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07/03/2024 | FRANCE | N°21/06154

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8b, 07 mars 2024, 21/06154


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b



ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2024



N°2024/171





Rôle N° RG 21/06154 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHLAD







Société [3]





C/



CPAM DU VAR



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Cédric PUTANIER



- Me Stéphane CECCALDI










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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Toulon en date du 02 Juillet 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01689.





APPELANTE



Société [3], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYO...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2024

N°2024/171

Rôle N° RG 21/06154 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHLAD

Société [3]

C/

CPAM DU VAR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Cédric PUTANIER

- Me Stéphane CECCALDI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Toulon en date du 02 Juillet 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01689.

APPELANTE

Société [3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

INTIMEE

CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Florence ITRAC, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 17 août 2016, M. [H], salarié de la SASU [3], a déclaré une maladie professionnelle au titre du tableau n°98 sur le fondement d'un certificat médical en date du 9 août 2016, constatant une 'lombosciatique droite hernie discale L5-S1" .

La caisse primaire d'assurance maladie du Var a notifié la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle à la SASU [3] par courrier du 16 février 2017.

Saisie de la contestation de la société, la commission de recours amiable a confirmé le caractère professionnel de la maladie déclarée par décision du 18 juillet 2017.

La SASU [3] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var de son recours et par jugement avant dire droit en date du 4 avril 2019, le tribunal de grande instance de Toulon, ayant repris l'instance, a déclaré recevable le recours de la société [3] à l'encontre de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [H] le 9 août 2016, déclaré opposable à la société [3], la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [H] le 9 août 2016 et ordonné une expertise aux fins de dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n'est plus médicalement justifiée.

Le docteur [M] a rendu son rapport le 25 novembre 2019 en concluant qu' 'à compter du 09/08/2016, la prise en charge des soins et arrêts de travail au titre de la législation professionnelle n'était plus médicalement justifiée au regard de l'évolution du seul état consécutif à la maladie professionnelle déclarée, par origine ou par aggravation.

Il existait une pathologie indépendante évoluant pour son propre compte et complètement détachable de la maladie professionnelle déclarée constituée par un canal lombaire étroit avec instabilité rachidienne, sans hernie discale documentée, ayant fait l'objet d'une intervention réalisée en date du 27/05/2016 par le docteur [N] à type d'arthrodèse L5-S1 pour lombosciatique droite dont le diagnostic est formerl : 'laminarthrectomie totale bilatérame élargie L4-S1 pour sténose foraminale L5-S1 droite.'

Par jugement en date du 2 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Toulon a confirmé l'opposabilité à l'égard de la société employeur de la prise en charge au titre de la législation professionnelle, des soins et arrêts de travail de M. [H] du 9 août 2016 au 4 juin 2017, au motif notamment qu'il n'était pas lié par les conclusions de l'expert sur le bien fondé de la prise en charge de la maladie professionnelle.

Par lettre recommandée expédiée le 31 juillet 2020, la SASU [3] a interjeté appel de la décision dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

L'affaire a été radiée pour défaut de diligences des parties le 13 janvier 2021, pour être remise au rôle sur initiative de la partie appelante le 22 avril suivant.

Par arrêt avant-dire droit du 16 septembre 2022, la présente cour a ordonné une expertise aux fins de:

- prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [H], notamment celui établi par le service médical de la caisse primaire d'assurance maladie du Var;

- fixer la durée des soins et arrêts de travail en relation, au moins en partie, avec la maladie professionnelle déclarée le 9 août 2016 d'une part et la durée des soins et arrêts de travail exclusivement liés à une cause étrangère à cette maladie professionnelle, d'autre part ;

- Préciser la date à partir de laquelle les soins et arrêts de travail prescrits à M. [H], sont exclusivement liés à une cause étrangère à la maladie professionnelle déclarée le 9 août 2016.

Le docteur [I], désigné en qualité d'expert, a rendu son rapport le 7 février 2023 en concluant

qu' 'il n'y a pas d'arrêt de travail et de soins en rapport direct et certain avec la maladie professionnelle n°98 au niveau L5-S1. La durée des arrêts de travail et des soins sont liées à une cause étrangère et doivent être pris dans un cadre assurance maladie ordinaire'.

A l'audience du 1er février 2024, la SASU [3] dispensée de comparaître, ne se réfère à aucun autre jeu d'écritures que celui déposé avant l'arrêt avant-dire droit. Elle demande ainsi à la cour d'infirmer le jugement et de prononcer l'inopposabilité à son égard de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des soins et arrêts de travail prescrits à M. [H] à compter du 9 août 2016.

Au soutien de sa prétention, la société se fonde sur le rapport du docteur [M], expert désigné par la juridiction de première instance, pour faire valoir que le salarié présente un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, et que les soins et arrêts de travail prescrits à compter du 9 août 2016 n'étaient pas en lien avec la maladie professionnelle, mais avec l'évolution de la pathologie indépendante complètement détachable de la maladie professionnelle. Elle considère ainsi rapporter la preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail aux arrêts de travail et soins prescrits et renverser la présomption d'imputabilité des soins et arrêts de travail à la maladie professionnelle.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var se réfère aux conclusions communiquées par RPVA le 31 janvier 2024. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- écarter le rapport d'expertise du docteur [I],

- débouter la société de sa demande en inopposabilité,

- confirmer que les frais d'expertise restent à la charge de la société,

- subsidiairement, ordonner une nouvelle expertise aux frais de la caisse.

Au soutien de ses prétentions, la caisse se fonde sur l'argumentaire de son médecin conseil pour critiquer l'expertise du docteur [I], en lui reprochant de ne pas répondre explicitement à ses dires et à la mission donnée. Elle fait valoir que l'expert ne peut sous-entendre que la hernie discale en L5 S1 n'existe pas alors qu'elle est étayée par le scanner lombaire du 2 février 2016, la consultation pré-opératoire du docteur [N] en date du 21 avril 2016 et que le tribunal judiciaire de Toulon a reconnu la maladie professionnelle du tableau n°98 dans un jugement rendu le 4 avril 2019, de sorte que le docteur [N] a nécessairement traiter cette hernie discale lors de son intervention chirurgicale du 27 mai 2016. Elle ajoute qu'il est inacceptable de ne retenir aucun arrêt de travail à la suite de l'opération d'un travailleur de force pour hernie discale alors que le barème Valette prévoit un arrêt minimum de trois mois. Elle ajoute que l'avis de l'expert est en contradiction avec l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 22 juin 2017 en rattachant celle-ci à la maladie professionnelle du 9 août 2016.

Alors que le docteur [I] a répondu au dire de la caisse en indiquant que le patient ' présente certainement des douleurs lombaires reponsables d'un arrêt de travail du 26.11.15 au 12.07.17. Il serait intéressant de visualiser les images du scanner lombaire du 02.02.16 et de faire préciser par son chirurgien la cure chirurgicale pour hernie discale L5-S1", elle rappelle qu'elle n'est pas en possession des examens paracliniques et des comptes-rendus opératoires qui sont la propriété de la victime et qu'elle a adressé à l'expert tous les éléments en sa possession. Elle en conclut que le rapport d'expertise doit être écarté, et subsidiairement, qu'il soit ordonné une nouvelle expertise.

Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises à l'audience par les parties pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est désormais acquis qu'il résulte des dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail ou de la maladie professionnelle est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

En l'espèce, il ressort de la déclaration de maladie professionnelle établie le 17 août 2016 par M. [H] et du certificat médical joint, daté du 9 août 2016, que la lombosciatique droite avec hernie discale en L5 S1et arthrodèse du 23 mai 2016, constatée pour la première fois le 26 novembre 2015, a rendu nécessaire la prescription d'un arrêt de travail du 9 août au 1er septembre 2016.

Il s'en suit que la présomption d'imputabilité au travail de la lombosciatique droite avec hernie discale en L5 S1, s'étend pendant toute l'incapacité de travail précédant la consolidation de l'état de santé du salarié, fixée par la caisse au 12 juin 2017, à moins que la société [3] rapporte la preuve que les soins et arrêts de travail litigieux ont une cause totalement étrangère au travail.

Il résulte du rapport d'expertise du docteur [I], rendu le 7 février 2023, qu' 'il n'y a pas d'arrêt de travail et de soins en rapport direct et certain avec la maladie professionnelle n°98 au niveau L5-S1. La durée des arrêts de travail et des soins sont liées à une cause étrangère et doivent être pris dans un cadre assurance maladie ordinaire.'

L'avis de l'expert désigné en cause d'appel conforte ainsi celui du docteur [M], expert désigné en première instance, dans son rapport du 25 novembre 2019.

En outre, contrairement à ce qui est conclu par la caisse intimée, l'avis de l'expert est clair et précis. Il explique que 'malgré le compte-rendu du scanner lombaire du 02.02.2016, (le patient) n'est pas opéré pour un conflit disco-radiculaire mais pour une sténose foraminale avec élargissement. Il semble exister manifestement dans ce cas une dissociation radio-clinique, qui est souvent observée dans ce type de pathologie'.

Il se fonde sur le compte-rendu opératoire du docteur [N], chirurgien orthopédiste, qui indique avoir réalisé une arthrodèse L5-S1 pour lombo-sciatique droite, mais ne fait état d'aucune cure de hernie discale.

Ainsi, tant l'expert désigné en appel, que celui désigné en première instance, expliquent que bien que le patient présente une hernie discale décrite dans le compte-rendu du scanner du 2 février 2016 et prise en charge par la caisse au titre d'une maladie professionnelle, il a été opéré le 27 mai 2016 pour une pathologie lombaire évoluant pour son propre compte consistant dans un canal lombaire étroit, qui justifie les soins et arrêts de travail du 9 août 2016 au 4 juin 2017.

L'avis expertal n'est pas sérieusement contredit par l'argumentaire du médecin conseil de la caisse.

En effet, contrairement à ce que ce dernier affirme, l'expert n'a pas dénié l'existence d'une hernie discale, mais a seulement expliqué qu'elle n'était pas à l'origine des douleurs justifiant les soins et arrêts de travail prescrits : l'opération chirurgicale à l'origine des soins et arrêts de travail litigieux n'ayant concerné qu'un canal lombaire étroit, à l'exclusion de la hernie discale.

En outre, si le médecin conseil de la caisse affirme que le docteur [N] n'a pu que traiter cette hernie discale lors de son intervention chirurgicale du 27 mai 2016, il ne le démontre par aucun élément objectif : la constatation d'une hernie discale sur le scanner lombaire du 2février 2016, reprise dans la consultation pré-opératoire du docteur [N] en date du 21 avril 2016 et la reconnaissance du caractère professionnel de la hernie discale par le tribunal judiciaire de Toulon dans son jugement du 4 avril 2019, ne sont pas de nature à démontrer que l'opération chirurgicale du 27 mai 2016 a concerné cette hernie discale plutôt que le canal lombaire étroit dont il n'est pas discuté que le patient était également atteint. Le compte-rendu opératoire du docteur [N], décrivant l'intervention réalisée sans faire aucune allusion à une quelconque cure de la hernie discale permet de démontrer le contraire.

En conséquence, l'avis de l'expert est clair, sans ambiguïté et motivé.

Sans qu'il soit besoin d'une nouvelle expertise, il convient de l'entériner et la société rapportant la preuve que les arrêts de travail et soins prescrits du 9 août 2016 au 12 juin 2017 sont exclusivement liés à une pathologie lombaire évoluant pour son propre compte, distincte de la hernie discale prise en charge au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles, il convient de faire droit à sa demande tendant à déclarer inopposable la décision de la caisse de les prendre en charge au titre de la législation professionnelle.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

La caisse primaire d'assurance maladie du Var succombant à l'instance sera condamnée aux dépens engagés en première instance comme en appel, et comprenant les frais d'expertise de première instance, en vertu des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile; étant précisé que les frais d'expertise ordonnée en appel seront définitivement pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie en vertu des dispositions de l'article L.142-11 du code de la sécurité sociale en vigueur depuis le 1er janvier 2022.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Déclare inopposable à la SASU [3] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Var de prendre en charge les soins et arrêts de travail prescrits du 9 août 2016 au 12 juin 2017 au titre de la législation professionnelle,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Var à prendre en charge les dépens engagés en première instance comme en appel, et comprenant les frais d'expertise de première instance,

Rappelle que les frais d'expertise ordonnée en appel seront définitivement pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie en vertu des dispositions de l'article L.142-11 du code de la sécurité sociale en vigueur depuis le 1er janvier 2022.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8b
Numéro d'arrêt : 21/06154
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;21.06154 ?
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