La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2024 | FRANCE | N°21/18486

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 07 mars 2024, 21/18486


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2024



N°2024/180





Rôle N° RG 21/18486 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BITQ7







CPCAM DES BOUCHES DU RHONE





C/



[R] [U]

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- CPCAM des BDR



- M. [U]















D

écision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judicaire de Marseille en date du 30 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/00248.





APPELANTE



CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2] - [Localité 1]



dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du cod...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2024

N°2024/180

Rôle N° RG 21/18486 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BITQ7

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

[R] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPCAM des BDR

- M. [U]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judicaire de Marseille en date du 30 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/00248.

APPELANTE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2] - [Localité 1]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

INTIME

Monsieur [R] [U], demeurant [Adresse 6] - [Localité 1]

non comparant, ni représenté

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M.[R] [U], né le 11 septembre 1994, est atteint du syndrome d'Arnold Chiari de type 1.

Son médecin traitant l'a adressé fin octobre 2017 à l'institut « [4] de [Localité 3] » en Espagne pour y pratiquer une opération consistant en la section du filum terminal en extradural pour un montant de 18.800 euros.

Le 30 octobre 2017, M.[R] [U] a effectué, préalablement à son opération, une demande de prise en charge de soins programmés dans l'Union européenne. Cette demande a été réceptionnée le 2 novembre 2017 par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPCAM).

Le 13 novembre 2017, le médecin conseil national a indiqué au directeur régional du service médical

de la région PACA qu'il émettait un avis défavorable d'ordre médical à la demande de l'intéressé en raison de l'existence d'un traitement identique ou de même degré d'efficacité disponible en France.

Par courrier du 20 novembre 2017, envoyé le 23 novembre, et reçu le 28, la CPCAM a notifié à M.[R] [U] son refus de prise en charge.

Le 6 décembre 2017, M.[R] [U] a saisi la commission de recours amiable.

Le 12 décembre 2017, M.[R] [U] s'est fait opérer en Espagne.

Le 22 janvier 2018, M.[R] [U] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône se prévalant de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Le 1er janvier 2019, l'affaire a été transférée au pôle social du tribunal de grande instance de Marseille par l'effet de la loi du 18 novembre 2016.

Par jugement du 30 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

condamné la caisse primaire centrale d'assurance maladie du Bouches-du-Rhône à prendre en charge les soins afférents, en ce compris les soins postopératoires, à l'intervention réalisée sur M.[R] [U] le 12 décembre 2017 à [5], en Espagne, dans les conditions de remboursement de l'Etat de séjour, sauf accord de M.[R] [U] pour être remboursé dans les conditions de la législation française ;

renvoyé M.[R] [U] devant la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône pour y être rempli de ses droits ;

débouté M.[R] [U] du surplus de ses demandes ;

condamné la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône à verser à M.[R] [U] la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts ;

condamné la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône à payer à M.[R] [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens ;

ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Le 27 décembre 2021, la CPCAM a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai

qui ne sont pas contestées.

L'affaire a été fixée à l'audience du 2 février 2023 lors de laquelle elle a été renvoyée afin de permettre à la CPCAM de citer l'intimé, ce qui a été fait le 9 février 2023, pour l'audience du 18 janvier 2024 à 09H00, l'acte ayant été remis à étude, l'huissier ayant constaté que personne ne répondait alors que le nom du destinataire figurait sur la boîte aux lettres et l'interphone.

Dispensée de comparaître sur le fondement de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, la CPCAM, dans ses conclusions, accompagnées de ses pièces, signifiées à M.[R] [U] par acte d'huissier du 9 février 2023 remis en étude, auxquelles il est expressément référé, demande :

à titre principal, l'infirmation du jugement, le rejet de l'ensemble des prétentions de l'intimé et sa condamnation à lui restituer les sommes attribuées par le jugement frappé d'appel soit 3.500 euros ;

à titre subsidiaire, l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M.[R] [U] la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

À l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

elle ne conteste pas que sa décision a été rendue postérieurement à l'expiration du délai prévu par l'article R.160-2 du code de la sécurité sociale ;

une demande d'autorisation préalable, même implicitement accordée, doit porter sur des soins prévus par la législation française alors que la section du filum terminal extradural n'est pas mentionnée dans la classification commune des actes médicaux ;

le jugement ne peut pas être exécuté car les soins ont été dispensés dans un établissement privé non lié au système national espagnol de santé ;

elle n'a commis aucune faute ;

A l'audience du 18 janvier 2024, M.[R] [U] n'a pas comparu bien que régulièrement convoqué.

MOTIFS

Sur la prise en charge de l'intervention subie par M.[R] [U] en Espagne

Vu les articles R. 332-3 et R. 332-4, devenus R. 160-1 et R. 160-2, du code de la sécurité sociale, 20 § 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale :

Selon le premier de ces textes, les soins dispensés aux assurés sociaux ou à leurs ayants droit qui s'avèrent médicalement nécessaires au cours d'un séjour temporaire dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse font l'objet, en cas d'avance de frais, d'un remboursement par les caisses d'assurance maladie dans les conditions prévues dans l'Etat de séjour ou, en cas d'accord de l'assuré social, dans les conditions prévues par la législation française, sans que le montant du remboursement puisse excéder le montant des dépenses engagées par l'assuré et sous réserve des adaptations prévues aux articles susvisés.

Il résulte du deuxième que les soins dispensés, sur autorisation préalable des caisses d'assurance maladie, dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse, dans le cadre d'un déplacement aux fins de recevoir un traitement adapté, sont soumis aux mêmes règles de remboursement. En l'absence de réponse de la caisse dans le délai qui lui est imparti pour statuer sur la demande de l'assuré, l'autorisation est réputée accordée.

Pour faire droit aux demandes présentées par M.[R] [U], les premiers juges ont estimé qu'il pouvait se prévaloir d'un accord implicite de la CPCAM sans, cependant, rechercher si la prise en charge des soins litigieux était prévue par la réglementation française.

Il n'est pas remis en question par la caisse que cette dernière n'a pas répondu dans le délai de deux semaines à compter de la réception de la demande d'autorisation préalable présentée par M.[R] [U]. Il résulte de la chronologie du litige que, le 30 octobre 2017, M.[R] [U] a effectué, préalablement à son opération, une demande de prise en charge de soins programmés dans l'Union européenne. Cette demande a été réceptionnée le 2 novembre 2017 par la CPCAM. Par courrier du 20 novembre 2017, envoyé le 23 novembre, et reçu le 28, la CPCAM a notifié à M.[R] [U] son refus de prise en charge. Le délai de deux semaines prévu par le II de l'article R.160-2 du code de la sécurité sociale n'ayant pas été respecté, M.[R] [U] a estimé que l'autorisation de la caisse devait être réputée lui avoir été accordée.

En l'espèce, l'opération de la « section du filum terminal » subie à [Localité 3] par M.[R] [U] n'est pas prévue par la classification commune des actes médicaux laquelle énumère les actes remboursables par l'assurance maladie en vertu du système impératif de liste. C'est pour des motifs de santé publique rappelés dans des réponses ministérielles à propos de la maladie d'Arnold-Chiari que l'opération pratiquée en Espagne n'est pas réalisée en France au regard de l'existence d'un autre traitement et pris en charge, à savoir la laminectomie des premières vertèbres cervicales et la plastie du trou occipital, l'opération effectuée en Espagne sur l'intimé n'étant, d'après le protocole national de diagnostic et de soins « Lipomes du filum terminal » « pas validée par les sociétés savantes et reposant sur des croyances et une commercialisation de gestes chirurgicaux. »

En conséquence, c'est à juste titre que la CPCAM soutient n'être tenue à aucune prise en charge, la circonstance que l'organisme social n'ait pas statué sur la demande d'entente préalable dans les délais requis étant sans incidence sur l'application de cette règle.

Dès lors, M.[R] [U] ne peut se prévaloir d'une autorisation implicite de la Caisse pour la prise en charge de la section du filum terminal extradural à [Localité 3].

C'est à tort que les premiers juges ont fait droit à sa demande de prise en charge au titre des soins et soins post-opératoires en lien avec l'intervention réalisée le 12 décembre 2017 à [5] à [Localité 3], en Espagne.

L'intimé ne pouvant bénéficier d'une prise en charge par la CPCAM, il n'y a pas lieu d'étudier le moyen tiré de l'impossibilité d'exécuter le jugement sur la base d'une prise en charge selon la législation espagnole s'agissant d'une opération réalisée dans un établissement de santé privé.

En revanche, le raisonnement des premiers juges doit être approuvé quand ils ont écarté le surplus des demandes de M.[R] [U], à savoir ses frais hôteliers d'un montant de 156, 45 euros.

Sur les dommages et intérêts accordés à M.[R] [U]

En application de l'article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Les premiers juges ont estimé que l'inaction initiale puis le refus de la CPCAM opposé à la demande de prise en charge de M.[R] [U] lui ont causé un préjudice moral.

Si le retard mis par la CPCAM à répondre à la demande de M.[R] [U] l'a laissé dans l'incertitude quant à la possibilité d'être pris en charge, aucun préjudice indemnisable n'est, pour autant, constitué puisque les soins litigieux étaient exclus de ladite prise en charge comme il l'a été indiqué plus haut.

Les premiers juges ont donc octroyé à tort la somme de 2.000 euros à M.[R] [U].

Sur les demandes accessoires et les dépens

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en restitution, le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution.

M.[R] [U] succombe à la procédure et doit être condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 30 novembre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, sauf en ce qu'il a débouté M.[R] [U] du surplus de ses demandes de remboursement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute M.[R] [U] de sa demande tendant à la prise en charge des soins et soins post-opératoires de l'intervention réalisée le 12 décembre 2017 à [5] en Espagne,

Rejette la demande indemnitaire de M.[R] [U],

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande présentée par la CPCAM de restitution des sommes de 2.000 euros de dommages et intérêts et 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile perçues par M.[R] [U],

Condamne M.[R] [U] aux dépens.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 21/18486
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;21.18486 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award