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14/03/2024 | FRANCE | N°19/07327

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 14 mars 2024, 19/07327


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2024



N° 2024/









Rôle N° RG 19/07327 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEG3G







SAS SPADA CONSTRUCTION





C/



SARL WILSON DEVELOPMENT











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Maud DAVAL-GUEDJ



Me Thierry TROIN





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 25 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018F00167.





APPELANTE



SAS SPADA CONSTRUCTION

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2024

N° 2024/

Rôle N° RG 19/07327 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEG3G

SAS SPADA CONSTRUCTION

C/

SARL WILSON DEVELOPMENT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Thierry TROIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 25 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018F00167.

APPELANTE

SAS SPADA CONSTRUCTION

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Dominique FACCIO, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL WILSON DEVELOPMENT

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Thierry TROIN de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de NICE substituée par Me Alexandra PAULUS, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MÖLLER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par marché en date du 23 juin 2016 la SARL WILSON DEVELOPMENT a confié à la SAS SPADA CONSTRUCTION le lot n°1 du projet de réhabilitation partielle et surélévation du bâtiment de la Poste Wilson situé à [Localité 5] au [Adresse 4] / [Adresse 1]. Ce lot relatif à la « démolition, gros 'uvre, maçonnerie » était fixé au prix de 800.000€ hors taxes.

La société INGEMO a été choisie en qualité de maître d''uvre assistant maître d'ouvrage.

Des travaux supplémentaires ont également été accomplis en exécution de devis émis au mois de février 2017.

La SAS SPADA CONSTRUCTION soutien que la situation n°10 n'a pas été réglée par la SARL WILSON DEVELOPMENT, cela pour un montant de 76.644,26€ TTC outre le non-règlement de 21.435,31 euros TTC au titre du compte prorata.

Par acte d'huissier en date du 14 mars 2018, la SAS SPADA CONSTRUCTION a donné assignation à la SARL WILSON DEVELOPMENT devant le Tribunal de commerce de Nice afin d'obtenir sa condamnation au paiement de ces sommes. Elle sollicitait en outre la condamnation de la SARL WILSON DEVELOPMENT à lui communiquer mensuellement la situation de chaque cotraitant, au plus tard le 10 de chaque mois, le tout sous astreinte d'un montant de 150€ par jour de retard pour chaque situation de chaque cotraitant.

Par jugement en date du 25 avril 2019 le tribunal de commerce de Nice :

Déclare recevable la demande de la SAS SPADA CONSTRUCTION,

Déboute la SARL WILSON DEVELOPMENT de sa demande de provision pour réserve non levée et reprise de malfaçons,

Déboute la SAS SPADA CONSTRUCTION de sa demande de règlement de la situation n°10 au vu du solde débiteur,

Condamne la SAS SPADA CONSTRUCTION au paiement de la somme de 19.989,30€ TTC à la SARL WILSON DEVELOPMENT au titre de la demande reconventionnelle ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

Condamne la SAS SPADA CONSTRUCTION à payer la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS SPADA CONSTRUCTION aux entiers dépens,

Liquide les dépens à la somme de 66,70€.

Par déclaration en date du 29 avril 2019, la SAS SPADA CONSTRUCTION a formé appel contre cette décision à l'encontre de la SARL WILSON DEVELOPMENT en toutes ses dispositions.

Par jugement en date du 23 mai 2019, le Tribunal de commerce de Nice a débouté la SAS SPADA CONSTRUCTION de la demande formulée dans le cadre d'une requête en omission de statuer présentée au motif que le Tribunal aurait omis de statuer sur la demande visant à obtenir la condamnation de la SARL WILSON DEVELOPMENT au paiement de la somme de 21.435,31€ TTC au titre du compte prorata.

Cette décision a également été frappée d'appel par la SAS SPADA CONSTRUCTION.

Par assignation en date du 31 mai 2019 ; la SAS SPADA CONSTRUCTION a saisi le Premier Président de la Cour d'appel aux fins d'être autorisée sur le fondement des dispositions de l'article 521 CPC à consigner le montant des condamnations mises à sa charge.

Par acte d'huissier en date du 26 juin 2019, la SAS SPADA CONSTRUCTION a fait signifier la déclaration d'appel à la SARL WILSON DEVELOPMENT par acte remis en l'étude.

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions notifiées le 30 juillet 2019, la SAS SPADA CONSTRUCTION demande à la Cour de :

Réformer le jugement du Tribunal de commerce de NICE en date du 25 avril 2019 rectifié par le jugement en date du 23 mai 2019, en ce qu'il a :

Débouté partiellement la société SPADA CONSTRUCTION de sa demande de paiement de la somme de 76.644,26 € TTC au titre d'une situation de travaux n° 10 en date du 31 décembre 2017,

Débouté la société SPADA CONSTRUCTION de sa demande de paiement de la somme de 21 435.31 € TTC au titre du compte prorata,

Fait partiellement droit à la demande de la société WILSON DEVELOPEMENT au titre de pénalités de retard,

Et statuant à nouveau :

Condamner la société WILSON DEVELOPEMENT au paiement de la somme de 76 644.26 € TTC au titre d'une situation de travaux n° 10 en date du 31 décembre 2017, Condamner la société WILSON DEVELOPEMENT au paiement de la somme de 21 435.31 € TTC au titre du compte prorata,

Débouter la société WILSON DEVELOPEMENT de sa demande reconventionnelle au titre des pénalités de retard et de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles

Condamner la SARL WILSON DEVELOPMENT au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 C.P.C., outre aux entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ ' MONTERO ' DAVAL GUEDJ, Avocats Associés près la Cour d'Appel d'Aix en Provence qui en ont fait l'avance.

Par conclusions récapitulatives n°3 notifiées le 14 décembre 2023, la SAS SPADA CONSTRUCTION modifie partiellement ses prétentions et demande à la Cour de :

Réformer le jugement du Tribunal de commerce de NICE en date du 25 avril 2019 rectifié par le jugement en date du 23 mai 2019, en ce qu'il a :

Débouté partiellement la société SPADA CONSTRUCTION de sa demande de paiement de la somme de 76.644,26 € TTC au titre d'une situation de travaux n° 10 en date du 31 décembre 2017,

Débouté la société SPADA CONSTRUCTION de sa demande de paiement de la somme de 21 435.31 € TTC au titre du compte prorata,

Fait partiellement droit à la demande de la société WILSON DEVELOPEMENT au titre de pénalités de retard, de dommages et intérêts, article 700 CPC,

Et statuant à nouveau :

Condamner la société WILSON DEVELOPEMENT au paiement de la somme de 76 644.26 € TTC au titre d'une situation de travaux n° 10 en date du 31 décembre 2017,

Condamner la société WILSON DEVELOPEMENT au paiement de la somme de 16.361,16 € TTC au titre du compte prorata,

Débouter la société WILSON DEVELOPEMENT de son appel incident,

Condamner la SARL WILSON DEVELOPMENT au paiement de la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 C.P.C., outre aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, la SAS SPADA CONSTRUCTION fait valoir que :

Sa demande est bien recevable en ce que la norme NF P03-001 à laquelle le marché était soumis n'impose pas le recours à l'arbitrage comme préalable obligatoire et que les parties n'étaient pas davantage tenues, à peine d'irrecevabilité de la demande en justice, de rechercher un accord amiable ; que les dispositions de cette norme ne font en tout état de cause pas obstacle à la recevabilité de la demande.

Elle considère que la somme à laquelle elle prétend au titre de la situation n°10 est bien due ; qu'elle n'a pas à être réduite au titre de travaux de reprise que la SARL WILSON DEVELOPMENT aurait dû engager ; que l'ouvrage de surcroît été réceptionné sans réserves à son égard.

Elle soutient que la contestation portant sur une somme de 20.000€ au titre d'un montant forfaitaire pour ouvrage non réalisé n'est pas fondée.

Que les pénalités de retard alléguées par la SARL WILSON DEVELOPMENT sont contestables tant au titre de l'imputation du retard que du nombre de jours.

Elle soutient que la réalisation des comptes entre les parties, au vu du total des postes dus au titre du marché et des paiements effectués permet de retenir un reste dû de 76.644,26€.

Que sa demande formulée au titre du compte prorata dont elle avait la gestion est également fondée ; que la somme de 16.361,16€ TTC reste due au titre de ce compte en raison des retenues injustifiées opérées par la SARL WILSON DEVELOPMENT.

La SAS SPADA CONSTRUCTION conclut également au débouté de l'appel incident de la SARL WILSON DEVELOPMENT en soutenant que :

La demande de dommages et intérêts est injustifiée et repose sur des considérations qui ne lui sont pas imputables.

Que les carences qui lui sont imputées ne sont pas fondées.

Par conclusions d'intimée valant appel incident notifiées le 29 octobre 2019, la SARL WILSON DEVELOPMENT demande à la Cour de :

Vu l'article 122 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1217 et 2059 du Code Civil,

Vu les pièces contractuelles du marché et norme NFP 03-001,

A titre principal,

REFORMER le jugement dont appel en ce qui concerne la recevabilité de l'action.

DECLARER irrecevable la Société SPADA CONSTRUCTION en toutes ses demandes, fins et conclusions en l'absence de mise en 'uvre de la clause d'arbitrage.

A titre subsidiaire,

CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la Société SPADA de toutes ses demandes pour les mêmes motifs que le jugement ou par substitution de motifs en l'état des soldes débiteurs de travaux et de compte prorata calculés par le maître d''uvre d'exécution, auxquels la Société SPADA a déclaré se soumettre et en l'état des comptes définitifs à effectuer après réception de l'ouvrage.

En tout état de cause,

CONFIRMER le jugement dont appel concernant la condamnation de la Société SPADA sauf à porter la somme due par la Société SPADA CONSTRUCTION à la Société WILSON DEVELOPMENT la somme de 37 479,95 €, à parfaire, au titre des dommages et intérêts résultant des préjudices supportés au bénéfice de l'acquéreur en l'état futur d'achèvement au titre du retard de chantier.

CONDAMNER la Société SPADA CONSTRUCTION à payer à la Société WILSON DEVELOPEMENT la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens sous distraction de Monsieur le Bâtonnier Thierry TROIN, Avocat, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

La SARL WILSON DEVELOPMENT fait valoir que l'opération de construction a connu un important retard imputable à la SAS SPADA CONSTRUCTION. Elle considère que la demande de la SAS SPADA CONSTRUCTION est irrecevable en l'état de la clause stipulée par la norme NFP03-001 à laquelle elles se sont soumises ; qu'en effet, la saisine de la juridiction devait être précédée d'une discussion sur bien fondé ou non d'un arbitrage.

Elle reproche à la SAS SPADA CONSTRUCTION, dans ses calculs, de ne pas tenir compte des paiements qui ont été faits pour son compte à la société LES CHARPENTIERS DE LA CORSE ; que des malfaçons lui ont été imputées dans le cadre de l'exécution de son ouvrage, son lot ayant fait l'objet de réserves malgré la réception de l'ensemble ; que selon les comptes réalisés, la SAS SPADA CONSTRUCTION est débitrice à son égard et qu'elle est en outre redevable de pénalités de retard à hauteur de 68.750€ HT ; que les malfaçons commises ont impliqué la réalisation de travaux de reprise de sorte que la demande formulée au titre de la situation n°10 est infondée.

S'agissant du compte prorata débiteur, elle considère que celui-ci rend bien la SAS SPADA CONSTRUCTION débitrice et que les contestations émises à ce titre par cette dernière ne sont pas fondées. Elle fait enfin valoir que plusieurs manquements sont imputables à la société SAS SPADA CONSTRUCTION et qu'en conséquence, des remises commerciales ont dû être accordées aux acquéreurs du fait des retards de chantier, le préjudice occasionné par ces remises devant être mis à la charge de la SAS SPADA.

L'affaire a été clôturée à la date du 18 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l'action :

La SARL WILSON DEVELOPMENT soutient que les parties ont en l'espèce convenu de respecter les clauses du CCTP, du CCAP et de la norme NFP03-001 ; que cette dernière stipule notamment une clause d'arbitrage aux termes de laquelle les parties contractantes doivent se consulter pour examiner l'opportunité de soumettre leurs différents à un arbitrage ou pour refuser l'arbitrage ; elle considère que le respect de cette démarche est une condition préalable à la saisine de la juridiction compétence et qu'en l'espèce, compte tenu de cette clause n'a pas été mise en 'uvre, la demande est irrecevable.

La société SPADA oppose que les dispositions dont se prévaut la SARL WILSON ne sont pas prévues à peine d'irrecevabilité de sorte que ce moyen a été justement écarté en première instance.

En application de la clause 21.2 de la norme NFP03-001, « pour le règlement des contestations qui peuvent s'élever à l'occasion de l'exécution ou du règlement du marché, les parties contractantes doivent se consulter pour examiner l'opportunité de soumettre leur différent à un arbitrage, ou pour refuser l'arbitrage ». L'article 21.3 de cette norme prévoit en outre que « sauf dispositions contraires, du cahier des clauses administratives particulières, les litiges qui n'auraient pas pu être réglés par arbitrage sont portés devant le tribunal du lieu d'exécution des travaux ».

Il est admis par les parties que la norme NFP03-001 fait partie de leur engagement contractuel ; elle est de surcroît expressément mentionnée dans l'article 2.03 du CCAP.

Cependant, l'article 21.2 de la norme NF P 03-001, en ce qu'il prévoit que « pour le règlement des contestations qui peuvent s'élever à l'occasion de l'exécution ou du règlement du marché, les parties doivent se consulter ou examiner l'opportunité de soumettre leur différend à un arbitrage ou pour refuser un arbitrage », n'institue pas une procédure obligatoire, préalable à la saisine du juge, dont le non-respect entraîne l'irrecevabilité de la demande. Il convient en conséquence de considérer que ce moyen d'irrecevabilité n'est pas fondé et de confirmer sur ce point la décision attaquée.

Sur la demande principale en paiement de la somme de 76 644.26 € :

La société SPADA expose que cette demande correspond au montant de la situation n°10 en date du 31 décembre 2017 ; elle explique que les parties s'étaient accordées sur le paiement de cette somme au cours d'une réunion ayant eu lieu au mois de décembre 2017, mais qu'aucun paiement n'est intervenu.

Elle verse aux débats :

La situation n°10 adressée à la société INGEMO (maître d''uvre) par courrier recommandé daté du 15 février 2018 d'un montant de 76.644,26€,

Un échange de courriels intervenu au mois de décembre 2017 et de janvier 2018 en vue d'obtenir le règlement de cette somme.

Selon le détail de cette situation, cette somme était déterminée par référence à un montant dû de 805.741,41€ HT en tenant compte du lot initial (démolition- gros 'uvre ' maçonnerie) et des trois ordres de service intervenus par la suite et à un paiement de 741.871,19€, soit un solde dû de 63.870,22€ HT, donc 76.644,26€ TTC.

En pièce n°7, la société SPADA verse un « état des règlements chantier WILSON PLAZA » mentionnant un règlement total de 858.705,42€ et une facture non réglée de 76.644,26€. Cette pièce ne comporte cependant aucune indication permettant d'identifier l'auteur de ce décompte et de connaître les circonstances de son émission.

Pour s'opposer à ces prétentions, la SARL WILSON expose qu'elle a procédé entre les mains de la société SPADA au paiement de la somme de 775.302,20€ HT, soit 930.362,64€ TTC. Elle soutient donc que l'état des paiements dont se prévaut la société SPADA ne correspond pas à celui qui émane de son propre expert-comptable. Elle verse ainsi aux débats une attestation de la société d'expertise comptable IN EXTENSO en date du 5 décembre 2018 selon laquelle « les paiements effectués par la société WILSON DEVELOPMENT à titre de règlement de facture à la société SPADA sise à [Adresse 2], du 27/07/2016 à ce jour, se sont élevés à 930.362,64€ TTC ».

Elle précise qu'est comprise dans ce montant la somme de 5.700€ qu'elle a réglée à la société CHARPENTIER DE LA CORSE pour le compte de la société SPADA (virement du 21 février 2017).

Selon une attestation en date du 22 février 2019, la société IN EXTENSO indique que les paiements effectués par la société WILSON DEVELOPMENT à titre de règlement de facture à la société SPADA se sont élevés à 956.202,64€ TTC compte tenu de l'imputation d'une somme supplémentaire de 25.840€ versée pour le compte de la société SPADA à la société CHARPENTIER DE LA CORSE (pièce SARL WILSON n°45). 

La société WILSON se prévaut donc d'une différence de 97.497,22€ entre son décompte et celui de la société SPADA (956.202,64€ - 858.705,42€).

La société WILSON explique également qu'une somme de 118.862,72€ HT a été retenue à la charge de la société SPADA au titre de malfaçons qui lui sont imputées ; qu'en effet, son lot a fait l'objet d'une réception avec réserves à la date du 9 mars 2017 (procès-verbal de réception des ouvrages béton intervenu à cette date et faisant état de réserves, pièce SARL WILSON n°36) ; que la réalité de ces réserves n'a pas été évincée par le procès-verbal de réception du 7 décembre 2018 relatif à des travaux postérieurs. La société WILSON se prévaut notamment de la validité d'une réception par lot.

Ainsi, la société WILSON expose qu'aux termes du décompte général définitif, la société SPADA se voit imputer les postes suivants pour un total de 118.862,72€ :

68.750€ HT pour le retard de chantier,

30.112,72€ à titre de provision pour réserves non levées et reprises de malfaçons,

20.000€ de montant forfaitaire pour ouvrage non réalisé.

Elle verse dans le mêmes sens un ordre de service relatif au lot n°1.1 concernant l'entreprise SPADA CONSTRUCTION en date du 3 mars 2017 faisant état d'un accord sur devis de 1.920€ TTC (pièce n°34).

Les parties ne s'entendent donc pas sur les termes du décompte à établir entre elles à l'issue de ces travaux.

S'agissant du maître d''uvre INGEMO, celui-ci à fait parvenir aux parties le 16 février 2018 une dernière situation avant DGD en indiquant à la société SPADA « votre dernière situation de travaux n'est pas exacte car elle ne correspond pas à l'analyse des documents en notre possession ». Selon cette « situation fin de travaux avant DGD » (pièce SARL WILSON n°2), doivent être mis à la charge de la société SPADA :

Des pénalités de retard à hauteur de 68.750€ HT,

Une provision « réserves non levées et reprises » de 30.112,72€ HT,

Ouvrages non réalisés (forfaitaire) : 20.000€ HT.

Ce document précise que des situations ont été validées à hauteur de 734.124,46€ HT.

Dans un document émis par la société INGEMO intitulé « compte prorata » en date du 29 mars 2018 (pièce SARL WILSON n°9), il est indiqué que « à ce jour, WILSON DEVELOPMENT ne doit rien à l'entreprise SPADA, qui lui a facturé le prorata de LCC dans sa facture. Il reste encore des factures à venir (mois de mars) d'ici la fin du chantier qui devrait compenser la somme de 13.190,04€ ».

Dans un même document daté du 4 mars 2019 (pièce SARL WILSON n°47) il est indiqué que le compte prorata de la SARL WILSON est de -10.227,58€. La SARL WILSON expose que si dans l'établissement de ce décompte, il a été tenu compte de factures de nettoyage, cela n'est pas en contradiction avec les termes de leur engagement, notamment en ce que le CCAP prévoit que la société SPADA, chargée du lot n°1 devait faire exécuter aux frais du compte prorata le nettoyage final du chantier.

Les parties se prévalent donc chacune de pièces et d'argumentations techniques qui tendent à se contredire et rendent complexe la détermination des sommes dues. En l'absence d'accord sur l'état des comptes à faire entre elles, il convient donc de se référer aux éléments établis par le maître d''uvre dont il ressort que les prétentions de la société SPADA, en ce qu'elles visent à obtenir la condamnation de la SARL WILSON au paiement de la somme de 76.644,26€ et au paiement de la somme de 16.361,16€, ne sont pas fondées. En effet, les éléments sur lesquels se fonde la société SPADA, émanant de sa propre comptabilité, ne mentionnent pas les différents postes débiteurs retenus dans la situation de fins de travaux avant DGD évoquée ci-dessus.

Les moyens développés par la société SPADA pour contester les termes de la situation fin de travaux avant DGD ne sont donc pas fondés. En effet, si cette situation fait état d'une provision « réserves non levées et reprises malfaçons » d'un montant de 30.112,72€ HT au 13 février 2018, la somme de 24.608,80€ TTC qui est indiquée en pièce n°4 (tableau des travaux de reprise édité par INGEMO suite aux malfaçons SPADA sure la dalle R+2) concerne le montant des travaux de reprise uniquement relatifs aux malfaçons sur la dalle R+2. Ces deux pièces émises par la société INGEMO ne se contredisent donc pas.

Par ailleurs, si la société SPADA conteste la nécessité de devoir procéder à des travaux de reprise, il convient de rappeler que des réserves ont été émises lors de la réception des ouvrages béton au mois de mars 2017.

Concernant le décompte produit par le maître d''uvre, la société SPADA conteste également les sommes retenues à son débit à titre forfaitaire et concernant les pénalités de retard.

En effet, la retenue de 20.000€ a été pratiquée au titre des ouvrages non réalisés. La SARL WILSON considère que cette somme a été justement évaluée de façon forfaitaire compte tenu de la nécessité de poursuivre les travaux et de faire les comptes définitifs ; elle précise que ce montant devra être affiné après réception dans le cadre du décompte général définitif.

Il est pourtant constant que cette retenue forfaitaire ne permet pas d'appréhender les éléments qui la justifient. Cette somme ne peut donc pas être mise au débit de la société SPADA.

Cette dernière conteste également le décompte des jours de retard qui lui seraient imputables et qui sont détaillés dans le tableau des retards en date du 8 août 2017 (pièce SARL WILSON n°3) imputant à la société SPADA 80 jours de retard pour une valeur totale de 68.750€. Cependant, les pièces que la société SPADA invoque pour remettre en cause ce décompte (échange de mails, compte-rendu de chantier, relevé de compte) ne permettent pas d'invalider le calcul réalisé par le maître d''uvre. Les contestations émises sur ce point ne sont donc pas fondées.

La société SPADA verse sous les n° de pièces 7 et 26 des états des règlements du chantier WILSON PLAZA ; ces pièces, établies sur feuilles libres, sans que leur auteur ou le service dont elles émanent ne soient indiqués ne peuvent cependant qu'avoir une valeur indicative et n'ont pas la force probatoire nécessaire pour caractériser le bien fondé des demandes.

Concernant les paiements relatifs au marché de travaux, elle soutient que son décompte prend bien en considération le paiement direct au sous-traitant LES CHARPENTIERS DE LA CORSE de la somme de 31.540€, alors que la SARL WILSON soutient que cette somme doit s'imputer au débit du compte de SPADA.

La société SPADA verse aux débats deux attestations de paiement direct en date du 22 décembre 2016 et du 31janvier 2017 selon lesquelles elle a procédé au paiement de la somme totale de 31.540€ aux CHARPETIERS DE LA CORSE (pièces SPADA n°23 et 24). Or, la SARL WILSON verse aux débats en pièce n°45 mentionnée ci-avant une attestation de son expert-comptable indiquant qu'elle a également assumé ce paiement.

En l'état de ces contradictions, la Cour ne peut que retenir le décompte réalisé par le maître d''uvre INGEMO le 13 février 2018.

Concernant le compte prorata, la société SPADA a sollicité le paiement de la somme de 21.435,31€ par référence à une facture émise par elle le 31 janvier 2018 intitulée « acompte prorata sur travaux marchés facturés suivant tableau du 15/12/2017 ». Dans ses dernières écritures, cette somme a été ramenée à 16.361,16€ suite à la déduction de la somme de 2.155,45€ (remboursement aux entreprises PCPC et BLANC), de la somme de 2.078,70€ (factures d'eau) et de la somme de 840€ correspondant au nettoyage de réception.

La SARL WILSON oppose qu'elle ne doit rien au titre de ce compte et qu'elle est au contraire créancière à ce titre de la somme de 13.190,04€ selon le compte prorata établi par INGEMO le 29 mars 2018.

En l'état des éléments et argumentations contradictoires des parties et de la confusion qui en résulte s'agissant de la situation comptable, il convient de retenir le contenu de cette dernière pièce émise par le maître d''uvre faisant état d'un solde créditeur de 13.190,04€ de la SARL WILSON au titre de ce compte prorata.

Au vu de ces éléments, il doit donc être retenu que :

- Le marché de travaux s'est élevé à 800.000€ HT,

- Le compte prorata en date du 29 mars 2018 fait apparaître un solde créancier de 13.190,04€ TTC, donc 10.991,70€ HT au profit de la société WILSON (il n'est pas indiqué si ce montant est TTC ou HT, mais il se déduit de la lecture combinée de ce compte prorata INGENO et des factures versées par la société SPADA en pièces 8 et 9 que ce montant est TTC).

- Les sommes versées par la SARL WILSON à la société SPADA se sont élevées à 956.202,64€ TTC, soit 796.835,53€ HT, selon attestation de la société comptable IN EXTENSO, montant non contesté par la société SPADA,

- Doivent être mises au débit de la société SPADA la somme de 68.750€ HT au titre des pénalités de retards et la somme de 30.112,72€ HT au titre des « provision réserves non levées et reprises malfaçons ».

S'agissant des autres dépenses et imputations invoquées par la société SPADA, notamment les travaux supplémentaires qu'elle chiffre à 8.928€, celles-ci ne sont pas utilement documentées ou reposent sur des productions de factures antérieures à la situation de fin de travaux avant DGD établie par la société INGEMO, il n'y a donc pas lieu de les retenir.

Il en résulte que les demandes de la société SPADA visant à obtenir la condamnation de la SARL WILSON au paiement de la somme de 76.644,26€ et au paiement de la somme de 16.361,16€ au titre du compte prorata ne sont pas fondées.

Ces prétentions seront en conséquence rejetées et la décision attaquée sera confirmée sur ce point.

Sur la demande incidente de la SARL WILSON :

La société WILSON sollicite une confirmation de la condamnation de la société SPADA, sauf à porter à 37.479,95€ la somme due par cette dernière au titre des dommages et intérêts résultant des préjudices supportés au bénéfice de l'acquéreur en l'état futur d'achèvement au titre du retard de chantier.

La décision attaquée a en effet condamné la société SPADA à payer à la SARL WILSON la somme de 19.989,30€ TTC en retenant que les 80 jours de retard imputables à la société SPADA avaient retardé la commercialisation du bien et qu'en conséquence, elle était redevable des 80/150èmes du retard total.

Rappelons que selon les éléments retenus ci-dessus :

Le montant HT du marché était de 800.000€ HT,

La SARL WILSON a versé à la société SPADA une somme totale de 796.835,53€ HT.

Que la société WILSON est créancière de la société SPADA des sommes suivantes :

10.991,70€ HT au titre du solde mentionné sur le compte prorata au 29 mars 2018,

68.750€ HT au titre des pénalités de retards

30.112,72€ HT au titre des « provision réserves non levées et reprises malfaçons ».

La Cour ne peut que constater qu'un tel décompte ne correspond à aucun de ceux proposés par les parties. En effet, il est à rappeler que les deux sociétés dans la cause produisent des justificatifs et des argumentations contradictoires qui font obstacle à l'établissement d'éléments constants suffisants pour reconstituer plus précisément l'état de leurs comptes. Il est ainsi à noter qu'elles s'accordent à considérer que les sommes versées par la SARL WILSON à la société SPADA sont supérieures à celles admises par la société INGEMO au 13 février 2018. En revanche elles s'opposent sur la détermination des sommes à mettre au passif de la société SPADA de sorte que les seuls éléments constants pouvant être admis sont cette situation du 13 février 2018 (à l'exception du montant forfaitaire de 20.000€) et le compte prorata émis par cette même société au 29 mars 2018.

Pour solliciter la somme de 37.479,95€, la société WILSON expose qu'elle a convenu d'un accord avec un acquéreur en vue de la compensation du retard par la somme de 7.479,95€ outre 375€ par jour de retard entre le 31 octobre 2017 et la livraison au 15 février 2018, soit 150. Jours dont 80 sont imputables à la société SPADA). Elle verse aux débats :

Le procès-verbal de réception des travaux en date du 15 février 2018 signé par la société WILSON, la société INGEMO et Monsieur [Y] [B],

Une feuille manuscrite signée par Monsieur [B] (acquéreur) et par une personne dite représentante de la société WILSON faisant état de cet engagement indemnitaire daté du 14 septembre 2017,

Un extrait de l'acte de vente du bien, en date du 13 avril 2017, au profit de Monsieur et Madame [B] ' [H] (p.1 et 6).

La société SPADA s'oppose à cette demande.

Il convient de considérer que les éléments produits par la SARL WILSON à l'appui de cette demande n'ont pas une force probante suffisante. En effet, l'engagement d'indemnisation a été formalisé sur feuille libre manuscrite dépourvue d'entête et de cachet de la société WILSON sans que le représentant de celle-ci ne puisse être identifié. D'une part, aucun engagement d'une telle nature n'a été mentionné dans l'acte de vente précédemment conclu, d'autre part il n'est pas justifié de ce que les sommes en question ont effectivement été supportées par la société WILSON.

Cependant compte tenu de ce que la société SPADA est en tout état de cause redevable de pénalités de retard à l'égard de la SARL WILSON au terme des comptes faits entre ces deux sociétés, il convient d'accueillir cette prétention et de lui allouer la somme demandée de 37.479,95€ au titre des pénalités de retard.

La décision du Tribunal de commerce sera en conséquence infirmée sur ce point.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner la société SPADA à payer à la SARL WILSON une somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société SPADA sera également condamnée aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de NICE le 25 avril 2019, sauf en ce qu'il a condamné la SAS SPADA CONSTRUCTION au paiement de la somme de 19.989,30€ TTC à la SARL WILSON DEVELOPMENT ;

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS SPADA CONSTRUCTION à payer à la SARL WILSON DEVELOPMENT la somme de 37.479,95€ au titre des pénalités de retard ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS SPADA CONSTRUCTION à payer à la SARL WILSON DEVELOPMENT la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SAS SPADA CONSTRUCTION aux entiers dépens de l'instance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

Signé par Madame Véronique MÖLLER, Conseillère, en lieu et place de Madame Inès BONAFOS, Présidente empêchée, et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Conseillère, en lieu et place de la Présidente empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/07327
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;19.07327 ?
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