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07/07/2023 | FRANCE | N°22/08599

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 07 juillet 2023, 22/08599


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND

-RENVOI APRES CASSATION-



DU 07 JUILLET 2023



N°2023/ 133





RG 22/08599

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJSGR







[J] [V]





C/



S.A.S. MEDIAPOST













Copie exécutoire délivrée

le 07 Juillet 2023 à :



- Me Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET, avocat au barreau de MARSE

ILLE











Décisions déférées à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 09 Juillet 2014 enregistré au répertoire général sous le n° F12/00440.

Arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en dat...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

-RENVOI APRES CASSATION-

DU 07 JUILLET 2023

N°2023/ 133

RG 22/08599

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJSGR

[J] [V]

C/

S.A.S. MEDIAPOST

Copie exécutoire délivrée

le 07 Juillet 2023 à :

- Me Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 09 Juillet 2014 enregistré au répertoire général sous le n° F12/00440.

Arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 13 Septembre 2019

Arrêt de la Cour de cassation en date du 13 Avril 2022

APPELANT

Monsieur [J] [V], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.S. MEDIAPOST, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 7 Juillet 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

M. [J] [V] a été engagé par la société Delta diffusion en qualité de distributeur de journaux suivant contrat de travail du 21 janvier 2003. En 2004, son contrat de travail a été transféré à la société Médiapost.

Par avenant du 13 avril 2005, les parties ont conclu un contrat de travail à temps partiel modulé conformément aux dispositions de la convention collective nationale des entreprises de la distribution directe du 9 février 2004, étendue par arrêté du 16 juillet 2004. La durée moyenne mensuelle de travail convenue était de 108,33 heures, pouvant varier de plus ou moins 36 heures (le tiers de la durée prévue), conformément aux dispositions conventionnelles.

Après s'être vu notifier des avertissements les 20 février 2007 et 14 novembre 2008, le 2 juillet 2009, le salarié a été licencié pour faute grave.

Le 22 février 2012, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification

de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de contester son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement avant dire droit du 23 janvier 2013, le conseil de prud'hommes de

Marseille a ordonné une mission de conseillers rapporteurs, lesquels ont établi leur rapport le 6 juin 2013.

Par jugement du 9 juillet 2014, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

« Requalifie le licenciement pour faute grave de Monsieur [V] par la société MEDIAPOST comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société MEDIAPOST à payer à Monsieur [V] les sommes suivantes :

- 12.324 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2.054 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 205,4 € à titre de congés payés afférents ;

- 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour l'omission de la mention des droits à la formation sur la lettre du licenciement ;

- 1 839,34 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Déboute Monsieur [V] du surplus de ses demandes.

Déboute la société MEDIAPOST de sa demande reconventionnelle.

Condamne la société MEDIAPOST aux entiers dépens. »

Sur l'appel formé par M. [V], par arrêt du 13 septembre 2019, la cour d'appel d'Aix-en Provence a :

« - confirmé le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 14 novembre 2008 et la demande en paiement d'un rappel de salaire, en ses dispositions ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et ayant condamné la société Médiapost à payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages-intérêts pour omission de la mention du droit individuel à la formation sur la lettre de licenciement ;

Et statuant à nouveau,

- condamné la société Médiapost à payer à M. [V] la somme de 58,27 euros à titre de rappel de salaire et celle de 5,82 euros au titre des congés payés afférents,

- annulé l'avertissement du 14 novembre 2008,

- dit que le licenciement de M. [V] était fondé sur une faute grave,

- débouté M. [V] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour omission de la mention du droit à la formation sur la lettre de licenciement ;

Y ajoutant,

- condamné la société Médiapost à payer à M. [V] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens d'appel.»

La Cour de cassation, sur le pourvoi formé par M. [V] a statué comme suit :

'CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite aux sommes de 58,27 euros et de 5,82 euros la condamnation de la société Médiapost à payer à M. [V] un rappel de salaire outre les congés payés afférents, et en ce qu'il déboute ce dernier de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et d'indemnité pour travail dissimulé, et en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l'arrêt rendu le 13 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Médiapost aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Médiapost et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros'.

M. [V] a saisi le 15 juin 2022 la cour de renvoi et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 mars 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions développées oralement à l'audience, M. [V] demande à la cour de :

«1°/ Déclarer l'appel recevable.

2°/ Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 9 juillet 2014 en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel modulé en un contrat de travail à temps plein.

Par conséquent,

3°/ Réformer le jugement.

4°/Dire et juger que le contrat de travail de Monsieur [V] doit être qualifié en un contrat de travail à temps complet.

5°/ Condamner la société MEDIAPOST, prise en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes :

- 32 104,22 € à titre de rappel de salaire entre janvier 2007 et juillet 2009

- 3 210,42 € à titre de congés payés afférents

- 8 000 € pour exécution fautive du contrat de travail

- 8 000 € pour travail dissimulé

6°/ En tous les cas, condamner la société MEDIAPOST, prise en la personne de son représentant légal au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

7°/Ordonner la capitalisation des intérêts.

8°/ Ordonner la rectification des documents sociaux.»

Dans ses dernières écritures reprises oralement lors des débats, la société demande à la cour de :

«Constater que Mr [V] était bien salarié dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel modulé.

Constater que Mr [V] a perçu la rémunération correspondant au temps de travail qu'il a accompli,

En conséquence,

Le débouter de la demande formulée à titre de rappel de salaires.

En tout état de cause,

Réduire le montant de l'éventuel rappel de salaires à la somme de 11.042,36 euros outre l'incidence congés payés.

Le débouter de la demande formulée à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Le débouter de la demande formulée au titre du travail dissimulé.

Le condamner au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la requalification à temps complet

Le salarié soutient que le calcul de préquantification opéré par l'employeur est impossible à mettre en place de manière concrète, comme l'avaient contaté les conseillers rapporteurs lesquels indiquaient «le nombre d'heures théoriques rémunérées est bien inférieur au nombre d'heures de travail effectif réalisé par les distributeurs».

Il ajoute que le constat d'huissier effectué le 7 juillet 2016 démontre que les temps de travail réalisés sont plus que doublés pour chaque phase de travail (pièce n°22).

Il indique cumuler les trois critères nécessaires à la requalification : disponibilité du salarié, soumission à l'autorité de l'employeur et impossibilité de vaquer à des occupations personnelles.

Il souligne en outre ne pas avoir reçu de calendrier indicatif comme prévu au contrat.

La société indique produire les procès-verbaux de vérification paritaire des temps de distribution réalisés en présence des organisations syndicales sur un certain nombre de secteurs (pièces 43 à 49), démontrant que les temps de distribution issus de la préquantification sont conformes au temps de distribution.

Elle souligne que le contrat de travail était conforme aux dispositions légales, que M. [V] s'est vu communiquer un planning indicatif (pièces 15 à 19), disposait d'une totale liberté pour organiser les distributions comme il l'entendait et n'établit pas avoir été à la disposition permanente de la société.

Le contrat de travail de M. [V] n'était pas soumis aux règles sur le contrat de travail à temps partiel de droit commun mais aux anciens articles L. 3123-14 et suivants du code du travail qui organisaient un temps partiel modulé, mis en place par convention ou accord collectif de travail étendu ou accord d'entreprise ou d'établissement et qui excluaient l'obligation de mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, par dérogation aux dispositions de l'article L. 212-4-3 (devenu L. 3123-14) du code du travail portant sur le contrat de travail à temps partiel.

Ces dispositions, issues de la loi du 19 janvier 2000 ont été abrogées par la loi du 20 août 2008 qui a néanmoins expressément prévu que les accords déjà conclus restaient valables.

Le dispositif légal permettait ainsi à une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement de prévoir que la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle pouvait varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année, à condition que sur un an, la durée n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat.

La convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 applicable à la société Médiapost a créé un statut spécifique adapté à cette activité avec des dispositions particulières qui régissent le statut du distributeur, notamment au regard du temps de travail et de la rémunération. Ainsi, la convention prévoit notamment un contrat de travail à temps partiel modulé sur l'année, un mécanisme de référencement horaire a priori, appelé «pré-quantification» de la durée du travail, un décompte du temps de travail récapitulé grâce aux feuilles de route, en application des dispositions de la grille de correspondance de la convention collective (annexe III qui fixe un cadencement horaire selon le nombre de boîtes aux lettres à distribuer par heure, en fonction du poids de la poignée de prospectus et de la densité du secteur), un décompte récapitulatif a posteriori détaillé effectué tous les mois et adressé au salarié en même temps que sa fiche de paie.

La société Médiapost a également conclu un accord d'entreprise le 22 octobre 2004, sur la modulation du temps de travail.

Le contrat de travail à temps partiel modulé de M. [V] mentionnait dans la rubrique «durée et répartition du temps de travail» que l'horaire de travail du salarié est fixé conformément à l'accord de modulation du temps de travail en date du 22 octobre 2004, avec notamment l'indication de la durée mensuelle de travail de référence, la qualification du salarié, les éléments du salaire et les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaire de travail, et répond dès lors aux exigences légales en matière de contrat de travail à temps partiel modulé qui font exception aux dispositions concernant le contrat de travail à temps partiel.

Le contrat a ainsi été établi conformément aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur en matière de contrat de travail à temps partiel modulé.

S'agissant de l'exécution du travail, en application de l'article L. 3123-25 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l'accord collectif prévoyant le temps de travail modulé doit prévoir les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et les conditions et délais dans lesquels les horaires de travail lui sont notifiés.

En cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié le contrat est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'est pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il ne devait pas se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

La convention collective de la distribution prévoit expressément en son chapitre 4 art. 1.2 : « Le programme indicatif de répartition de la durée du travail et les horaires de travail sont communiqués par écrit aux salariés concernés, au début de chaque période de modulation, selon les modalités définies au sein de chaque entreprise».

L'accord collectif d'entreprise du 22 octobre 2004 mentionne notamment que le calendrier individuel des distributeurs à temps plein ou à temps partiel indiquera la répartition du temps de travail sur l'année, sur la base de fourchettes de temps et sera communiqué aux intéressés par voie d'affichage au moins quinze jours avant le début de chaque période de modulation et que chaque semaine sera remis à ces salariés le programme horaire précis pour la semaine suivante, le nombre d'heures étant également inscrit dans les feuilles de route remises avant chaque distribution.

L'avenant au contrat de travail applicable à compterr du 1er juillet 2005 mettant fin à la rémunération à la tâche, prévoyait que la répartition du travail se ferait en fonction de ses jours de disponibilité sur :

- 5 jours au maximum dans les semaines considérées comme fortes,

- 4 jours au maximum dans les semaines considérées comme moyennes,

- 3 jours au maximum dans les semaines considérées comme faibles.

et précisait qu'un calendrier indicatif avec la répartition du temps de travail sur l'année, sur la base de fourchettes de temps serait communiqué au salarié au moins quinze jours avant le début de chaque période de modulation et que chaque semaine il lui serait remis le nombre d'heures précis pour la semaine suivante.

La société Médiapost affirme qu'un calendrier indicatif sur l'année était remis au salarié au moins quinze jours avant le début de la période de modulation et que chaque semaine, il se voyait remettre une fiche récapitulative du nombre d'heures de travail à effectuer la semaine suivante, sachant que ce nombre figurait aussi sur les feuilles de route qui lui étaient données avant chaque distribution.

Cependant les plannings indicatifs individuels produits en pièces 15 à 19 pour les années 2005 à 2010 ne sont pas datés et ne sont accompagnés d'aucune lettre adressée au salarié permettant de dire que ceux-ci lui ont été remis dans le délai sus-visé ; de même, la société ne justifie pas de la transmission chaque semaine au salarié du programme horaire précis pour la semaine suivante.

En raison de ce défaut de respect des dispositions légales et conventionnelles, le contrat de travail de M. [V] est présumé à temps complet et il appartient à la société de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Sur ce point, la société ne saurait se prévaloir de l'information donnée aux institutions représentatives du personnel sur les programmes de modulation qui ne peuvent suppléer l'information individuelle du salarié.

De même, la transmission par le salarié de ses disponibilités lors de son engagement ne dispense pas l'employeur de son obligation d'information quant au calendrier indicatif annuel et au nombre d'heures précis hebdomadaire. Enfin, la société, qui soutient que le salarié connaissait par avance les dates de ses interventions puisqu'elles étaient notées sur les feuilles de route, ne justifie pas de la date de leur transmission au salarié.

Ainsi, la société ne renverse pas la présomption de temps plein et ne démontre pas que M. [V] pouvait prévoir son rythme de travail et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Par conséquent, le contrat de travail doit être requalifié en contrat de travail à temps plein.

Sur le rappel de salaire

Le salarié indique avoir perçu la somme totale de 32 104,22 euros sur les trois années ayant précédé la rupture (de janvier 2007 à juillet 2009) et considère qu'il aurait dû percevoir le double.

La société considère les éléments produits par le salarié, insuffisants pour pouvoir en déduire que le temps de travail sur trois années doit être doublé.

Elle relève que la somme réclamée est supérieure à celle à laquelle il peut prétendre au titre d'un temps plein de 1607 heures, rappelant que M. [V] sollicitait la somme de 19 491,52 euros en première instance sur la base de la requalification.

En présentant des éléments précis tels que le constat d'huissier démontrant une sous-évaluation du temps de travail pour l'exécution de chaque tâche, corroboré par le rapport des conseillers prud'homaux, le salarié permettait à la société de répondre par ses propres éléments.

Or, celle-ci ne produit aucun élément autre que les feuilles de route alors que la quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par l'article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule satisfaire aux exigences de l'article L. 3171-4 du code du travail.

Par ailleurs, la vérification paritaire présentée est inopérante comme ne portant pas sur les secteurs où intervenait le salarié.

En considération de l'ensemble des pièces produites par les parties, et constatant notamment l'absence d'élément de contrôle de la durée du travail par l'employeur, la cour a la conviction que M. [V] a effectué des heures complémentaires et supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées, mais pas dans la proportion affichée.

En conséquence, au regard du décompte initial du salarié pour la période 2004-2009 établissant un différentiel temps partiel/temps plein, (pièce 13 de la société), du taux horaire précisé par la société sur la période 2006-2009, et de la demande du salarié portant sur une période plus restreinte, la cour fixe ainsi le rappel de salaire dû :

- année 2007 : 5 361,50

- année 2008 : 5 464,16

- année 2009 : 2 709,24

soit un total de 13 534,90 euros outre les congés payés afférents.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

Au visa de l'article L.122l-1 du code du travail, M. [V] fait valoir que l'employeur a «exploité au maximum les distributeurs en ne les rémunérant pas de l'intégralité des heures effectuées».

Celui qui réclame l'indemnisation d'un manquement doit prouver cumulativement l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En l'espéce, la sous-évaluation du temps de travail ayant été caractérisée et la faute de la société établie, il existe un préjudice pour le salarié résultant du temps mobilisé et du manque à gagner occasionné, indépendant des intérêts au taux légal accordés, lequel doit être fixé à la somme de 2 000 euros.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, si l'employeur a démontré sa négligence dans le suivi de la charge de travail du salarié, il ne peut en être déduit qu'il a entendu dissimuler son activité en ce que le salarié était totalement autonome dans ses fonctions et qu 'il n'a formulé aucune demande en paiement pendant la période contractuelle.

Dès lors, M. [V] doit être débouté de sa demande indemnitaire forfaitaire formée sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail.

Sur les autres demandes

Les intérêts au taux légal sur les créances salariales doivent courir à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure.

La sommes allouée à titre indemnitaire produira des intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.

La capitalisation des intérêts demandée doit être ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

La cour rejette la demande de rectification des documents sociaux mais doit ordonner la délivrance d'un bulletin de salaire mentionnant par année les créances salariales allouées.

La société qui succombe au principal doit s'acquitter des dépens de la présente procédure, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à M. [V] la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 13 avril 2022,

Statuant dans les limites de la cassation,

Infirme, dans ses dispositions soumises à la cour, le jugement déféré,

Requalifie le contrat de travail à temps partiel modulé en temps complet,

Condamne la société Mediapost à payer à M. [J] [V] les sommes suivantes:

- 13 534,90 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures complémentaires et supplémentaires de janvier 2007 à juillet 2009,

- 1 353,49 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 22 Octobre 2019 et les sommes allouées à titre indemnitaire, à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts, à condition qu'ils soient dus au moins pour une année entière,

Ordonne à la société Mediapost de délivrer à M. [V] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt, mentionnant par année les créances salariales allouées,

Condamne la société Mediapost aux dépens de la présente procédure.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 22/08599
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;22.08599 ?
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