COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-4
ARRÊT AU FOND
DU 06 MARS 2024
N° 2024/51
Rôle N° RG 22/02190 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI3NO
[F] [V]
C/
[Z] [V]
[K] [C]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Florence PIERONI
Me Alexandra BOISRAME
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 13 Janvier 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/00686.
APPELANTE
Madame [F] [V] veuve [W]
née le [Date naissance 7] 1950 à [Localité 16] (83)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Florence PIERONI, avocat au barreau de TOULON
INTIMES
Monsieur [Z] [V]
né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 16] (83), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Alexandra BOISRAME de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Maître [K] [C] de la SCP BINDELLI-[C]-FIGAROL-JANET, notaires associés , demeurant [Adresse 10]
représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et par Me Jean-christophe GARRY de la SELARL GARRY ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Maria DA SILVA, avocat au barreau de TOULON (avocat plaidant)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Février 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale BOYER, Conseillère,a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Michèle JAILLET, Présidente
Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère
Mme Pascale BOYER, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.
en présence de Mme Marine MAURISSEAU greffier stagiaire,
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2024,
Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige
[P] [V] et [T] [N] [J] se sont mariés le [Date mariage 6] 1944, sous l'ancien régime de communauté de meubles et acquêts en l'absence de contrat préalable.
Ils ont eu deux enfants :
- [F] [V], née [Date naissance 7] 1950 à [Localité 16]
- [Z] [V], né le [Date naissance 8] 1954 à [Localité 16].
Ces derniers ont hérité de leur père décédé le [Date décès 5] 1994, puis de leur mère décédée le [Date décès 4] 2012.
L'actif des successions comprenait notamment plusieurs immeubles situés à [Localité 14] ayant appartenu en propre à chacun des époux et ayant fait partie de la communauté conjugale.
En outre, [F] [W] et [Z] [V] étaient propriétaires en indivision de
parcelles de terre situées à [Localité 14] qu'ils avaient acquises à raison de la moitié chacun en 2002.
Le partage des liquidités a été réalisé entre les héritiers et ils sont restés en indivision sur les biens immobiliers.
Ils ont procédé en 2012 à la division en lots de l'immeuble indivis du [Adresse 1] provenant de la succession de [P] [V].
Deux lots ont été vendus en 2012 et 2017 et le prix de vente partagé entre les deux parties.
Le 6 novembre 2017, les deux parties ont signé un acte de partage amiable, établi par Maître [C], notaire à [Localité 14], portant sur les immeubles sur lesquels ils détenaient des droits indivis de diverses origines.
Par cet acte, il a été attribué à [Z] [V] un local commercial et deux appartements situés [Adresse 1] et une maison sise [Adresse 12] dans la même commune, ainsi que deux parcelles de terres également situées à [Localité 14].
[F] [V] a reçu un terrain situé [Localité 15], deux parcelles de bois à [Localité 14] estimées à 200.000 euros chacune et la soulte de 150.000 euros payée par son frère le jour de l'acte.
Dès le début de l'année 2018, [F] [V] a réclamé à son frère sa part des loyers perçus sur le local commercial du [Adresse 1] avant le partage et une indemnité d'occupation pour la maison.
Elle a aussi invoqué avoir été flouée sur la valeur des terrains qui lui ont été attribués.
[Z] [V] a reconnu devoir la somme de 3600 euros au titre de la quote-part de sa soeur sur les loyers du mois de juin 2017 au mois d'octobre 2017, et réglé le montant dû.
En revanche, il a contesté devoir une indemnité d'occupation, invoquant une compensation avec l'occupation par sa soeur, pendant 31 ans et 15 ans, d'un logement et d'un local commercial appartenant à leurs parents.
Par acte du 28 janvier 2019, [F] [V] a fait assigner [Z] [V] et Maître [C] devant le tribunal de grande instance de TOULON aux fins d'obtenir la rectification de l'acte de partage et une indemnisation par le notaire instrumentaire.
Par décision contradictoire du 13 janvier 2022, à laquelle il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, procédure et prétentions des parties, le tribunal judiciaire de TOULON a :
- Débouté [F] [V] de ses demandes,
- Condamné [F] [V] à payer à Maître [C] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de procédure
- Condamné [F] [V] aux dépens,
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Maître [C] a fait signifier la décision le 3 février 2022 à [Z] [V] et le 3 mars 2022 à [F] [V] veuve [W].
Par déclaration communiquée au greffe le 14 février 2022 par voie électronique, [F] [V] a formé appel de la décision en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes.
Le 7 mars 2022, un conseiller de la mise en état a été désigné et les parties en ont été avisées.
Le 29 mars 2022, le greffe a indiqué à l'appelante qu'elle devait signifier l'acte d'appel aux intimés.
Par ses premières conclusions communiquées le 11 avril 2022, [F] [V] demande à la cour de :
- La recevoir en son appel et le dire bien fondé,
- INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
- DEBOUTER Maître [K] [C], notaire, de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
- VOIR CONSTATER [Z] [V] redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision [V] [Z] / [V] [F] veuve [W]
- VOIR FIXER la valeur locative à 550 euros et l'indemnité d'occupation à la somme de 66.000 euros
- VOIR FIXER au profit de [F] [V] Veuve [W], un droit de créance au titre de l'indivision de 33.000 euros avec intérêts à compter de la mise en demeure soit le 27 juin 2018.
- VOIR DESIGNER tel notaire qu'il plaira à la cour pour parfaire les comptes de l'indivision et rectifier l'acte de partage du 6 novembre 2017 aux frais de Maître [C].
- VOIR CONDAMNER [Z] [V] à verser à l'indivision [V] [Z] / [V] [F] veuve [W] la somme de 66.000 euros avec intérêts à compter de la mise en demeure en date du 27 juin 2018 entre les mains du notaire désigné.
- VOIR CONSTATER que [Z] [V] a d'ores et déjà procédé à titre amiable au règlement des loyers commerciaux envers la requérante
Si la cour l'estime nécessaire,
- DIRE ET JUGER que le notaire désigné procédera à la détermination de la valeur locative du bien désigné [Adresse 2]
Très subsidiairement,
- VOIR CONSTATER la lésion visée par l'article 889 du code civil
- VOIR ORDONNER, en conséquence, la rectification de l'acte de partage du 6 novembre 2017 dressé par Maître [K] [C], notaire à [Localité 14]
- DIRE ET JUGER que les frais d'acte et du notaire désigné seront pris en charge par Maître [K] [C],
- VOIR CONDAMNER Maître [K] [C] à la somme de 8000 euros à titre de dommages et Intérêts envers [F] [V] Veuve [W] en réparation du préjudice subi du fait de son manquement à son obligation de conseil.
- VOIR CONDAMNER solidairement Maître [K] [C] et Monsieur [Z]
[V] à la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- VOIR CONDAMNER solidairement Maître [K] [C] et Monsieur [Z]
[V] aux entiers dépens.
Selon ses premières écritures du 7 juillet 2022, Maître [C] demande à la cour de :
- CONFIRMER le jugement entrepris ayant débouté Madame [V] veuve [W] de toutes ses demandes et l'ayant condamnée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile à hauteur de 1500 euros, outre aux entiers dépens,
En tout état de cause et s'il en était besoin,
- DÉCLARER mal fondées les demandes de Madame [V] veuve [W] en tant que dirigées à l'encontre de Maître [C], notaire, en l'état des éléments exposés ci-dessus, caractérisant l'absence de tout manquement du notaire.
- DÉBOUTER Madame [V] veuve [W] de toutes ses demandes, fins et
conclusions en tant que dirigées à l'encontre de Maître [C], notaire, qui n'a pas manqué à son devoir de conseil
- PRONONCER la mise hors de cause de Maître [C], notaire.
Subsidiairement et s'il en était besoin,
- DÉCLARER injustifiée et infondée tant dans son principe que dans son quantum, la demande de Madame [V] veuve [W] à hauteur de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en tant que dirigée à l'encontre de Maître [C], notaire.
- DÉBOUTER de ce chef Madame [V] veuve [W],
- CONDAMNER Madame [V] veuve [W] à payer à Maître [C], notaire, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ, MONTERO - DAVAL GUEDJ avocats associés, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Par acte de commissaire de justice du 25 avril 2022, [F] [V] veuve [W] a fait signifier à [Z] [V] sa déclaration d'appel, ses premières conclusions, ses pièces et l'avis d'avoir à signifier du greffe. Cet acte a été remis à l'étude.
Par acte extrajudiciaire du 19 juillet 2022, l'appelante a fait signifier à [Z] [V] ses deuxièmes conclusions.
[Z] [V] a constitué avocat le 8 août 2022.
Le 11 avril 2023, le conseiller de la mise en état a demandé les observations des parties relativement à la validité de la déclaration d'appel qui ne semblait pas comporter d'objet.
Par des écritures du 4 mai 2023, Maître [C] a soulevé l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel en ce qu'elle ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués.
Par ses dernières conclusions du 22 mai 2023, [F] [V] maintient ses prétentions exprimées dans ses premières conclusions en les modifiant et ajoute les demandes suivantes :
- DEBOUTER Maître [K] [C] de sa demande nouvelle « A titre principal, de déclarer l'appel de Madame [V] dépourvu d'effet dévolutif et toute éventuelle
régularisation forclose » comme infondée,
- VOIR ORDONNER [Z] [V] redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision [V] [Z] / [V] [F] veuve [W].
- VOIR JUGER que [Z] [V] a d'ores et déjà procédé à titre amiable au règlement des loyers commerciaux envers la requérante,
SUBSIDIAIREMENT, si la cour estimait devoir donner foi à l'acte notarié,
- VOIR CONDAMNER [Z] [V] au paiement de la créance due à l'indivision au titre des loyers perçus des articles 2, 3 et 4 qui lui ont été attribués à [Z] [V] (page 14 de l'acte notarié) du mois de novembre 2012 à novembre 2017, en application des dispositions de l'article 815-10 du Code Civil et de la prescription quinquennale
- VOIR DESIGNER tel notaire qu'il plaira à la cour pour parfaire les comptes de l'indivision et rectifier l'acte de partage du 6 novembre 2017 aux frais de Me [C].
- VOIR FIXER la valeur locative du bien sis [Adresse 2] à 550 euros et au titre des loyers et voir fixer la créance due à l'indivision à la somme de 66.000 euros
- VOIR FIXER au profit de Madame [F] [V] Veuve [W], un droit de créance au titre des loyers dûs d'un montant de 33.000 euros concernant le bien [Adresse 2], avec intérêts à compter de la mise en demeure soit le 27 juin 2018,
- VOIR ORDONNER par le notaire désigné la détermination de la valeur locative des biens sis [Adresse 1]) et la créance due à l'indivision au titre des loyers perçus par Monsieur [Z] [V],
Très subsidiairement,
- JUGER la lésion, dans l'acte de partage, visée par les dispositions de l'article 889 du code civil et ORDONNER la rectification de l'acte de partage du 6 novembre 2017.
Le 27 septembre 2023, les parties ont été avisées de la fixation de l'affaire à plaider à l'audience du 7 février 2024.
Par ses dernières conclusions du 27 novembre 2023, Maître [C] sollicite, à titre principal, que la cour :
- DÉCLARE l'appel de Madame [V] dépourvu d'effet dévolutif et toute éventuelle régularisation forclose.
Elle maintient ses prétentions initiales à titre subsidiaire.
[Z] [V] a constitué avocat mais n'a pas communiqué de conclusions.
La clôture de la procédure a été prononcée le 10 janvier 2024.
Motifs de la décision
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.
Sur la qualification de l'arrêt
[Z] [V] n'a pas communiqué de conclusions mais a régulièrement constitué avocat dans une procédure à représentation obligatoire.
Il est donc comparant à la procédure et la décision à intervenir sera contradictoire.
Sur la question de l'effet dévolutif de l'appel
L'intimée soutient que la déclaration d'appel est dépourvue d'effet dévolutif car elle ne contient pas de demande expresse d'infirmation, ni de visa des chefs du jugement critiqués.
Elle indique que cet acte ne contient que la reprise des demandes exposées en première instance.
L'appelante conclut à la tardiveté de la demande de déclarer l'appel sans effet dévolutif.
Elle réplique que la déclaration d'appel contient les mentions obligatoires.
Elle précise qu'elle y a mentionné le chef du jugement critiqué et qu'elle a rappelé les demandes dont elle a été déboutées.
Elle ajoute que l'intimée ne fait état d'aucun grief à l'appui de sa demande d'annulation.
Cette question a été soulevée par le magistrat de la mise en état.
L'article 901 du code de procédure civile qui énumère les mentions obligatoires à peine de nullité dans la déclaration d'appel ne contient pas celle de la réformation ou de l'infirmation du jugement.
Toutefois, ce texte exige qu'elle énumère les chefs du jugement critiqués.
Le périmètre de l'appel est déterminé par la déclaration d'appel et l'objet de ce dernier par les conclusions qui doivent contenir demande de réformation de certains chefs du jugement critiqués ou d'annulation de la décision de première instance.
En l'espèce, la déclaration d'appel mentionne qu'il est fait appel du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à ses demandes et elle énumère les demandes présentées devant le premier juge dont elle a été déboutée.
La déclaration d'appel mentionne clairement que le chef de jugement critiqué est celui qui l'a déboutée de toutes ses demandes.
Le rappel des prétentions soumises au premier juge ne fait que compléter cette mention.
Il convient donc de juger que la déclaration d'appel a opéré effet dévolutif en ce qui concerne ce chef du jugement.
Toutefois, la déclaration d'appel ne vise que le chef du jugement par lequel elle a été déboutée de ses demandes.
Elle ne peut être complétée que par une seconde déclaration d'appel dans les formes exigée par l'article 901 du code de procédure civile.
La déclaration d'appel n'a donc pas produit d'effet dévolutif en ce qui concerne les chefs du jugement ayant condamné [F] [V] à payer une somme au titre des frais irrépétibles de procédure et les dépens.
Ces chefs de décision sont définitifs.
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Ne constituent pas par conséquent des prétentions au sens de l'article sus-cité du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ou encore à 'prendre acte' de sorte que la cour n'a pas à y répondre.
Il n'y a donc pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que ' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation'.
Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.
En application de ces règles, la cour ne répondra pas aux chefs du dispositif des premières conclusions de l'appelante qui ne contiennent aucune prétention au sens de l'article 4 du code civil, tendant à :
- VOIR CONSTATER [Z] [V] redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision [V] [Z] / [V] [F] veuve [W].
- VOIR CONSTATER qu'[Z] [V] a d'ores et déjà procédé à titre amiable au règlement des loyers commerciaux envers la requérante
- CONSTATER la lésion visée par l'article 889 du code civil.
Sur la question de la recevabilité des prétentions
L'article 564 du code de procédure civile dispose que : 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
L'article 565 du même code précise que 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.
L'article 566 énonce, enfin, que 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.
L'article 910-4 du code de procédure civile prévoit que : 'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
En l'espèce, l'appelante a présenté dans ses dernières conclusions des prétentions qui n'ont pas été soumises au premier juge, soit celles tendant à :
- VOIR JUGER que [Z] [V] a d'ores et déjà procédé à titre amiable au règlement des loyers commerciaux envers la requérante,
Subsidiairement, si la cour estimait devoir donner foi à l'acte notarié,
- VOIR CONDAMNER [Z] [V] au paiement de la créance due à l'indivision au titre des loyers perçus des articles 2 et 3 qui lui ont été attribués à [Z] [V] (page 14 de l'acte notarié) du mois de novembre 2012 à novembre 2017, en application des dispositions de l'article 815-10 du Code Civil et de la prescription quinquennale
-- VOIR ORDONNER par le notaire désigné la détermination de la valeur locative des biens sis [Adresse 1]) et la créance due à l'indivision au titre des loyers perçus par Monsieur [Z] [V].
Très subsidiairement,
- JUGER la lésion, dans l'acte de partage, visée par les dispositions de l'article 889 du code civil et ORDONNER la rectification de l'acte de partage du 6 novembre 2017.
Ces prétentions encourent également la sanction de l'irrecevabilité car elles ne figuraient pas dans les premières conclusions de l'appelante.
En ce qui concerne la demande subsidiaire de condamnation à payer les loyers perçus pour le compte de l'indivision sur la maison du chemin des Andues, elle porte sur les mêmes sommes que celle réclamées au titre de l'indemnité d'occupation au profit de l'indivision sur le même bien.
Il s'agit donc d'une modification du fondement juridique de la demande en paiement de [F] [V].
L'intimée sollicite aussi devant la cour sa mise hors de cause alors qu'elle n'avait pas présenté cette prétention devant le premier juge.
Celle-ci sera donc déclarée irrecevable.
Sur la demande d'indemnité d'occupation et de désignation d'un notaire pour rectifier ou compléter l'acte
L'appelante indique que le premier juge a rejeté sa demande d'indemnité d'occupation malgré l'aveu judiciaire de son frère, constitué par son absence de comparution.
Elle soutient que son frère a occupé de manière privative le bien du [Adresse 2] alors qu'il était indivis et ce depuis le 21 mai 2012 sans payer de contrepartie. Elle précise qu'elle n'en détenait pas la clé.
Elle réplique que son occupation d'un autre bien du vivant de leur mère avec l'accord de cette dernière ne peut se compenser avec l'occupation d'un bien indivis par un indivisaire postérieurement au décès.
Elle en déduit que [Z] [V] est redevable d'une indemnité d'occupation qui aurait dû figurer dans l'acte de partage du 6 novembre 2017.
Elle fait état d'une valeur locative de 1100 euros par mois.
Les articles 815-9 et 815-10 du code civil prévoient l'obligation pour l'indivisaire qui occupe privativement un bien indivis d'indemniser l'indivision de la perte de revenu liée à la jouissance du bien.
Il appartient à l'indivisaire qui en fait la demande de prouver que l'autre indivisaire jouit du bien de manière à le priver de toute possibilité d'occupation ou a refusé qu'il y demeure.
A l'appui de sa demande, [F] [V] se prévaut d'une reconnaissance de son frère dans un courrier du 21 février 2018. Toutefois, le fait qu'il admette être demeuré dans le bien indivis à compter du mois de juin 2012 après que sa soeur l'a occupé, ne suffit pas induire l'obligation de régler une indemnité d'occupation.
L'absence de comparution devant la juridiction de première instance ne peut être interprétée comme un aveu judiciaire.
Au contraire, l'article 472 du code de procédure civile commande au juge, en l'absence du défendeur, de vérifier avant de faire droit à la demande qu'elle est régulière, recevable et bien fondée.
L'attestation d'achat par [F] [V] d'un bien immobilier à [Localité 11] en juin 2012 ne prouve pas qu'elle y demeurait à compter de cette date, ni qu'elle ne pouvait occuper la maison de [Localité 14].
Le courrier de son frère du 10 juillet 2018 qu'elle invoque aussi pour apporter la preuve de l'occupation privative ne contient que l'affirmation de ce dernier que les parties avaient décidé de ne rien se réclamer de part et d'autre au titre de l'occupation des immeubles de leurs parents.
Il convient de déduire de ces éléments que l'appelante ne fournit pas la preuve que son frère est redevable d'une indemnité d'occupation pour ce bien.
La décision de première instance sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté [F] [V] de cette demande.
En conséquence de la confirmation du chef de l'indemnité d'occupation, la désignation d'un notaire chargé d'établir un acte rectificatif est sans objet.
Sur la demande subsidiaire de reconnaissance de la créance au titre des loyers de la maison de [Localité 14]
L'appelante sollicite, à titre subsidiaire, le paiement de la même somme que celle réclamée au titre de l'indemnité d'occupation, mais au titre des loyers de la maison dont son frère est comptable et redevable au profit de l'indivision.
Elle fonde sa demande sur la déclaration des parties contenue dans l'acte de partage selon laquelle ces articles à partager étaient loués.
Maître [C] a recueilli la déclaration des parties à l'acte de partage, dans le paragraphe relatif à l'entrée en jouissance des biens attribués, selon laquelle les biens figurant notamment en article 4 de la masse à partager, soit la maison litigieuse, étaient loués.
Cette affirmation portait également sur les articles 2 et 3 constitués des deux appartements situés au [Adresse 1] au-dessus d'un local commercial figurant au partage sous l'article 1.
Or, il est constant que les loyers qu'[Z] [V] a admis devoir au titre de revenus non distribués de l'indivision concernent le local commercial sis [Adresse 1], alors qu'il ne faisait pas partie de ceux déclarés loués dans l'acte de partage.
Il est également constant que la maison du chemin des Andues était occupée par [Z] [V]. Or, l'acte de partage mentionne qu'elle serait louée.
Il résulte de ces éléments que les mentions portées à l'acte résultent de la déclaration des parties concernant l'occupation des biens, acte notarié signé par ces dernières, selon l'accord dont ils avaient convenu.
Ces mentions n'induisent pas l'existence d'une créance au profit de l'appelante.
Il convient, en conséquence, de confirmer la décision de première instance de rejeter la demande en paiement au titre de la contrepartie de l'occupation de la maison de [Localité 14].
Sur la demande très subsidiaire de rectification de l'acte de partage
L'appelante invoque les droits de chaque partie fixés à 542.700 euros et de la valeur de l'immeuble sur lequel porte l'indemnité d'occupation dont elle a été privée.
Maître [C] réplique que l'acte ne pouvait être rectifié qu'avec l'accord des deux parties.
Elle soutient que la lésion n'est pas établie et que [F] [V] n'a pas agi dans le délai de deux ans prévu par les textes.
En l'absence d'acceptation par le co-partageant de la rectification de l'acte notarié, le juge ne peut imposer aux parties une modification de l'acte que si ce dernier est lésionnaire.
La demande de Madame [V] de voir juger l'existence de la lésion qui n'était pas formulée dans ses premières conclusions a été déclarée irrecevable.
Il n'a pas été fait droit à la demande en paiement d'une indemnité d'occupation de l'appelante.
L'appelante n'apporte aucune pièce de nature à justifier d'une erreur dans l'évaluation des biens partagés.
La décision du premier juge sera donc confirmée en ce qu'il a rejeté la demande de [F] [V] de rectification de l'acte de partage.
Sur la demande de dommages-intérêts contre le notaire
L'appelante soutient que Maître [C] ne l'a pas conseillée relativement à son droit de réclamer une indemnité d'occupation pour le bien de la [Adresse 13] à [Localité 14], occupé par son frère depuis 2012.
Elle ajoute que le notaire a refusé de rectifier l'acte concernant cette indemnité et de recevoir les parties pour leur soumettre la rectification.
Elle soutient que la notaire ne peut s'exonérer en invoquant une carence de la partie qu'elle était tenue de conseiller.
Elle ajoute que le notaire pouvait se convaincre de l'existence d'une créance de l'indivision par la lecture des mentions de l'acte qui faisait état de l'adresse de son frère dans le bien litigieux et du fait que ces biens étaient loués.
Elle expose que la mission du notaire chargé d'établir l'acte de partage comprenait celle de régler le sort des loyers perçus sur les bien indivis.
Maître [C] reprend à son compte les motifs du jugement qu'elle s'approprie.
Elle rappelle que l'acte du 6 novembre 2017 n'est pas un acte de partage successoral.
Elle ajoute que sa mission ne consistait pas à gérer les indivisions ni de faire les comptes des indivisions.
Elle fait valoir que les parties n'ont pas sollicité, lors de l'établissement de l'acte, qu'il soit fait état d'une indemnité d'occupation.
Elle précise que les circonstances de la cause ne pouvaient lui faire supputer qu'une telle indemnité était due.
Elle indique que [F] [V] n'a pas contesté la mention selon laquelle la maison du chemin des Andues était louée lors de l'établissement de l'acte de partage.
Elle soutient qu'il ne peut lui être reproché l'absence de partage des loyers du fonds de commerce car le seul local professionnel figurant à l'article 1 de la masse a été déclaré par les parties libre de toute occupation.
Elle indique que [F] [V] ne peut se prévaloir d'aucun préjudice de ce chef car son frère a réglé son dû à ce titre.
La responsabilité professionnelle du notaire peut être engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil qui institue la responsabilité délictuelle pour faute prouvée.
Il est nécessaire d'établir un manquement du notaire à ses obligations envers la partie qui l'invoque et un lien de causalité avec le préjudice dont elle se prévaut.
Le notaire est notamment tenu à un devoir de conseil envers toutes les parties à l'acte concernant leurs droits.
Le manquement à ce devoir est apprécié en considération de la mission reçue par le notaire et de sa connaissance des circonstances de fait.
Maître [C] n'était pas mandatée pour régler la succession de [T] [N] [J] veuve [V].
Le partage des liquidités entre les deux héritiers a été réalisé à l'amiable, de même que le partage de deux biens indivis vendus en 2012 et 2017 ainsi que l'établit le notaire par la pièce 7 produite.
Maître [C] a été saisie par les deux héritiers aux fins de procéder aux attributions, selon leur accord, au profit de chacun d'eux, des biens immobiliers restés indivis. Ils n'ont pas fait état devant le notaire de dettes ou de créances de l'indivision.
Le notaire ne pouvait se convaincre, au vu des éléments dont elle disposait, de l'existence d'une jouissance privative par l'un des indivisaire donnant lieu à indemnité d'occupation.
En l'absence de faute prouvée du notaire, la demande de dommages-intérêts de [F] [V] sera rejetée.
Il convient en conséquence de confirmer la décision du premier juge de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La déclaration d'appel n'a pas dévolu à la cour les chefs du jugement concernant les condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.
[F] [V] succombant en son appel, elle sera tenue de supporter les dépens de cette instance. Ces frais pourront être recouvrés directement par la la SCP COHEN GUEDJ, MONTERO - DAVAL GUEDJ.
Elle sera condamnée à indemniser Maître [C] des frais exposés à l'occasion de l'appel et non compris dans les dépens à concurrence de 3000 euros.
Sa demande en paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles de procédure sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :
Juge que ne constituent des prétentions devant la cour les demandes tendant à :
- VOIR CONSTATER [Z] [V] redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision [V] [Z] / [V] [F] veuve [W],
- VOIR CONSTATER qu'[Z] [V] a d'ores et déjà procédé à titre amiable au règlement des loyers commerciaux envers la requérante,
- CONSTATER la lésion visée par l'article 889 du code civil,
Déclare irrecevables devant la cour les chefs de demandes de l'appelante de :
- VOIR JUGER que [Z] [V] a d'ores et déjà procédé à titre amiable au règlement des loyers commerciaux envers la requérante,
Subsidiairement, si la cour estimait devoir donner foi à l'acte notarié,
- VOIR CONDAMNER [Z] [V] au paiement de la créance due à l'indivision au titre des loyers perçus des articles 2 et 3 qui lui ont été attribués à [Z] [V] (page 14 de l'acte notarié) du mois de novembre 2012 à novembre 2017, en application des dispositions de l'article 815-10 du Code Civil et de la prescription quinquennale,
-- VOIR ORDONNER par le notaire désigné la détermination de la valeur locative des biens sis [Adresse 1]) et la créance due à l'indivision au titre des loyers perçus par Monsieur [Z] [V],
Très subsidiairement,
- JUGER la lésion, dans l'acte de partage, visée par les dispositions de l'article 889 du code civil et ORDONNER la rectification de l'acte de partage du 6 novembre 2017 :
Déclare irrecevable en appel la demande de Maître [C] de mise hors de cause;
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne Madame [F] [V] aux dépens d'appel qui seront recouvrés directement par la SCP COHEN GUEDJ, MONTERO - DAVAL GUEDJ avocats associés, pour ceux dont ils ont fait l'avance sans recevoir de provision ;
Condamne Madame [F] [V] à verser à Maître [K] [C] la somme de
3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure ;
Rejette la demande à ce titre de Madame [V] ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
La greffière La présidente