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08/03/2024 | FRANCE | N°19/11479

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 08 mars 2024, 19/11479


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 08 MARS 2024



N°2024/ 45





RG 19/11479

N° Portalis DBVB-V-B7D-BETOZ







SELARL FIDES





C/



[V] [S] épouse [K]

Association UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST



















Copie exécutoire délivrée

le 8 Mars 2024 à :



- Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V145



- Me

Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

V149

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Juin 2019 enregistré au r...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 08 MARS 2024

N°2024/ 45

RG 19/11479

N° Portalis DBVB-V-B7D-BETOZ

SELARL FIDES

C/

[V] [S] épouse [K]

Association UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST

Copie exécutoire délivrée

le 8 Mars 2024 à :

- Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V145

- Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

V149

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/1468.

APPELANTE

SELARL FIDES prise en la personne de Maître Pablo CASTANON, Liquidateur Judiciaire de la SAS HOTEL & LODGE, demeurant [Adresse 5] - [Localité 4]

représentée par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Jean-charles GUILLARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Madame [V] [S] épouse [K], demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]

représentée par Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

Association UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargéEs du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2024.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [V] [S] épouse [K] collaborait depuis le 1er mars 1995, en qualité de journaliste pigiste à la rédaction de la revue «Résidences Décoration», éditée par la société Hotel & Lodge qui appliquait la convention collective nationale des journalistes.

A la suite d'échanges épistolaires de février à mai 2017 avec l'employeur concernant la baisse du nombre de ses piges et un mauvais calcul de sa rémunération, Mme [S] a saisi le 16 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail, et de diverses demandes à caractère salarial et indemnitaire.

Concomitamment, la société avait convoqué Mme [S] épouse [K] à un entretien préalable au licenciement, mais a renoncé à sa procédure par lettre recommandée du 4 juillet 2017.

La société a réitéré le 13 septembre 2017 une convocation à un entretien préalable au licenciement et a licencié la salariée pour faute grave par lettre recommandée du 13 octobre 2017.

Selon jugement du 20 juin 2019, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

Dit que la demande de Madame [V] [S] est recevable et bien fondée dans son action.

Dit y avoir lieu à rappels de rémunération et accessoires au titre des indemnités de congés payés, des primes de 13e mois et des primes d'ancienneté.

Condamne la SAS HOTEL & LODGE au paiement des sommes suivantes :

- 3 974,80 € à titre de rappel des indemnités compensatrice de congés payés pour la période de juin 2014 à août 2017,

- 3 312,33 € à titre de rappels des primes de 13e mois pour la période de juin 2014 à août 2017,

- 2 030,72 € à titre de rappel des primes d'ancienneté pour la période de juin 2014 à mai 2015,

- 203,08 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité,

- 169,23 € à titre d'incidence sur la prime de 13e mois du rappel des primes ancienneté,

- 2 504,60 € à titre de rappel des primes d'ancienneté pour la période de juin 2015 à août 2017,

- 250,46 € à titre d'incidence congés payés sur rappel de salaire précité,

- 208,72 € à titre d'incidence sur la prime de 13e mois du rappel des primes d'ancienneté,

Déclare que le conseil de prud'hommes de Marseille n'est pas compétent pour juger de la réalité des droits d'auteur.

Dit et juge que la société HOTEL & LODGE a manqué à son exécution de bonne foi du contrat de travail. Prononce en conséquence des manquements graves de la société HOTEL & LODGE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [S] à ses torts exclusifs.

Dit que la résiliation judiciaire emporte les conséquences d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse condamne la société HOTEL & LODGE au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi à raison de l'exécution fautive du contrat de travail.

Condamne la société HOTEL & LODGE au paiement des sommes suivantes :

- 3 864,97 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 386,50 € à titre des incidences congés payés sur indemnité précitée

- 28 987,29 € à titre d'indemnité légale de licenciement

Dit qu'à titre complémentaire les sommes susvisées produiront intérêt de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des articles 1231-7 et 1343-2 du Code civil.

Enjoint à la défenderesse sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir d'avoir à établir et délivrer les documents suivants :

- Bulletins de paie rectifiés du chef des rappels de rémunération judiciairement fixés et du chef du préavis non exécuté,

- Certificat de travail mentionnant pour terme de la relation contractuelle la date de fin de préavis non exécuté,

- Attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée de même et en mentionnant pour motif de la cessation de la relation contractuelle un « licenciement ».

Lui enjoint, sous astreinte de 100 €, par jour de retard à compter de la notification de jugement à intervenir d'avoir à régulariser la situation de Madame [S] auprès des organismes sociaux

Prononce l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile, Condamne la société HOTEL & LODGE au paiement de la somme de 1 500 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne la société défenderesse aux entiers dépens,

Déboute la société HOTEL & LODGE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Le conseil de la société a interjeté appel par déclaration du 15 juillet 2019.

Le tribunal de commerce de Paris, après avoir placé la société en redressement judiciaire le 29 mai 2019, a prononcé sa liquidation judiciaire par jugement du 16 décembre 2020 et désigné la SELARL FIDES prise en la personne de Me [Y] [R], en qualité de liquidateur.

Dans leurs dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 6 novembre 2023, la société et son liquidateur demandent à la cour de :

«A TITRE PRINCIPAL,

DIRE ET JUGER Parfaite la rémunération versée à Madame [S],

DEBOUTER Madame [V] [S] de sa demande de rappel de congés payés, de 13ème mois et de prime d'ancienneté;

DIRE ET JUGER Loyale l'éxécution du contrat par la société HOTEL & LODGE ;

EN CONSEQUENCE,

INFIRMER la décision entreprise

DEBOUTER Madame [V] [S] de sa demande en paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;

SUBSIDIAIREMENT,

DEBOUTER Madame [V] [S] de sa demande faute de rapporter la preuve de son préjudice ;

EN CONSEQUENCE,

Là encore DIRE ET IUGER n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat liant les parties,

ET

DEBOUTER Madame [V] [S] de l'intégralité de ses demandes d'indemnité de paiement de rappel de salaire(s) et d'indemnité de rupture.

SUBSIDIAIREMENT

Dans le cas où la cour considérait devoir entrer en voie de condamnation,-

DIRE ET JUGER que le salaire mensuel moyen de Madame [S] s'élève à la somme de 1043 €.

CONFIRMER la décision entreprise en ce que le Conseil des Prud'hommes de MARSEILLE s'est déclaré incompétent pour connaitre de la demande en paiement de droits d'auteur formée par Madame [S].

SUBSIDlAlREMENT, Sur le licenciement,

Pour les mêmes motifs :

DEBOUTER Madame [V] [S] de ses demandes en paiement de rappel de salaire, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat;

DECLARER le Conseil des Prud'hommes de Marseille incompétent sur la demande de dommages et intérêts pour violation du droit d'auteur et renvoyer Madame [S] devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille;

SUBSIDIAIREMENT,

DEBOUTER Madame [V] [S] de sa demande de ce chef;

Sur le licenciement,

DIRE ET JUGER Que Madame [V] [S] a commis une faute grave;

En conséquence,

DEBOUTER Madame [V] [S] de l'intégralité de ses demandes;

SUBSIDIAIREMENT

DIRE ET JUGER que le licenciement est à tout le moins pourvu d'une cause réelle et sérieuse;

DIRE ET JUGER que le salaire mensuel de Madame [S] s'élève à la somme de 1.043 €;

Plus subsidiairement encore,

LIMITER A 6 mois de salaire toute condamnation à dommages et intérêts, Madame[S] ayant nécessairement poursuivi l'activité professionnelle qu'elle avait mise en 'uvre alors qu'elle était salariée de la société HOTEL & LODGE et ce sur la base d'un salaire de 1.043 € mensuels.»

L'Unedic délégation AGS CGEA IDF OUEST a été assignée par acte d'huissier du 14 janvier 2020 et, dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2020 (soit avant la liquidation judiciaire), demande à la cour de :

«Réformer le jugement du 20/06/2019 le conseil des prud'hommes de MARSEILLE et débouter MME [X][S]-[K] de toutes ses demandes.

Confirmer le jugement du 20/06/2019 le conseil des prud'hommes de MARSEILLE en qu'il s'est déclaré incompétent au profit du TGI de MARSEILLE sur la question des droits d'auteurs, et désormais Tribunal Judiciaire de Marseille ;

Subsidiairement,

Confirmer le jugement et rejeter tout appel incident de la part de MME V. [S]-[K].

Vu les articles L. 622-21 et suivants du code de commerce ;

Constater et fixer les créances de MME [X] [S]-[K] en fonction des justificatifs produits; à défaut débouter MME [X] [S]-[K] de ses demandes ;

Vu les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail,

Dire et juger qu'en application de l'article L. 3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (art. l'article D.3253-5 du Code du travail), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposées par la loi ;

Dire et juger que l'obligation de l'UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST de faire l'avance de montant total des créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du Code du travail, compte tenu du plafond applicable(articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-19 du Code du travail ;

Dire et juger que l'UNEDIC-AGS CGEA IDF OUEST ne doit pas sa garantie pour les demandes au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du CPC, des dépens, de l'astreinte, des cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité ;

Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 C.COM) ;

Débouter MME [X] [S]-[K] de toute demande contraire et le condamner aux dépens ;».

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 11 juillet 2023, Mme [S] épouse [K] demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement entrepris en ce que le Conseil de Prud'hommes de Marseille s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de Madame [S] au titre de la violation de ses droits d'auteur et en ce qu'il a omis de statuer sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Confirmer le jugement entrepris sur les autres chefs de demandes, sauf à fixer les créances de Madame [S] au passif de la procédure collective de la société HOTEL & LODGE

Y AJOUTER :

1. DIRE ET JUGER que la société HOTEL & LODGE n'a pas respecté les droits d'auteur de Madame [S] en publiant ses articles sur internet sans son consentement. En conséquence :

FIXER au passif de la procédure collective de la Société HOTEL & LODGE les créances suivantes de Madame [S] :

- 5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi à raison de la violation des droits d'auteur.

2. FIXER au passif de la procédure collective de la société HOTEL & LODGE la créance suivante de Madame [S] :

- 30 919,77 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'ancien article L.1235-3 du Code du Travail.

3. DIRE le licenciement frappé de nullité ou en tout état de cause DIRE que le licenciement de Madame [S] ne repose sur aucune faute grave et est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

FIXER au passif de la procédure collective de la société HOTEL & LODGE les créances suivantes de Madame [S] :

- 3 864,97 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 386,50 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée,

-28 987,29 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

-30 919,77 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du Code du Travail.

4. FIXER en outre au passif de la procédure collective de la Société HOTEL & LODGE la créance de Madame [S] au titre de l'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais exposés à hauteur de Cour, soit la somme de 2 500 €.

5. FIXER au passif de la procédure collective de la Société HOTEL & LODGE les entiers dépens.

6. DEBOUTER la société HOTEL & LODGE ainsi que le liquidateur judiciaire de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

7. RENDRE opposable l'arrêt à intervenir à la [X]E.L.A.R.L FIDES prise en la personne de Maître [Y] [R], ès qualité de Liquidateur de la société HOTEL & LODGE ainsi qu'à l'association CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (C.G.E.A) D'ILE DE FRANCE OUEST qui devra en garantir le paiement en l'absence de fonds disponibles de la société HOTEL & LODGE. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la résiliation judiciaire

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La salariée invoque trois manquements.

1- sur le calcul de la rémunération

L'employeur relève l'absence de motivation du jugement et se prévaut de la motivation de la présente cour, saisie en référé, concernant l'absence de démonstration par la salariée de ce que sa rémunération se situe en deçà des minima conventionnels.

Il explique que pendant 22 ans, il a été appliqué une forme de forfait, constituant un usage, lequel se révèle plus favorable à la salariée.

L'intimée rappelle les dispositions de la convention collective concernant tant les congés payés, le 13ème mois que les primes d'ancienneté et conteste l'existence d'un usage, permettant d'amputer sa rémunération, soulignant qu'en tout état de cause, il n'y a pas lieu à interprétation de la volonté des parties, et qu'elle n'a pu renoncer à ses droits.

Les premiers juges, se référant aux articles L. 7111-3 du code du travail et L. 7111-4 du code du travail, sur le statut de journaliste professionnel qui n'est pas dénié par la société, puis citant l'article 27 de la convention collective des journalistes sur la nécessaire ventilation sur le bulletin de salaire entre le traitement de base et les primes d'ancienneté, ont rappelé les articles 22, 23, 24, 25 et 31 de la même convention prévoyant que le montant des piges s'entend hors prime d'ancienneté, indemnité de congés payés et 13ème mois.

La société ne produit aucun contrat de travail ou document signé par les parties susceptible d'être interprété à l'aune de la volonté des parties et ne peut se prévaloir d'un usage, se révélant contraire aux dispositions conventionnelles qui s'imposent à elle.

Elle ne peut dès lors invoquer un système de forfaitisation, lequel en outre était moins favorable à la salariée, comme l'ont dit les premiers juges qui ont examiné les bulletins de salaire et les relevés de piges (pièce 4 salariée), et fait ressortir les manquements de l'employeur, lesquels ont eu un impact sur le calcul des congés payés, des primes d'ancienneté et sur la prime de 13ème mois.

En conséquence, sans critique apportée de la part des appelants quant au montant des rappels de salaire accordés par les premiers juges, il y a lieu de confirmer la décision entreprise.

2- sur la baisse du volume des piges

Pour justifier de cette baisse, l'employeur met en avant l'éloignement géographique de Mme [S], laquelle était «rédactrice [Localité 6]» et a choisi d'installer son domicile à [Localité 2], soulignant que la salariée a crée en toute illécéité une déclinaison commerciale de la ligne éditoriale de la revue, et a ainsi enfreint ses obligations déontologiques.

Il résulte de la pièce 37 produite par la salariée qu'à compter de 2014, la moyenne annuelle du nombre de piges qui lui ont été confiées par la société, a baissé considérablement, ce dont elle s'est ouverte à la rédactrice en chef à plusieurs reprises et ce, dès juillet 2015.

Comme l'a jugé le conseil de prud'hommes, il ne peut être fait aucune corrélation entre cette baisse et le déménagement de la salariée en 2014 pour le sud de la France avec la création avec son époux, au sein de leur domicile d'une société spécialisée dans la vente d'oeuvres d'art et de mobilier exposés dans cet espace servant de galerie, activité au demeurant n'ayant pas prospéré (pièce 27).

En effet, la salariée apporte la preuve qu'elle se déplaçait fréquemment à [Localité 6] (pièce 46) sans forcément demander des frais professionnels, était disponible, étant souligné que l'activité créée était en lien avec l'objet de son travail (design, art contemporain et art de vivre), sans que la société ne démontre qu'elle aurait été préjudiciable aux intérêts de celle-ci.

En conséquence, l'éloignement géographique ne peut constituer un élément déterminant alors même que la société ne l'a pas sollicitée pour des reportages en région Paca malgré ses demandes réitérées (pièces 37 & 39); en tout état de cause, la société ne fait pas état d'autres éléments pouvant objectiver une telle baisse d'activité, l'attestation de la rédactrice en chef étant inopérante sur ce point.

Même si l'employeur d'un journaliste pigiste employé comme collaborateur n'est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant, eu égard à l'ancienneté de la salariée qui était un des pivots de la publication, ce manquement doit être retenu.

3- sur le respect des droits d'auteur

Il résulte de l'article L.1411-1 du code du travail que les conseils de prud'hommes sont seuls compétents pour connaître des différends individuels qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre employeur et salarié.

En l'espèce, les parties s'opposent sur l'utilisation par la société, sans l'accord de Mme [S], d'articles rédigés par cette dernière.

Ce litige étant né à l'occasion du contrat de travail, c'est donc à tort que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour en connaître.

Le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.

Au visa des articles L.111-1 et L.121-8 du code de la propriété intellectuelle, la salariée indique que son employeur a publié sans son autorisation ses articles sur le site internet du magazine Résidences Décoration, au mépris de ses droits d'auteur, et en demande réparation.

Sur le fond, la société invoque le fait que ces publications sont anciennes, pour l'une de novembre 2014 et que Mme [S] n'a protesté pour la première fois qu'en avril 2017, ce qui démontrerait son assentiment, ajoutant qu'elle ne justifie d'aucun préjudice.

L'employeur ne soutient pas l'existence d'une convention de cession passée entre les parties, de sorte qu'il devait demander à Mme [S] son autorisation pour utiliser ses articles sur un autre support et de fait, a porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle.

La cour dit le manquement constitué, mais tenant compte du fait que l'utilisation a été faite dans le cadre d'une diffusion digitale de la même revue, le préjudice en résultant doit être fixé à la somme de 500 euros.

La salariée a dénoncé à plusieurs reprises des retards dans le paiement des piges (pièce 29) mais surtout dans son courrier du 2 février 2017 les irrégularités concernant le calcul de sa rémunération, et la société s'est abritée de façon déloyale derrière une forfaitisation, alors même qu'elle avait vu cette même argumentation rejetée et avait été condamnée un an auparavant pour les mêmes raisons, par le conseil de prud'hommes de Paris le 4 février 2016, dans une instance l'opposant à Mme [J] (puis dans un arrêt confirmatif et définitif du 13/11/2018 cité par l'intimée).

Malgré les échanges amiables intervenus avant saisine de la juridiction prud'homale, la société n'a pas tenté de régulariser la situation, de sorte que ce manquement principal ajouté à celui de la baisse significative du nombre de piges, du fait de leur gravité et de leur retentissement sur la vie personnelle et professionnelle de la salariée, justifiaient la rupture à l'initiative de la salariée.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, qui a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture

Le salaire de référence fixé par les premiers juges à la somme de 1 932,48 euros, tient compte des éléments de rémunération tels que calculés par la salariée, respectant les dispositions conventionnelles, et la société n'est pas fondée à critiquer le montant alloué au titre de l'indemnité de licenciement de l'article L.7112-3 du code du travail, représentant 15 mois de salaire.

Dès lors, il convient de confirmer la décision concernant les indemnités de rupture.

Les premiers juges ont omis de statuer sur la demande indemnitaire de Mme [S] en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version postérieure au 22 septembre 2017, applicable au litige, fixant un minimum de 3 mois et un maximum de 16,5 mois.

Compte tenu de son ancienneté de 22 ans, de son âge (52 ans), de sa rémunération mais celle-ci ne justifiant de sa situation de demandeur d'emploi que jusqu'en mars 2018, il convient d'allouer à l'intimée la somme de 30 000 euros.

Sur les autres demandes

La salariée a démontré qu'outre les manquements retenus, l'attitude de l'employeur à son égard, qui lui a fait des reproches non fondés et a multiplié les procédures disciplinaires, justifiait de la voir indemnisée, par confirmation du jugement, au titre de l'exécution déloyale, préjudice distinct du simple paiement des rappels de salaire.

Il n'y a pas lieu de fixer au passif de la société les sommes visées dans la décision de première instance et confirmées, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire totale.

Le présent arrêt doit être déclaré opposable au CGEA-AGS, dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L.3253-6 & 8 du code du travail, et D.3253-5 & suivants du même code,

La société appelante succombant au principal doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande et à ce titre payer la somme supplémentaire de 2 000 euros à Mme [S].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme la décision déférée SAUF en ce qu'elle a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée quant aux droits d'auteur, et omis de statuer sur la demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Déclare la juridiction prud'homale compétente,

Fixe au passif de la société Hotel &Lodge, représentée par la SELARL FIDES prise en la personne de Me [Y] [R], en qualité de mandataire - liquidateur judiciaire, les créances supplémentaires de Mme [V] [S] épouse [K] aux sommes suivantes :

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des droits d'auteur

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Déclare l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF OUEST tenue à garantie pour ces sommes (sauf pour celle de l'article 700 du code de procédure civile) dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles,

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société liquidée.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/11479
Date de la décision : 08/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-08;19.11479 ?
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