COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8b
ARRÊT AU FOND
DU 07 MARS 2024
N°2024/
Rôle N° RG 21/11158 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH3OY
Me SCP [3] - Mandataire de S.A.R.L. [4]
S.A.R.L. [4]
C/
URSSAF PACA
Copie exécutoire délivrée
le : 7/03/2024
à :
- Maître Luc ALEMANY avocat au Barreau de MARSEILLE
- URSSAF PACA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 15 Juin 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/00260.
APPELANTE
Me SCP [3] - prise en la personne de Me [E] [P] sise [Adresse 2] es qualité de Mandataire liquidateur de la société [4],dont le siège social est [Adresse 7]
représentée par Maître Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS avocat au Barreau de MARSEILLE substitué par Maître Solène RIVAT avocat au Barreau de MARSEILLE
INTIMEE
URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]
représentée par M. [R] [H] en vertu d'un pouvoir spécial
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Anne BARBENES.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) [4] a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, à l'issue duquel, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur (URSSAF PACA) lui a adressé une lettre d'observations en date du 3 janvier 2018, comportant deux chefs de redressement pour le montant global de 5.718 euros de cotisations et contribution régularisées.
Par lettre datée du 28 février 2018, l'URSSAF PACA a mis en demeure la société de lui payer la somme de 6.422 euros dont 5.7128 euros de cotisations et 704 euros de majorations de retard
au titre des cotisations dues sur les années 2015 et 2016 suite au redressement.
Le 30 avril 2018, l'URSSAF a émis une contrainte signifiée le 4 mai 2018, aux fins de paiement de la somme de 6.422 euros dont 5.7128 euros de cotisations et 704 euros de majorations de retard au titre des cotisations dues sur les années 2015 et 2016 suite à redressement et lettre de mise en demeure du 28 février 2018.
Par courrier expédié le 17 mai 2018, la société [4] a formé opposition à la contrainte devant le tribunal de grande instance de Dignes les Bains.
Par jugement rendu le 15 juin 2021, le tribunal, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Dignes les Bains, a :
- déclaré recevable l'opposition,
- maintenu le chef de redressement dit 'réintégration des indemnités kilométriques comptabilisées dans le compte 652 21 20 IK de Mme [C], à hauteur de 5.629 euros outre les majorations de retard,
- annulé le chef de redressement dit 'cotisations-rupture conventionnelle du contrat de travail - conditions relatives à l'âge du salarié',
- dit que l'URSSAF PACA dispose d'une créance d'un montant de 5.629 euros au titre des cotisations dues pour le chef de redressement maintenu (réintégration des indemnités kilométriques) outre les majorations de retard,
- condamné la société [4] à régler à l'URSSAF la somme de 5.629 euros outre les majorations de retard,
- rejeté le surplus des demandes en paiement,
- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [4] aux dépens exposés depuis le 1er janvier 2019.
Par déclaration électronique du 23 juillet 2021, la société [4] a interjeté appel du jugement.
Par jugement du tribunal de commerce rendu le 10 janvier 2023, la société [4] a été placée en liquidation judiciaire et la SCP [5] a été désignée par la juridiction en qualité de mandataire judiciaire.
A l'audience du 25 janvier 2024, la SCP [5], représentant la société [4], reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour-même. Elle demande à la cour de:
- infirmer le jugement en ce qu'il a maintenu le chef de redressement relatif aux indemnités kilométriques et l'a condamnée à payer à l'URSSAF PACA la somme de 5.629 euros,
- annuler le chef de redressement afférent au point 1 de la lettre d'observations relatifs aux frais professionnels - limites d'exonérations : utilisation du véhicule personnel à hauteur de 5.629 euros,
- condamner l'URSSAF PACA à lui payer 2.500 euros à titre de frais irrépétibles,
- condamner l'URSSAF PACA au paiement des dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que Mme [C], employée en qualité de glacier, avait pour mission, outre de fabriquer les produits glacés, de livrer la marchandise auprès de la clientèle et se rendre auprès du fournisseur de lait pour récupérer la matière première utilisée dans les produits glacés et que pour ses déplacements elle utilisait un véhicule équipé d'une cellule réfrigérée, la société n'étant propriétaire d'aucun véhicule. Elle considère qu'il importe peu que la salariée ne soit pas propriétaire du véhicule utilisé pour bénéficier du remboursement de ses indemnités kilométriques d'une part, et que le relevé comportant les dates de déplacements professionnels, leur nature, le lieu des déplacements et le nombre de kilomètres parcourus permet de vérifier que les déplacements sur la base desquels la société a remboursé les frais professionnels à la salariée sont effectués dans le cadre de l'exercice de sa mission professionnelle. Elle ajoute que l'URSSAF ne conteste pas la réalité des frais kilométriques déclarés mais seulement le traitement de leur assujettissement aux cotisations sociales au seul motif que la carte grise du véhicule n'est pas de la bénéficiaire des indemnités versées. Elle fait ici valoir que les règles applicables en matière de déduction de l'assiette des cotisations ne sont pas les mêmes qu'en matière de déduction fiscale et que dès lors que le quantum des remboursements a été effectué sur la base du barème fiscal et que les frais son inhérents à l'emploi de la salariée et exposés pour les seuls besoins de l'activité de l'entreprise, le redressement n'est pas justifié.
L'URSSAF PACA reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Elle demande à la cour de débouter l'appelante, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
et condamner la société à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles et à payer les dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'URSSAF PACA fait valoir que la référence faite par l'arrêté du 20 décembre 2002 aux barèmes des indemnités kilométriques publiés annuellement par l'administration fiscale conduit à retenir la même position que la doctrine fiscale pour définir la notion de véhicule personnel. Elle explique que l'utilisation de ces barèmes est réservée aux véhicules dont le salarié lui-même, son conjoint ou l'un des membres de son foyer fiscal est propriétaire ou copropriétaire ou qu'il loue. Elle en conclut que la carte grise du véhicule utilisé par Mme [C] à laquelle la société a versé des indemnités kilométriques, étant au nom de la société [6], le véhicule n'est ni la propriété de la salariée, ni celle d'un membre de son foyer fiscal, de sorte que le barème des indemnités kilométriques ne lui est pas applicable. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré par la société que sa salariée assume effectivement les dépenses engendrées par l'utilisation du véhicule.
Il convient de se reporter aux conclusions oralement reprises par les parties pour un plus ample exposé du litige.
MOTIFS DE LA DECISION
Conformément aux dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations, à l'exclusion des sommes représentatives de frais professionnels.
L'alinéa 3 de ce même article précise qu'il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.
L'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2002 dispose que les frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.
Il résulte de l'article 2 suivant que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue:
- soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé. Dans ce cas, l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents,
- soit sur la base d'allocations forfaitaires. Dans ce cas, l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans certaines limites, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet, cette condition étant réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants déterminés par ce même arrêté.
En outre, l'article 4 du même arrêté prévoit que : 'Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale.'
En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations du 3 janvier 2018, que l'inspectrice du recouvrement a constaté que la carte grise présentée par la société aux fins de justifier les indemnités kilométriques versées à Mme [C] à hauteur de 3.256 euros pour 2015 et 2.089 euros pour 2016, est au nom de la SARL [6].
Il s'en suit que ni la salariée bénéficiaire du remboursement des indemnités kilométriques, ni les membres de son foyer fiscal ne sont propriétaires du véhicule utilisé pour effectuer les déplacements professionnels sur la base desquels les indemnités kilométriques ont été versées.
Or, comme l'explique pertinemment l'URSSAF, la référence faite par l'arrêté du 20 décembre 2002 aux barèmes des indemnités kilométriques publiés annuellement par l'administration fiscale, conduit à retenir la même position que la doctrine fiscale pour définir la notion de véhicule personnel, soit un véhicule dont le salarié lui-même, ou le cas échéant, son conjoint ou l'un des membres de son foyer fiscal est propriétaire ou copropriétaire, ou qu'il loue.
A défaut de justifier de l'utilisation de son véhicule personnel au sens réglementaire du terme, par la salariée bénéficiaire des indemnités kilométriques, pour lequel elle assume les dépenses, les indemnités kilométriques qui lui ont été versées par la société doivent être qualifiées d'avantages en argent et leur réintégration dans l'assiette des cotisations est justifiée.
Le jugement qui a maintenu le redressement doit donc être confirmé.
L'appelante succombant à l'instance, sera condamnée aux dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Déboute les parties de leur demande en frais irrpéétibles,
Laisse les dépens de l'appel à la charge de la société [4].
La greffière La présidente