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11/03/2024 | FRANCE | N°24/00076

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 référés, 11 mars 2024, 24/00076


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés





ORDONNANCE DE REFERE

du 11 Mars 2024



N° 2024/026





Rôle N° RG 24/00076 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMSRZ







S.A.S. LES CANAILLES





C/



[I] [O]

















Copie exécutoire délivrée

le : 11 Mars 2024

à :



Me Patrick DEUDON de la SELEURL PATRICK DEUDON AVOCAT, avocat au barreau de GRASSE



Me Lionel CARLE

S de la SELARL CARLES-FOURNIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE







Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 07 Février 2024.





DEMANDERESSE



S.A.S. LES CANAILLES Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette q...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés

ORDONNANCE DE REFERE

du 11 Mars 2024

N° 2024/026

Rôle N° RG 24/00076 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMSRZ

S.A.S. LES CANAILLES

C/

[I] [O]

Copie exécutoire délivrée

le : 11 Mars 2024

à :

Me Patrick DEUDON de la SELEURL PATRICK DEUDON AVOCAT, avocat au barreau de GRASSE

Me Lionel CARLES de la SELARL CARLES-FOURNIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 07 Février 2024.

DEMANDERESSE

S.A.S. LES CANAILLES Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Patrick DEUDON de la SELEURL PATRICK DEUDON AVOCAT, avocat au barreau de GRASSE

DEFENDEUR

Monsieur [I] [O], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Lionel CARLES de la SELARL CARLES-FOURNIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 26 Février 2024 en audience publique devant

Colette DECHAUX, Présidente de chambre,

déléguée par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mars 2024.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 11 Mars 2024.

Signée par Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Caroline POTTIER, adjointe administrative faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement en date du 1er septembre 2023, le conseil de prud'hommes de Nice, après avoir dit que le contrat de travail de M. [I] [O] (le salarié) est un contrat de travail à durée déterminée à temps plein et que la clause de rémunération est non valide, a, notamment, condamné la société Les Canailles (l'employeur) à payer au salarié les sommes suivantes:

* 2 148.42 euros à titre de rappel de salaires,

* 214.84 euros au titre des congés payés,

* 9 765 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

* 100 euros au titre de l'absence de mutuelle,

* 100 euros au titre des bulletins de salaire,

* 100 euros au titre de l'irrégularité de l'attestation pôle emploi,

* 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ce jugement est assorti de l'exécution provisoire.

L'employeur a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 3 octobre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 7 février 2024, l'employeur a fait assigner, devant le premier président de cette cour, le salarié en sollicitant la désignation d'un séquestre avec mission de recevoir le montant des condamnations prononcées par le premier juge au bénéfice du salarié et revêtues de l'exécution provisoire.

Par conclusions en réplique remises par voie électronique le 22 février 2024, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'employeur maintient ses prétentions initiales et nous demande de débouter le salarié de l'intégralité de ses moyens et prétentions.

Par conclusions en réponse visées par le greffier le 26 février 2024, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, le salarié soulève l'irrecevabilité de la demande de mise sous séquestre et nous demande de la rejeter.

Il nous demande de débouter l'employeur de l'ensemble de ses moyens et prétentions et de le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Exposé des moyens des parties:

Se fondant sur les articles 517-1 et 517 à 522 du code de procédure civile, l'employeur invoque d'une part, l'existence de moyens sérieux de réformation du jugement entrepris tirés d'une mauvaise interprétation par les premiers juges des dispositions applicables, les articles L.3244-1 et suivants du code du travail, comme l'article 5.2 de l'avenant n°2 du 5 février 2007 à la convention collective des hôtels, cafés, restaurant, relatif à l'aménagement du temps de travail, permettant une rémunération au service, pour soutenir que la rémunération ainsi calculée couvre tout le temps de travail, en ce compris d'éventuelles heures supplémentaires, avoir légalement appliqué une assiette forfaitaire sur laquelle sont calculées les cotisations et contributions dues, et avoir fait signer à tous ses salariés des fiches d'horaires et de présence.

Tout en reconnaissant avoir payé en espèces les salaires, il se prévaut des reçus signés pour soutenir qu'il n'y a pas eu de travail dissimulé; soulignant que la condamnation prononcée à ce titre représente la majorité des sommes, et que la mauvaise foi ou l'intention frauduleuse ne peut résulter de l'application d'une rémunération au pourcentage service.

Il allègue d'autre part des conséquences manifestement excessives, soulignant que la condamnation à l'égard de ce s'inscrit dans une série de huit dossiers identiques, les condamnations cumulées totalisant 110 418.11 euros, et qu'il est évident que le salarié, du fait de la précarité de sa situation, ne présente pas de garantie de représentation et ne pourra pas rembourser.

Il soutient être recevable en ses prétentions, arguant d'une part avoir visé les articles 517 et suivants du code civil, sa demande étant fondée sur l'article 521 du code de procédure civile, et que la jurisprudence admet qu'une consignation soit autorisée sur ce fondement, sans qu'il soit nécessaire de relever l'existence de conséquences manifestement excessives, le risque de non-représentation des fonds pouvant justifier l'aménagement de l'exécution provisoire demandé en l'espèce. D'autre part, il oppose à son salarié que les dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile ne sont pas applicables, pour concerner l'exécution provisoire de droit.

Arguant que l'article 520 du code de procédure civile visé par l'employeur au soutien de ses prétentions n'est pas applicable à une demande de mise sous séquestre, le salarié soulève l'irrecevabilité de celle-ci.

Il conteste l'existence de moyens sérieux d'annulation, soulignant l'irrégularité du paiement en espèces de la rémunération, l'existence d'erreurs dans les bulletins de salaire qui mentionnent tous un net à payer de zéro euro, comme le reçu pour solde de tout compte.

Il invoque l'absence de risque pouvant entraîner des conséquences manifestement excessives, l'employeur ne démontrant ni que sa situation financière est critique, ni que le non-remboursement aurait pour lui des conséquences manifestement excessives et relève qu'en première instance l'employeur n'a pas formulé d'observations concernant l'exécution provisoire.

Réponse:

Le fondement textuel de la demande de désignation de séquestre visé dans l'assignation porte sur les articles 517 à 522 du code de procédure civile et spécialement les articles 517-1 et 520 du code de procédure civile. Les conclusions en réponse de l'employeur ajoutent le visa express de l'article 521 du code de procédure civile.

Il est exact que les prétentions de l'employeur portent exclusivement sur un aménagement de l'exécution provisoire.

Il s'ensuit que ne sont pas applicables les dispositions de l'article 514-3 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, lesquelles concernent exclusivement l'exécution provisoire de droit, aux termes desquelles, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Le salarié n'est donc pas fondé à opposer l'irrecevabilité de la demande d'aménagement de l'exécution provisoire sollicitée, tirée de l'absence d'observations de l'employeur.

Selon l'article 517-1 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi,

2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives, dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522.

L'article 521 du code de procédure civile dispose que la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

En cas de condamnation au versement d'un capital en réparation d'un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine.

Les dispositions de l'article 521 du code de procédure civile sont insérées dans la section III (Livre premier, titre XV, chapitre IV) relative aux dispositions communes l'exécution provisoire de droit et à l'exécution provisoire facultative ou ordonnée.

Elles portent exclusivement sur l'aménagement de l'exécution provisoire, lequel n'est subordonné à la démonstration, ni d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision, ni que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il s'ensuit que la discussion opposant les parties sur la réunion de ces deux conditions, tenant d'une part à l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement et d'autre part du risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives, est dépourvue de pertinence.

De plus, le jugement entrepris est motivé, et il appartient au juge du fond de se prononcer sur l'analyse faite par les juges prud'homaux des dispositions applicables sur la situation de travail dissimulé.

Il est exact que la condamnation contestée prononcée au titre de l'indemnité de travail dissimulé (soit 9.765 euros) constitue la part prépondérante dans le montant total (soit 12.428,26 euros) des condamnations prononcées.

Si l'employeur ne justifie pas de sa situation patrimoniale que ce soit à la date du prononcé du jugement comme présentement, pour autant, le risque de non-représentation des fonds, en cas d'infirmation du jugement, alors que le salarié ne soumet à notre appréciation aucun élément sur sa situation professionnelle ou patrimoniale actuelle, est réel, l'emploi précédemment occupé en 2021 chez cet employeur étant précaire, pour être un contrat de travail à durée déterminée saisonnier d'une durée de 3 mois.

Ainsi, l'aménagement de l'exécution provisoire ordonnée est partiellement justifié pour le montant de l'indemnité de travail dissimulé auquel l'employeur a été condamné, qu'il devra verser, à peine de déchéance de son bénéfice, sur un compte séquestre ouvert à la Caisse des dépôts et consignation dans le délai d'un mois à compter de la date de la présente ordonnance, et y demeurera jusqu'à décision de la cour sur l'appel dont elle est saisie.

Les dépens de la présente procédure doivent être mis à la charge de l'employeur.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais qu'il a été contraint d'exposer pour sa défense.

PAR CES MOTIFS

- Rejetons l'exception de procédure,

- Aménageons l'exécution provisoire ordonnée par le jugement en date du 1er septembre 2023, du conseil de prud'hommes de Nice,

- Autorisons la société Les Canailles à consigner la somme de 9 765 euros sur un compte séquestre ouvert à la Caisse des dépôts et consignation, étant précisé que cette consignation devra intervenir, à peine de déchéance du bénéfice de cet aménagement, dans le délai d'un mois à compter du prononcé de la présente ordonnance, et y demeurera jusqu'à décision de la cour sur l'appel dont elle est saisie,

- Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [I] [O],

- Condamnons la société Les Canailles aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 référés
Numéro d'arrêt : 24/00076
Date de la décision : 11/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-11;24.00076 ?
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