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08/03/2024 | FRANCE | N°19/08417

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 08 mars 2024, 19/08417


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 08 MARS 2024



N°2023/ 44





RG 19/08417

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEKJQ







[L] [M]





C/



SASU ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE





















Copie exécutoire délivrée

le 8 Mars 2024 à :



- Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE



-Me Nathalie KOULMANN, avocat au barreau de NI

CE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 29 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02929.







APPELANT



Monsieur [L] [M], demeurant [Adresse 3]



représenté p...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 08 MARS 2024

N°2023/ 44

RG 19/08417

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEKJQ

[L] [M]

C/

SASU ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

Copie exécutoire délivrée

le 8 Mars 2024 à :

- Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Nathalie KOULMANN, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 29 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02929.

APPELANT

Monsieur [L] [M], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Denis FERRE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Manon STURA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SASU ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nathalie KOULMANN, avocat au barreau de NICE substitué par Me Mikaël TORTORICI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargéEs du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2024.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

La société Stes a embauché M.[L] [M] en 1989, en qualité d'ouvrier nettoyeur, avec reprise de son ancienneté au 2 septembre 1981.

Au gré des reprises de marchés, le salarié a intégré la société Elior Services à compter du 1er juillet 1995.

En dernier lieu, il occupait un emploi de laveur de vitres, et était classé «Agent Très Qualifié de Service» (ATQS1) de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services.

Par courrier du 27 août 2015, le salarié était informé de son changement d'affectation, prévue le 9 septembre suivant, sur le site Nespresso sis [Adresse 1] à [Localité 5].

Le salarié ne refusait pas l'affectation mais sollicitait des précisions par lettre du 3 septembre 2015 et se présentait sur son nouveau lieu de travail le 9 septembre 2015.

Par lettre recommandée du 3 décembre 2015, M.[M] était convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 novembre 2015, puis licencié pour faute simple par lettre recommandée du 13 janvier 2016, étant dispensé de préavis lequel était rémunéré.

Par requête du 21 décembre 2017, M.[M] saisissait le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d'obtenir la nullité de son licenciement, invoquant également une exécution fautive du contrat de travail, un prêt de main d'oeuvre illicite ou un délit de marchandage.

Selon jugement du 29 avril 2019, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

Requalifie le licenciement de M.[M] sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Elior Services à verser à M.[M] les sommes suivantes :

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties de toutes les autres demandes plus amples ou contraires.

Condamne la partie défenderesse aux entiers dépens.

Le conseil de M.[M] a interjeté appel par déclaration du 23 mai 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 7 mars 2022, M.[M] demande à la cour de :

« I. Sur l'effet dévolutif de l'appel

JUGER que la déclaration d'appel de Monsieur [M] indique l'objet de l'appel,

En conséquence,

JUGER que la déclaration d'appel a opéré effet dévolutif,

II. Sur le fond

A titre principal,

INFIRMER le jugement du 29 avril 2019 en tant qu'il a :

- Jugé que le licenciement de Monsieur [L] [M] n'était pas entaché de nullité ;

- condamné la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE à verser à Monsieur [L] [M] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et non la somme de 77 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, - Condamné la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE à verser à Monsieur [L] [M] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et non la somme de 77 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- En ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de Monsieur [L] [M] visant à ce qu'il soit dit et jugé que la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE avait exécuté de façon fautive le contrat de travail en procédant à la modification unilatérale de ce contrat de travail, et en mettant en 'uvre un prêt de main d''uvre illicite ;

- En ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de Monsieur [L] [M] visant à obtenir la condamnation de la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE à une somme de 15 500 euros à titre de dommages et intérêt pour exécution fautive du contrat de travail ;

- En ce qu'il n'a pas fait droit à la demande visant à ce que la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE soit condamnée à verser à Monsieur [L] [M], une somme de 9189.64 euros à titre de rappel sur indemnité de licenciement ;

- En ce qu'il n'a pas fait droit à la demande visant à ce que la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE soit condamnée à verser à Monsieur [L] [M], une somme de 1448.95 euros à titre de rappel sur l'indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu'à la somme de 144.89 euros au titre des congés payés afférents ;

- En ce qu'il n'a pas fait droit à la demande visant à ce que la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE soit condamnée à délivrer à Monsieur [L] [M], l'attestation POLE EMPLOI, le solde de tout compte, le certificat de travail rectifiés, ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux sommes allouées et cela sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

En conséquence, il est demandé à la Cour de reformer le jugement sur ces points, et, statuant à nouveau de :

A titre principal,

JUGER que le licenciement de Monsieur [L] [M] notifié par lettre du 13 janvier 2016 est nul;

En conséquence,

CONDAMNER la société ELIOR SERVICES à verser à Monsieur [M] les sommes suivantes:

' la somme de 77 500 euros nets au titre du licenciement nul ;

A titre subsidiaire,

JUGER que le licenciement de Monsieur [M] [L] notifié par lettre du 13 janvier 2016 est sans cause réelle ni sérieuse ;

En conséquence,

CONDAMNER la société ELIOR SERVICES à verser à Monsieur [M] les sommes suivantes:

' la somme de 77 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

Condamner la société ELIOR SERVICES à verser à Monsieur [M]

' La somme de 9189.64 euros au titre de rappel sur l'indemnité de licenciement ;

' La somme de 1448.95 euros au titre de rappel sur l'indemnité compensatrice de préavis;

' La somme de 144.89 euros au titre de congés payés sur préavis ;

Dire et juger que la société ELIOR a exécuté de façon fautive son contrat de travail, en procédant à la modification unilatérale du contrat de travail de Monsieur [M], et en mettant en 'uvre un prêt de main d''uvre illicite,

En conséquence,

CONDAMNER la société ELIOR SERVICES à verser à Monsieur [M] la somme de 15500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

Enjoindre à la société ELIOR SERVICES de communiquer à Monsieur [M] son attestation Pôle Emploi, son solde de tout compte, certificat de travail, et son dernier bulletin de paie modifiés conformément à la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE à verser à Monsieur de Monsieur [L] [M] une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance.

Condamner la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE à une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. »

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 2 janvier 2020, la société demande à la cour de :

« A titre principal :

JUGER que la déclaration d'appel de Monsieur [M] n'indique pas l'objet de l'appel,

En conséquence,

JUGER que la déclaration d'appel n'a pas opéré d'effet dévolutif,

JUGER que la Cour n'est saisie d'aucune demande,

CONDAMNER Monsieur [M] à payer à la société ELIOR SERVICES PROPRETE la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

CONDAMNER Monsieur [M] aux entiers dépens,

A défaut et si par extraordinaire la Cour devait se considérer saisie du litige,

A titre subsidiaire :

SUR LES CONDITIONS D'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

JUGER que le contrat de sous-traitance commerciale entre la société ELIOR et NESPRESSO implique l'affectation de personnel exclusive de toutes opérations illégales,

En conséquence,

CONFIRMER le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille en ce qu'il a débouté Monsieur [M] de sa demande de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail et exécution déloyale du contrat.

JUGER que l'affectation de Monsieur [M] sur le site de la boutique NESPRESSO s'est légalement opéré dans ce cadre de sous-traitance,

DEBOUTER Monsieur [M] de ses demandes au titre d'un prêt de main d''uvre illicite et délit de marchandage,

JUGER que le changement d'affectation et des conditions de travail relevait du pouvoir de direction de la société ELIOR,

En conséquence,

JUGER que l'employeur n'a pas modifié unilatéralement le contrat de travail de Monsieur [M],

DEBOUTER Monsieur [M] de sa demande au titre d'une exécution déloyale de son contrat de travail,

SUR LE LICENCIEMENT DE MONSIEUR [M]

JUGER que la liberté fondamentale tenant à la liberté d'expression du salarié n'a pas connu d'atteinte excessive,

JUGER que Monsieur [M] a abusé de cette liberté en proférant des insultes à l'endroit du client de son employeur,

En conséquence,

INFIRMER le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille uniquement en ce qu'il a dit et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

INFIRMER le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille en ce qu'il a condamné la Société ELIOR SERVICES PROPRETE au paiement de 20 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

INFIRMER le Jugement rendu en ce qu'il a condamné la Société ELIOR SERVICES PROPRETE au paiement de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

JUGER le licenciement valable et bien fondé,

DEBOUTER Monsieur [M] de ses demandes au titre d'un licenciement nul,

JUGER que les manquements de Monsieur [M] sont caractérisés,

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [M] de l'ensemble des demandes, fins et conclusions du salarié formulées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

FIXER la moyenne de salaire de Monsieur [M] à la somme de 1.718,86 euros,

JUGER que le salarié a été rempli de ses droits dans le cadre de son solde de tout compte,

DEBOUTER Monsieur [M] ses demandes au titre des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement,

CONDAMNER Monsieur [M] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les éventuels dépens d'instance.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur l'effet dévolutif de l'appel

Au visa des articles 562, 542 et 901 du code de procédure civile, la société invoque la nécessité de mentionner l'objet de la demande dans la déclaration d'appel et l'impossibilité de le mentionner dans la seule annexe, relevant en outre n'avoir eu communication de cette dernière que tardivement.

L'appelant se prévaut de l'avis de la Cour de cassation du 8 juillet 2022 pour dire que l'annexe fait partie intégrante de la déclaration d'appel, précisant que la charge procédurale exigée à compter du 17 septembre 2020 ne concerne que les conclusions.

Il relève qu'il s'agit d'une nullité de forme et que la société est de mauvaise foi pour soulever le moyen à la veille de l'ordonnance de clôture, alors qu'elle a été en mesure de se défendre.

La cour constate que la déclaration d'appel du 23 mai 2019 a été ainsi rédigée «appel total (voir motivation appel en pièce jointe)», le document joint sur deux pages visant les noms des parties, et étant libellé de la façon suivante :

«En application des dispositions de l'article 542 du code de procédure civile , l'appel tend par la critique de la décision sus-visée, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel en ce qu'elle a :

A titre principal,

- Jugé que le licenciement de Monsieur [L] [M] n'était pas entaché de nullité ;

- Condamné la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE à verser à Monsieur [L] [M] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et non la somme de 77 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

Condamné la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE à verser à Monsieur [L] [M] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et non la somme de 77 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause, il est sollicité la réformation de la décision précitée :

- En ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de Monsieur [L] [M] visant à ce qu'il soit dit et jugé que la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE avait exécuté de façon fautive le contrat de travail en procédant à la modification unilatérale de ce contrat de travail, et en mettant en 'uvre un prêt de main d''uvre illicite ;

- En ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de Monsieur [L] [M] visant à obtenir la condamnation de la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE à une somme de 15 500 euros à titre de dommages et intérêt pour exécution fautive du contrat de travail ;

- En ce qu'il n'a pas fait droit à la demande visant à ce que la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE soit condamnée à verser à Monsieur [L] [M], une somme de 9189.64 euros à titre de rappel sur indemnité de licenciement ;

- En ce qu'il n'a pas fait droit à la demande visant à ce que la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE soit condamnée à verser à Monsieur [L] [M], une somme de 1448.95 euros à titre de rappel sur l'indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu'à la somme de 144.89 euros au titre des congés payés afférents ;

La décision rendue en première instance sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE à verser à Monsieur de Monsieur [L] [M]

une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance.

Il est également demandé la Cour de condamner la société ELIOR SERVICES PROPRETE SANTE à une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.»

L'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à l'espèce, soit du du 1er septembre 2017 au 1er septembre 2024 telle que modifiée par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017, dispose:

« L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »

Dans sa version en vigueur du 27 février 2022 au 1er septembre 2024 telle que modifiée par décret n°2022-245 du 25 février 2022, l'article 901 du code de procédure civile prévoit :

« La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel ont été considérés comme immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

Dès lors, une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l'absence d'empêchement technique.

En outre, à défaut du visa de l'objet de l'appel dans la déclaration d'appel, ni l'article 562 du code de procédure civile ni aucune autre disposition actuellement en vigueur n'exige que la déclaration d'appel mentionne, s'agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu'il en est demandé l'infirmation (2e Civ., 25 mai 2023, pourvoi n°21-15.842), les arrêts cités par l'intimée concernant la rédaction des conclusions.

En conséquence, la cour dit que, nonobstant le caractère irrégulier de l'appel total, la déclaration d'appel constituée de l'acte d'appel et de son annexe, telles que reproduites ci-dessus énonçant les chefs de jugement critiqués, ont eu pour effet de saisir la cour, étant précisé que l'intimé ne peut utilement invoquer l'absence de transmission de l'annexe, puisqu'il a été en mesure de conclure dans les délais, la cour observant que les conclusions de M.[M] sont identiques à son acte d'appel.

Sur les conditions d'exécution du contrat de travail

Les premiers juges n'ont pas examiné de façon spécifique les demandes de M.[M] sur ce point, mais il y a lieu de constater que l'appelant n'a pas sollicité l'annulation du jugement dans le dispositif de ses écritures, mais seulement dans le cadre de la discussion.

1-Sur le marchandage et le prêt illicite de personnel

Au visa des articles L.8241-1, L.8241-2 et L.8231-1 du code du travail, M.[M] considère que son affectation sur le site Nespresso constituait un prêt de main d'oeuvre illicite et/ou un marchandage.

Il soutient que dans la plupart des cas, les sociétés dissimulent le prêt de main d'oeuvre illicite sous des contrats de sous-traitance, que seul le contrat-cadre a été produit et non les factures.

Il fait valoir qu'il n'effectuait pas seulement des prestations de nettoyage mais participait à l'activité principale de la société Nespresso, à savoir réceptionner les produits, les stocker et les revendre.

Il détaille ses missions et dénie l'existence de tâches spécifiques ne pouvant être accomplies par les employés de Nespresso ; il soutient qu'il était sous l'autorité de l'entreprise utilisatrice qui lui notifiait ses plannings et le rappelait à l'ordre.

Il estime que le délit de marchandage est caractérisé, son préjudice résultant de son licenciement.

La société se prévaut d'un contrat de sous-traitance soit un prêt de main-d'oeuvre accompagné d'une prestation de services effective, avec un prix forfaitaire, ne nécessitant pas l'accord du salarié.

Elle explique que la société Nespresso a fait le choix relevant de sa gestion interne, de ne pas gérer directement le nettoyage de ses boutiques ainsi que la manutention de ses marchandises, et que la combinaison de ces deux tâches implique une polyvalence et une spécificité qu'aucun employé de Nespresso ne détient, ces derniers se consacrant exclusivement au conseil et à la vente de machines et capsules de café.

Elle indique que M.[M] ne démontre pas l'existence d'un lien de subordination, le responsable de boutique n'ayant pas le pouvoir de contrôler et sanctionner les manquements du salarié et s'étant contenté de rapporter le comportement problématique de M.[M] par mails adressés à la chef d'équipe multi-sites de la société Elior.

Elle dénie l'existence d'un délit de marchandage, aucune des conditions n'étant caractérisée.

L'interdiction du marchandage résulte de l'article L. 8231-1 du code du travail. Selon cet article le marchandage est défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d''uvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié ou d'éluder l'application de dispositions légales ou conventionnelles.

L'article L.8241-1 du même code prohibe, sauf les exceptions limitativement déterminées, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif, le prêt de main-d'oeuvre.

En l'espèce, la société Nespresso, a décidé à compter de septembre 2015 et ce, pour ses différents sites au plan national, d'extérioriser certaines tâches, et de les confier à la société Elior Services, le tout étant défini dans un contrat cadre (pièce 19 intimée).

L'article 4 du contrat a prévu que la société Elior Services serait chargée de la mise en propreté des sites mais aussi de la manutention des produits Nespresso, prestations dont le détail est donné à l'article 5 et dont l'exécution est précisée aux articles : 9 concernant le personnel, 14 s'agissant des produits et matériels, 17 quant au suivi des prestations.

Les conditions commerciales faisaient l'objet de l'article 19, prévoyant une rémunération globale et forfaitaire.

Il ressort de ce document mais aussi des conditions d'exécution du contrat de travail de M.[M] sur le site Nespresso, résultant des pièces transmises au salarié par son employeur : l'avenant comprenant en annexe la répartition des horaires, la fiche de poste (pièce 3 salarié) et des mails échangés entre la boutique et Mme [V] [W], chef d'équipe Elior (pièces 23 et 25 intimée), que :

- le salarié était affecté, au sein du site, à des travaux de propreté et de manutention mais n'était pas chargé de vendre des produits, comme il ne craint pas de l'affirmer dans ses écritures,

- ces tâches ne concernaient pas l'activité essentielle et principale de Nespresso, dont les salariés sont exclusivement des conseillers clientèles et vente sur le marché du café,

- la société Elior fournissait tous les produits d'entretien et de nettoyage ainsi que le matériel manuel et électromécanique,

- les tâches comme les horaires du salarié ont été fixés par la société Elior Services et la modification annoncée pour le lendemain, ayant provoqué la colère de M.[M] le 30 novembre 2015, ne portait que sur l'ordre des prestations à effectuer,

- conformément à l'article 9 du contrat cadre de sous-traitance, seule la société Elior Services était chargée de l'encadrement des agents chargés de l'exécution des prestations sur le site et c'est en conformité avec l'article 17-1 du contrat cadre, intitulé «relations courantes» que les responsables de la boutique ont fait part à Mme [W], des difficultés rencontrées avec M.[M] et ont rappelé à ce dernier - qui se plaignait de Mme [D] - que ni Nespresso ni celle-ci n'étaient ses supérieurs.

En conséquence, le salarié échoue à démontrer un transfert du lien de subordination et au contraire la société justifie s'être engagée moyennant une rémunération forfaitaire, à l'exécution de tâches précises relevant de son savoir-faire et de sa technicité, définies par l'entreprise donneuse d'ordre, laquelle pour des raisons d'opportunité technique ou de spécificité technique, ne pouvait les accomplir elle-même avec son propre personnel.

L'appelant ne démontre pas de fait dommageable par la volonté de son employeur d'éluder l'application de dispositions légales et conventionnelles, ni de préjudice et notamment pas, avoir été privé d'avantages potentiels qu'il aurait dû tirer des droits opposables aux salariés de l'entreprise utilisatrice .

En conséquence, M.[M] ne démontre pas que son affectation résultait d'une opération illicite et dès lors, il doit être débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.

2-Sur la modification unilatérale du contrat de travail

Au visa de l'article L.1222-1 du code du travail, M.[M] reproche à son employeur son absence d'explications sur son changement d'affectation, étant laveur de vitres depuis 30 ans et ses nouvelles fonctions ne correspondant pas à son domaine de compétences, sans lui avoir au préalable proposé une formation ; il se plaint également de la modification de ses horaires.

La société justifie l'affectation du salarié en raison de sa classification comme «agent très qualifié de service», indiquant que le salarié n'était pas cantonné à une fonction de laveur de vitres.

Elle rappelle que M.[M] a suivi une formation afin qu'il obtienne un diplôme permettant la conduite d'engins et appareils de levage et que chacune des missions attribuées sur son nouveau site d'affectation entrait dans sa qualification tant conventionnelle que contractuelle.

S'agissant des horaires, elle indique que de 1989 à 2012, le salarié a travaillé sur un rythme discontinu (5h-9h/17h-20h) sur 6 jours et que ce n'est qu'en 2012 que ses horaires sont passés de 6 à 13h, observant que sur le nouveau site, le salarié commençait également à 6h mais terminait à 10h, pour reprendre de 15 à 17h et disposait du mercredi après-midi libre.

Elle souligne l'absence de lieu de travail contractualisé, précisant que le nouveau lieu d'affectation se situait à moins de 10 km du domicile du salarié.

Celui qui réclame l'indemnisation d'un manquement doit prouver cumulativement l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Il n'est pas établi que le changement d'horaire et de lieu de travail a pu affecter la vie privée et familiale du salarié.

Les formations suivies par M.[M] (pièce 10 société) en 2011 et 2012, correspondent à l'obtention du CACES, soit l'aptitude à la conduite en sécurité des plate-formes élévatrices mobiles de personnes et en 2012, aux règles de sécurité à connaître pour pénétrer et travailler sur un site industriel chimique, et sont donc sans rapport avec les prestations dont il avait la charge sur le site Nespresso.

La société ne dénie pas le fait que même si le salarié a évolué dans sa carrière, il a assumé au principal des fonctions de laveur de vitres, emploi figurant sur ses bulletins de salaire même après septembre 2015.

En dépit de la classification de M.[M], la société ne justifie pas avoir apporté à son salarié une formation appropriée concernant les tâches de manutention confiées à lui, lesquelles ne se cantonnaient pas à la réception de marchandises sur palettes, mais impliquaient de connaître les produits (mise en place des boîtes de capsules sur les «murs» de la boutique en respectant les noms des cafés, comptage des accessoires nécessaires à la mise en place dans les rayonnages etc...).

En conséquence, si la modification unilatérale du contrat de travail n'est pas démontrée - l'affectation nouvelle ne constituant qu'un changement dans les conditions de travail -, la cour dit que la société a failli en son obligation de formation afin de permettre à M.[M] d'accomplir ses tâches conformément au cahier des charges fixé par la société utilisatrice, ce qui a généré un préjudice, puisque le salarié avait demandé lui-même un entretien et plus de précisions dès le 3 septembre 2015 et que la réponse de l'employeur la veille de la prise d'effet de l'avenant, de le renvoyer sur son supérieur hiérarchique, responsable de site M.[N], était inadéquate et insuffisante.

Dès lors, il convient de voir indemniser le salarié à hauteur de 2 500 euros, pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail, étant précisé que les justificatifs médicaux produits datent de fin 2017 et 2018 et ne peuvent dès lors être mis en rapport avec la relation de travail qui a été rompue en 2016.

Sur la rupture du contrat de travail

En application de l'article L.1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La lettre du 13 janvier 2016 est libellée ainsi :

«(...) Affecté sur le site de NESPRESSO à [Localité 4] ([Adresse 6]) en qualité d'agent très qualifié de service, nous avons en effet à déplorer une attitude fort peu professionnelle de votre part, que nous ne pouvons pas excuser en raison des désagréments qu'elle génère sur notre organisation de travail et les relations avec notre client.

Plus précisément, vos responsables hiérarchiques, Mme [V] [W], chef d'équipe multi-sites et M.[X] [C] avons constaté ces derniers temps le non-respect majeur des consignes de travail que vous devez appliquer au quotidien de même que la violation de vos obligations contractuelles.

Cette situation a d'ailleurs conduit notre client à nous adresser plusieurs plaintes vous concernant, c'est dire la situation particulièrement préjudiciable dans laquelle nous nous trouvons.

Ainsi, vous avez été à l'origine des désagréments suivants :

Tout d'abord, le 26 novembre 2015, vous n'avez pas respecté les consignes de rangement des produits livrés de notre client. Vous avez en l'occurrence mélangé deux produits (les « Inissia» et les « Citiz ») dans les machines où ils doivent être entreposés, selon le mode opératoire donné par notre client. Votre erreur a eu pour conséquence de renvoyer une image négative de notre entreprise à notre client, qui a été lui-même impacté dans la mesure où toute sa chaîne de production a été perturbée.

Votre défaillance a également généré un surcroît de travail dans la mesure où il a fallu procéder aux modifications aux fins de limiter les effets dommageables de celle-ci au regard de la notoriété de notre client et de l'image d'excellence qu'il véhicule auprès de sa clientèle.

Puis, vous ne vous êtes pas contenté de commettre une erreur au cours de cette journée dans la mesure où vous vous êtes autorisé à tenir des propos irrespectueux à l'encontre de notre client, qui nous en a fait part compte tenu de la stupéfaction générée par votre discours. Alors que ce dernier vous demandait de redoublait de vigilance en vous rappelant les modes opératoires, du fait de votre erreur importante, vous vous êtes emporté contre toute attente et sans justification, en utilisant les termes suivants : « s'il y a quelqu'un ici qui ne veut pas me voir, qu'il me le dise en face », et avez par la suite utilisé des remarques insultantes face à notre client, dixit « ça me fait chier », etc.

Ensuite, le 30 novembre 2015, vous vous êtes encore laissé aller à un débordement comportemental excessif à l'égard de Monsieur [J], lequel se contentait de vous rappeler que le planning des prestations allait être modifié le 1er décembre. Vous vous êtes une nouvelle fois mis dans un état de colère important en disant « que vous n'étiez jamais au courant de rien, que vous en aviez marre et que c'était inadmissible » pour reprendre vos termes.

Madame [U], gestionnaire de stocks, vous a alors expliqué que Monsieur [J] venait de vous informer du changement et que les plannings étaient encore en cours d'amélioration pour une meilleure gestion de leur fonctionnement.

Toujours mécontent, vous vous êtes plaint de Mme [D], adjointe logistique et administrative, qui selon vous ne vous aurait pas donné de code pour vous permettre de badger le matin. Or, cette dernière nous a bien confirmé vous avoir communiqué le code la semaine précédente.

Compte tenu de votre attitude contestatrice, Mme [U] a donc essayé de vous calmer en vous expliquant les choses de manière sereine et dans l'intérêt de tous. Vous vous êtes fait fit de ses tentatives d'apaiement et avez alors proféré des injures dans une autre langue. C'est à ce moment là que Monsieur [J] a dû intervenir afin de faire cesser cette situation et qu'il vus demandé de vous conformer aux règles internes de travail, conformément à vos obligations professionnelles.

Enfin, le client a également remarqué que vous passiez de nombreux appels personnels pendant vos heures de réalisation des prestations sans que cela ne vous pose la moindre difficulté alors que cela ne vous est pas autorisé. Nous vous renvoyons notamment à l'article 6-1 du règlement intérieur qui énonce : «les communications téléphoniques à caractère personnel, reçues ou données au cours du travail doivent être limitées au cas d'urgence et doivent rester discrètes.

Votre comportement à la lecture des éléments ci-dessous, laisse à penser que vous vous moquez de vos obligations contractuelles et que vous refusez de vous soumettre aux consignes de travail qui vous sont données, y compris par votre hiérarchie.

En agissant de la sorte, vous ne respectez pas les termes de votre contrat de travail ainsi que les dispositions de notre règlement intérieur qui encadrent notre relation.

Ainsi ledit règlement rappelle que vous êtes tenu d'adopter une attitude de services vis à vis de notre client et d'un minimum de correction dans votre présentation orale (...).

L'article 15 prévoit que «les propos non respectueux, les insultes ou menace envers un client, la clientèle, le personnel client, les collaborateurs, la hiérarchie sont considérés comme particulièrement graves.»

Votre manque de sérieux, vos propos insultants et le non-respect des consignes ont donc des répercussions graves sur les prestations que vous réalisez et sur l'appréciation de notre client.

En effet, ce dernier, las de vous reprendre, a contacté vos responsables hiérarchiques, afin de leur exposer les écarts constatés dans les prestations attendues et de leur signaler votre manque de correction dans votre langage et votre attitude.

Ainsi, votre comportement nuit gravement à l'image de marque de notre société, et, est susceptible de remettre en cause le contrat commercial qui nous lie avec NESPRESSO.

Nous vous rappelons qu'il s'agit d'un contrat englobant plusieurs sites sur plusieurs départements et que la perte d'un tel contrat au niveau de l'agence Provence nous causerait un préjudice important.

Vous ne pouvez ignorer que cette boutique NESPRESSO reçoit également une clientèle venue s'approvisionner en capsules et autres produits de la marque. Ainsi, il est crucial de ne pas perturber le bon fonctionnement des prestations susceptibles d'avoir un impact considérable sur l'activité de notre client. Le non-respect des modes opératoires entraînent un retard dans la réalisation de vos missions et donc dans la livraison des capsules au niveau du magasin.

Vos agissements ont également une répercussion sur les conditions de travail de vos collègues et du personnel client qui doivent supporter votre agressivité et vos plaintes. En qualité d'employeur soucieux de garantir un environnement serein, nous mettons un point d'honneur à ce que nos salariés fassent preuve de respect, d'esprit d'équipe et de cordialité envers autrui.

Pour finir, vous avez déjà fait l'objet de procédures disiciplinairs en raison de votre négligence et de votre insubordination par courriers du 29 juin 2015 et du 1er avril 2015. Magré nos correspondances et les rappels verbaux récurrents de vos responsables, force est donc de constater que vous persistez dans cette attitude inacceptable (...).»

1- sur la nullité invoquée

Le salarié invoque la violation de sa liberté d'expression en ce que la lettre de licenciement lui reproche d'avoir tenu des propos irrespectueux et d'avoir eu une attitude contestatrice, transposant ainsi la jurisprudence sur la liberté fondamentale d'agir en justice.

La société fait valoir son règlement intérieur et reproduit ainsi les propos de M.[M] s'adressant aux représentants de son client :

- « s'il y a quelqu'un ici qui ne veut plus me voir, qu'il me le dise en face » ; « ça me fait chier»;

- « j'en ai plein les couilles » ;

- « vaffanculo » ,

les qualifiant d'injurieux et irrespectueux.

Sauf abus, le salarié a le droit de s'exprimer librement en dehors et au sein de l'entreprise. Il s'agit là d'une liberté fondamentale qui ne peut, même en partie, motiver un licenciement sans que celui-ci soit entaché de nullité.

En l'espèce, il est manifeste que M.[M] s'est exprimé de façon grossière, injurieuse et excessive à deux reprises sur son lieu de travail, en s'adressant notamment aux salariés de Nespresso, alors même que rien ne le justifiait, de sorte que l'abus est caractérisé et que le motif pouvait être retenu par l'employeur.

2- sur le bien fondé du licenciement

Selon les termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse et être fondé sur des éléments objectifs et imputables au salarié.

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.

Le salarié soutient que le grief concernant l'absence de respect des consignes de travail n'a pas été abordé lors de l'entretien préalable, et qu'il est injustifié puisque le rangement de produits ne relevait pas de ses compétences ni de sa fiche de poste de laveur de vitres.

Il met en avant le fait de l'avoir affecté sans son accord et sans qu'il puisse bénéficier d'une formation pour l'accomplissement de ses nouvelles fonctions pour ensuite le licencier, comme étant injustifié.

La société considère que l'absence d'exposé d'un tel grief au cours de l'entretien préalable au licenciement ne remet pas en cause la légitimité du licenciement, et indique que le second constitué par l'attitude inacceptable de M.[M], empêchait la société d'envisager une poursuite de la collaboration.

La cour relève que le grief tiré du non-respect des consignes ne résulte que d'un mail du 26 novembre 2015 de Mme [D] à Mme [W] (pièce 25 société ) : «il s'est trompé dans le rangement des machine à mélangé les inissia et Citiz, nous avons voulu lui expliqué gentiment d'être vigilant, mais il s'est emporté, l'échange s'est arrêté là».

Outre le fait que l'employeur s'est mépris sur le motif (machines et non capsules mélangées), il ne justifie pas «des modes opératoires» invoqués puisque le salarié n'avait reçu aucune formation préalable et ne peut invoquer utilement «un non respect majeur» des consignes de travail ; par ailleurs, aucun élément n'est produit quant aux perturbations entraînées au sein de la boutique et la perte du marché étant de nature hypothétique.

S'agissant des appels téléphoniques passés sur le lieu de travail, ceci ne résulte que d'une simple indication dans un mail du 30 novembre 2015 de Mme [D] «il téléphone à sa fille sur son temps de travail» , sans qu'à aucun moment, ne soit citée une date ou caractérisé un abus, étant précisé que le constat ne résulte pas d'une connaissance personnelle de ses supérieurs hiérarchiques - contrairement à ce qui est indiqué dans la lettre de licenciement.

Si le grief relatif à l'attitude injurieuse de M.[M] est constitué, la cour considère, à l'instar du conseil de prud'hommes, que ce comportement aurait pu être sanctionné par une sanction disciplinaire comme la mutation disciplinaire ou la rétrogradation telles que prévues dans l'échelle des sanctions par l'article 15 du règlement intérieur, afin d'être proportionnée à l'importance de la faute et de tenir compte du contexte ci-dessus relevé d'absence de formation dans lequel les faits ont été commis ainsi que de l'ancienneté de plus de 30 ans du salarié, étant précisé que les avertissements de 2015 n'ont pas été délivrés pour des faits similaires.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu d'une cause réelle et sérieuse.

3- sur les conséquences financières de la rupture

Le salarié réclame un reliquat d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement, se basant sur un salaire de référence de 2 580,47 euros, correspondant au mois de mars 2016, mois de préavis.

La société indique que M.[M] a été rempli de ses droits, concernant les indemnités de rupture,retenant pour sa part un salaire de référence sur les 12 derniers mois soit de janvier à décembre 2015, à hauteur de 1 718,86 euros.

La cour, à défaut d'explications du salarié, retient la moyenne des douze derniers mois soit de janvier à décembre 2015 (mois entiers), et aboutit à un résultat moins favorable que celui calculé par la société.

En conséquence, le salarié doit être débouté de ses demandes non fondées.

Compte tenu de son ancienneté (35 ans), de son âge (58 ans) et de la justification de la perception de l'allocation de retour à l'emploi jusqu'au 31 mars 2018, la cour fixe l'indemnisation de M.[M] à la somme de 35 000 euros.

La cour applique d'office la sanction pécuniaire édictée par l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur les autres demandes

La société succombant au principal, doit s'acquitter des dépens de la procédure d'appel, être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre, payer à M.[M] la somme supplémentaire de 1 800 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Dit que la déclaration d'appel (acte d'appel et son annexe) a opéré effet dévolutif,

Confirme la décision déférée SAUF en ce qu'elle a rejeté la demande relative à l'exécution déloyale et fautive du contrat de travail et s'agissant du quantum alloué pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et Y ajoutant,

Condamne la société Elior Services à payer à M.[L] [M], les sommes suivantes:

- 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M.[M] du surplus de ses demandes,

Ordonne le remboursement par la société Elior Services à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 6 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Condamne la société Elior Services aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/08417
Date de la décision : 08/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-08;19.08417 ?
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