [E] [U] demeurant [Adresse 2]

Assigné en étude d'huissier le 8/02/2021

défaillant

Madame [W] [U], demeurant [Adresse 2]

Assigné en étude d'huissier le 8/02/2021

défaillante

Monsieur [B] [X]

né le 29 Août 1968 à [Localité 3], demeurant [Adresse 6] (ARABIE SAOUDITE)

représenté par Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [C] [D] épouse [X]

née le 24 Décembre 1971 à [Localité 4], demeurant [Adresse 6] (ARABIE SAOUDITE)

représentée par Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A. FILIA-MAIF Société anonyme immatriculée au RCS de NIORT, Entreprise régie par le Code des Assurances, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège., demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Catherine COTTRAY-LANFRANCHI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Carole MENDOZA, Conseillère,a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. et Mme [X], sont copropriétaires d'un appartement situé au 06ème étage de ce même immeuble qu'ils ont donné en location à M. et Mme [U]. Leur assureur responsabilité civile est la SA FILIA MAIF.

M. [G] [Y] [R] et Mme [V] [T] [R] épouse [Y] [R] sont copropriétaires d'un appartement situé au 5ème étage du bâtiment D d'un ensemble immobilier situé à [Localité 5].

Se plaignant d'infiltrations d'eau depuis le mois de juillet 2015, ils ont fait assigner en référé M. [E] [U], Mme [W] [U], M. [B] [X] et Mme [C] [X], représentés par leur mandataire, la société ARGOS CONSEIL PATRIMOINE, ainsi que le syndicat des copropriétaires.

Par ordonnance du 17 janvier 2017, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à M. [F] qui a rendu son rapport le 24 octobre 2018, après que les opérations d'expertise ont été déclarées opposables et communes à la SA FILIA MAIF et à la SA BANQUE POSTALE ASSURANCES.

Par actes d'huissiers des 16 et 29 avril 2019, M. et Mme [Y] [R] ont fait assigner M. et Mme [U], M. et Mme [X] représentés par leur mandataire la société ARGOS CONSEIL PATRIMOINE et la SA FILIA MAIF aux fins principalement de les voir condamner in solidum, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, à leur verser diverses sommes au titre des travaux de reprise, au titre de leur préjudice de jouissance pendant la réalisation des travaux de reprise et durant la période pendant laquelle ils ont subi ces désordres.

Par jugement réputé contradictoire du 10 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nice a :

- condamné in solidum M. [E] [U] et Mme [W] [U], M. [B] [X] et Mme [C] [X] et la SA FILIA MAIF à verser à Monsieur [G] [Y] [R] et à Madame [V] [T] -[R] épouse [Y] [R] la somme de 500 euros ( cinq cents euros ) au titre du préjudice de jouissance,

- débouté Monsieur [G] [Y] [R] et Madame [V] [T] [R] épouse [Y] [R] de leur demande de 9.803,20 € au titre des travaux de reprise et de leur demande de 27.679,98 euros au titre du préjudice résultant de la période au cours de laquelle ils ont subi les désordres dans leur immeuble,

- condamné in solidum M. [E] [U] et Mme [W] [U] à relever et garantir M. [B] [X] , Mme [C] [X] et la SA FILIA MAIF de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

- débouté la SA FILIA MAIF de sa demande de voir opposer une franchise contractuelle,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné in solidum M. [E] [U] et Mme [W] [U], M. [B] [X] et Mme [C] [X] et la SA FILIA MAIF à verser à Monsieur [G] [Y] [R] et à Mme [V] [T] [R] épouse [Y] [R] la somme de 2.000 euros ( deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [B] [X] et Mme [C] [X] et la SA FILIA MAIF de leur demande à ce titre,

- condamné in solidum M. [E] [U] et Mme [W] [U], M. [B] [X] et Mme [C] [X] et la SA FILIA MAIF aux depens en ce compris les frais d'expertise ordonnée dans le cadre de la procédure de référé et s'élevant à la somme de 10.422,65€ ( dix mille quatre cent vingt deux euros et soixante cinq centimes ).

Le premier juge a relevé que lorsque le trouble anormal de voisinage émane d'un immeuble donné en location, la victime de ce trouble peut en demander la réparation au propriétaire, qui dispose d'un recours contre son locataire, lorsque les nuisances résultent d'un abus de jouissance ou d'un manquement aux obligations nées du bail.

S'appuyant sur le rapport d'expertise judiciaire, il a estimé que les infiltrations affectant l'appartement de M. et Mme [Y] [R] provenaient de la salle d'eau créée par M.et Mme [U] en violation des règles de l'art. Il a jugé que ces infiltrations constituaient un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage en ce qu'il portait atteinte à l'étanchéité du logement, avec un taux d'humidité très important dans les deux chambres. Il a estimé engagée la responsabilité de M.et Mme [U] ainsi que celle de M.et Mme [X], propriétaires, sur le même fondement du trouble anormal de voisinage.

Il les a condamnés in solidum à verser à M.et Mme [Y] [R] la somme de 500 euros correspondant au préjudice de jouissance subi par ces derniers pendant la réalisation des travaux de reprise.

Il a rejeté le surplus des demandes de M.et Mme [Y] [R], les estimant injustifiées.

Il a condamné M.et Mme [U] à garantir M.et Mme [X] ainsi que la SA FILIA MAIF des condamations prononcées à leur encontre.

Par déclaration du 02 décembre 2020, M.et Mme [Y] [R] ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle a condamné in solidum M.et Mme [U], M.et Mme [X] et la SA FILIA à leur verser la somme de 500 euros au titre de leur préjudice de jouissance, en ce qu'elle les a déboutés de leur demande de condamnation de la somme de 9803,20 euros au titre des travaux de reprise et de celle de 27.679, 98 euros au titre du préjudice résultant de la période au cours de laquelle ils ont subi les désordres dans leur immeuble.

M.et Mme [U] n'ont pas constitué avocat.

M.et Mme [X] et la SA FILIA MAIF ont constitué avocat et formé un appel incident.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 mai 2023 et signifiées aux intimés défaillants le 24 mai 2023, M.et Mme [Y] [R] demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires concernant leur préjudice matériel et leur préjudice de jouissance consécutif à l'indisponibilité de leur appartement durant la période de persistance des désordres subis,

- de confirmer le jugement déféré pour le surplus

Statuant à nouveau des chefs infirmés et, y ajoutant,

- de condamner in solidum M. [E] [U] et Mme [W] [U], M..

[B] [X] et Mme [C] [X] et la SA MAIF à leur verser:

- Au titre des travaux de reprise : la somme de 7.637,23 €,

- Au titre du préjudice de jouissance résultant de la période au cours de laquelle ils ont subi les désordres dans leur appartement : la somme à titre principal de 26.837 €, et à titre subsidiaire la somme de 22.654 €.

- de condamner in solidum Mr [E] [U] et Mme [W] [U], Mr.

[B] [X] et Mme [C] [X] et la SA MAIF à leur verser une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- de condamner in solidum Mr [E] [U] et Mme [W] [U], Mr.

[B] [X] et Mme [C] [X] et la SA MAIF aux dépens en ce compris les frais d'expertise ordonnée dans le cadre de la procédure de référés s'élevant à la somme de 10.422,65 €.

Ils indiquent que l'origine des désordres affectant leur appartement est un dégât des eaux provenant du bien appartenant aux consorts [X] loué aux consorts [U]. Ils relatent que celui-ci, très vétuste, a subi plusieurs fuites laissées sans réparation au niveau de la salle d'eau installée par les locataires en violation des règles de l'art. Il estiment engagée la responsabilité des intimés sur le fondement du trouble anormal du voisinage qui est une responsabilité objective. Ils soutiennent que les locataires sont responsables en leur qualité d'auteurs du trouble et que les bailleurs le sont en qualité de garant du fait du preneur.

Ils déclarent que la réparation des troubles anormaux de voisinage n'est pas subordonnée à l'existence d'une mise en demeure préalable. Ils en concluent que les consorts [X] et leur assureur ne peuvent conditionner le point de départ du trouble anormal de voisinage réparable à la date à laquelle ils auraient été informés de celui-ci. En tout état de cause, ils relèvent avoir rapidement avisé le mandataire des consorts [X] de l'existence d'un sinistre provenant de leur appartement.

Ils sollicitent la réparation de leur préjudice. Ils indiquent produire au débat un devis permettant de connaître leur préjudice matériel lié au coût de la remise en état de l'appartement. Ils contestent l'argument selon lequel les désordres qu'ils ont subis pourraient avoir d'autres origines que la salle de bains défectueuse du logement appartenant aux consorts [X], loué aux consorts [U].

Ils font également état d'un préjudice de jouissance. Ils indiquent que les désordres, constatés dès le 05 août 2015, ont perduré, comme en témoignent un procès-verbal d'huissier du 10 octobre 2016 et les constatations expertales. Ils demandent la réparation du préjudice subi pendant la réalisation des travaux de remise en état. Ils sollicitent également la réparation de du préjudice subi pendant la persistance des désordres chiffré à 80% du préjudice journalier retenu pendant la réalisation des travaux de reprise, pour la période débutant le 05 août 2015 jusqu'au 24 octobre 2018, date du dépôt du rapport d'expertise ou, subsidiairement, au 26 avril 2018, date du dernier accedit contradictoire. Ils déclarent que les désordres ont affecté leur hall d'entrée, leur cuisine, deux chambres, la salle d'eau et les toilettes. Ils affirment que leur appartement a été largement dégradé.

Par conclusions notifiées par RPVA le 21 mai 2021 signifiées aux intimés défaillants le 25 mai 2021, M.et Mme [X] et la MAIF, venant aux droits de la SA FILIA-MAIF demandent à la cour :

*A titre principal,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les concluants, in solidum avec les époux [U], à verser aux époux [Y] [R] les sommes suivantes :

- 500,00 € au titre du préjudice de jouissance,

- 2 000,00 € au titre des frais irrépétibles,

- outre aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.

Et statuant à nouveau :

- de mettre hors de cause les époux [X] et la MAIF.

- de débouter les époux [Y] [R] de l'ensemble de leurs demandes,

* à titre subsidiaire,

- de confirmer le jugement déféré ce qu'il a débouté les époux [Y] [R] de leurs demandes au titre des travaux de réfection des embellissements chiffrés à la somme de 9 803,20€, non plus pour défaut de production de devis y afférent mais pour défaut de preuve de l'étendue réelle de leur préjudice matériel en lien avec les fuites provenant des parties privatives des époux [X].

A défaut,

- de limiter ce poste de préjudice matériel à la somme a maxima de 6 915,23 €.

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [Y] [R] de leurs demandes au titre du préjudice de jouissance résultant de la période au cours de laquelle ils ont subi les désordres dans leur immeuble et chiffré à la somme de 27 680,00 €.

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [U] à relever et garantir indemnes les époux [X] et la MAIF de toutes les condamnations prononcées à leur encontre.

Y ajoutant :

- de condamner les époux [U], solidairement entre eux, à relever et garantir indemnes

les époux [X] et la MAIF de toutes les condamnations prononcées à leur encontre, tant en principal qu'au titre des frais irrépétibles et des dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SA FILIA MAIF de sa demande de voir opposer une franchise contractuelle.

Et statuant à nouveau :

- de faire application des plafonds et franchises prévus dans la police d'assurance de la MAIF.

* en tout état de cause :

- de condamner les époux [Y] [R] ou, à défaut, les époux [U], solidairement entre eux, à verser aux époux [X] et à la MAIF la somme de 4 000,00 € au titre des frais irrépétibles exposés en référé, en première instance et en cause d'appel par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- de condamner les époux [Y] [R] ou, à défaut, les époux [U], solidairement entre eux, aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, avec distraction au profit de Maître Catherine COTTRAY-LANFRANCHI pour ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision sous son affirmation de droit.

La MAIF indique venir aux droits de la SA FILIA-MAIF et intervenir volontairement à la procédure.

Ils demandent à être mis hors de cause au motif que les époux [X] n'ont pas été informés avant les opérations d'expertise d'un quelconque trouble de jouissance des époux [Y] [R] dont l'origine provient de l'appartement dont ils sont propriétaires. Ils soulignent avoir uniquement été avisés de l'existence d'infiltrations, en mai 2016, provenant des parties communes.

Ils expliquent que seule l'expertise judiciaire a permis de comprendre la cause des infiltrations affectant le bien des époux [Y] [R]. Ils relèvent avoir découvert, par le biais de l'expertise judiciaire, l'état particulièrement dégradé de leur bien qui était loué, avec l'installation de la douche litigieuse, mise en place sans qu'ils en aient été informés.

Ils en concluent que leur responsabilité pour trouble anormal de voisinage ne peut être retenue puisque ce trouble n'a été découvert qu'au cours des opérations d'expertise et qu'il y a été mis fin dans le même cadre.

Ils précisent que d'autres fuites affectant le logement des époux [Y] [R] ont été révélées dont l'origine ne trouve pas sa source dans leur appartement.

Ils ajoutent n'avoir pas été mis en demeure de faire cesser un prétendu trouble occasionné par leurs locataires dans la jouissance de leurs parties privatives.

Subsidiairement, ils sollicitent la garantie des époux [U] qui ont violé leurs obligations de locataires et qui ont installé la douche, origine des désordres, en violation des règles de l'art, sans y avoir été autorisés et sans les avoir informés.

Ils indiquent que les dommages aux embellissements du logement des époux [Y] [R] ont plusieurs causes si bien qu'ils ne peuvent prétendre à être indemnisés selon le devis versé au débat. Ils précisent que ces derniers ont été en partie indemnisés par leur assureur et notent qu'ils doivent justifier d'un refus de mobilisation de leur assureur d'une garantie au titre de l'aggravation du dommage.

Ils contestent le préjudice de jouissance allégué par les époux [Y] [R] au motif que leur appartement a toujours été habitable. Ils déclarent que les fuites ont été réparées avant et pendant les opérations d'expertise.

L'assureur fait état des franchises et plafonds prévus dans la police d'assurance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 03 janvier 2024.

MOTIVATION

Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ou encore excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Selon l'article L 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Selon l'article 7 de la loi du 06 juillet 1989, le locataire doit prendre à sa charge l'entretien courant du logement et ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire.

L'expert a effectué sa mission avec conscience, objectivité et impartialité; dès lors, les conclusions de son rapport constituent une base technique d'appréciation valable pour statuer sur les diverses demandes formulées dans le cadre de cette procédure.

L'expert judiciaire a relevé que l'appartement des époux [Y] [R] souffrait de désordres dans la cuisine, le hall d'entrée, dans deux chambres, dans un WC, une salle d'eau et une salle de bains (page 17 et 18 de son rapport).

Il a exposé avoir fait effectuer des recherches de fuite par une entreprise spécialisée ce qui lui a permis de constater que l'origine des désordres est un dégât des eaux provenant du bien appartenant aux époux [X], loué aux époux [U]. Il a expliqué que ce dégât des eaux se situait dans la salle d'eau attenante à la chambre 1. Il a relevé que compte tenu de l'état de vétusté très avancé de l'appartement occupé par les époux [U] (revêtement du sol et cloison entre deux chambres complètement désagrégés par l'humidité notamment), l'origine du sinistre était en lien avec de multiples fuites, longtemps laissées sans réparation, dans la salle d'eau. Il a relevé que la douche, qui avait été installée à la demande de M.[U] ne l'avait pas été dans les règles de l'art.

Ainsi, l'expertise permet d'établir, sans que les époux [X] ne démontrent l'inverse, que les dommages causés aux pièces du logement des époux [Y] [R] précédemment évoquées, sont en lien avec le dégât des eaux issu du logement appartenant aux époux [X]. L'expert, dans une réponse à un dire, a relevé n'avoir pas indiqué que les dommages affectant la chambre 2, la salle d'eau et la salle de bains des époux [R] [Y] étaient en lien avec les fuites trouvées chez eux. Il a précisé que le rapport SARETEC du 02 décembre 2015 [mandaté par l'assureur des époux [Y] [R]], qui notait que le sinistre [subi par les époux [Y] [R]] semblait provenir d'une fuite sur les canalisations d'alimentation en eau chaude du chauffage central, avait été effectué sans recherche de fuite ni visite de l'appartement occupé par les époux [U]; il a ajouté que ce rapport n'était pas formel sur l'origine du sinistre; il a écarté les conclusions putatives de ce dernier en notant, après avoir procédé pour sa part à une recherche de fuite et visité l'appartement occupé par les époux [U], que l'origine du sinistre subi par les époux [Y] [R] était dû à de multiples fuites longtemps laissées sans réparation dans la salle d'eau, attenante à la chambre 1, du logement appartenant aux époux [X].

Le trouble anormal de voisinage est une responsabilité objective, sans faute.

Les époux [Y] [R], victimes d'un trouble anormal de voisinage du fait des désordres affectant leur logement et provenant du logement appartenant aux époux [X], occupé par les époux [U], sont en droit d'en demander réparation aux époux [X], qui ne peuvent s'exonérer en alléguant d'une absence de mise en demeure préalable de faire cesser le trouble ou de connaissance du trouble. En tout état de cause, par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 mai 2016, le mandataire des époux [X] était avisé des désordres affectant le logement des consorts [Y] [R] dont l'origine supposée était le logement occupé par M.[U], même s'il était évoqué que la cause des désordres proviendrait des parties communes.

Les époux [X] ne peuvent voir écarter leur responsabilité au titre du trouble anormal de voisinage.

Ainsi ,sur ce fondement, la responsabilité des époux [X] et des époux [U] est engagée dans la survenance des désordres affectant le logement des époux [Y] [R]. Ces derniers peuvent également agir directement contre l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Sur l'indemnisation du préjudice des époux [Y] [R]

*sur la remise en état de l'appartement

Comme le relèvent les premiers juges, l'expert judiciaire avait noté que l'origine des désordres avait été réparée par les époux [U]. Il avait noté que les travaux nécessaires pour remédier aux désordres étaient des travaux de peinture avec préparation des supports de murs et de plafond. Il avait retenu le devis de la société GAD DESIGN (pièce 11) pour un montant de 9803, 20 euros TTC. Les époux [Y] [R] justifient avoir perçu de leur propre assureur la somme de 2165, 97 euros.

Dès lors, c'est à bon droit que les époux [Y] [R] sollicitent la condamnation in solidum des époux [X], des époux [U] et de la société MAIF, venant aux droits de la société FILIA-MAIF, à leur verser, la somme de 7637, 23 euros, au titre de la remise en état de leur logement. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

*sur le préjudice de jouissance

a) pendant la durée des travaux de remise en état

Les époux [Y] [R] sollicitent la condamnation in solidum des époux [X], des époux [U] et de la société MAIF, venant aux droits de la société FILIA-MAIF à leur verser la somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance lié à la durée de la réalisation des travaux. Cette somme, évaluée par l'expert judiciaire, répare intégralement leur préjudice et les époux [X] ainsi que leur assureur ne versent aucune pièce ni ne donnent aucun argument suffisamment sérieux pour écarter le montant de cette indemnisation. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

b) pendant la période du 05 août 2015 au 26 avril 2018

Le sinistre subi par les époux [Y] [R] a été constaté dès le 05 août 2015 par l'expert amiable (le cabinet SARETEC) diligenté par leur assureur. A l'époque, il était évoqué des désordres dans la cuisine et deux chambres. L'expert amiable mentionnait la nécessité de procéder à la réfection des peintures des murs et du plafond dans la cuisine et une chambre et la réfection des peintures du plafond dans une autre chambre.

L'état du logement a également été décrit par procès-verbal d'huissier le 10 octobre 2016. Il était constaté un important décollement de peinture au plafond de la cuisine, évocateur de traces d'infiltrations, avec des boursouflures et des taches ocres, ainsi que dans la salle de bains. L'huissier relevait notamment:

- des boursouflures matérialisant des traces d'infiltrations sur un mur dans une chambre, avec un taux d'humidité de 82% au dessus de la plinthe

- des bousouflures et de multiples taches sur le mur d'une autre chambre (au fond du couloir) et des traces de coulures, avec un taux d'humidité de 91% sur un mur (qui fait cloison avec la précédente chambre).

De son côté, l'expert judiciaire, qui s'est déplacé sur les lieux les 24 avril 2017, 04 juillet 2017 et 26 avril 2018, a constaté :

- dans la cuisine : des traces d'humidité et des décollements de peinture sur les murs et plafond dans l'angle, des traces d'humidité au droit des plinthes et des traces d'humidité et décollement de peinture sur les murs et le plafond,

- dans le hall d'entrée : des traces d'humidité et un décollement de peinture sur le plafond,

- dans la chambre (au fond du couloir ): des traces d'humidité et un décollement de peinture au plafond et sur un mur (avec des taux d'humidité entre 92 et 98%).

- dans une deuxième chambre : des traces d'humidité et des décollements de peinture sur un mur avec un décollement de la plinthe et un taux d'humidité entre 57 et 67%,

- dans les wc : un décollement de la peinture,

- dans la salle d'eau : des moisissures au plafond, au droit d'une gaine technique,

- dans la salle de bains : des traces d'humidité et un décollement de peinture au plafond, près de la bouche VMC.

L'origine des désordres a été réparée par les époux [U]. L'expert relevait qu'il restait à faire des travaux de peinture avec la préparation des supports de murs et de plafonds.

Il est incontestable que les époux [Y] [R] ont subi un trouble de jouissance puisque plusieurs pièces de leur appartement étaient affectées de traces d'humidité, dont deux chambres, même si leur logement n'était pas inhabitable. Les photographies versées au débat permettent de constater les désordres, qui sont assez importants. Ceux-ci ont été clairement identifiés dès le mois d'août 2015. Il convient de faire cesser ce trouble de jouissance à la date du dernier accedit de l'expert du 26 avril 2018, puisque l'origine des désordres était réparée et qu'il restait uniquement à faire des travaux d'embellissements.

L'expert a uniquement chiffré le préjudice de jouissance des époux [Y] [R] lié aux travaux de remise en état à effectuer, pendant une durée de deux à trois semaines.

Le préjudice de jouissance subi par les époux [R] [Y] sur la période du 05 août 2015 à celle du 26 avril 2018, peut être chiffré à 30% du montant du préjudice de jouissance subi lors de la réalisation des travaux, soit une somme arrondie à 7000 euros.

Il convient de condamner in solidum les époux [X], les époux [U] et la société MAIF à payer cette somme aux consorts [R] [Y].

Sur l'appel en garantie

Il est établi que le sinistre subi par les époux [Y] [R] résulte de la pose d'une douche par les époux [U], installation faite sans autorisation du bailleur et en contravention aux règles de l'art, ce qui constitue une violation par ces derniers de leur obligation de locataires. Il convient en conséquence de les condamner in solidum à garantir les époux [X] et leur assureur, la société MAIF, de toutes les condamnations prononcées contre ces derniers.

La formulation au sein des conclusions des époux [X] et de la MAIF, selon laquelle il convient de faire application des plafonds et franchises prévus par la police d'assurance n'est pas une demande au sens 4 du code de procédure civile. Par ailleurs, la MAIF ne peut opposer aucune franchise aux tiers à l'assurance, à savoir les époux [Y] [R].

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les époux [X], les époux [U] et la société MAIF sont essentiellement succombants. Ils seront condamnés in solidum aux dépens de première instance (comprenant les frais d'expertise) et d'appel.

Les demandes des époux [X] et de la société MAIF au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel formées à l'encontre des époux [Y] [R] seront rejetées.

Les époux [U] sont succombants dans le cadre de l'appel en garantie formé contre eux par les époux [X] et son assureur la MAIF.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge des époux [Y] [R] les frais irrépétibles qu'ils ont exposés en première instance et en appel.

Le jugement déféré qui a condamné in solidum les époux [X], la SA FILIA MAIF (aux droits de laquelle vient la MAIF) et les époux [U] aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire et les a condamnés in solidum au versement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmé.

Les époux [X], la MAIF et les époux [U] seront condamnés in solidum à verser aux époux [R] [Y] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Enfin, les époux [U] seront condamnés in solidum à verser aux époux [X] et à la MAIF la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel exposés par ces derniers.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt par défaut, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum M. [E] [U] et Mme [W] [U], M. [B] [X] et Mme [C] [X] et la SA FILIA MAIF à verser à Monsieur [G] [Y] [R] et à Madame [V] [T] -[R] épouse [Y] [R] la somme de 500 euros ( cinq cents euros ) au titre du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux de remise en état du bien, rejeté la demande d'application de la franchise contractuelle de la SA FILIA MAIF, condamné in solidum M. [E] [U] et Mme [W] [U], M. [B] [X] et Mme [C] [X] et la SA FILIA MAIF à verser à Monsieur [G] [Y] [R] et à Madame [V] [T] -[R] épouse [Y] [R] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes de M. et Mme [X] et de la SA FILIA MAIF de leur demande au titre des frais irrépétibles à l'encontre de M. et Mme [R] [Y], condamné in solidum M. [E] [U] et Mme [W] [U], M. [B] [X] et Mme [C] [X] et la SA FILIA MAIF aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire et condamné in M. [E] [U] et Mme [W] [U] à relever et garantir M. [B] [X] et Mme [C] [X] ainsi que la SA FILIA MAIF de toutes condamnations prononcées à leur encontre,

INFIRME pour le surplus,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE in solidum M. [E] [U] et Mme [W] [U], M. [B] [X] et Mme [C] [X] et la MAIF (venant aux droits de la SA FILIA MAIF) à verser à Monsieur [G] [Y] [R] et à Madame [V] [T] -[R] épouse [Y] [R] les sommes de :

* 7637,23 euros, au titre de la remise en état de leur logement

* 7000 euros en réparation de leur trouble de jouissance pendant la période du 05 août 2015 au 26 avril 2018

* 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE solidairement M.[E] [U] et Mme [W] [U] à relever et garantir M.[B] [X], Mme [C] [X] et la MAIF de toutes les condamnations prononcées à leur encontre,

CONDAMNE in solidum M.[E] [U] et Mme [W] [U] à verser à M.[B] [X], Mme [C] [X] et la MAIF la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel exposés par ces derniers.

CONDAMNE in solidum M. [E] [U] et Mme [W] [U], M. [B] [X] et Mme [C] [X] et la MAIF (venant aux droits de la SA FILIA MAIF) aux dépens de la présente procédure.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 20/11900
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;20.11900 ?
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