COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 07 MARS 2024
N°2024/151
Rôle N° RG 23/07894 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLOKD
[N] [J]
C/
[P] [F] EPOUSE [J]
S.C.I. IGIEA
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Michel MOATTI
Me Caroline CAUSSE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du TJ de Marseille en date du 17 Mai 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/06106.
APPELANT
Monsieur [N] [J]
né le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Michel MOATTI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Eva BENSOUSSAN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEES
Madame [P] [F] EPOUSE [J]
née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Caroline CAUSSE, avocat au barreau de MARSEILLE
S.C.I. IGIEA,
dont le siège social est [Adresse 6]
représentée par Me Caroline CAUSSE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie LEYDIER, Présidente, et Mme Angélique NETO, Conseillère, chargée du rapport.
Mme Angélique NETO, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Sophie LEYDIER, Présidente
Mme Angélique NETO, Conseillère
Mme Florence PERRAUT, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024,
Signé par Mme Sophie LEYDIER, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Mme [P] [F] et M. [N] [J] se sont mariés le [Date mariage 3] 2009 sous le régime de la séparation de biens.
Suivant acte notarié en date du 6 novembre 2009, ils ont constitué la société civile immobilière IGIEA avec répartition du capital social à hauteur de moitié chacun. Mme [F] épouse [J] en est la gérante.
Cette société a acquis un appartement situé [Adresse 1], à [Localité 8] qui a été le logement familial des époux [J].
Les époux [J] se sont séparés.
Afin de déterminer les comptes courants de chacun des associés ainsi que la situation financière de la société IGIEA, Mme [F] épouse [J] a, par requête en date du 3 décembre 2020, saisi le président du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de procéder à la désignation d'un mandataire ad hoc de la société IGIEA.
Par ordonnance sur requête en date du 3 décembre 2020, ce magistrat a fait droit à la demande de Mme [F] épouse [J] en désignant Me [R] [D], en qualité de mandataire ad hoc de la société IGIEA avec pour mission de procéder à la détermination détaillée des comptes courants de chacun des associés, rendre compte de ses calculs aux associés et soumettre ces mêmes comptes courants à l'approbation de l'assemblée générale des associés convoqués en assemblée générale extraordinaire à cet effet. La durée de sa mission a été fixée à six mois, renouvelable sans pouvoir excéder trois ans.
La mission de Me [R] [D] a été prorogée par ordonnance en date du 7 juillet 2021.
Elle a été prorogée une nouvelle fois par ordonnance en date du 1er décembre 2021. Aux termes de cette ordonnance, [O] [B] a été désigné en tant qu'expert comptable sapiteur avec pour mission de détailler les comptes courants de chacun des associés de la société IGIEA et de rendre compte de ses calculs dans un rapport.
M. [B] a rendu son rapport le 18 mars 2022 en évaluant les apports de Mme [F] épouse [J] à la société IGIEA à la somme de 947 166,11 euros et ceux de M. [J] à celle de 581 694,33 euros.
Se prévalant d'une créance complémentaire de 112 838,14 euros en raison d'autres dépenses qu'elle a supportées, Mme [F] épouse [J] a adressé au mandataire ad hoc, le 27 avril 2022, de nouvelles pièces.
M. [J] s'est opposé à cette communication, de même que Me [R] [D] au motif que le rapport du sapiteur était définitif.
La société IGIEA et Mme [F] épouse [J] ont sollicité du président du tribunal judiciaire de Marseille la prorogation de la mission de Me [R] [D] pour un nouveau délai de six mois et qu'il soit ordonné, en tant que de besoin, au mandataire ad hoc et au sapiteur désigné de compléter son rapport avec les éléments communiqués par Mme [F] épouse [J].
Par ordonnance en date du 8 juillet 2022, ce magistrat a prorogé le mandat de Me [R] [D] pour une durée de six mois et a ordonné, en tant que de besoin, à M. [B] de compléter son rapport au regard notamment des nouveaux éléments communiqués par Mme [F].
Par ordonnance en date du 25 novembre 2022, Me [A] [G] a été désigné en remplacement de Me [R] [D].
M. [J] a, par actes d'huissier en date des 8 et 9 décembre 2022, fait assigner la société IGIEA, Mme [F], Me [R] [D] et M. [O] [B] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille en sollicitant la rétractation de l'ordonnance sur requête en date du 8 juillet 2022.
Par ordonnance en date du 17 mai 2023, ce magistrat a :
- rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 8 juillet 2022 ;
- condamné M. [N] [J] au paiement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamné aux dépens.
Il a considéré, qu'alors même que seul le bien constituant le logement de la famille était la propriété de la société civile immobilière, la mésentente entre les époux [J] était toujours d'actualité, laquelle avait conduit à la désignation d'un mandataire ad hoc aux fins de reconstituer le montant des comptes courants de chacun des associés en fonction des dépenses d'amélioration et de conservation de l'appartement réalisées par chacun, les époux [J] discutant chaque facture produite et M. [B] étant suspecté de partialité, la mesure ordonnée le 8 juillet 2022 était toujours justifiée.
Par acte transmis au greffe le 14 juin 2023, M. [J] a interjeté appel de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 19 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé plus ample des moyens, il sollicite de la cour qu'elle :
- ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de RG 23/07894 et 23/07896 ;
- infirme l'ordonnance entreprise ;
- ordonne la rétractation de l'ordonnance du 8 juillet 2022 portant prorogation du mandat de Me [R] [D] et réouverture des opérations d'expertise ;
- condamne Mme [F] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamne aux dépens.
Il expose s'être opposé, de même que Me [D], à la demande de Mme [F] de réouverture des opérations d'expertise, dès lors que, comme l'écrivait le conseil de Mme [F] lui-même, la désignation de M. [B], en qualité d'expert, ne se substituait pas à la mission du mandataire ad hoc de procéder à la détermination détaillée des comptes courants de chacun des associés. Il souligne que la requête de renouvellement de mandat ne lui a pas été transmise préalablement, pas plus qu'à Me [D], et ce, en méconnaissance du principe du contradictoire, faisant observer que le premier juge n'a pas répondu sur ce point. De plus, il soutient que le juge des référés a commis une erreur de droit dès lors que la procédure ne s'inscrivait pas dans le cadre des dispositions de l'article 215 alinéa 3 du code civil mais de ceux des articles 1832 à 1873 du même code et des statuts. Il relève que Mme [F] n'a jamais, en tant que gérante, tenu de comptabilité, ni convoqué la moindre assemblée générale, et ce, alors même qu'elle avait pris la peine, pour les besoins de son apport en compte courant, de prévoir le versement d'un intérêt de 4 % avec un taux révisable, sous réserve d'une approbation annuelle en assemblée générale, ce qui n'a jamais été respecté. Il souligne qu'en se référant à la mésentente entre époux, et non au désaccord entre associés, le premier juge s'est placé sur le terrain des dispositions du droit de la famille et non de celles relatives aux sociétés civiles. Il relève qu'il a été jugé que, si l'article 215 alinéa 3 du code civil, qui a pour objectif la protection du logement familial, subordonne au consentement des deux époux les actes de disposition portant sur les droits par lesquels ce logement est assuré, c'est à la condition, lorsque ces droits appartiennent à une société civile immobilière dont l'un des époux au moins est associé, que celui-ci soit autorisé à occuper le bien en raison d'un droit d'associé ou d'une décision prise à l'unanimité de ceux-ci, dans les conditions prévues aux articles 1853 et 1854 du code civil. Il relève que les statuts eux-mêmes énoncent que la mise à disposition à titre gratuit de l'immeuble social aux associés se fera dans les conditions prévues aux termes d'une assemblée générale des associés, et ce, sous réserve que ces derniers prennent en charge tous les frais liés à leur occupation, ce qui n'a jamais été fait. Il considère donc que le juge des référés ne pouvait assimiler l'appartement, propriété de la société, au logement conjugal des époux. Enfin, il insiste sur sa bonne foi, faisant valoir qu'il ne s'est jamais opposé à la désignation de Me [D] mais relève que, c'est en fraude à ses droits, que les dispositions de l'ordonnance désignant le mandataire ad hoc ont été modifiées au seul avantage de son épouse qui a manqué à toutes ses obligations.
Aux termes de leurs conclusions transmises le 27 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé plus ample des moyens, Mme [F] et la société IGIEA sollicitent de la cour qu'elle :
- confirme l'ordonnance entreprise ;
- déboute l'appelant de ses demandes ;
- le condamne à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamne aux dépens, avec distraction au profit de Me Causse, sur son affirmation de droit.
Elles indiquent que, dès lors que les parties ne s'accordent pas sur la détermination des comptes courants des associés, il est nécessaire de compléter l'expertise, et ce, sans qu'on puisse exiger de Mme [F] qu'elle concilie. Elles exposent que le mandataire ad hoc, qui a pour mission d'accomplir un acte déterminé, peut être désigné en référé ou par requête dans les conditions des articles 834, 835 et 145 du code de procédure civile. Elles indiquent que la demande de complément d'expertise est fondée en droit et en fait. Elles soulignent que dès lors que les associés ont financé des dépenses sociales devant donner lieu à l'établissement de comptes courants d'associés, dans la comptabilité de la société IGIEA, la détermination détaillée de ces comptes courants relève de l'intérêt de la société et de chacun des associés. Elles insistent sur le fait que cette mission appartient au mandataire ad hoc qui a été désigné et non au sapiteur auquel il a fait appel pour l'aider dans sa mission, de sorte qu'il est inexact de soutenir que les opérations d'expertise sont terminées, la mission du mandataire ad hoc se poursuivant. Elles relèvent que les dépenses effectuées par Mme [F] qui n'ont pas été prises en compte par le sapiteur sont des dettes qui ne pas prescrites, de sorte qu'elles doivent l'être dans le cadre d'un complément d'expertise. Elles insistent sur le fait que les parties ne s'accordent pas sur les dépenses que Mme [F] a engagées et qui doivent figurer sur son compte courant s'associé, ce qui justifie la mesure d'instruction sollicitée. Elles estiment donc, qu'en raison de ce désaccord, leur demande de complément d'expertise est parfaitement fondée au visa des articles 835, 145 et 496 du code de procédure. En outre, elles insistent sur le fait que la prorogation de la mission du mandataire ad hoc porte bien sur l'établissement des comptes courants d'associés dans la société civile immobilière, ce qui entre dans sa mission, de sorte que la mésentente entre époux retenue par le premier juge n'a rien à voir avec les dispositions de l'article 215 alinéa 3 du code civil qu'il ne vise même pas, mais résulte uniquement du fait que les associés sont également des époux. Enfin, elles exposent qu'il est inopérant de faire grief à Mme [F] de ne pas avoir respecté ses obligations en tant que gérante dès lors que les obligations fiscales et comptables de la société ont été remplies et que son époux, associé depuis l'origine, ne s'est jamais plaint de la manière dont elle gérait la société.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 15 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de jonction
Il n'entre pas dans une bonne administration de la justice de joindre la présente affaire portant sur une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant prolongé la mission d'un mandataire ad hoc avec celle enregistrée sous le numéro de 23/07896 portant sur la désignation d'un administrateur provisoire, même si ces demandes concernent la même société IGIEA.
Sur la rétractation de l'ordonnance sur requête du 8 juillet 2022
Il résulte de l'article 493 du code de procédure civile que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
L'article 495 du même code énonce que l'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.
L'article 496 alinéa 2 du même code énonce que, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance.
Il ressort de l'article 497 du même code que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.
Il est admis que le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d'instruction doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale à ordonner la mesure probatoire, ainsi que des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement et de la nature légalement admissible de la mesure sollicitée.
La régularité de la saisine du juge des requêtes étant une condition préalable à l'examen de la recevabilité et du bien-fondé de la mesure probatoire sollicitée, il convient de s'assurer que la requête ou l'ordonnance y faisant droit a justifié de manière circonstanciée qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, avant de statuer sur la validité de la mesure sollicitée et sur son contenu.
En effet, en application des articles 493 et 495 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête rendue non contradictoirement doit être motivée de façon précise, le cas échéant par l'adoption des motifs de la requête, s'agissant des circonstances qui exigent que la mesure d'instruction ne soit pas prise contradictoirement.
Il appartient au juge, saisi d'une demande de rétractation, de vérifier, même d'office, si la requête et l'ordonnance caractérisent de telles circonstances.
Si le juge de la rétractation doit apprécier l'existence du motif légitime de la mesure sollicitée au jour du dépôt de la requête initiale ainsi qu'à la lumière des éléments de preuve produits ultérieurement devant lui, il est tenu, en revanche, s'agissant de la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, d'apprécier les seuls éléments figurant dans la requête ou l'ordonnance, sans qu'il puisse en suppléer la carence en recherchant les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction dans les pièces produites ou les déduire du contexte de l'affaire.
L'examen de la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire ne doit donc être fait qu'à (à ) l'égard des énonciations et de la motivation figurant dans la requête ou l'ordonnance, motivation qui ne peut pas consister en une formule de style et qui doit s'opérer in concreto sur des faits qui, à ce stade de la procédure, n'ont pas besoin d'être établis et peuvent être contestés.
L'effet de surprise et le risque de dépérissement des preuves, s'ils sont circonstanciés, sont des motifs pouvant faire écarter le principe de la contradiction, dans un souci d'efficacité de la mesure sollicitée.
En l'espèce, l'ordonnance sur requête du 8 juillet 2022 procède en son entête par visa de la requête.
Ce visa a valeur de motivation à condition que les motifs de la requête précisent les circonstances justifiant de ne pas procéder contradictoirement à la mesure sollicitée qui consiste à prolonger la mission du mandataire ad hoc pour une durée de six mois et à ordonner, en tant que de besoin, au mandataire ou au sapiteur désigné, de compléter le rapport des éléments communiqués par la requérante.
La société IGIEA, représentée par sa gérante, et Mme [F], exposent dans leur requête, qu'alors même que la vente de l'unique bien appartenant à la société IGEA, à savoir l'ancien logement conjugal des époux [J], s'est posée, en l'état d'une dette fiscale de 77 992 euros, M. [J] ne s'est pas présenté à l'assemblée générale des associés qui s'est tenue le 25 novembre 2020 afin notamment d'accepter une offre d'achat du 26 octobre 2020 à un prix de 1 325 000 euros et rembourser à Mme [F] son compte courant d'un montant de 821 687 euros ainsi que régler le passif fiscal de 77 992 euros. Elles indiquent, qu'alors même que les associés sont créanciers de la société IGIEA au titre de leurs comptes courants d'associés, leur qualité d'époux constitue une entrave à l'établissement de ces comptes, étant donné que cette détermination pose la question de leur contribution aux charges du mariage. Elles relèvent qu'un mandataire ad hoc a été désigné, par ordonnance du 3 décembre 2020, en la personne de Me [R] [D], dont la mission a été prorogée à plusieurs reprises, et pour la dernière fois par ordonnance du 1er décembre 2021 pour une durée de 6 mois. Elles exposent que le sapiteur ayant été désigné pour aider Me [D] dans l'accomplissement de sa mission étant susceptible de devoir recalculer les comptes courants de chacun des associés au regard de nouvelles factures dont se prévaut Mme [F], il y a lieu de prolonger la mission du mandataire ad hoc pour un nouveau délai de 6 mois.
Ce faisant, les requérantes expliquent les circonstances qui empêchent les associés de la société IGEA de procéder à la fixation des comptes courants de chacun d'eux et la nécessité de prolonger la mission du mandataire ad hoc qui a été désigné pour y parvenir.
Or, indépendamment de la question de savoir si la demande de nouvelle prolongation de la mission du mandataire ad hoc de la société IGIEA était justifiée, il convient de relever que les requérantes n'expliquent pas, dans leur requête, les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire dans le cadre d'une procédure sur requête.
Cela est d'autant plus vrai que les associés de la société IGIEA n'ont eu de cesse d'échanger avec le mandataire ad hoc depuis qu'il a été désigné, et ce, même après les calculs auxquels a procédé M. [B] dans son rapport en date du 18 mars 2022, de sorte que les requérantes n'étaient pas fondées à ne pas appeler la partie adverse, et en l'occurrence M. [J], dans le cadre d'une procédure contradictoire, qui s'impose en principe, tandis que la procédure sur requête est une procédure spécifique, dans le cadre de laquelle il est permis de déroger au principe du contradictoire, mais à la condition de justifier de motifs et circonstances particulières exigeant que la mesure ne soit pas prise contradictoirement.
Par ailleurs, il importe peu que la nomination initiale de Me [D] a été demandée par les mêmes requérantes et obtenue par la voie de la procédure sur requête devant le président du tribunal judiciaire de Marseille, sans que M. [J] n'ait saisi le juge des référés afin d'en demander la rétractation.
Enfin, à l'inverse de la requête déposée par Me [D] lui-même le 1er décembre 2021 par la voie de la procédure sur requête aux fins de voir proroger sa mission et de désigner M. [B] avec mission d'établir le détail des comptes courants de chacun des associés de la société IGIEA et de rendre compte de ses calculs dans un rapport, aux termes de laquelle il est fait état d'un accord des associés sur la désignation d'un expert, la requête querellée a été déposée par la société IGEA et Mme [F], le 7 juillet 2022, sans que M. [J] n'en soit informé préalablement, pas plus que le mandataire ad hoc lui-même qui déclare, dans un courriel du 8 juillet 2022, ne pas comprendre la prorogation de sa mission et ne pas l'accepter si elle est ordonnée dans le but uniquement de demander au sapiteur de compléter son rapport, après avoir reçu la requête le jour où l'ordonnance a été signée.
Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments, qu'alors même que la demande de prolongation de la mission du mandataire ad hoc n'était pas commune, la requête déposée le 7 juillet 2022 ainsi que l'ordonnance qui a été rendue le 8 juillet 2022 n'exposent pas les raisons pour lesquelles la société IGIEA et Mme [F] étaient fondées à ne pas appeler M. [J], leur adversaire, dans le cadre d'une procédure contradictoire.
L'ordonnance sur requête sera donc rétractée de ce chef, sans qu'il soit besoin d'examiner le bien fondé de la prolongation de la mission du mandataire ad hoc sollicitée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Dès lors que M. [J] obtient gain de cause, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamné aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu de condamner la société IGIEA et Mme [J] aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande en outre de condamner Mme [J], seule, à verser à M. [J] la somme de 3 000 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, en tant que parties perdantes, les intimées seront déboutées de leur demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit n'y avoir lieu de joindre la présente procédure avec celle enregistrée sous le numéro de 23/07896 ;
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Ordonne la rétractation de l'ordonnance sur requête en date du 8 juillet 2022 prolongeant la mission du mandataire ad hoc de la SCI IGIEA pour une durée de six mois et ordonnant, en tant que de besoin, au mandataire ou au sapiteur désigné, de compléter le rapport des éléments communiqués par la requérante ;
Condamne Mme [P] [F] épouse [J] à verser à M. [N] [J] la somme de 3 000 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [P] [F] épouse [J] et la SCI IGIA aux dépens de première instance et d'appel.
La Greffière La Présidente