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07/03/2024 | FRANCE | N°22/02388

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 07 mars 2024, 22/02388


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2024



N°2024/













Rôle N° RG 22/02388 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI37U







Société [3]





C/



URSSAF PACA











































Copie exécutoire délivrée

le : 07/03/2024

à :



- Me Emil

ie MILLION-ROUSSEAU avocat au barreau de MARSEILLE



- URSSAF PACA

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Janvier 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 16/01629.





APPELANTE



Société [3], prise en la personne de son représentant légal en exercic...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/02388 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI37U

Société [3]

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le : 07/03/2024

à :

- Me Emilie MILLION-ROUSSEAU avocat au barreau de MARSEILLE

- URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Janvier 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 16/01629.

APPELANTE

Société [3], prise en la personne de son représentant légal en exercice exerçant es qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Emilie MILLION-ROUSSEAU de la SELARL RACINE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Mme [O] [U] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société [3] ([3]) a fait l'objet d'un contrôle, par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône (URSSAF), de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.

Le 14 septembre 2012, l'URSSAF a communiqué à la [3] une lettre d'observations portant sur les points suivants :

chef de redressement numéro 1 : PEE- abondement : caractère collectif et critères d'attribution, soit un redressement de 36.340 euros ;

chef de redressement numéro 2 : avantages en nature logement : logement fourni à prix modique, soit un redressement de 1.700 euros ;

chef de redressement numéro 3 : frais de santé : conditions, soit un redressement de 4.451 euros ;

chef de redressement numéro 4 : avantages en nature logement : non déduction avant net à payer, soit un redressement de 1.344 euros ;

chef de redressement numéro 5 : assiette minimum conventionnelle, soit un redressement de 4.299 euros ;

chef de redressement numéro 6 : indemnités transactionnelles suite à licenciement pour faute grave, soit un redressement de 1.746 euros ;

Le 17 octobre 2012, la [3] a répliqué à la lettre d'observations pour contester les chefs de redressement n°1, 3, 4 et 5.

Par courrier du 5 novembre 2012, l'inspecteur du recouvrement de l'URSSAF a ramené le montant des cotisations redressées à la somme de 49.177 € en maintenant les chefs de redressement n°1, 3 et 5 et en diminuant le chef de redressement n°4.

Le 17 décembre 2012, l'URSSAF a mis en demeure la [3] de lui payer la somme de 56.307 euros dont 49.177 euros de cotisations et 7.130 euros de majorations de retard.

Le 14 janvier 2013, la [3] a saisi la commission de recours amiable pour contester les chefs de redressement n°1, 3 et 5.

Le 24 juin 2015, la commission de recours amiable a rejeté le recours dont le courrier de notification, expédié le 14 août 2015, n'a été réceptionné que le 23 octobre 2015 par la [3].

Le 21 décembre 2015, la [3] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.

Par exploit d'huissier du 8 février 2016, le directeur de l'URSSAF a fait signifier à la [3] une contrainte du 1er février 2016 portant sur un montant de 55.906 euros dont 49.177 euros de cotisations sociales, 7.130 euros de majorations de retard, déduction faite de 401 euros de versement.

Le 16 février 2016, la [3] a formé opposition à la contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.

Le 1er janvier 2019, les affaires ont transférées au pôle social du tribunal de grande instance de Marseille en application de la loi du 18 novembre 2016.

Les affaires ont été jointes le 16 novembre 2020.

Par jugement du 28 janvier 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

déclaré recevable la requête de la [3] ;

annulé le chef de redressement numéro 3 relatif au contrat des frais de santé ;

débouté l'URSSAF PACA de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 4.451 euros au titre du chef de redressement numéro 3 ;

validé le surplus du redressement ;

confirmé partiellement la décision de la commission de recours amiable ;

débouté la [3] de sa contestation du redressement ;

fait droit à la demande reconventionnelle de l'URSSAF PACA en paiement de la somme de 50.610 euros en ce compris 6.285 euros de majorations de retard au titre du redressement;

condamné la [3] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 50.610 euros ;

condamné la [3] aux dépens;

Par déclaration électronique du 17 février 2022, la [3] a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 30 janvier 2024, auxquelles il est expressément référé, la [3] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a reçu son recours, annulé le chef de redressement n°3 et débouté l'URSSAF de sa prétention tendant au paiement de la somme de 4.501 euros. Elle sollicite l'infirmation du surplus du jugement et :

à titre principal : l'annulation de la décision de la commission de recours amiable, des chefs de redressement n°1 et 5 pour un montant respectif de 36.'340 euros et 4.299 euros, de la contrainte dans son principe et dans son montant ;

à titre subsidiaire : l'annulation de la décision de la commission de recours amiable, des chefs de redressement n°1 et 5 pour un montant respectif de 13.701 euros et 4.299 euros, de la contrainte dans son principe et dans son montant ;

en tout état de cause : la condamnation de l'URSSAF à lui payer 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens;

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

son recours est recevable, faute pour l'URSSAF de démontrer que la décision de la commission de recours amiable lui a été notifiée le 14 août 2015 ;

son opposition à contrainte a bien été effectuée dans le délai de 15 jours ;

s'agissant du PEE :

- elle est fondée à se prévaloir d'un accord tacite de l'URSSAF dans la mesure où elle a fait l'objet d'un premier contrôle portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 à l'issue duquel aucune observation n'a été formulée sur le PEE, d'autant qu'aucune modification n'a été apportée sur les critères de modulation de l'abondement employeur versé sur le PEE et reposant sur l'ancienneté et le coefficient des salariés ;

- le règlement du PEE respecte les dispositions légales permettant de conditionner le bénéfice du droit à ce plan à l'obtention d'une ancienneté de trois mois ;

- la modulation du taux d'abondement en fonction des catégories professionnelles et de l'ancienneté des salariés est licite, l'abondement étant sans rapport avec le niveau de rémunération et l'anciennetédes salariés ;

- subsidiairement, un nombre très réduit de salariés est concerné par ce chef de redressement ;

s'agissant des frais de santé, aucune clause d'exclusion n'apparaît dans le contrat qui serait de nature à en remettre en question le caractère responsable, l'URSSAF n'étant pas en mesure d'identifier avec précision la clause litigieuse ;

s'agissant de l'assiette minimum conventionnelle, dans la mesure où la prime anniversaire a été versée concomitamment à la remise de la médaille d'honneur du travail, elle doit être exonérée de charges sociales ;

Dans ses conclusions, soutenues oralement à l'audience du 30 janvier 2024, auxquelles il est expressément référé, l'URSSAF, qui forme appel incident du jugement, demande la confirmation de ce dernier sauf en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°3 et, statuant à nouveau, la validation dudit chef. Elle sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 55.906 euros ainsi qu'à lui régler 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à supporter les frais de signification de la contrainte et les dépens de l'instance.

L'URSSAF expose que :

la recevabilité de l'action de la [3] n'est plus contestée ;

en ce qui concerne le PEE :

- l'appelante ne peut pas se prévaloir d'un accord implicite de l'URSSAF dans la mesure où il n'est pas démontré que, lors du précédent contrôle, elle a été en mesure de prendre une décision en toute connaissance de cause sans formuler d'observations sur le non-respect du caractère collectif de l'abondement ;

- contrairement à ce que soutient l'appelante, le règlement du PEE prévoit une modulation de l'abondement en fonction de l'ancienneté et du niveau conventionnel salarial ;

- la dérogation instituée par la circulaire du 14 septembre 2015 relève d'une tolérance qui est définie par une circulaire interprétative dépourvue de valeur réglementaire ;

en ce qui concerne les frais de santé, elle n'a pas à rappeler la clause d'exclusion litigieuse puisqu'elle est déjà mentionnée dans la précédente lettre d'observations qui fait foi jusqu'à preuve contraire, ce contrat comportant des clauses d'exclusion de certains risques, le courrier du GAN invoqué par l'appelante n'ayant qu'une valeur informative et continuant de comporter des exclusions de garantie ;

en ce qui concerne l'assiette minimum conventionnelle, la prime anniversaire prévue par la convention collective n'a pas été versée à deux salariés et n'est pas liée à une gratification servie à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail ;

MOTIFS

1. Sur les demandes des parties relatives à la décision de la commission de recours amiable

Si la [3] et l'URSSAF concluent respectivement sur le sort de la décision de la commission de recours amiable du 24 juin 2015 , la juridiction du contentieux de la sécurité sociale n'a ni à infirmer, ni à confirmer ladite décision.

En effet, l'objet du présent litige est la décision initialement prise par cet organisme, le rejet par la commission de recours amiable de la contestation de celle-ci ayant pour unique conséquence d'ouvrir la voie d'un recours juridictionnel.

2. Sur le fond du redressement

2.1. Sur le chef de redressement numéro 1 - PEE- abondement : caractère collectif et critères d'attribution

Selon l'article L3342-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, 'tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords d'intéressement et de participation ou des plans d'épargne salariale bénéficient de leurs dispositions.

Toutefois, une condition d'ancienneté dans l'entreprise ou dans le groupe d'entreprises défini aux articles L. 3344-1 et L. 3344-2 peut être exigée. Elle ne peut excéder trois mois. Pour la détermination de l'ancienneté éventuellement requise, sont pris en compte tous les contrats de travail exécutés au cours de la période de calcul et des douze mois qui la précèdent. Le salarié temporaire est réputé compter trois mois d'ancienneté dans l'entreprise ou dans le groupe qui l'emploie s'il a été mis à la disposition d'entreprises utilisatrices pendant une durée totale d'au moins soixante jours au cours du dernier exercice.

La condition maximale d'ancienneté de trois mois, prévue au premier alinéa, remplace de plein droit, à compter de la date de publication de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l'épargne salariale, toute condition maximale d'ancienneté supérieure figurant dans les accords d'intéressement et de participation et dans les règlements de plan d'épargne d'entreprise en vigueur à cette même date.'

En application de l'article L.3332-12 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, 'la modulation éventuelle des sommes versées par l'entreprise ne saurait résulter que de l'application de règles à caractère général, qui ne peuvent, en outre, en aucun cas avoir pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui du salarié ou de la personne mentionnée à l'article L. 3332-2 croissant avec la rémunération de ce dernier.'

L'abondement de l'employeur est exonéré de cotisations sociales sous réserve de respecter son caractère collectif. Le non-respect du caractère collectif de l'abondement entraîne la remise en cause des exonérations fiscales et sociales qui lui sont attachées.

Il résulte de la lettre d'observations du 14 septembre 2012 que le plan d'épargne entreprise prévoit un taux d'abondement variable en fonction du coefficient et de l'ancienneté d'autant qu'il distingue les cadres des autres agents.

Il en ressort, selon l'URSSAF, une régularisation de 36.340 euros.

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le règlement du PEE du 24 juin 2002, complété par un additif du même jour, fixe les modalités d'attribution de l'abondement de la manière suivante :

adhérents dirigeants et cadres classés à un coefficient égal ou supérieur à 440 ayant plus de 18 mois d'ancienneté dans l'entreprise à la date du versement volontaire : 100 % dans la limite du plafonnement légal ;

adhérents autres que définis à l'alinéa un, salariés ayant plus de 18 mois et moins de cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise à la date du versement volontaire : 100 % dans la limite du plafond de 200 euros ;

adhérents autres que définis à l'alinéa un, salariés ayant plus de cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise à la date du versement volontaire : 100 % dans la limite d'un plafond de 300 € ;

tous les adhérents : prise en charge des frais de fonctionnement du plan ;

Par avenant du 4 juin 2008, les modalités d'attribution de l'abondement au PEE ont été modifiées de la manière suivante :

adhérents dirigeants et cadres, l'expression 'un coefficient égal ou supérieur à 440" est remplacée par 'un niveau égal ou supérieur à C2" ;

les plafonds pour les autres adhérents sont portés respectivement de 200 à 300 euros et de 300 à 400 euros ;

Pour s'opposer au redressement réalisé sur ce point, l'appelante se prévaut d'un accord tacite de l'URSSAF.

L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dispose que 'l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.'

Il importe préalablement de rappeler que cet accord est temporaire en ce que la notification par l'URSSAF d'une décision contraire fait obstacle à ce que l'accord tacite antérieur puisse continuer à produire effet.

Il appartient au cotisant de démontrer, d'une part, que l'organisme s'est abstenu de toute observation en toute connaissance de cause et qu'il se trouve, d'autre part, dans une situation identique à celle du contrôle antérieur en ce que le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ont fait l'objet d'un précédent contrôle et qui n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations du 9 septembre 2008 relative au contrôle réalisé par l'URSSAF pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 que cette lettre a donné lieu à deux observations pour l'avenir sans rapport avec le PEE.

Il est exact que l'abondement désormais incriminé par l'URSSAF était déjà en vigueur lors du précédent contrôle ce que la [3] démontre par les pièces comptables et matrices de calcul versées aux débats.

Néanmoins, si aucun redressement n'est intervenu au sujet du plan d'épargne entreprise, force est toutefois de souligner que les pièces consultées à l'occasion de ce contrôle et la motivation de la lettre d'observations du 9 septembre 2008 ne démontrent pas que l'inspecteur du recouvrement a effectivement examiné les points litigieux et n'a, en toute connaissance de cause, pas formulé d'observations.

En effet, la [3] ne peut se borner, comme elle le fait, à invoquer une preuve impossible en considérant 'qu'il n'est pas établi que l'agent de contrôle, lors du premier contrôle portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, ne s'est pas saisi la question du PEE' pour en conclure que l'URSSAF a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur la pratique désormais incriminée dans la lettre d'observations du 14 septembre 2012.

C'est à raison que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'accord tacite de l'URSSAF.

La [3] se prévaut, pour s'opposer au redressement sur ce point, d'une circulaire ministérielle du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale. Néanmoins, une circulaire n'a aucune portée normative de telle manière que le moyen est sans portée.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la condition d'ancienneté de trois mois pour adhérer au plan d'épargne entreprise énoncée à l'article 2 de son règlement n'est pas remise en question par l'URSSAF, seule la modulation de l'abondement de l'employeur étant discutée par l'organisme de recouvrement.

La [3] soutient que la classification professionnelle des bénéficiaires du PEE se fait selon le critère objectif de l'emploi occupé à titre principal et permanent puisqu'elle résulte de la convention collective nationale de l' immobilier.

Il ressort de l'annexe un de la convention collective nationale immobilier IDCC 1527 que les salariés sont classés en trois catégories professionnelles, à savoir employés, agents de maîtrise et cadres.

Or, il résulte des modalités d'abondement du PEE par l'employeur telles que rappelées ci-dessus, qu'elles différencient les agents selon leur appartenance, ou non, à la catégorie des cadres dont seuls les derniers relevant au minimum de la catégorie C2 (ce qui revient à exclure les cadres de la catégorie C1) peuvent bénéficier d'un abondement à hauteur du plafond légal à l'inverse des autres salariés dont l'abondement est limité par un plafond de 300 et 400 euros, par nature plus défavorable que le plafond légal. Il n'est, au surplus, pas contesté par la [3] que les cadres relevant au minimum de la catégorie C2 sont les mieux payés puisqu'il s'agit des chargés de mission, responsables techniques, responsables de département ou d'entreprise et de la direction de l'entreprise. C'est donc à tort que la [3] soutient que les modalités d'abondement du PEE par l'employeur reposent sur les catégories prévues par la convention collective alors même qu'elles sont fondées sur une dichotomie entre les cadres et les autres salariés.

Si la [3] estime qu'elle verse des rémunérations bien supérieures au minimum conventionnel et que tous les salariés classés à des niveaux inférieurs à la catégorie C2 bénéficient régulièrement, voire de façon annuelle, d'une augmentation de leur rémunération, elle n'amène aucun élément aux débats de nature à le démontrer pas plus qu'elle ne prouve son allégation selon laquelle 'l'obtention ou non du coefficient 440 ou de la catégorie C2 est sans corrélation avec la rémunération.' En tout état de cause, ce moyen ne suffit pas à remettre en question et expliquer la raison pour laquelle le PEE litigieux est articulé autour d'une division binaire entre les cadres les mieux rémunérés et les autres salariés.

L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 6 juin 2012 cité par la [3] n'est d'aucune utilité à la résolution du présent litige puisqu'il porte sur la question du calcul d'une indemnité de préavis d'une auxiliaire de vie embauchée en contrat à durée déterminée.

De plus, la modulation de l'abondement telle que décrite ci-dessus revient à favoriser les salariés les plus anciens qui bénéficient, dès lors, de niveaux de rémunération plus importants.

En l'état de ces éléments, il en résulte que la modulation de l'abondement telle qu'elle est prévue par le plan d'épargne entreprise favorise non seulement les salariés les plus anciens mais également les cadres et dirigeants les mieux rémunérés, à l'inverse des autres agents.

Par conséquent, le règlement du plan d'épargne entreprise a pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui de l'adhérent croissant avec la rémunération.

Enfin, il n'appartient pas une juridiction judiciaire de se livrer à l'application d'une tolérance administrative provenant du guide de l'épargne salariale du 10 juillet 2014 dès lors que ce document n'a aucune valeur normative et qu'il est, de surcroît, postérieur à la période contrôlée.

En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont validé ce chef de redressement dans son principe et son entier montant et qu'ils ont débouté la [3] de sa contestation.

2.2 Sur le chef de redressement numéro 3 - frais de santé : conditions

En application des articles L.871-1 et R.871-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, pour ouvrir droit aux exonérations précitées, les régimes prévoyant le remboursement de frais de santé doivent couvrir des garanties portant sur des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident selon un cahier des charges prévoyant, d'une part, des obligations de prise en charge et d'autre part, des exclusions.

En vertu de l'article R.871-2, 1° du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, le contrat doit prévoir la prise en charge de « l'intégralité de la participation des assurés définie à l'article R. 160-5 » dudit code.

Il résulte de la lettre d'observations du 14 septembre 2012 que le contrat 'frais de santé' conclu en 1999 au profit des cadres prévoyait une clause exclusion du ticket modérateur de telle manière que le contrat ne peut pas être considéré comme remplissant les règles des contrats ' responsables', ce qui engendre un redressement de 4.451 euros.

Pour annuler ce chef de redressement, les premiers juges ont estimé que l'URSSAF ne rapportait pas la preuve de la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'organisme de recouvrement.

Or, comme le rappelle l'URSSAF, il résulte de la page 3 de la lettre d'observations du 9 septembre 2008 que l'organisme de recouvrement a formulé, lors d'un précédent contrôle, une observation pour l'avenir à l'égard de la [3] en considérant que 'les clauses d'exclusion de risques de la garantie frais de santé du GAN ne permettent pas à ce contrat d'être un contrat responsable. Certains contrats ou règlements comportent des clauses excluant le bénéfice de la garantie frais de santé dans différentes situations [...] la direction de la sécurité sociale indique que les clauses d'exclusion figurant dans les règlements ou contrats, dès lors qu'elles empêchent la prise en charge du ticket modérateur édictée pour les contrats 'responsables' à l'article R.871-2 du code de la sécurité sociale, ne permettent pas de regarder le contrat ou le règlement comme remplissant les règles des contrats 'responsables', aucune exception n'ayant été prévue par la loi pour le respect de ces obligations [...] la mise en conformité avec les dispositions de l'article R.871-2 du code de la sécurité sociale implique donc la suppression de ces clauses des contrats collectifs d'assurance ou règlement des garanties.'

Comme le rappelle à juste titre l'URSSAF, ses constats font foi jusqu'à preuve contraire.

L'URSSAF a fait le constat du défaut de mise en conformité de la [3] au cours du contrôle ayant donné lieu à la lettre d'observations du 14 septembre 2012.

Le débats entre les parties sur l'interprétation et la portée de trois lettres-circulaires de l'ACOSS en date des 29 novembre 2005,20 décembre 2006 et 24 mars 2011 est indifférent au présent litige puisqu'une circulaire n'a aucune valeur normative de telle manière qu'elle ne peut utilement servir de base pour contester ou confirmer le redressement.

La [3] soutient que la lettre-avenant du 17 octobre 2008 émanant du GAN doit conduire la cour à annuler ce chef de redressement.

Or, si l'assureur y indique en préambule respecter le caractère 'responsable des contrats frais de santé de [ses] clients', aucun élément dans ce document n'évoque la suppression de l'exclusion de garantie relative au ticket-modérateur. Cette lettre-circulaire ne fait que rappeler les dispositions légales en vigueur pour bénéficier d'une exonération des cotisations sociales, l'assureur invitant ses souscripteurs à communiquer ce document à leurs employés.

Ainsi, la cour considère que la [3] ne rapporte pas la preuve, en produisant ce document, de la suppression des exclusions de garanties telles que visées dans les observations pour l'avenir de la lettre d'observations du 9 septembre 2008 à laquelle succède le redressement consécutif à la mise en demeure suivant la lettre d'observations du 14 septembre 2012.

C'est donc à tort que les premiers juges ont annulé ce chef de redressement.

Statuant à nouveau, ce chef de redressement sera validé dans son principe et pour son entier montant, soit 4.451 euros. La [3] est déboutée de sa contestation.

2.3. Sur le chef de redressement numéro 5 - assiette minimum conventionnelle

Selon le sixième alinéa de l'article R.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, 'le montant des rémunérations à prendre pour base de calcul des cotisations en application des alinéas précédents ne peut être inférieur, en aucun cas, au montant cumulé, d'une part, du salaire minimum de croissance applicable aux travailleurs intéressés fixé en exécution de la loi n° 70-7 du 2 janvier 1970 et des textes pris pour son application et, d'autre part, des indemnités, primes ou majorations s'ajoutant audit salaire minimum en vertu d'une disposition législative ou d'une disposition

réglementaire.'

Il résulte de la lettre d'observations du 14 septembre 2012 que la convention collective de l'immobilier prévoit, dans son article 39, le versement d'une prime anniversaire.

Selon l'article 39 de la convention collective susmentionnée, dans sa rédaction applicable au litige, 'à la date anniversaire des 25 et 30 ans de service dans l'entreprise, les salariés reçoivent une gratification égale au salaire global brut mensuel contractuel défini à l'article 37.3.1 acquis à cette date. L'attribution de cette prime n'est pas obligatoirement liée à la remise de la médaille d'honneur du travail offerte par l'entreprise après décision préfectorale, les services accomplis dans un nombre illimité d'entreprises pouvant être retenus par l'autorité préfectorale, pour justifier des 20, 30, 35 et 40 années de service requises.'

L'inspecteur du recouvrement souligne que la prime anniversaire n'a pas été versée aux salariés concernés par cette disposition et que, lorsqu'une convention collective prévoit un salaire minimum, l'assiette des cotisations doit être au moins égale à ce minimum conventionnel, augmentée de tout élément de rémunération prévue par la convention. Il en ressort, selon l'URSSAF, un redressement d'un montant de 4.299 euros.

La [3] soutient que cette prime a été versée à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail à M.[G] et [V]. Selon elle, en application de la circulaire ACOSS du 22 novembre 2000, elle est exonérée de charges sociales dans la limite du salaire mensuel de base du salarié.

Or, ainsi qu'il l'a déjà été rappelé dans le présent arrêt, une circulaire n'a aucune valeur normative de telle façon que la [3] ne peut pas se prévaloir de ce moyen pour faire échec au redressement sur ce point.

Par ailleurs, les mentions 'médaille du travail' sur les bulletins de paie de M.[V] et M.[G] pour les périodes respectives du 1er au 31 juillet 2009 et du 1er au 30 novembre 2011 ne rapportent pas la preuve du versement effectif de la prime anniversaire telle que prévue par la convention collective évoquée ci-dessus.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont validé ce chef de redressement dans son principe et son entier montant et qu'ils ont débouté la [3] de sa contestation sur ce point.

3. Sur le montant du redressement

Les premiers juges ont condamné la [3] à payer à l'URSSAF la somme de 50.610 euros en l'état de l'annulation du chef de redressement n°3.

Le jugement doit donc être infirmé pour tenir compte de la validation, à hauteur de cour, de ce chef de redressement. Statuant à nouveau, la [3] sera condamnée à payer à l'URSSAF la somme visée par la contrainte du 1er février 2016, soit 55.906 euros, à laquelle se substitue le présent arrêt.

4. Sur les dépens et les demandes accessoires

La [3] succombe à la procédure et doit être condamnée aux dépens qui comprendront les frais de signification de la contrainte.

L'équité commande de condamner la [3] à payer à l'URSSAF la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 28 janvier 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, sauf en ce qu'il a :

- annulé le chef de redressement n°3 relatif aux frais de santé ;

- débouté l'URSSAF de sa demande en paiement de la somme de 4.451 euros ;

- fait droit à la demande de l'URSSAF à hauteur de 50.610 euros et condamné la [3] à payer à l'URSSAF la somme de 50.610 euros ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Valide le chef de redressement n°3 frais de santé : conditions, pour un montant de 4.451 euros,

Condamne la [3] à payer à l'URSSAF la somme de 55.906 euros,

Y ajoutant,

Condamne la [3] à payer à l'URSSAF la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la [3] aux dépens qui comprendront les frais de signification de la contrainte du 1er février 2016.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 22/02388
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.02388 ?
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