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14/03/2024 | FRANCE | N°19/11630

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 14 mars 2024, 19/11630


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2024



N° 2024/









Rôle N° RG 19/11630 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BET4F







Société GENERALI VIE





C/



[T] [F]













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Carole CAVATORTA



Me Etienne DE VILLEPIN





















Déc

ision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 13 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/03509.





APPELANTE



Société GENERALI VIE

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Carole CAVATORTA de la SCP CAVATORTA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 19/11630 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BET4F

Société GENERALI VIE

C/

[T] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Carole CAVATORTA

Me Etienne DE VILLEPIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 13 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/03509.

APPELANTE

Société GENERALI VIE

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Carole CAVATORTA de la SCP CAVATORTA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCEet ayant pour avocat plaidant Me Martin LE TOUZE du PARTNERSHIPS HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [T] [F]

née le [Date naissance 1] 1960, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MÖLLER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

Faits constants :

Madame [T] [F] a exercé depuis 1994 l'activité de courtier en assurance au sein de sa société « PREVOYANCE ET PATRIMOINE ».

Madame [T] [F] adhérait, à titre personnel, le 21 décembre 2004 à l'association de type loi du 1er juillet 1901, dénommée Association Générale de Retraite et de Prévoyance (AGRP). Le même jour ladite association souscrivait un contrat collectif « La retraite R94 », proposé par la société GENERALI VIE, pour le compte de ses adhérents.

Ce contrat entrait en vigueur le 1er décembre 2004. Ledit contrat prévoyait, selon l'option choisie par madame [F], un versement sous forme de rente au profit du conjoint survivant. Les conditions contractuelles de ce produit stipulaient un taux technique garanti brut de 2% pendant la période de constitution et de 3,50% pendant la phase de restitution.

Lors de l'assemblée générale de l'association AGRP, en date du 5 janvier 2009, Mme [F] n'était pas convoquée, il a été décidé la fusion-absorption de l'AGRP par l'association Le Cercle des épargnants. Cette absorption prenant rétroactivement effet en date du 1er janvier 2009.

Le 18 mai 2016 le Conseil d'administration du Cercle des épargnants adoptait une résolution qui avait pour impact de modifier les conditions du contrat collectif souscrit « La Retraite R94 » et dont Mme [T] [F] était partie.

Le 25 août 2016 madame [T] [F] était informée des modifications de son contrat par la transmission d'un courrier recommandé avec accusé de réception contenant un avenant au contrat collectif. Ce dernier, indiquait qu'à effet du 1er janvier 2017, et pour les seules cotisations versées à compter de cette date, "le taux d'intérêt technique sera de 0,6% brut, soit 0% net de frais de gestion". En outre, l'avenant comprenait un barème amendé permettant à l'épargnant de déterminer le montant de sa rente constituée.

***

Procédure :

Par acte d'huissier en date du 29 mai 2017, Madame [F] a assigné GENERALI VIE et LE CERCLE DES EPARGNANTS devant le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence, notamment pour constater l'inopposabilité des décisions prises par l'association le CERCLE DES EPARGNANTS.

Par jugement en date du 13 juin 2019, le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

CONSTATE l'inopposabilité de la résolution 3 de l'assemblée générale de l'association le Cercle des épargnants du 18 mai 2016 à l'égard de [T] [F],

CONDAMNE GENERALI VIE à maintenir les garanties initialement souscrites lors de l'adhésion de [T] [F] au contrat de groupe sur la base des taux d'intérêt contractuellement fixé à 2% durant la phase de constitution et à 3,50% durant la période de service viagère ;

DEBOUTE [T] [F] de sa demande de dommages-intérêts (')

CONDAMNE GENERALI VIE à payer à [T] [F] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; (')

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement ;

CONDAMNE GENERALI VIE aux dépens".

Par déclaration d'appel n° 19/11630 en date du 17 juillet 2019, la société GENERALI VIE interjette appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 13 juin 2019, à l'encontre de madame [T] [F], en ce qu'il a :

Constaté l'inopposabilité de la résolution 3 de l'assemblée générale de l'association le Cercle des Epargnants du 18 mai 2016 à l'égard de [T] [F].

Condamné GENERALI VIE à maintenir les garanties initialement souscrites lors de l'adhésion de [T] [F] au contrat de groupe sur la base des taux d'intérêt contractuellement fixé à 2% durant la phase de constitution et à 3,50% durant la période de service viagère

Débouté GENERALI VIE de sa demande à l'égard de l'association Le Cercle des Epargnants

Condamné GENERALI VIE à payer à [T] [F] la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement

Condamné GENERALI VIE aux dépens.

Les conclusions d'appelant étaient notifiées le 14 octobre 2019 à Mme [F].

Madame [T] [F] formait appel incident et transmettait ses conclusions en date du 07 janvier 2020.

Ni la société GENERALI VIE, ni madame [F] n'ont formulé appel à titre principal ou incident à l'encontre de l'association du Cercle des épargnants.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

La société GENERALI VIE, par ses conclusions récapitulatives n°8 signifiées par RPVA le 01 juin 2023 demande à la Cour :

Vu l'article 2224 du Code civil,

Vu l'article L. 141-4, L. 141-7, R. 141-2 et R. 141-5 du Code des assurances,

Vu les articles 330, 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

Recevant Generali Vie dans son appel et l'y déclarant bien fondé,

Il est demandé à la Cour de :

' Recevoir Generali Retraite en son intervention volontaire,

' Infirmer le jugement rendu le 13 juin 2019 par le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence dans ses dispositions dévolues à la Cour ;

Statuant de nouveau, de :

' Débouter Madame [F] de l'ensemble de ses demandes, prétentions et conclusions ;

' Condamner Madame [F] au paiement à Generali Vie d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' Condamner Madame [F] aux entiers frais et dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Carole Cavatorta, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société GENERALI VIE soulève une fin de non-recevoir fondée sur l'article 2224 du Code civil .L'appelant considère que la prescription de l'action de madame [F] est acquise en ce qu'elle évoque la non-opposabilité des résolutions adoptées postérieurement à la fusion-absorption de L'AGRP par le Cercle des épargnants, opération réalisée lors de l'assemblée générale du 5 janvier 2009, dans le cadre de laquelle madame [F] n'avait pas été convoquée. La société GENERALI VIE considère que c'est au juge du fond de statuer sur cette fin de non-recevoir car cette dernière a vocation à remettre en cause ce qui a été jugé en première instance. A ce titre, l'appelant évoque un avis rendu par la Cour de cassation le 3 juin 2021.

La société GENERALI VIE se prévaut de la qualité de professionnelle de madame [F] qui, en tant que courtier en assurances, commercialisait auprès de la société GENERALI VIE, 79 contrats individuels de retraite ou de prévoyance faisant intervenir une association souscriptrice. Dès lors, bien que non-convoquée lors de l'assemblée générale du 5 janvier 2009, l'intimée était informée de la fusion-absorption litigieuse. En outre, elle n'a pas manifesté une volonté de refuser d'adhérer à l'association le Cercle des épargnants. A ce titre, l'appelant évoque une position doctrinale qui considère qu'avant la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014, les membres d'une association absorbée devenaient de facto membre de l'association absorbante, sauf manifestation de volonté contraire de leur part.

La société GENERALI VIE considère qu'il résulte des arguments précités la validité des résolutions adoptées lors de l'assemblées générales du 18 mai 2016 et notamment de la modification à la baisse du taux technique initialement consenti. L'appelant considère, au visa de l'article L. 112-2 du Code des assurances que la présence d'une clause dans la notice d'information prévoyant la faculté de modifier le contrat n'est pas une condition essentielle pour procéder à la diminution du taux technique.

La société GENERALI VIE évoque un arrêt de la Cour de cassation (Cass., ch. Mixte, 23 novembre 2004, n°03-13.673) qui consacre l'assimilation de tous les contrats d'assurance dont les effets dépendent de la durée de la vie humaine à un contrat d'assurance sur la vie. Elle estime que le courrier de madame [F] adressé à la société GENERALI VIE, en date du 7 avril 2018, est resté sans réponse après plus de 10 jours ne permet pas à cette dernière de se prévaloir des dispositions de principe de l'article 112-2 du Code des assurance car l'exception consacrée par ce même article évoque l'exclusion des contrats d'assurance sur la vie.

***

Mme [T] [F], par conclusions d'intimée n°6 notifiées par RPVA 30 juin 2022 demande à la cour :

Vu les articles 7, 14 et 31 du Code de procédure civile

Vu le principe aux termes duquel « nul ne plaide par procureur »

Dire et juger que GENERALI VIE est irrecevable à présenter les moyens développés par l'association LE CERCLE DES EPARGNANTS devant les premiers juges.

Vu les dispositions de l'article L 141'1 et L 141-6 du Code des assurances

Vu l'absence de convocation de Madame [F] à l'assemblée générale de l'AGRP du 5 janvier 2009 validant la fusion-absorption

Vu la dissolution de l'association souscriptrice

Vu les statuts de l'association LE CERCLE DES EPARGNANTS

Vu la décision de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) du 11 mars 2020

Constater l'inopposabilité des décisions de l'association LE CERCLE DES EPARGNANTS

Subsidiairement dire et juger nulles les convocations, l'ordre du jour et l'assemblée générale de du 18 mai 2016

En tout état de cause vu les articles 1101 et suivants du Code civil

Vu le calcul du préjudice reconnu est déterminé par la société GENERALI VIE, confirmer le jugement querellé en son principe.

Condamner la société GENERALI VIE à son offre : 463,76 euros (Conclusions GENERALI VIE n°7 du 06/06/2022)

Vu l'appel incident de Madame [F]

Réformer le jugement querellé

CONDAMNER la société GENERALI à la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts

CONDAMNER la société GENERALI à la somme de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Madame [F], considère que la société GENERALI VIE n'est pas habilitée à contester des moyens auxquels l'association le CERCLE DES EPARGNANTS a acquiescé lors du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence le 13 juin 2019. A l'appui de ses considérations madame [F] évoque le principe « nul ne plaide par Procureur » ainsi que les articles 7, 14 et 31 du Code de procédure civile..

Elle est également irrecevable au regard des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, l'appelant n'ayant pas soulevé devant le premier juge cette fin de non-recevoir.

Madame [F] considère que la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil n'est pas applicable au cas d'espèce.

Le contrat d'assurance portant sur la vie, la prescription applicable est décennale au visa de l'article L.114-1 du Code des assurances. En outre, l'article L. 141-1 devenu l'article L. 141-4 du Code des assurances imposait, tant à l'AGRP qu'à L'association du Cercle des Epargnants, d'informer par écrit madame [F] des modification apportées à ses droits et obligations, trois mois au moins avant la date d'entrée en vigueur de ces modifications. A ce titre, madame [F] estime ne pas avoir été informée par ces associations des modifications apportées à son contrat. Cette dernière relève qu'au regard de l'article R 141-6 al 5 le taux est un élément essentiel du contrat, sa modification imposait donc une information préalable.

Madame [T] [F] se prévaut de l'inopposabilité des décisions prises par L'association du Cercle des Epargnants conséquence de l'inopposabilité de la fusion absorption entre les deux associations alors qu'elle constitue pour le moins une modification essentielle du contrat.

Elle évoque la condamnation de la société GENERALI VIE par l'AUTORITE DE CONTROLE PRUDENTIEL ET DE RESOLUTION, en date du 11 mars 2020, dans le cadre de laquelle un blâme assorti d'une sanction pécuniaire de 10 millions d'euros a été infligé à la Société GENERALI VIE au titre de griefs ayant porté atteinte aux droits des assurés des contrats retraites. Suite à cette condamnation, la société GENERALI VIE avait demandé l'anonymisation du nom des produits retraite concernés.

Madame [F] considère que l'intangibilité de son contrat initial est acquise, sur le fondement de l'article L. 112-2 du Code des assurances. A ce titre, elle évoque un courrier recommandé en date du 07 avril 2018, dans le cadre duquel elle demande à la société GENERALI VIE le maintien des conditions initiale, ce dernier étant resté sans réponse elle estime que cette demande a été implicitement acquise passée dix jours.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2023 et l'affaire fixée à l'audience des plaidoiries le 10 janvier 2024

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel de GENERALI au regard de l'adage « nul ne plaide par procureur»

Madame [F] conteste la recevabilité de la société GENERALI VIE, et donc de l'assureur, à présenter les moyens développés par l'association Le Cercle Des Epargnants, le souscripteur, devant les premiers juges au visa des articles 7, 14 et 31 du Code de procédure civile.

Toutefois, en sa qualité d'assureur de groupe débiteur « in fine » des prestations dues à madame [F], la société GENERALI VIE a intérêt à l'opposabilité de la fusion absorption entre AGPR et l'association Le Cercle Des Epargnants, condition de l'opposabilité à l'assurée de la résolution adoptée relative à l'avenant modifiant les tables de mortalité et les taux d'intérêts garantis et procédant à l'ajustement du taux d'intérêt technique.

Par voie de conséquence la demande madame [F] tendant à l'irrecevabilité de la société GENERALI VIE à présenter les moyens développés par l'association Le Cercle Des Epargnants devant les premiers juge doit être rejetée.

Sur la compétence pour connaître et la recevabilité du moyen de la prescription soulevé de GENERALI au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile

Madame [F] se prévaut de l'irrecevabilité de la prescription invoquée par l'appelante pour la première fois en cause d'appel et devant la Cour plutôt que devant le conseiller de la Mise en Etat.

Generali fait valoir que s'agissant d'une fin de non-recevoir, elle peut être proposée en tout état de cause et qu'elle relève de la compétence de la cour pour remettre en cause la décision de première instance.

L'article 564 dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Par avis du 03 juin 2021 n°21-70006 la cour de cassation a indiqué au visa de l'article 907 du code de procédure civil et du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 que le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge.

Par avis du 11 octobre 2022 n° 15012 B la cour de cassation a précisé que l'examen des fins de non-recevoir édictées aux articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, relatives pour la première à l'interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel et pour la seconde à l'obligation de présenter dès les premières conclusions l'ensemble des prétentions sur le fond relatif aux conclusions, relève de l'appel et non de la procédure d'appel.

Il en résulte que l'irrecevabilité tirée de la prescription soulevée par GENERALI relève de la compétence de la Cour et non de celle du conseiller de la mise en Etat.

*Sur la qualification de demande nouvelle de la fin de non-recevoir tirée de la prescription

La demande tendant à voir juger prescrite la prétention adverse constitue une fin de non-recevoir en application de l'article 122 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause et donc pour la première fois en cause d'appel (cassation 1er décembre 2016 n°15-27143) et sans que le dépôt préalable de conclusions au fond s'y oppose (cassation 12avril 2018 n°17-15434)

Il en résulte que l'irrecevabilité tirée de la prescription soulevée par GENERALI est recevable même soulevée pour la première fois devant la Cour.

Sur la prescription de l'action de madame [F] en contestation de la fusion des associations AGRP et Le Cercle des Epargnants :

Madame [F] a assigné GENERALI VIE et Le Cercle Des Epargnants devant le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence par actes d'huissiers en date du 29 mai 2017 afin que les décisions de l'association le Cercle des Epargnants lui soient déclarées inopposables sur le fondement des articles L141-1 et L141-6 du code des assurances.

Elle soutient que la fusion absorption entre les associations AGPR et Le Cercle Des Epargnants ne lui étant pas opposable, les décisions de l'association Le Cercle Des Epargnants lui sont inopposables.

GENERALI fait valoir que l'action de madame [F] est irrecevable en application de l'article 2224 du code de procédure civile qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'assureur précise que le point de départ de la prescription est le courrier adressé le 20 décembre 2008 informant madame [F] que d'ici le début de l'année 2009, l'AGPR, souscripteur, devait fusionner avec le Cercle des Epargnants.

L'assureur se prévaut également de l'attestation fiscale délivrée au titre de l'année 2010 mentionne expressément l'association souscriptrice comme étant le Cercle des Epargnants

Il se réfère à deux décisions du tribunal judiciaire de Marseille ayant statué en ce sens.

Madame [F] estime que le délai d'action court à compter de la délivrance d'une information effective conforme aux dispositions des articles L141-4 du code des assurances, la fusion absorption des associations AGRP et CDE étant une modification essentielle du contrat.

L'article L141-4 anciennement L140-4 du code des assurances prévoit que le souscripteur est tenu d'informer par écrit les adhérents des modifications apportées à leurs droits et obligations, trois mois au minimum avant la date prévue de leur entrée en vigueur.

La preuve de la remise de la notice à l'adhérent et de l'information relative aux modifications contractuelles incombe au souscripteur.

L'adhérent peut dénoncer son adhésion en raison de ces modifications.

Les statuts de l'association AGPR prévoient d'une part les assemblées générales ordinaires régies par l'article 9 et d'autre part les assemblées générales extraordinaires régies par l'article 10.

La fusion absorption suppose une assemblée générale extraordinaire approuvant le traité de fusion absorption.

Si aucune disposition ne prévoit une convocation des associés par lettre recommandée, l'assemblée générale extraordinaire devant approuvé la fusion devait être convoquée au moins 15 jours à l'avance.

L'assemblée générale extraordinaire de l'AGPR approuvant la fusion entre AGPR et l'association Le Cercle des Epargnants signée du président et du secrétaire s'est tenue le 05 janvier 2009.

Il en résulte que le courrier de convocation aurait dû être délivré au moins 15 jours à l'avance (article 9 et 10 des statuts de l'association) soit le 20 décembre 2008.

La lettre d'information adressée le 20 décembre 2008 que GENERALI prétend avoir adressé à madame [F] est une lettre simple qui émane de l'assureur et non de l'association AGPR seule habilitée à convoquer l'assemblée générale.

Elle ne peut valoir convocation.

Elle est rédigée comme suit :

D'ici le début de l'année 2009, l'AGPR sera amenée à évoluer afin de mieux répondre aux attentes des épargnants. Sous réserve de l'accord des assemblées générales extraordinaires, l'AGPR devrait, en effet fusionner avec le Cercle des Epargnants, Fédération de l'Epargne de la Retraite et de la Prévoyance. Cette fusion ne modifiera en rien les contrats et droits attenants.

Cette fusion donnera lieu à une communication spécifique.

Elle rappelle ensuite la faculté de transfert du contrat en application de l'article L132-23 du code des assurances.

Un courrier rédigé au conditionnel , faisant état d'une fusion sous condition de l'approbation du traité de fusion par l'AG de l'association absorbée soit l'AGRP à une date non communiquée , mentionnant expressément que les contrats et droits attenants ne seront modifiés en rien par le projet de fusion et que cette fusion donnera lieu à une communication spécifique est inapte à faire courir un délai de prescription d'une action en contestation de la fusion envisagée alors qu'il n'est pas établi que le courrier complémentaire annoncé ait été effectivement envoyé à l'intéressée .

S'agissant des attestations fiscales délivrées l'année suivante pour chacun des exercices 2010 à 2013 et donc en dernier lieu en 2014, elles mentionnent en caractères ordinaires :

« Désignation de l'association souscriptrice : le cercle des épargnants »

Toutefois, en haut de page en première lecture et à l'entre rouge figure le logo de GENERALI,

En fin de page est indiquée la mention suivante :

« L'utilisation de cette attestation ne saurait engager la responsabilité de GENERALI Vie »

Le courrier est signé « GENERALI »

Ce courrier qui n'émane pas du souscripteur mais de l'assureur ne permet pas d'en déduire qu'il vaut connaissance par son destinataire de la fusion alors qu'il a en outre un tout autre objet, qu'il s'agit d'une attestation de droits et non d'une notification contractuelle.

Les attestations fiscales suivantes sont différentes en ce qu'il n'est pas précisé que GENERALI est le signataire.

Toutefois, sont maintenus en haut de page en première lecture et à l'entre rouge le logo de GENERALI,

En fin de page la mention :

« L'utilisation de cette attestation ne saurait engager la responsabilité de GENERALI Vie »

De plus, les courriers de situations annuelles envoyées au cours de la même qui correspondent à des pièces relatives aux relations des parties du contrat d'assurance de groupe ne mentionnent pas l'association Le Cercle Des Epargnants et indique expressément qu'il convient de s'adresser à Generali -Particuliers Gestion Epargne & Retraite.

Il en résulte qu'il ne peut être prétendu que le titulaire du droit de contestation de l'opposabilité de la fusion objet du litige et de ses effets sur les relations contractuelles a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ces droits à savoir la fusion absorption de l'association AGPR en 2008 et du fait de la notification d'attestations fiscales pour les exercices 2010 à 2013.

Toutefois, il n'est pas contesté et il ressort des pièces produites par madame [F] que la dissolution de l'AGPR a été déclarée en préfecture le 15 avril 2009 et a fait l'objet d'une publication au JO le 11 juillet 2009.

Madame [F] ayant saisi le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence par acte d'huissier en date du 29 mai 2017, elle n'est pas recevable à contester l'opposabilité de la fusion absorption entre l'AGPR et Le Cercle Des Epargnants, l'action ayant été exercée dans un délai supérieur à 5 ans à compter de la date de la publication de la dissolution de l'AGPR.

Par voie de conséquence, elle est devenue de plein droit membre de l'association Le Cercle Des Epargnants.

Sur l'opposabilité de la résolution de l'association Le Cercle Des Epargnants notifiées le 25 août 2016

L'article 16 des statuts de l'association Le cercle des Epargnants prévoit en son article 16 que les adhérents sont convoqués aux assemblées générales par lettre simple adressée 30 jours à l'avance.

La convocation mentionne l'ordre du jour et contient les projets de résolution présentés pat le conseil d'administration ou par les adhérents.

Il est justifié par GENERALI de la convocation à l'assemblée générale de l'association le Cercle Des Epargnants prévue le 18 mai 2016 adressée par lettre simple du 08 avril 2016 à madame [F].

Cette convocation mentionne l'ordre du jour et notamment la ratification des avenants objet du litige, la possibilité de donner procuration.

Sont joints les projets de résolutions, les formulaires de procuration et de candidature au conseil d'administration.

Madame [F] ne justifie pas d'une violation des dispositions du statut de l'association Le cercle des Epargnants de nature à lui rendre inopposable les décisions prises par l'assemblée générale de celle-ci du 18 mai 2016 dont le procès-verbal est produit.

Par lettres recommandées avec accusés de réception, l'association Le cercle des Epargnants a notifié à madame [F] la modification du taux d'intérêt technique, l'avenant au contrat prévoyant la modification relative aux tables de mortalité et aux taux d'intérêts garantis et de la clause de participation aux bénéfices.

Il est expressément précisé que la retraite acquise au 31/12/2016 reste inchangée et que l'entrée en vigueur de ces dispositions est le 01 janvier 2017 soit dans un délai supérieur au délai de trois mois prévus par l'article L141-4 du code des assurances qui a ainsi été respecté.

Enfin, le courrier du 07 avril 2018 adressé par madame [F] exigeant le maintien des dispositions contractuelles initiales est sans incidence au regard de l'opposabilité de la décision de l'assemblée générale du 18 mai 2016 en vertu des dispositions relatives à l'assurance de groupe faisant obstacle à l'application de l'article L112-2 du code des assurances.

Ainsi, dans l'hypothèse où il n'est pas satisfait par la modification opérée par l'assemblée générale des associés, il appartient à l'adhérent d'exercer la faculté de dénonciation et de transfert du contrat prévues par l'article L132-23 du code des assurances.

Le jugement de première instance doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.

En ce qui concerne la demande de dommages intérêts de madame [F], elle doit être rejetée à défaut de démonstration de l'inopposabilité des modifications contractuelles opérées par avenant au contrat d'assurance de groupe et par voie de conséquence du préjudice résultant des dites modifications contractuelles.

Le jugement de première instance doit être confirmé sur ce point.

Partie perdante madame [F] doit être condamnée aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

Les circonstances de l'espèce et le fait que la société GENERALI ait soulevé tardivement au stade de la procédure d'appel l'irrecevabilité de l'action commandent de ne pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'appelante au-delà de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence du 13 juin 2019 rendu dans la procédure RG 17/03509 sauf en ce qu'il déboute madame [T] [F] de sa demande de dommages intérêts.

Statuant à nouveau,

Dit irrecevable comme prescrite l'action de madame [T] [F] ;

Rejette la demande de dommages intérêts de madame [T] [F] ;

Condamne madame [T] [F] à payer à la société GENERALI la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de madame [T] [F] sur ce fondement ;

Condamne madame [T] [F] aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel dont distraction au profit des avocats en ayant fait l'avance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

Signé par Madame Véronique MÖLLER, Conseillère, en lieu et place de Madame Inès BONAFOS, Présidente empêchée, et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Conseillère, en lieu et place de la Présidente empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/11630
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;19.11630 ?
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