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07/03/2024 | FRANCE | N°21/14866

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 07 mars 2024, 21/14866


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2024



N°2024/













Rôle N° RG 21/14866 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIIIH







URSSAF PACA





C/



Association [2]

































Copie exécutoire délivrée

le : 7/03/2024

à :



- URSSAF PACA



- Me Olivier GRIMAL

DI, avocat au barreau de MARSEILLE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 16 Septembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 16/01396.





APPELANTE



URSSAF PACA, demeurant [Adresse 3]



représentée par M. [R] [F] en vertu d'un po...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2024

N°2024/

Rôle N° RG 21/14866 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIIIH

URSSAF PACA

C/

Association [2]

Copie exécutoire délivrée

le : 7/03/2024

à :

- URSSAF PACA

- Me Olivier GRIMALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 16 Septembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 16/01396.

APPELANTE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 3]

représentée par M. [R] [F] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Association [2], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivier GRIMALDI de la SELARL GRIMALDI ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

L'association [2] a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence, Alpes, Côte d'Azur (URSSAF PACA), à l'issue duquel une lettre d'observations en date du 1er juin 2015 lui a été notifiée, comportant six chefs de redressements pour un montant global de 107.545 euros de cotisations et contributions régularisées.

Par courrier du 8 octobre 2015, l'association a contesté le premier chef de redressement relatif à la pluralité de taux AT/MP et la répartition par catégorie de salaires, pour un montant de 35.560 euros pour l'année 2013 et 33.792 euros pour l'année 2014.

Les inspecteurs du recouvrement y ont répliqué par courrier du 15 octobre 2015 en maintenant le redressement dans son principe et son montant.

Par lettre recommandée datée du 30 novembre 2015, l'URSSAF a mis en demeure l'association [2] de lui payer la somme de 119.449 euros dont 107.548 euros de cotisations et 11.901 euros de majorations de retard au titre du redressement notifié par lettre d'observations du 3 septembre 2015.

Le 18 janvier 2016, l'URSSAF a émis une contrainte à l'encontre de l'association, signifiée le 22 janvier 2016, aux fins qu'elle lui paye la somme de 119.286 euros dont 107.385 euros de cotisations et 11.901 euros de majorations de retard au titre des cotisations et contributions dues sur 2013 et 2014 suite à redressement et lettre de mise en demeure du 30 novembre 2015.

Par courrier recommandé expédié le 8 février 2016, l'association a formé opposition à la contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.

Par jugement rendu le 16 septembre 2021, le tribunal a :

- accueilli favorablement l'opposition à la contrainte émise par l'URSSAF PACA à l'encontre de l'association [2] le 18 janvier 2016 et signifiée le 22 janvier suivant pour le montant de 119.286 euros au titre du redressement opéré suite au contrôle d'assiette effectué sur les années 2013 et 2014,

- débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

- mis les dépens à la charge de l'URSSAF PACA,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier recommandé expédié le 19 octobre 2021, l'URSSAF PACA a interjeté appel du jugement.

A l'audience du 25 janvier 2024, l'URSSAF reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour-même. Elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- déclarer que le redressement portant sur le taux accident du travail est justifié pour son montant de 69.352 euros et condamner l'association [2] à lui payer en deniers ou quittances la contrainte du 18 janvier 2018 signifiée pour 119.286 euros dont 107.385 euros de cotisations et 11.901 euros de majorations de retard,

- subsidiairement, déclarer que la contrainte reste due pour 38.196 euros de cotisations et 3.063 euros de majorations de retard,

- condamner l'association [2] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- condamner l'association [2] à payer les dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'URSSAF fait d'abord valoir les articles L.242-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 et D.242-6-17 du même code pour faire valoir que dès lors que le taux d'accident du travail est notifié par la CARSAT à l'employeur et que celui-ci ne l'a pas contesté devant la CNITAAT, il n'est pas recevable à le contester par voie d'exception dans le cadre d'un redressement par l'URSSAF. Elle explique que sa mission se limite à la vérification de l'application de la décision notifiée par la CARSAT et au recouvrement des sommes concernées.

Au surplus, l'URSSAF fait valoir que le taux 853H appliqué par l'association et relatif au risque 'stagiaire des centres de formation professionnelle, de réadaptation fonctionnelle, de rééducation professionnelle' ne correspond pas à l'activité de jeunes joueurs en formation, consistant dans la pratique du football en vue de l'exercer à titre professionnel à l'issue de la formation. Elle se fonde sur la charte du football professionnel ayant valeur de convention collective, pour démontrer que les jeunes joueurs en formation, comme les joueurs professionnels, ont une rémunération au titre de leur activité de la pratique du football, qui suppose l'application du taux 926CH relatif aux sportifs professionnels y compris les entraîneurs-joueurs. Elle tient le même raisonnement sur le fondement de l'arrêté du 14 novembre 2002 approuvant la convention type de formation de la fédération française de football précisant, en son article 9, que si le bénéficiaire perçoit une rémunération en contrepartie de son activité de footballeur, alors cette rémunération est soumise au risque de l'activité de footballeur, soit le 926CH.

Subsidiairement, elle fait valoir que si l'unique chef de redressement pour le montant de 69.352 euros contesté est annulé, la contrainte demeure valable pour le montant de 38.033 euros de cotisations et 3.063 euros de majorations de retard au titre des autres chefs de redressement non contestés.

L'association [2] reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- condamner l'URSSAF PACA à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- condamner l'URSSAF PACA aux dépens de l'appel.

Au soutien de ses prétentions, l'association intimée fait valoir que si elle admet n'avoir pas saisi la commission de recours amiable en contestation du redressement, cela ne l'empêche pas pour autant de contester le fond du redressement dans le cadre d'une opposition à la contrainte.

Elle considère qu'elle est en droit de critiquer le taux d'accident qui lui est appliqué, dans le cadre de la contrainte émise par l'URSSAF, sans avoir à saisir au préalable la CNITAAT de sa contestation.

Elle explique que chaque année la CARSAT lui notifie trois taux de cotisations :

- risque 853H dont la nature des activités concerne les stagiaires de centres de formation professionnelle, de réadaptation fonctionnelle, de rééducation professionnelle,

- risque 926AA dont la nature des activités concerne la gestion d'équipements et centre

sportif (personnel non concerné par les autres risques notamment 926CH et 926CI),

- risque 926CH dont la nature des activités concerne : sportif professionnel, y compris entraineur joueur, quel que soit le classement de l'établissement qui les emploie.

Elle considère que les jeunes joueurs en formation ne peuvent être assimilés à des joueurs professionnels de sorte qu'il ne doit pas leur être appliqué le taux correspondant à l'activité de ces derniers c'est-à-dire le 926CH. Elle applique le taux 853H en ce qu'il vise l'activité de stagaires en formation professionnelle. Elle se prévaut de l'arrêté du 18 juillet 2011 par lequel elle a obtenu du Ministère des sports le renouvellement pour quatre ans de l'agrément prévu à l'article L.211-4 du code des sports en tant que centre de formation d'un club professionnel de football, de sorte que les stagiaires qu'elle forme doivent bénéficier d'un enseignement scolaire, professionnel, ou d'une formation universitaire à côté de la formation sportive qui doit leur permettre d'accéder à une pratique professionnelle, et ne peuvent ainsi pas être confondus avec des joueurs professionnels.

Il convient de se reporter aux conclusions oralement reprises à l'audience par les parties pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L.242-5 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 11 novembre 2010 au 1er janvier 2018, applicable au redressement de cotisations sur la période du 1ER janvier 2013 au 31 décembre 2014 :

'Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'après les règles fixées par décret.

Les risques sont classés dans les différentes catégories par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, sauf recours, de la part soit de l'employeur, soit de l'autorité administrative, à la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, prévue à l'article L. 143-3, laquelle statue en premier et dernier ressort.

(...)'

L'article D.242-6-1 du même code précise que :

'Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement.

(...)

Le classement d'un établissement dans une catégorie de risque est effectué en fonction de l'activité exercée selon une nomenclature des risques et des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.'

Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la CARSAT, en matière de cotisations accident du travail, de déterminer les catégories de risques, de leur affecter un taux et d'y classer les établissements. Elle notifie ainsi tous les ans à chaque employeur le ou les taux de cotisations qui lui est ou lui sont applicables. Elle attribue systématiquement un taux principal fixé en fonction de l'activité de l'entreprise.

L'URSSAF, chargée du recouvrement des cotisations de la caisse, est tenue de vérifier le classement du personnel affecté à certains emplois dans une entreprise déterminée selon les risques courus par lui et les catégories prévues par la décision de la caisse régionale et peut ainsi rectifier la ventilation, effectuée par une entreprise, de son personnel entre les catégories professionnelles pour lesquelles la caisse régionale de retraite lui a notifié des taux de cotisations distincts.

En l'espèce, il ressort de la lettre d'observations du 1er juin 2015 en son point 1, relatif à la pluralité de taux AT/MP et la répartition par catégories de salariés, que les inspecteurs du recouvrement ont constaté que 'pour certains joueurs, l'association [2] n'applique pas le taux d'accident du travail notifié par la CARSAT pour le risque 926CH mais elle applique le taux d'accident de travail notifié pour la formation professionnelle codifié 853HA.'

Il y est indiqué que les inspecteurs du recouvrement ont appliqué pour chaque année contrôlée, le taux d'accident du travail 926CH à tous les joueurs de football sans distinguer les joueurs en formation des joueurs professionnels.

Le redressement opéré par l'URSSAF consiste ainsi à rectifier la ventilation, effectuée par l'association, de ses joueurs de football entre les catégories professionnelles pour lesquelles la CARSAT lui a notifié différents taux d'accidents.

En effet, il ressort de la lettre d'observations du 1er juin 2015 que tant le taux d'accident du travail 926 CH relatif aux sportifs professionnels y compris les entraîneurs-joueurs, que le taux 853HA relatif aux stagiaires des centres de formations professionnelle, de réadapatation fonctionnelle et de rééducation professionnelle, ont été notifiés par la CARSAT à l'association [2] pour les deux établissements contrôlés.

Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'indique l'URSSAF, elle n'avait pas seulement à vérifier l'application par l'entreprise d'un seul taux de cotisations notifié par la CARSAT, mais à vérifier la répartition par l'entreprise des salariés par catégories de personnel pour lesquelles la CARSAT avaient notifié des taux de cotisations différents.

La contestation concerne donc cette ventilation rectifiée et non pas les taux notifiés par la CARSAT. Le moyen de l'URSSAF tendant à exiger de l'association qu'elle conteste le taux notifié par la CARSAT à ses établisssements est donc inopérant.

Il convient alors de vérifier si la rectification de la ventilation opérée par les agents de l'URSSAF est justifié ou non.

L'URSSAF a appliqué aux rémunérations de l'ensemble des joueurs le taux accident de travail notifié pour le risque 926CH qui s'applique aux 'sportifs professionnels, (...) quel que soit le classement de l'établissement qui les emploie', au motif que tout ces joueurs sont rémunérés en contrepartie de la pratique d'un sport.

Cependant, le risque 926CH vise expressément les 'sportifs professionnels' qui, par définition, pratiquent leur discipline sportive à titre professionnel.

Or, ce n'est pas le cas des joueurs de football qui, bien qu'ils soient rémunérés en contrepartie de leur pratique du football en vertu d'un contrat de travail prévu dans la charte du football professionnel, ont le statut de stagiaires en formation professionnelle.

Pour ces derniers, le risque 853HA visant les 'stagiaires des centres de formation professionnelle' correspond exactement à l'activité pour laquelle ils sont rémunérés.

Il s'en suit que le redressement opéré par l'URSSAF en point 1 de la lettre d'observations du 1er juin 2015 relatif à la pluralité de taux AT/MP et la répartition par catégorie de salaires, pour un montant de 35.560 euros pour l'année 2013 et 33.792 euros pour l'année 2014, n'est pas justifié.

La contrainte émise le 18 janvier 2016 pour la somme de 119.286 euros dont 107.385 euros de cotisations et 11.901 euros de majorations de retard au titre des cotisations et contributions dues sur 2013 et 2014 suite à redressement ne peut donc être validée pour son entier montant.

Les premiers juges ont annulé la contrainte dans son entier montant alors que l'URSSAF demeure bien-fondée à solliciter le paiement des chefs de redressement non contestés.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement, de dire que la contrainte émise le 18 janvier 2016 est partiellement annulée et que l'association [2] sera condamnée à payer à l'URSSAF PACA, en deniers ou quittances, la somme résiduelle de 38.196 euros de cotisations, et 3.063 euros de majorations de retard.

L'URSSAF PACA, succombant au principal, sera condamnée au paiement des dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande que chacune des parties conserve la charge de se spropres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Annule partiellement la contrainte émise par l'URSSAF PACA à l'encontre de l'association [2] le 18 janvier 2016 pour le montant de 119.286 euros dont 107.385 euros de cotisations et 11.901 euros de majorations de retard au titre des cotisations et contributions dues sur 2013 et 2014 suite à redressement notifié par lettres d'observations du 1er juin 2015,

Condamne l'association [2] à payer à l'URSSAF PACA, en deniers ou quittances, la somme résiduelle de 38.196 euros de cotisations, et 3.063 euros de majorations de retard au titre des cotisations et contributions dues sur 2013 et 2014 suite à redressement notifié par lettres d'observations du 1er juin 2015,

Condamne l'URSSAF PACA au paiement des dépens de l'appel,

Déboute chacune des parties de leur demande en frais irrépétibles.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 21/14866
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;21.14866 ?
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