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08/03/2024 | FRANCE | N°19/17641

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 08 mars 2024, 19/17641


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 08 MARS 2024



N°2024/ 46



RG 19/17641

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFSB







[L] [C]





C/



[Z] [I]





















Copie exécutoire délivrée

le 8 Mars 2024 à :



-Me Valérie KEUSSEYAN-

BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Cécile BERTOLDI, avocat au barreau de MARSEILLE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/00988.







APPELANTE



Madame [L] [C], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Valé...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 08 MARS 2024

N°2024/ 46

RG 19/17641

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFSB

[L] [C]

C/

[Z] [I]

Copie exécutoire délivrée

le 8 Mars 2024 à :

-Me Valérie KEUSSEYAN-

BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Cécile BERTOLDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/00988.

APPELANTE

Madame [L] [C], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Valérie KEUSSEYAN-BONACINA de l'ASSOCIATION BORDET - KEUSSEYAN - BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE subsituée par Me Emilie BERTAUT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [Z] [I], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cécile BERTOLDI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargéEs du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2024.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 3 janvier 1994, Mme [Z] [I], chirurgien-dentiste, a embauché Mme [L] [C], en qualité de secrétaire, puis à compter du 1er octobre 1999, en qualité de secrétaire médicale.

La relation contractuelle était soumise à la convention collective nationale des cabinets dentaires.

La salariée a été victime d'un accident du travail le 6 octobre 2014.

Lors de la 1ère visite de reprise du 11 janvier 2017, elle a été déclarée inapte temporaire et après étude du poste et des conditions de travail, le médecin du travail, le 25 janvier 2017, a déclaré Mme [C], «inapte au poste actuel dans cette entreprise.Pourrait occuper un poste dans une autre entreprise ou un autre site. Pas de geste nécessitant des mouvements au-dessus de la ligne des épaules ».

Par requête du 20 avril 2017, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins notamment d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le 2 juin 2017, Mme [C] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 23 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [C] de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Le conseil de Mme [C] a interjeté appel par déclaration du 19 novembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 26 mai 2020, Mme [C] demande à la cour de :

«REFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 23 octobre 2019, en ce qu'il a :

' Dit et jugé que le licenciement notifié par Madame [I] à Madame [C] le 2 juin 2017 était justifié par une inaptitude et une impossibilité de reclassement,

' Dit et jugé que Madame [C] ne justifie pas remplir les conditions indispensables à la qualification revendiquée,

' Débouté Madame [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties,

' Condamné Madame [C] aux entiers dépens de l'instance.

Statuant à nouveau,

FIXER le salaire mensuel moyen de Madame [C] à la somme de 1.647,97 €

A TITRE PRINCIPAL

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, à la date du licenciement soit au 2 Juin 2017 avec les conséquences d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

EN CONSEQUENCE,

VENIR Madame [I] s'entendre condamner à payer à Madame [L] [C] les sommes suivantes:

- Indemnité compensatrice de préavis : 3.295,95 €

- Congés payés y afférents : 329,59 €

- Dommages & intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conséquence de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur : 29.700 €

- Rappels de salaires : 860,58 €

- congés payés y afférents : 86,58 €

- Remise des bulletins de salaires régularisés, ainsi que de l'ensemble des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 150 € par jour de retard,

- Dommages et intérêts pour non-application du taux horaire prévu par la Convention

collective : 7000 €

- Article 700 : 3.000 €

- Condamnation de l'employeur aux intérêts de droit depuis la saisine du Conseil, avec capitalisation des intérêts Article 1343-2 du Code Civil

A TITRE SUBSIDIAIRE

REJETER l'appel incident formé par Madame [I] tendant à voir déclarer irrecevables les demandes formulées par la concluante quant à la légitimité de son licenciement

CONFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré recevable les demandes formulées par Madame [C] au titre du licenciement dont elle a fait l'objet,

DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [C] pour inaptitude ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

EN CONSEQUENCE,

VENIR Madame [I] s'entendre condamner à payer à Madame [L] [C] les sommes suivantes:

- Indemnité compensatrice de préavis : 3.295,95 €

- Congés payés y afférents : 329,59 €

- Dommages & intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conséquence de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur : 29.700 €

- Rappels de salaires : 860,58 €

- congés payés y afférents : 86,58 €

- Remise des bulletins de salaires régularisés, ainsi que de l'ensemble des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 150 € par jour de retard,

- Dommages et intérêts pour non-application du taux horaire prévu par la Convention collective : 7000€

- Article 700 : 3.000 €

- Condamnation de l'employeur aux intérêts de droit depuis la saisine du Conseil, avec capitalisation des intérêts Article 1343-2 du Code Civil

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

DIRE ET JUGER que Madame [C] doit bénéficier de l'indemnité spéciale de licenciement,

En Conséquence,

A TITRE PRINCIPAL,

CONDAMNER Madame [I] à régler à Madame [C] la somme de 17.139,74 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, sous déduction des sommes versées à ce titre en suite du licenciement, soit un solde de 9.335,74 €,

A TITRE SUBSIDIAIRE, CONDAMNER Madame [I] à régler à Madame [C] la somme de 14.408 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, sous déduction des sommes versées à ce titre en suite du licenciement, soit un solde de 7204 €,

CONDAMNER Madame [I] à verser à Madame [C] à titre de dommages & intérêts pour non-application du taux horaire prévu par la convention collective, la somme de 7.000€.

CONDAMNER l'employeur à verser à Madame [C] la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER l'employeur aux intérêts de droit depuis la saisine du Conseil, avec capitalisation des intérêts Article 1343-2 du Code Civil,

REJETER l'appel incident formé par Madame [I] relatif à la réformation du jugement dont appel visant à voir condamner Madame [C] à lui verser la somme de 2.000 en application de l'article 700 CPC au titre des frais exposés en première instance,

DEBOUTER Madame [I] de sa demande au titre des frais exposés en cause d'appel. »

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 9 mai 2020, Mme [I] demande à la cour de :

«In limine litis,

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit et jugé recevable la demande nouvelle formulée par Madame [L] [C] au titre du caractère prétendu illégitime du licenciement pour inaptitude au poste et impossibilité de reclassement dont elle a fait l'objet,

- Débouté Madame [I] de sa demande de condamnation de la salariée à lui régler une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

Statuant à nouveau, de ces chefs,

DIRE ET JUGER irrecevable car notamment prescrite la demande nouvelle formulée par Madame [L] [C] au titre du caractère prétendu illégitime du licenciement pour inaptitude au poste et impossibilité de reclassement dont elle a fait l'objet,

CONDAMNER Madame [C] à régler à Madame [I] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, au regard des frais de défense exposés par ses soins en première instance,

Pour le surplus,

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes en toutes ses dispositions,

Ce faisant,

DIRE ET JUGER qu'aucun des griefs soutenus par Madame [L] [C] à l'encontre de Madame [I] n'est existant,

NE PAS FAIRE DROIT à la demande de résiliation judiciaire aux torts de Madame [I] sollicitée par Madame [L] [C],

En conséquent,

DEBOUTER Madame [L] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à ce titre, comme de tous autres chefs,

DIRE ET JUGER que l'inaptitude de Madame [L] [C] à son poste n'est pas d'origine professionnelle,

DIRE ET JUGER que Madame [I] n'a pas manqué à son obligation de reclassement,

DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude physique au poste et impossibilité de reclassement prononcé par ses soins à l'endroit de Madame [C] procède d'une cause réelle et sérieuse,

DEBOUTER Madame [L] [C] de l'ensemble de ses demandes de ce chef,

DEBOUTER Madame [L] [C] de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNER Madame [C] à verser à Madame [Z] [I] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, en cause d'appel, outre les entiers dépens, de première instance et d'appel, A toutes fins,

NE PAS FAIRE DROIT à la demande de fixation des intérêts légaux, s'agissant de sommes indemnitaires, à compter de la demande en justice. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la résiliation judiciaire

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Mme [C] invoque deux manquements.

1- Sur la classification professionnelle

A l'appui d'une demande de rappel de salaire et d'une demande indemnitaire, Mme [C] indique qu'elle assurait de manière permanente les tâches et les responsabilités relevant de la classification suivante: « secrétaire technique option santé ».

Elle produit les pièces suivantes :

- l'avis d'inaptitude indiquant ainsi son poste « réceptionniste ; assistante dentaire », sans contestation de l'employeur,

- des attestations démontrant qu'elle effectuait l'ensemble des tâches propres à la classification revendiquée et bien plus (pièces 12 à 15),

- la fiche d'entreprise de la médecine du travail (pièce 22).

Elle soutient que la convention collective applicable n'exclut nullement qu'un salarié puisse bénéficier de la qualification de « secrétaire technique, option santé » sans être en possession de la certification afférente.

Elle estime qu'il importe peu que la qualification soit issue d'une nomenclature adoptée en 2009, soit 15 ans après son embauche et alors même qu'elle aurait pu bénéficier de la validation de ses acquis non proposée par l'employeur, qui a la charge de son financement.

Mme [I] relève que la salariée :

- prétend avoir tenu un poste qu'elle a eu toute difficulté à identifier, alors que la convention collective ne vise au titre des emplois administratifs, que deux catégories: «réceptionniste/hôtesse d'accueil » et depuis 2009, « secrétaire technique option santé »,

- ne dispose pas de la certification professionnelle, indispensable à la tenue de l'emploi ci-dessus revendiqué et à la perception de la rémunération idoine,

- ne produit aucune pièce de nature à établir objectivement la réalité des fonctions alléguées.

L'accord salarial du 18 décembre 2009 a modifié le titre IV consacré aux emplois administratifs, en créant en plus du poste de réceptionniste ou hôtesse d'accueil (article 4-1), un poste de «secrétaire technique, option santé», prévu à l'article 4-2.

L'article 4.2.1 indique que ses tâches sont fixées par les référentiels d'emploi, compétences et de formation du titre « secrétaire technique » de niveau IV inscrit au RNCP par l'union nationale des professions libérales (arrêté du 3 novembre 2008, Journal officiel du 16 novembre 2008).

L'article 4.2.3. intitulé Formation et qualification dispose :

«La formation s'effectue en alternance en contrat ou période de professionnalisation.

Pour pouvoir accéder à la formation, la durée du travail prévue au contrat doit être au minimum de 17 heures.

Tout salarié de cabinet dentaire embauché en contrat de professionnalisation ou tout salarié en poste qui bénéficie d'une période de professionnalisation en vue de l'obtention du titre de secrétaire technique, option santé, doit être âgé de 18 ans au moins et justifier d'un niveau de formation de fin d'études du deuxième cycle des études secondaires (niveau baccalauréat) ou d'un titre, diplôme ou qualification de niveau équivalent.

La formation externe est dispensée dans les centres agréés par l'organisme certificateur.

La formation interne est assurée au cabinet dentaire ; l'employeur ou son représentant est tenu d'assurer la formation interne nécessaire à l'exercice de la fonction et de laisser au salarié concerné le temps nécessaire lui permettant de participer à tous les stages, modules ou cours théoriques mis en place par l'organisme certificateur en vue de la préparation à la validation de la formation et l'obtention de la qualification.

Validation des acquis de l'expérience :

Le titre de secrétaire technique, option santé est accessible par la validation des acquis de l'expérience (VAE) suivant les modalités définies par l'organisme certificateur.

Tout salarié de cabinet dentaire qui engage une validation des acquis de l'expérience bénéficie des dispositions légales et réglementaires pour engager sa VAE.»

La cour relève que la salariée ne justifie pas avoir sollicité l'employeur par écrit - avant la saisine du conseil de prud'hommes -, pour obtenir une qualification supérieure ou une formation au titre du dispositif de Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) dont le salarié a l'initiative.

Comme jugé par le conseil de prud'hommes et souligné par l'employeur, le nouvel emploi créée en 2009 correspond à un titre professionnel qui doit être obtenu par certification (pièces 7 & 8), et il s'agit d'une condition impérative, qui à elle seule justifie le rejet de la revendication, étant précisé que les attestations produites par Mme [C] émanent toutes de proches de la salariée, lesquels, outre une forme de complaisance voire de partialité, ne sont pas à même de certifier des tâches confiées à Mme [C], n'étant présents au cabinet qu'en qualité de patients.

En conséquence, aucun manquement ne peut être reproché à l'employeur et l'appelante est infondée à solliciter un rappel de salaire ou une indemnité, uniquement basée sur le taux horaire qui lui a été appliqué.

2- Sur la reprise tardive du paiement des salaires

La salariée indique qu'un mois après la seconde déclaration d'inaptitude du 25 janvier 2017, soit le 25 février, elle n'avait fait l'objet ni d'un reclassement, ni d'un licenciement.

Elle indique avoir réclamé le versement de son salaire à son employeur par courrier du 8 mars 2017 (pièce 6) mais n'avoir pas eu de réponse.

Elle explique n'avoir reçu un premier règlement que le 20 avril 2017 (pièce 20), le jour du dépôt de sa requête, précisant que ce n'est que par courrier officiel du conseil de Mme [I] du 10 mai 2017 qu'une somme de 2.628,41 € ainsi que les bulletins de salaire des mois de février, mars et avril 2017, lui ont été remis, soit avec un retard de plus de deux mois (pièce 21).

Elle considère qu'il ne s'agit pas d'un léger retard comme en a décidé le conseil de prud'hommes, cette reprise tardive du versement des salaires, étant intervenue près de deux mois après l'expiration du délai imparti par les articles L.1226-4 et L.1226-11 du code du

travail, et devant être considérée comme un manquement grave de l'employeur , au regard de ses conséquences excessives, s'étant trouvée de fait sans rémunération aucune pendant près de 60 jours.

L'employeur fait valoir qu'au jour de la saisine du conseil de prud'hommes, seul restait dû un reliquat de 3 jours du 25 au 28 février, les mois suivants ayant été réglés (pièces 19 & 20).

Elle indique que par lettre officielle de son conseil, elle a fait envoyer un règlement global et les bulletins de salaire, avec une demande de renonciation à encaissement des premiers chèques mais que le conseil de Mme [C] devait faire retour dudit chèque, indiquant que sa cliente avait en effet été rendue destinataire le 20 avril 2017 du chèque de salaire du mois de mars, qu'elle avait dûment encaissé, et qu'elle avait également bien reçu le chèque au titre du mois de mai (pièces 14 à 24). Elle estime que les faits érigés de manière fallacieuse par l'appelante comme des manquements graves, sont inexistants au jour où la juridiction doit se prononcer.

Si au jour de la saisine soit le 20 avril 2017, l'employeur n'avait pas réglé une partie des salaires, il s'avère que contrairement aux allégations de Mme [C], cette dernière a bien réceptionné et encaissé deux chèques en avril et mai, correspondant aux salaires de mars et avril, de sorte qu'avec le paiement le 18 mai 2017 du reliquat de février, la salariée était remplie de ses droit au jour de l'audience de conciliation du 22 mai 2017 devant le conseil de prud'hommes.

La cour observe que la saisine est intervenue sans aucune mise en demeure préalable, et si incontestablement Mme [I] aurait dû adresser la somme de 230,57 euros représentant le salaire de février dès le début mars et a tardé à adresser le salaire de mars, payé seulement le 20 avril 2017, le retard apporté à payer n'a pas été que de deux mois et que ce manquement ne subsistait plus, moins d'un mois après la saisine, de sorte qu'à lui seul, il ne peut fonder la demande de résiliation judiciaire, n'étant pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur.

Sur le licenciement

1- sur la fin de non recevoir soulevée

L'intimée soutient que la demande en contestation du licenciement était une demande nouvelle sans lien avec la requête initiale et surtout qu'elle est atteinte par la prescription de douze mois.

Dans sa version applicable à l'espèce soit antérieure au 24 septembre 2017, l'article L.1471-1 du code du travail dispose que « Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.», de sorte que la demande formulée pour la première fois dans des conclusions de juillet 2018 n'est pas prescrite.

Il convient d'approuver le conseil de prud'hommes d'avoir dit que la demande additionnelle, quoique nouvelle, présentait un lien de connexité avec la demande initiale de résiliation judiciaire, toutes deux concernant la rupture du contrat de travail, étant précisé que le licenciement est intervenu en cours de procédure devant le conseil de prud'hommes.

2- sur l'obligation de reclassement

Au visa des articles L.1226-10 & suivants du code du travail, la salariée considère que l'employeur ne justifie pas des démarches de reclassement réellement accomplies, lui reprochant également de n'avoir pas envisagé une adaptation du poste, laquelle n'était pas impossible.

L'employeur fait observer que l'appelante fonde ses demandes à tort sur des articles traitant de l'inaptitude physique d'origine professionnelle, alors que l'analyse doit se faire sous l'égide des articles L.1226-6 & suivants du code du travail.

Elle rappelle que l'inaptitude au poste a été prononcée par la médecine du travail au terme d'un processus comportant une étude de poste et des échanges tant avec la salariée qu'avec l'employeur, et que dès lors aucun aménagement n'était possible.

Elle indique d'une part, être une microstructure ne présentant qu'un seul autre emploi déjà pourvu (un employé à l'entretien) et d'autre part, avoir été au-delà de ses obligations en interrogeant d'autres praticiens.

S'agissant de l'obligation de reclassement, après la Loi du 8 août 2016, les dispositions du code du travail sont les mêmes pour une inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel, que pour une inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.

Il ressort des pièces 7-8-9 de l'intimée qu'elle a respecté la procédure, en sollicitant de la part de Mme [C] un CV actualisé le 14 mars, en l'informant le 20 avril des motifs de l'impossibilité de reclassement puis en la convoquant à un entretien préalable au licenciement pour le 16 avril 2017.

L'article L.4624-4 du code du travail énonce :

«Après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l'équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l'employeur, le médecin du travail qui constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste detravail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur.»

En l'état de l'avis non contesté du médecin du travail du 25 janvier 2017 pris après étude du poste le 16 janvier 2017, déclarant Mme [C] inapte au poste actuel dans l'entreprise (mais pas inapte à tout emploi dans un autre entreprise), aucun aménagement n'était possible (sinon le médecin du travail aurait rendu un avis d'aptitude conformément à l'article L.4624-3 du code du travail) et aucune permutation n'était envisageable, l'autre poste d'employé d'entretien étant pourvu et en tout état de cause, ne pouvant correspondre à la restriction de la médecine du travail concernant les mouvements au-dessus de la ligne des épaules.

Il est établi que le cabinet dentaire ne faisait pas partie d'un groupe et qu'aucune recherche externe ne s'imposait mais Mme [I] justifie par ses pièces 29 à 31 avoir écrit à ses confères en vue du reclassement de sa salariée mais n'avoir obtenu que des réponses négatives.

En conséquence, il convient de confirmer le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que l'employeur n'a pas failli en son obligation, déboutant Mme [C] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de celle relative à l'indemnité compensatrice de préavis.

3- sur l'indemnité de licenciement

L'appelante sollicite une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité conventionnelle, considérant pouvoir bénéficier des règles spécifiques applicables au salarié inapte victime d'un accident du travail, du fait que son inaptitude trouve au moins partiellement son origine dans un accident du travail et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Elle indique que le conseil de prud'hommes a éludé cet aspect du dossier.

L'employeur considère que le cas de Mme [C] ne s'inscrit pas dans les dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail, en l'état d'arrêts de travail pour maladie simple ayant précédé le constat d'inaptitude et du refus de la caisse primaire d'assurance maladie de verser l'indemnité temporaire d'inaptitude réservée aux salariés dont l'inaptitude est en lien avec un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Il résulte des éléments présentés par l'employeur (pièces 2-3-4) qu'un arrêt de travail final en accident du travail a été rendu le 10 novembre 2016 et que jusqu'à la visite de reprise du 11 janvier 2017, la salariée était en arrêt de travail pour maladie simple.

L'origine professionnelle de l'inaptitude n'a pas été retenue par la médecine du travail ni par la caisse primaire d'assurance maladie (pièce 13).

La salariée ne démontre d'aucune façon que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoqué.

Même à supposer que l'inaptitude constatée a partiellement une origine professionnelle, elle n'établit pas que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, en l'absence de contestation de la décision du 9 février 2017 de la caisse primaire d'assurance maladie ayant exclu tout lien entre l'inaptitude et l'accident du travail du 6 octobre 2014, et de toute action menée en ce sens devant les juridictions compétentes.

En conséquence, Mme [C] doit être déboutée de sa demande visant à obtenir le doublement de l'indemnité de licenciement.

Sur les frais et dépens

L'appelante qui succombe totalement doit s'acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à Mme [I] la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la fin de non recevoir soulevée par Mme [Z] [I],

Déboute Mme [L] [C] de l'intégralité de ses demandes, y compris celle relative à l'indemnité spéciale de licenciement,

Condamne Mme [C] à payer à Mme [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [C] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/17641
Date de la décision : 08/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-08;19.17641 ?
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