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14/03/2024 | FRANCE | N°19/11189

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 14 mars 2024, 19/11189


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2024



N° 2024/









Rôle N° RG 19/11189 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BESUV







Compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE





C/



[P] [E]

[J] [W]









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Romain CHERFILS



Me Delphine GIRARD



Me Thierry GARBAIL











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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 04 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/03937.





APPELANTE



Société L'AUXILIAIRE

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-I...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 19/11189 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BESUV

Compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE

C/

[P] [E]

[J] [W]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Delphine GIRARD

Me Thierry GARBAIL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 04 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/03937.

APPELANTE

Société L'AUXILIAIRE

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Marie-noelle DELAGE de la SCP DELAGE - DAN - LARRIBEAU - RENAUDOT, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [P] [E]

né le 02 Décembre 1957 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Delphine GIRARD, avocat au barreau de GRASSE

Maître [J] [W] Me [W]

es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LOGRE & CIE

, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Thierry GARBAIL, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MÖLLER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS

Monsieur [P] [E] a confié la fourniture et la pose d'une chaudière au gaz ROTEX et d'un équipement de production d'eau chaude par panneaux solaires également de marque ROTEX pour le chauffage, la production d'eau chaude de sa résidence et le réchauffement de sa piscine, à la société Logre et Cie, assurée au titre de sa responsabilité décennale par l'Auxiliaire, moyennant le prix de 24.760,40euros.

Se plaignant d'un défaut d'étanchéité de l'évacuation des gaz de combustion de la chaudière, d'infiltrations d'eau en toiture et de la non-conformité des panneaux solaires posés en toiture, Monsieur [E] a sollicité la mise en 'uvre de la garantie décennale de la société Logre et Cie par correspondance du 07 décembre 2009.

Par correspondance du 09 juin 2010 et après expertise, l'Auxiliaire a considéré que seule la non-conformité des installations et du raccordement des évacuations de gaz brûlés relevait du contrat souscrit par la société Logre et Cie. Elle excluait les autres désordres au motif que l'activité souscrite par l'assuré concerne l'installation des panneaux solaires CLIPSOL et non ROTEX. Elle proposait donc une indemnisation partielle au titre du défaut d'étanchéité à hauteur de 1.606,67euros.

N'étant pas d'accord avec cette proposition, Monsieur [E] a obtenu, par ordonnance de référé en date du 23 février 2011, la désignation de Monsieur [S] [B] en qualité d'expert judiciaire.

Un premier rapport d'expertise judiciaire était ainsi déposé le 22 juillet 2011.

Par acte du 13 décembre 2011, Monsieur [E] a ensuite assigné en responsabilité la société Logre et Cie devant le tribunal d'instance de Grasse aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles 1147 et 1792 du code civil, la réparation de ses préjudices.

La société Logre et Cie a ensuite appelé en cause son assureur, la société d'assurance l'Auxiliaire.

Par jugement du 11 décembre 2012, le tribunal d'instance de Grasse s'est déclaré territorialement incompétent au profit du tribunal d'instance de Cagnes-sur-mer.

Se plaignant de l'aggravation des désordres, Monsieur [E] a sollicité du juge des référés une nouvelle mesure d'expertise. Cette demande a été rejetée par ordonnance en date du 20 février 2013 compte tenu de la saisine du tribunal d'instance pour trancher le fond du litige.

Par jugement du 11 mars 2014, le tribunal d'instance de Cagnes-sur-mer s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Grasse en raison du montant de la demande, excédant son taux de ressort.

Par ordonnance du juge de la mise en état du 21 novembre 2014, un complément d'expertise était ordonné, afin de vérifier notamment la réalité de l'aggravation des désordres, et confié à Monsieur [B] compte tenu d'une possible aggravation des désordres que le premier rapport avait mis en évidence et d'une dégradation de la chaudière.

Puis, maître [J] [W] était assigné en intervention forcée en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société Logre et Cie.

Les procédures étaient jointes par ordonnance du 15 octobre 2015.

Un second rapport d'expertise était déposé le 26 novembre 2015.

Suite à l'adoption du plan de redressement le 08 décembre 2015, maître [W] est intervenu volontairement en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par acte d'huissier en date du 16 mai 2018, Monsieur [E] assignait en intervention forcée maitre [W] en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Logre et Cie, prononcée par jugement du tribunal de commerce de Toulon le 20 février 2018 suite à la résolution du plan de redressement.

Par jugement en date du 04 avril 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a notamment :

-Constaté la réception tacite sans réserve des travaux effectués par la société Logre et Cie au 6 mai 2006,

-Fixé la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la société LOGRE ET CIE a la somme de 24.133,15€ toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires,

-Condamné la société l'Auxiliaire à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 24.133,15 € toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires,

-Débouté Monsieur [P] [E] de sa demande d'allocation d'une somme de 1.000€ en indemnisation de l'obligation de présence à son domicile durant les travaux de reprise,

-Fixé la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la société LOGRE ET CIE a la somme de 24.000€ au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 31 décembre 2008,

-Condamné la société l'Auxiliaire à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 24.000 € au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 31 décembre 2008,

-Débouté la société Logre et Cie de sa demande tendant à être relevée et garantie par la société Logre et Cie,

-Condamné la société l'Auxiliaire à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 3.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-Débouté les sociétés Logre et Cie et l'Auxiliaire de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-Condamné la société l'Auxiliaire aux entiers dépens en ce compris le cout des deux expertises judicaires, dont distraction au profit de Maitre Delphine Girard-Gidel, avocat, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile,

-Ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration d'appel en date du 10 juillet 2019, l'Auxiliaire a interjeté appel de ce jugement des chefs d'avoir :

-Constaté la réception tacite sans réserve des travaux effectués par la société LOGRE ET CIE au 6 mai 2006,

-Dit que les désordres sont de nature décennale et rendent l'ouvrage impropre à sa destination, relevant de la garantie décennale de la société Logre et Cie,

-Dit que les garanties souscrites auprès de l'Auxiliaire ont vocation à s'appliquer,

-Dit Monsieur [E] bien fondé à agir directement à l'encontre de l'assureur décennal,

-Fixé la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la société Logre Et Cie a la somme de 24.133,15€ toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires,

-Condamné la société l'Auxiliaire à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 24.133,15 € toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires,

-Fixé la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la société Logre Et Cie a la somme de 24.000€ au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 31 décembre 2008,

-Condamné la société l'Auxiliaire à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 24.000 € au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 31 décembre 2008,

-Condamné la société l'Auxiliaire à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 3.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-Débouté les société Logre et Cie et l'Auxiliaire de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-Condamné la société l'Auxiliaire aux entiers dépens en ce compris le cout des deux expertises judicaires,

-Ordonné l'exécution provisoire.

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

L'Auxiliaire (conclusions récapitulatives notifiées par rpva le 10 mars 2020) sollicite de la cour de :

Vu les articles 1147 (ancien) et 1792 du Code civil,

Vu l'article A. 243-1 du Code des assurances,

A TITRE PRINCIPAL

Sur la fin de non-recevoir :

Dire et juger que Monsieur [E] n'a pas interrompu les délais de prescription à l'encontre de la Compagnie L'AUXILIAIRE au titre des désordres pour lesquels Monsieur [B] a été désigné par ordonnance de référé du 23 février 2011 ;

Dire et juger que les travaux réparatoires qui ne résulteraient pas d'une aggravation de désordres déjà constatés par Monsieur [B] dans son rapport d'expertise judiciaire du 22 juillet 2011 se heurtent à l'expiration du délai de prescription décennal ;

Concernant les désordres affectant les capteurs solaires :

Dire et juger que les capteurs solaires ne constituent pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil,

Dire et juger que seule la responsabilité contractuelle de la société LOGRE et CIE peut être engagée,

Dire et juger que la Compagnie L'AUXILIAIRE ne garantit pas la responsabilité contractuelle de son assurée,

Dire et juger que la société LOGRE et CIE a procédé à la pose de capteurs thermiques CLIPSOL,

Dire et juger que la pose de capteurs thermiques ROTEX n'était pas prévue au titre des activités assurées par la police l'AUXILIAIRE n° 020-040333,

Dire et juger que, par conséquent, la garantie décennale souscrite par la société LOGRE auprès de la Compagnie l'AUXILIAIRE n'est pas mobilisable,

Concernant les désordres affectant la chaudière :

Dire et juger qu'en refusant le chiffrage proposé par la Compagnie l'AUXILIAIRE par courrier du 09 juin 2010, Monsieur [E] est responsable de l'aggravation des désordres,

Dire et juger qu'il ne revient pas à la Compagnie l'AUXILIAIRE de garantir l'aggravation des désordres subséquente au refus de Monsieur [E],

Dire et juger que la Compagnie l'AUXILIAIRE n'est redevable que de la somme de 1.608,87€.

En tout état de cause,

Dire et juger que la police a été résiliée le 31 décembre 2006, de sorte que les garanties facultatives ne peuvent être mobilisées au titre du sinistre intervenu et déclaré postérieurement

Dire et juger, concernant les dommages immatériels, que les garanties de la Compagnie L'AUXILIAIRE ne peuvent être mobilisées qu'au titre des préjudices pécuniaires, ce qui exclut l'indemnisation du préjudice de jouissance,

Par conséquent :

Infirmer le Jugement du 4 avril 2019 notamment en ce qu'il condamne la Compagnie L'AUXILIAIRE à payer à Monsieur [E] la somme de 24.133,15 € TTC au titre des travaux de reprise et 24.000 € au titre de son préjudice de jouissance,

Débouter Monsieur [E] de toute demande portant sur les travaux réparatoires préconisés par Monsieur [B] dans son rapport d'expertise judiciaire du 22 juillet 2011, chiffrés à la somme de 5.700 € ;

Débouter Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Compagnie l'AUXILIAIRE.

Limiter les sommes mises à la charge de la Compagnie L'AUXILIAIRE à 1.608,87 € ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

Dire et juger que la Compagnie L'AUXILIAIRE est fondée à opposer les plafonds et franchises contractuelles au maître d'ouvrage, Monsieur [E], s'agissant des garanties facultatives ;

SUR LES APPELS INCIDENTS :

Sur l'appel incident de Monsieur [E]

Concernant le quantum du préjudice matériel,

Dire et juger que le montant de 26.354,91 € TTC réglé à la société COMPAGNON DES ENERGIES SOLAIRES ne correspond pas au montant de 24.133,15 € alloué au titre des travaux de réparation

Dire et juger que cet écart de prix n'est pas justifié,

Dire et juger que l'expert judiciaire n'a jamais préconisé des travaux de réfection de la toiture pour la reprise des désordres,

Dire et juger qu'il n'a jamais été constaté au contradictoire des parties la nécessité de l'étendue des travaux de réfection de la toiture entrepris par Monsieur [E],

Dire et juger que Monsieur [E] n'est pas fondé à réclamer le paiement des travaux de réfection de sa toiture,

Concernant le quantum des préjudices immatériels,

Dire et juger qu'aucune garantie n'a été souscrite auprès de la Compagnie l'AUXILIAIRE par la société LOGRE et CIE de nature à assurer le préjudice immatériel de Monsieur [E],

Dire et juger qu'au surplus, concernant les dommages immatériels, les garanties de la Compagnie L'AUXILIAIRE ne peuvent être mobilisées qu'au titre de préjudices pécuniaires,

Dire et juger, par conséquent, la Compagnie l'AUXILIAIRE ne saurait être condamnée à indemniser Monsieur [E] pour son préjudice immatériel,

Dire et juger que Monsieur [E] ne justifie pas par des éléments objectifs probants la réalité d'un préjudice pécuniaire

Par conséquent :

Infirmer le Jugement querellé en ce qu'il condamne la Compagnie L'AUXILIAIRE à verser à Monsieur [E] la somme de 24.133,15 € au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires ;

Confirmer le Jugement querellé en ce qu'il a débouté Monsieur [E] de sa demande indemnitaire liée à son obligation de présence pendant les travaux de reprise,

Infirmer le Jugement querellé en ce qu'il condamne la Compagnie L'AUXILIAIRE à verser à Monsieur [E] la somme de 24.000 € au titre de son préjudice de jouissance,

Débouter Monsieur [E] de toute demande, fin, et conclusions à l'encontre de la Compagnie l'AUXILIAIRE,

Sur l'appel incident de la SARL LOGRE & CIE

Prendre acte de ce que la société L'AUXILIAIRE s'en rapporte à justice sur l'intervention volontaire de Me [W] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LOGRE & CIE,

Dire et juger que les capteurs solaires ne constituent pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil,

Dire et juger que, dans ces conditions, la responsabilité décennale de la société LOGRE et CIE ne saurait être retenue,

Dire et juger que la société LOGRE et CIE a procédé à la pose de capteur thermiques CLIPSOL,

Dire et juger que la pose de capteurs thermiques ROTEX n'était pas prévue au titre des activités assurées par la police l'AUXILIAIRE n° 020-040333,

Dire et juger que, par conséquent, la garantie décennale souscrite par la société LOGRE auprès de la Compagnie l'AUXILIAIRE n'est pas mobilisable,

Dire et juger que la société LOGRE & CIE n'a souscrit aucune garantie au titre des préjudices immatériels concernant son activité de construction ;

Dire et juger que la police a été résiliée le 31 décembre 2006, de sorte que les garanties facultatives ne peuvent être mobilisées au titre du sinistre intervenu et déclaré postérieurement

Par conséquent :

Débouter la SARL LOGRE & CIE de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société L'AUXILIAIRE,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

Condamner tous succombant à verser à la Compagnie l'AUXILIAIRE la somme de 4.000 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, sous sa due affirmation de droit.

Au soutien de ses conclusions, l'Auxiliaire invoque d'abord la prescription des demandes de Monsieur [E] à son encontre. Selon elle, ses conclusions d'incident notifiées le 04 juillet 2014 constituent le seul acte interruptif valable à son encontre mais il n'a pas valablement interrompu le délai de la forclusion décennale dès lors que les désordres de raccordement de la ventouse et de fixation anormale des capteurs ne se sont pas aggravés depuis la date du premier rapport de Monsieur [B], que les travaux préconisés dans le second rapport d'expertise judiciaire concernent les désordres pour lesquels l'expert avait été désigné en 2011, qu'il s'en déduit que Monsieur [E] n'ayant pas formulé de demande à son encontre au titre de ces désordres, la forclusion est arrivée à échéance le 09 mai 2016, soit dix ans après la date de réception.

Sur le fond, l'Auxiliaire conteste le caractère décennal des désordres affectant les capteurs solaires au motif que les panneaux solaires posés en toiture, qui ne constituent qu'un appoint dans l'installation, n'ont pas le caractère d'un ouvrage. En outre, elle conteste la mobilisation de sa garantie en l'absence d'activité souscrite. Elle reproche à l'expert judiciaire d'avoir outrepassé ses compétences en donnant une appréciation juridique à l'exclusion de sa garantie.

Concernant les désordres affectant la chaudière, l'Auxiliaire rappelle avoir pris une position de garantie qui n'a pas été acceptée par Monsieur [E] qui l'a jugée insuffisante. Par ce refus, il s'est rendu responsable de l'aggravation de ce désordre et ne peut prétendre au surcoût de réparation qui en résulte.

Concernant les dommages immatériels, l'Auxiliaire oppose la résiliation de sa garantie par courrier recommandé de la société Logre et Cie du 24 novembre 2006 et le caractère non-pécuniaire du préjudice de jouissance ou du préjudice résultant de l'obligation de présence. L'Auxiliaire reproche au tribunal d'avoir retenu qu'une garantie avait été souscrite par la société Logre et Cie au titre des dommages immatériels relevant de son activité de construction alors qu'au titre de la responsabilité civile construction, aucune garantie visant les préjudices immatériels n'aurait été souscrite.

S'agissant enfin du recours en garantie de maître [W], l'Auxiliaire dénonce l'absence de fondement juridique et l'absence de garantie mobilisable.

Monsieur [P] [E] (conclusions d'intimé 3 notifiées par rpva le 09 mai 2023) sollicite de :

Vu les dispositions les articles 1792, 1792-6, 1 792-4-1 et suivants du Code Civil ;

Vu les dispositions de l'article 238 et 2241 du Code Civil ;

Vu les dispositions de l'annexe de l'article A243-1 du Code des Assurances

Vu les dispositions de l'article L124-3 du Code des assurances,

Vu l'article 515 et 566 du Code de Procédure civile ;

DEBOUTER la société l'AUXILIAIRE de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

CONFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a constaté la réception tacite sans réserve des travaux effectués par la société LOGRE ET CIE au 6 mai 2006.

INFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a fixé la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la société LOGRE ET CIE à la somme de 24.133,15 € toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires.

INFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société L'AUXILIAIRE à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 24.133,15 € toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires.

FIXER la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la société LOGRE ET CIE à la somme de 36.965,51 € TTC au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires.

CONDAMNER la société L'AUXILIAIRE à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 36.965,5l € TTC au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires.

INFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a débouté Monsieur [P] [E] de sa demande d'allocation d'une somme de l.000€ en indemnisation de l'obligation de présence à son domicile durant les travaux de reprise.

FIXER la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la société LOGRE ET CIE à la somme de 1.000€ en indemnisation de l'obligation de présence à son domicile durant les travaux de reprise.

CONDAMNER la société L'AUXILIAIRE à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 1.000 € en indemnisation de l'obligati0n de présence à son domicile durant les travaux de reprise.

INFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a fixé la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la société LOGRE ET CIE a la somme de 24.000 € au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 31 décembre 2018.

FIXER la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la société LOGRE ET CIE à la somme de 32.500€ au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 2 décembre 2019.

CONDAIVINER la société L'AUXILIAIRE à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 32.500 € au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 2 décembre 2019.

CONFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société L'AUXILIAIRE à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 3.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a débouté les sociétés LOGRE ET CIE et L'AUXILIAIRE de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société L'AUXILIAIRE aux entiers dépens en ce compris le cotit des deux expertises judicaires, dont distraction au profit de Maitre Delphine GIRARD GIDEL, avocat, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile

CONDAMNER la Compagnie d'ASSURANCE L'AUXILIAIRE à verser à Monsieur [P] [E] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile concernant la procédure d'appel.

CONDAMNER la Compagnie d'ASSURANCE L'AUXILIAIRE aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Monsieur [E] soutient d'abord que les travaux de fourniture et de pose d'une chaudière à gaz et de panneaux solaires ont fait l'objet d'une réception tacite sans réserve le 06 mai 2006, date de la facture.

Concernant la prescription, il considère qu'elle a été interrompue par l'appel en garantie de la société Logre et Cie contre l'Auxiliaire le 30 mars 2012, puis par sa propre assignation en référé délivrée les 04 et 08 janvier 2013 à l'encontre de la société Logre et Cie et de l'Auxiliaire.

Il conclut au caractère décennal des désordres qui concernent des éléments d'équipement, n'étaient pas apparents à la date de la réception et rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination en mettant la sécurité des habitants en cause.

Monsieur [E] conteste l'absence de garantie invoqué par l'Auxiliaire au motif que la limite à l'installation de capteurs solaires CLIPSOL stipulée dans les activités assurées ne concernerait que la climatisation et non les panneaux solaires.

Il considère que le refus de garantie n'a pas de lien direct et exclusif avec les désordres qui existaient et persistent.

Sur la mise en 'uvre de la garantie, la résiliation de la police serait, selon lui, sans incidence dès lors que le fait générateur du dommage, à savoir les travaux litigieux, est intervenu pendant la période de garantie.

Il conclut que, selon le tableau des garanties et franchises, une garantie a bien été souscrite au titre de la responsabilité civile de la société Logre et Cie pour les dommages immatériels.

Selon Monsieur [E], l'expert n'a pas dépassé sa mission en indiquant que la définition des exclusions de garantie est imprécise et d'une portée mal définie.

Monsieur [E] conteste l'application des plafonds et franchises à la garantie décennale, qui serait contraire aux dispositions de l'annexe I de l'article A 243-1 du code des assurances.

Sur l'indemnisation des préjudices matériels, il conteste le montant qui lui a été alloué en ce qu'il est en dessous de ce qui lui a été facturé et de la nécessité de refaire la couverture compte tenu des dégradations résultant des travaux litigieux.

Sur les préjudices immatériels, il fait valoir qu'il devra être présent pendant les travaux de reprise et que cette contrainte mérite indemnisation. Ensuite, il conteste le montant alloué au titre de son préjudice de jouissance eu égard à l'importance des désagréments.

Maître [W] (conclusions n°1 notifiées par rpva le 14 janvier 2020) sollicite d'infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE du 04/04/19 en ce qu'il a statué ainsi :

-fixe la créance de Monsieur [E] au passif de la SARL LOGRE ET CIE à la somme de 24 133,15 € toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires

-condamne la société AUXILIAIRE à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 24 133,15 € toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires

-fixe la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la société LOGRE ET CIE à la somme de 24 000€ au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 31/12/08

-condamne la société L'AUXILIAIRE à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 24 000 € au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 31/12/08

-déboute la société LOGRE ET CIE de sa demande tendant à être relevée et garantie par la société LOGRE ET CIE (sic)

- déboute les sociétés LOGRE ET CIE et L'AUXILIAIRE de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du CPC

Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE du 04/04/19 en ce qu'il a statué ainsi :

-constate la réception tacite sans réserve des travaux effectués par la société LOGRE ET CIE au 06/05/06.

-déboute Monsieur [P] [E] de sa demande d'allocation d'une somme de 1 000 € en indemnisation de l'obligation de présence à son domicile durant les travaux de reprise

-condamne la société L'AUXILIAIRE à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du CPC

-condamne la société L'AUXILIAIRE aux entiers dépens en ce compris le coût des deux expertises judiciaires, dont distraction au profit de Me GIRARD-GIDEL.

Y ajoutant,

Donner acte à Me [W] de son intervention volontaire es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LOGRE & CIE.

Dire et juger qu'aucune condamnation ne saurait intervenir à l'encontre de Me [W] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LOGRE & CIE.

Dire et juger que l'indemnité relative au coût des travaux de reprise ne pourra excéder la somme de 22 122, 06 € TTC.

Débouter Monsieur [E] de toutes ses autres demandes.

Dire et juger que la Compagnie l'AUXILIAIRE doit garantir la SARL LOGRE & CIE.

Condamner la Compagnie l'AUXILAIRE à relever et garantir la SARL LOGRE & CIE de l'ensemble des condamnations et fixation de créance prononcée à son encontre.

Condamner la Compagnie l'AUXILIAIRE à payer à Me [W] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LOGRE ET CIE la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens de l'instance dont ceux d'appel distraits au profit de Me GARBAIL, Avocat, sur son affirmation de droit.

Au soutien de ses demandes, maître [W] conclut que, de jurisprudence constante, un système complexe de chauffage destiné à la fois au chauffage et à la production d'eau chaude sanitaire est considéré comme un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, qu'en l'espèce, tel est le cas de l'installation litigieuse. Il expose que l'Auxiliaire tente de placer le débat sur le terrain de la responsabilité contractuelle alors que ce n'est pas le fondement des demandes de Monsieur [E] et que le solaire ne serait qu'un appoint du système de chauffage.

Maître [W] conclut que les conditions de l'article 1792 du code civil sont réunies puisque la réception tacite peut être retenue : les travaux ayant été complètement exécutés, réglés et Monsieur [E] en ayant pris possession.

Maître [W] conteste le montant des travaux de reprise demandé par Monsieur [E] sur la base du mauvais taux de TVA, le taux applicable étant, selon lui, celui à 10% en application de l'article 279-0 bis du code général des impôts, soit la somme de 22.122,06euros. En revanche, il considère que le préjudice de jouissance pendant la durée des travaux est symbolique puisque devant se tenir dans une pièce non-habitable de la maison et que les autres postes de préjudices immatériels ne sont pas établis.

Sur la garantie de l'Auxiliaire, maître [W] conclut que cet assureur ne peut se prévaloir de la prescription de l'article L 114-1 du code des assurances dès lors que, suite à la déclaration de sinistre de la société Logre et Cie, une expertise amiable a été diligentée, qu'une proposition d'indemnisation a été faite à Monsieur [E] et que cet assureur a ensuite été assigné en garantie dans les délais légaux.

Selon maître [W], l'Auxiliaire doit sa garantie. En effet, il résulte des termes des conditions particulières de la police relatives aux activités assurées que la limitation de la garantie à l'installation de capteurs solaires CLIPSOL ne concerne que la climatisation et non l'ensemble des procédés spéciaux de chauffage. Il explique qu'une interprétation contraire serait incohérente car les techniques de géothermie et de pompe à chaleur ne comportent pas de capteurs solaires. Or, en l'espèce, l'installation litigieuse ne concerne pas la climatisation mais des accessoires à une chaudière à gaz.

L'affaire a été retenue à l'audience du 10 janvier 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 14 mars 2024.

MOTIFS

Sur l'intervention volontaire de maître [W] :

Il y a lieu de constater que maître [W] est intervenu volontairement en première instance en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Logre et Cie suite à sa désignation par jugement du tribunal de commerce de Toulon en date du 20 février 2018 ayant prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire.

Sur la prescription :

Selon l'article 1792 du code civil : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ».

L'article 1792-4-1 du même code dispose que : « Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article ».

Ce délai est un délai de forclusion.

L'article 2241 dispose que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ».

L'article 2242 dispose que « l'interruption résultant d'une demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ».

Enfin l'article 2243 dispose que « l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ».

L'article 123 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, y compris pour la première fois devant la cour d'appel.

L'Auxiliaire oppose, à titre principal, une fin de non-recevoir à l'encontre de Monsieur [E] au titre de la prescription pour les travaux réparatoires qui ne résulteraient pas d'une aggravation. L'analyse de la fin de non-recevoir invoquée par l'Auxiliaire impose, dans un premier temps, de statuer sur la nature de la responsabilité applicable en l'espèce.

Dans son premier rapport d'expertise du 22 juillet 2011 Monsieur [B] relevait les désordres en chaufferie affectant :

-le raccordement d'entrée d'air et d'évacuation des gaz brûlés de type « ventouse » de la chaudière à gaz : raccordement trop court, angles de raccordement induisant des fuites entre les différentes parties de l'équipement, défaut d'étanchéité,

-l'installation hydraulique : circulation anormale d'air et défauts de certaines branches hautes des tuyauteries du réseau hydraulique ne comportant pas de purgeurs automatiques.

Il relevait des désordres en toiture concernant :

-le raccordement des groupes de panneaux,

-l'absence de pente de vidange dans la pose des capteurs ROTEX entre le point bas du dernier capteur d'une série et le point bas du raccordement du premier capteur afin de permettre aux capteurs de se vider totalement lorsque la température des capteurs est inférieure à celle du ballon de stockage, alors que la notice de pose ROTEX impose une pente de 2,5% minimum, ce qui engendre un risque de gel et de destruction des capteurs

-la pose d'un groupe de deux panneaux partiellement à l'ombre de la cheminée,

-l'absence de raccordement à la terre des structures métalliques de deux groupes de panneaux,

-une rupture de l'étanchéité résultant de l'ancrage des fixations métalliques des panneaux sur le béton de la dalle de toiture en fond de tuiles à l'origine d'une rupture de l'étanchéité.

Ces désordres résultaient de malfaçons dans la mise en 'uvre ou de non-façons imputables à la société Logre et Cie et avaient pour conséquences des dépenses de chauffage anormales pour les désordres affectant la chaufferie, un risque de gel et de destruction des capteurs et des panneaux, une surconsommation ainsi que des fuites en toiture. La responsabilité de cette société doit donc être retenue.

L'expert considère que la réalisation défectueuse de la ventouse rend l'installation de chauffage au gaz impropre à sa destination compte tenu des dangers d'intoxication au monoxyde de carbone qu'elle engendre, que l'absence de raccordements à la terre des structures métalliques en toiture rend cette installation impropre à sa destination compte tenu des risques encourus de destruction de la régulation électronique, que la pose défectueuse des ancrages de panneaux, si elle ne fait pas indissociablement corps avec le couvert, affecte pourtant gravement celui-ci et le rend impropre à sa destination.

Dans son rapport du 26 novembre 2015, Monsieur [B] expose d'abord que les soupçons d'aggravation possible des désordres qu'il avait invoqués dans son premier rapport se sont confirmés par une destruction des capteurs par le gel et que la chaudière a subi une dégradation importante (fuite interne) due au mauvais positionnement du vase d'expansion.

L'expert confirme que le risque de destruction des capteurs par le gel, dénoncé en 2011, s'est réalisé. Il relève une détérioration du corps de chauffe du bloc chaudière gaz mise en lumière par un audit réalisé par le constructeur ROTEX résultant de diverses anomalies (pose du vase d'expansion sur la partie radiateur du circuit et non sur la boucle chaude de la chaudière comme préconisé). Le raccordement défectueux de la ventouse n'a pas subi d'aggravation mais les risques d'intoxication subsistent. Les fixations anormales des capteurs subsistent également. Le risque d'infiltrations en résultant a pu être limité grâce aux tôles posées en faîtières par Monsieur [E] mais pas de manière pérenne. En revanche, il observe la dégradation du circuit d'énergie solaire accessoire à la chaudière en raison du gel.

Monsieur [B] explique que l'aggravation de l'état de la chaudière n'a pas pu être détecté lors de la première expertise car il n'avait pas été dénoncé par Monsieur [E] et ne faisait donc pas partie des investigations. En revanche, il conclut que la conjonction de la détérioration du corps de chauffe et de l'état anormal de la ventouse a aggravé les dysfonctionnements de la chaudière avec le risque d'intoxication. Enfin, la destruction des capteurs était prévisible.

Il conclut que l'aggravation des désordres est en lien direct avec les désordres constatés en 2011.

Il résulte de ces éléments que l'installation litigieuse relève de la garantie décennale. En effet, les travaux ont consisté à installer une chaudière à gaz comportant un ballon accumulateur recevant l'énergie solaire. Ce ballon accumulateur, alimenté par les panneaux solaires, est insuffisant à alimenter seul l'habitation, ce qui explique sa qualification d'accessoire par l'expert judiciaire. Cette installation doit donc être considérée dans sa globalité comme un ouvrage en ce qu'il s'agit d'un élément d'équipement indissociable destiné à fonctionner et que les désordres rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination : l'habitabilité est compromise par le risque d'intoxication au monoxyde de carbone résultant des désordres affectant la chaudière et par les défauts d'étanchéité résultant des défauts d'ancrage des panneaux solaires. Les panneaux solaires ont été posés à l'aide de fixations d'ancrage scellées et bétonnées dans des zones « courant », avec ablation de la tuile « courant » correspondante. L'installation fait donc indissociablement corps avec l'existant auquel elle cause également des désordres (détérioration de l'étanchéité de la toiture et infiltrations).

La date de la réception tacite des travaux fixée au 06 mai 2006 n'est pas contestée par les parties, y compris par l'Auxiliaire qui ne discute pas ce chef, pourtant mentionné dans sa déclaration d'appel. Cette date constitue donc le point de départ du délai décennal de la forclusion.

L'Auxiliaire considère que, dès lors que Monsieur [E] n'a pas régularisé de demande de paiement pour les travaux de reprise préconisés dans le rapport d'expertise de 2011, sa première demande tendant au paiement du coût des travaux de reprise des désordres examinés dans la première expertise, formalisée dans ses conclusions notifiées le 04 juillet 2016, serait forclose car le point de départ pour la réparation de ces travaux serait la date de réception tacite du 06 mai 2006 et qu'il ne pourrait se prévaloir d'actes interruptifs de forclusion. Ce raisonnement ne sera pas retenu.

En effet, les conclusions d'incident de Monsieur [E] du 04 juillet 2014 constituent le premier terme de l'interruption de la forclusion jusqu'au 21 novembre 2014, date de l'ordonnance de mise en état ordonnant une expertise complémentaire. Ces conclusions d'incident tendaient à obtenir une expertise complémentaire afin de vérifier la réalité de l'aggravation de tous les désordres et d'estimer le coût des travaux de reprise. Monsieur [E] produisait aussi des devis montrant des coûts de travaux de reprise supérieurs par rapport à la première estimation de 2011. Cette interruption vaut donc pour l'ensemble des désordres. En outre, il s'agit de désordres évolutifs, conséquence inéluctable de désordres dénoncés initialement.

Monsieur [E] ayant formalisé des demandes de réparation contre l'Auxiliaire dans ses conclusions notifiées le 04 juillet 2016, soit dans le délai de forclusion, la fin de non-recevoir invoquée en cause d'appel par l'Auxiliaire au titre de la forclusion sera rejetée.

Sur l'indemnisation des préjudices matériels :

L'expert judiciaire a estimé le coût des travaux de reprise à la somme globale de 20.110,96euros hors taxes. Le tribunal avait retenu ce montant, outre un taux de TVA à hauteur de 20% en application des dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts.

Monsieur [E] conteste ce montant. Il expose avoir fait exécuter au mois de décembre 2019 les réparations préconisées par l'expert judiciaire par la société Compagnons des Energies Solaires dont le devis, daté du mois de mars 2015, avait été retenu par l'expert judiciaire. Cependant, le coût des travaux a été réactualisé par cette société, au moment de la réalisation des travaux, à hauteur des sommes de 17.743,24euros TTC et 8.611,67euros TTC, soit 26.354,91euros TTC (TVA 5,5%). Il réclame donc la réformation du jugement sur le montant alloué auquel il demande d'ajouter les frais de rénovation de sa toiture facturés 10.610,60euros TTC (TVA 10%), laquelle aurait été le préalable indispensable à l'exécution des travaux de reprise, soit la somme totale de 36.965,51euros TTC.

Cependant, l'expert judiciaire n'a pas préconisé la rénovation complète de la couverture comme réalisée par la société Charpente Couverture Azuréenne.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé le montant des préjudices matériels à la somme de 24.133,15euros TTC et le montant des travaux de reprise sera fixé à la somme de 26.354,91euros TTC correspondant au montant de la facture de la société Compagnons des Energies Solaires du 04 décembre 2019.

Le débat invoqué par maître [W] sur le taux de TVA applicable est sans objet dès lors que le taux de TVA appliqué aux travaux de reprise réalisés par Monsieur [E] était de 5,5% et non de 10% comme prétendu.

Sur l'indemnisation du préjudice lié à une obligation de présence :

Monsieur [E] sollicite une indemnité de 1.000euros en réparation de l'obligation de présence pendant l'exécution des travaux. Une telle contrainte n'est pas justifiée en son principe en ce que les travaux seront exécutés dans une pièce non-habitable ou en extérieur. Elle n'est pas non plus justifiée dans son quantum.

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [E] de cette demande.

Sur le préjudice de jouissance :

C'est à juste titre que le jugement entrepris a fixé le préjudice de jouissance de Monsieur [E] à hauteur de 24.000euros, soit pour une période allant de mai 2006, date de la réception, au mois de décembre 2019, date des travaux de reprise, compte tenu du désagrément subi résultant des nombreux dysfonctionnements de l'installation (défaut de rendement chauffage et eau chaude, dépense de chauffage anormale, surconsommation de gaz, toxicité, nuisances sonores, infiltrations). Monsieur [E], qui conteste ce montant, ne rapporte pas d'autres éléments susceptibles de justifier l'octroi d'une somme plus importante. En conséquence, le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

Sur la garantie de l'Auxiliaire :

Il résulte des dispositions de l'article L. 241-1 du code des assurances que la garantie de l'assureur de responsabilité décennale est due après la résiliation du contrat d'assurance pour les dommages trouvant leur origine entre le début de la garantie et l'expiration du contrat, même en l'absence de paiement d'une prime subséquente.

L'article L124-3 du même code dispose que « le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ».

En l'espèce, la société Logre et Cie a souscrit un contrat « Pyramide artisans du bâtiment » auprès de l'Auxiliaire ayant pris effet le 1er janvier 2004 et ayant été résilié par courrier RAR de l'assuré du 24 novembre 2006, avec effet au 31 décembre 2006. Les dommages litigieux trouvant leur origine dans les travaux reçus le 06 mai 2006, ils ne sont pas affectés par la résiliation de la police d'assurance, pour ce qui est de l'assurance de responsabilité obligatoire.

L'Auxiliaire invoque l'absence de garantie souscrite compte tenu de l'utilisation de capteurs solaires ROTEX et non CLIPSOL sur le fondement des conditions particulières du contrat selon lesquelles les activités professionnelles assurées sont :

« GEOTHERMIE ' PANNEAUX SOLAIRES ' POMPES A CHALEUR ' CLIMATISATION LIMITEE A L'INSTALLATION DE CAPTEURS SOLAIRES CLIPSOL SOUS AVIS TECHNIQUE, A JOUR DE VALIDITE » (article 3).

Or, ainsi que l'a justement retenu le tribunal, la clause de limitation ainsi rédigée ne s'applique pas aux panneaux solaires, l'adjectif « limitée » employé au féminin singulier se rapportant nécessairement à la climatisation et non aux panneaux solaires. Il s'ensuit que les produits ROTEX utilisés en l'espèce n'étaient pas expressément exclus et que l'Auxiliaire n'est donc pas fondée à opposer l'absence de garantie pour ce motif.

En outre, s'il est de principe que l'expert judiciaire n'a pas à donner une appréciation juridique du contrat, Monsieur [B] s'est borné, en l'espèce, à donner un avis strictement technique sur l'incohérence d'une autre interprétation. Il a, en effet, expliqué que les techniques de géothermie (récupération d'énergie dans le sol) et de pompes à chaleur (récupération d'énergie dans le sol ou dans l'air) ne comportant pas de capteurs solaires, elles ne peuvent être concernées par la limitation de l'activité assurée aux capteurs CLIPSOL.

L'Auxiliaire conteste, par ailleurs, devoir mettre en 'uvre sa garantie au titre de l'aggravation des désordres affectant la chaudière alors que, par correspondance du 09 juin 2010, elle avait accepté de garantir le défaut d'étanchéité lié au défaut d'alignement du conduit d'évacuation entre la chaudière et le carottage à hauteur de la somme de 1.606,67euros TTC. Elle considère qu'en refusant cette proposition, Monsieur [E] aurait contribué à l'aggravation des désordres.

Cependant, il apparaît que ce désordre n'est pas le seul à indemniser ni celui qui présentait le plus de gravité. En outre, les mesures d'investigations ordonnées ont permis de corroborer la réalité des désordres que l'Auxiliaire refusait de garantir. L'expertise complémentaire a aussi permis de vérifier l'aggravation de certains désordres et l'existence de désordres supplémentaires (la pose du vase d'expansion sur la partie « radiateur » du circuit et non sur la boucle chaude de la chaudière). Enfin, le refus de la proposition n'a pas contribué à aggraver les dommages puisque l'expert conclut que le raccordement défectueux de la ventouse n'a pas subi d'aggravation mécanique. En conséquence, l'Auxiliaire doit sa garantie pour la réparation des dommages matériels.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que les garanties souscrites avaient vocation à s'appliquer à la réparation des dommages matériels.

En revanche, il résulte du tableau des garanties et franchises inséré aux conditions particulières, annexe n°1 au contrat « Pyramide artisans du bâtiment » qu'aucune garantie n'a été souscrite au titre des dommages immatériels pour le volet responsabilité civile construction (Titre 1 article 2 des conditions générales du contrat). La garantie dommages immatériels qui a été souscrite ne concerne que le volet responsabilité civile hors construction (Titre 1 article 1 des conditions générales).

Certes, l'alinéa 4 de l'article 2 applicable à la responsabilité civile construction est rédigé en des termes imprécis en ce qu'il renvoie aux dispositions de l'article 1 du contrat relatif à la responsabilité civile hors construction. Néanmoins, les conditions particulières ne stipulant pas cette garantie facultative, il n'y a pas lieu de la retenir.

Il en résulte que Monsieur [E] est fondé à sa prévaloir de l'action directe à l'égard de l'Auxiliaire pour la réparation des dommages matériels mais pas en ce qui concerne les dommages immatériels. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné l'Auxiliaire au paiement de la somme de 24.000euros en réparation du préjudice de jouissance.

Si l'assureur se prévaut des limites contractuelles de sa garantie, il doit être rappelé qu'aucun plafond ni franchise n'est opposable au tiers lésé en matière d'assurance obligatoire, couvrant les dommages matériels garantis au titre de la responsabilité décennale.

Au total, le jugement en date du 04 avril 2019 dont appel sera infirmé en ce qu'il a :

-fixé la créance de Monsieur [E] au passif de la procédure collective de la société Logre et Cie à la somme de 24.133,15euros TTC au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires,

-condamné l'Auxiliaire à payer à Monsieur [E] la somme de 24.133,15euros TTC au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires,

-fixé la créance de Monsieur [E] au passif de la procédure collective de la société Logre et Cie à la somme de 24.000euros au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 31 décembre 2008,

-condamné l'Auxiliaire à payer à Monsieur [E] la somme de 24.000euros au titre de son préjudice de jouissance subi de 2006 au 31 décembre 2008.

Statuant à nouveau, la somme de 26.354,91euros TTC correspondant au coût des travaux de reprise réalisés sera fixée au passif de la procédure collective de la société Logre et Cie et l'Auxiliaire sera condamnée à payer cette somme à Monsieur [E]. La somme de 24.000euros sera fixée au passif de la procédure collective de la société Logre et Cie au titre de son préjudice de jouissance pour la période allant du mois de mai 2006, date de la réception des travaux, au mois de décembre 2019, date des travaux de reprise.

Monsieur [E] sera débouté de sa demande à l'encontre de l'Auxiliaire au titre de la réparation de ses préjudice immatériels en l'absence de garantie facultative souscrite.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement querellé doit être confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens .

L'Auxiliaire, qui succombe in fine, sera condamnée à payer à Monsieur [E] une indemnité de 3.500euros pour les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de maître Delphine Girard Gidel.

L'équité et la situation économique des parties ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de maître [W] ou de l'Auxiliaire.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONSTATE que maître [J] [W] est intervenu volontairement en première instance en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Logre et Cie suite à sa désignation par jugement du tribunal de commerce de Toulon en date du 20 février 2018 ayant prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de cette société,

REJETTE la fin de non-recevoir invoquée en cause d'appel par l'Auxiliaire au titre de la forclusion,

INFIRME le jugement en date du 09 avril 2019 en ce qu'il a :

-fixé la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la procédure collective de la société Logre et Cie à la somme de 24.133,15euros TTC au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires,

-condamné l'Auxiliaire à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 24.133,15euros TTC au titre des travaux de reprise de l'installation de chauffage et panneaux solaires,

-fixé la créance de Monsieur [P] [E] au passif de la procédure collective de la société Logre et Cie à la somme de 24.000euros au titre du préjudice de jouissance subi de 2006 au 31 décembre 2008,

-condamné l'Auxiliaire à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 24.000euros au titre de son préjudice de jouissance subi de 2006 au 31 décembre 2008,

CONFIRME pour le surplus,

STATUANT A NOUVEAU,

FIXE la somme de 26.354,91euros TTC correspondant au coût des travaux de reprise réalisés par Monsieur [P] [E] au passif de la procédure collective de la société Logre et Cie,

CONDAMNE l'Auxiliaire à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 26.354,91euros TTC correspondant au coût des travaux de reprise qu'il a réalisés,

FIXE la somme de 24.000euros au passif de la procédure collective de la société Logre et Cie au titre du préjudice de jouissance de Monsieur [P] [E] pour la période allant du mois de mai 2006, date de la réception des travaux, au mois de décembre 2019, date des travaux de reprise,

DEBOUTE Monsieur [P] [E] de sa demande à l'encontre de l'Auxiliaire au titre de la réparation de ses préjudice immatériels en l'absence de garantie facultative souscrite,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE l'Auxiliaire à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 3.500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'Auxiliaire aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de maître Delphine Girard Gidel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

Signé par Madame Véronique MÖLLER, Conseillère, en lieu et place de Madame Inès BONAFOS, Présidente empêchée, et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Conseillère, en lieu et place de la Présidente empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/11189
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;19.11189 ?
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