COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 07 JUILLET 2023
N° 2023/228
Rôle N° RG 19/12530 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEWLT
[J] [N] épouse [T]
C/
SAS CEGELEC INFRAS SUD EST
Copie exécutoire délivrée
le : 07 juillet 2023
à :
Me Christine ANDREANI, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 04 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00117.
APPELANTE
Madame [J] [N] épouse [T], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christine ANDREANI de la SELARL JURIS VIEUX PORT, avocat au barreau de [4]
INTIMEE
SAS CEGELEC INFRAS SUD EST, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Mme [J] [N] a initialement intégré les effectifs de la société Santerne Marseille SAS depuis le 15 mai 2000 en qualité de Responsable Administratif et Comptable (RAC) puis Responsable Administratif et Financier (RAF) à temps complet.
Par application d'une convention tripartite signée le 30 octobre 2015 entre la salariée et les sociétés Santerne et Cegelec Infra et Tertiaire Sud Est son contrat de travail a été transféré au sein de cette dernière société à compter du 1er novembre 2015, un contrat de travail à durée indéterminée ayant été établi le même jour, en qualité de Responsable Administratif et Financier, statut cadre bénéficiant d'un forfait annuel de 218 jours, moyennant une rémunération de 54.612 euros.
La convention collective nationale applicable est celle des Travaux Publics.
A compter du 26 octobre 2016, Mme [N] a été placée en arrêt de travail pour maladie.
Le 9 novembre 2017, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste de travail en un seul examen dans les termes suivants:
'Inapte au poste selon les modalités de l'article R 4624-42 du code du travail. Pas de proposition de poste de reclassement, l'état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ou le groupe. Etude de poste : 13/10/2017. Etude des conditions de travail : 13/10/2017, Echanges avec l'employeur : 13/10/2017, Mise à jour de la fiche d'entreprise : 16/10/2017".
Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 1er décembre 2017 et licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement le 6 décembre 2017. Elle a contesté celui-ci par courrier recommandé du 21 décembre 2017.
Contestant la légitimité de son licenciement et sollicitant la condamnation de l'employeur à lui payer diverses à titre indemnitaire pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail, non respect de l'obligation de réentrainement au travail, licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [N] a saisi le 28 février 2018 le conseil de prud'hommes d'Aix en Provence lequel par jugement du 14 juin 2019 a :
- dit que Mme [J] [N] ne démontre pas avoir été victime de harcèlement moral,
- dit que la société Cegelec n'a pas failli à son obligation de sécurité physique et morale vis-à-vis de Mme [N],
- dit que l'inaptitude de Mme [N] ayant conduit au licenciement n'est pas imputable à l'employeur,
- débouté Mme [N] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Cegelec de sa demande reconventionnelle,
- laissé les dépens à la charge de Mme [N].
Mme [N] a relevé appel de ce jugement le 30 juillet 2019 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.
Par conclusions récapitulatives d'appelante n°2 notifiées par voie électronique le 19 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Madame [N] a demandé à la cour de :
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aix en Provence le 4 juin 2019
Statuant à nouveau:
- faire droit à la demande relative à la reconnaissance d'une situation de harcèlement moral,
- faire droit à la demande relative au non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,
En conséquence:
- faire droit à la demande en contestation du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement prononcé à l'encontre de Mme [N],
Et à ce titre:
- condamner la société Cegelec Infras Sud Est au paiement :
- d'une indemnité pour licenciement nul ou à tout le moins pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 62.160 € (14 mois de salaire - base salaire moyen des trois derniers mois 4.440 €),
- d'une indemnité compensatrice de préavis (3 mois de salaire - statut cadre) à hauteur de 13.320 € et 1.320 € de congés payés afférents,
- de la somme de 5.000 € au titre de la prime contractuelle 2016 de bilan non versée en 2017,
- de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail à hauteur de 26.640 € (6 mois de salaire - base salaire de 4.440 €)
- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner à la société Cegelec Infras Sud-Est la rectification de l'attestation Pôle Emploi à délivrer à Mme [N],
- condamner la société Cegelec aux entiers dépens.
Elle soutient que l'inaptitude prononcée est liée à une souffrance au travail résultant des agissement d'un groupe de personnes ayant refusé de l'intégrer aux clôtures trimestrielles, aux repas de collègues et pots de service constitutifs d'un harcèlement moral, que l'employeur parfaitement conscient de cette situation qu'elle a dénoncée à plusieurs reprise à compter du mois de mars 2016 n'y a pas mis fin manquant ainsi à son obligation légale de sécurité et qu'en conséquence le licenciement prononcé pour inaptitude est nul.
Par conclusions récapitulatives n°2 d'intimée notifiées par voie électronique le 24 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, la société Cegelec Infras Sud Est a demandé à la cour de :
- dire qu'en aucun cas Mme [N] ne démontre avoir été victime de harcèlement moral,
- dire qu'en aucun cas son employeur ne saurait être accusé d'avoir failli dans son obligation de garantir la sécurité physique et moral de Mme [N],
- dire qu'en aucun cas l'inaptitude prononcée à l'endroit de Mme [N] et ayant abouti à son licenciement ne saurait être impuable à son employeur,
Par conséquent:
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aix en Provence en toutes ses dispositions,
- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes,
A titre incident:
- condamner Mme [N] à verser au bénéfice de la société Cegelec Infra et Tertiaires la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laisser les entiers éventuels dépens de la présente instance à la charge de Mme [N].
La société Cegelec Infra et Tertiaires fait valoir en substance :
- que la salariée n'établit la matérialité d'aucuns faits précis lesquels pris dans leur ensemble permettraient de présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral qu'elle conteste formellement alors que Mme [N] a sollicité en 2015 le transfert de son contrat de travail en raison de difficultés relationnelles rencontrées avec ses collègues de travail au sein de la société Santerne Marseille, que les pièces qu'elle produit, témoignages comme pièces médicales rapportent ses propos ces dernières n'évoquant pas un harcèlement moral, que si elle a fait état de difficultés relationnelles avec son équipe courant 2016 avant le changement de Président, elle n'a qualifié celles-ci de harcèlement moral que dans un courrier adressé en juin 2017 à M. [Z] alors qu'elle siégeait à toutes les réunions des délégués du personnel et du CHSCT sans avoir jamais sensibilisé ses organes à une situation de harcèlement moral,
- qu'elle n'a pas davantage manqué à son obligation légale de sécurité ayant tenu compte de l'avis du médecin du travail en octobre 2016 préconisant la mutation de la salariée dans une autre société du groupe, lui ayant proposé trois autres postes à [Localité 2], [Localité 7] et à [Localité 5], sans qu'elle n'accepte aucune des propositions,
- que le licenciement pour inaptitude prononcé par application des dispositions de l'article L.1226-2-1 du code du travail en vigueur depuis le 1er janvier 2017 est légitime étant fondé sur un motif autonome de licenciement n'exigeant pas de l'employeur de justifier de l'impossibilité de reclassement.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 3 mai 2023, l'audience de plaidoiries étant fixée au 31 mai 2023.
A la demande de la cour par notes en délibéré adressées respectivement le 1er juin 2013 Mme [N] a indiqué qu'elle ne maintenait pas sa demande nouvelle formulée au titre de la prime contractuelle de bilan 2016 qui ne figurait ni dans la déclaration d'appel, ni dans ses premières conclusions d'appelante, la société Cegelec Infra Sud Est demandant également à la cour d'acter l'irrecevabilité de cette demande.
SUR CE :
A titre liminaire, la demande nouvelle de Mme [N] de condamnation de la société Cegelec Infras Sud Est au titre de la prime contractuelle de bilan 2016 est déclarée irrecevable par application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile comme ne figurant pas dans le dispositif des premières conclusions de l'appelante notifiées le 10 octobre 2019.
Par ailleurs, si Mme [N] a relevé appel du chef du jugement 'l'ayant déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions' et en conséquence du rejet de sa demande au titre du non-respect de l'obligation de réentrainement au travail, il y a lieu de constater cependant qu'aucune prétention relative à l'obligation de réentrainement ne figure par application de l'article 954 § 3 dans le dispositif des dernières conclusions de l'appelante de sorte qu'en l'absence de toute critique, il y a lieu de confirmer de ce chef le jugement entrepris.
Sur le harcèlement moral et le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité :
L'article 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale et physique des travailleurs.
L'employeur , tenu d'une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral prévus par l'article L.1152-1 du code du travail matérialisés par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Madame [N] verse aux débats les pièces suivantes:
- un courriel (pièce n°22) adressé le 18/03/2016 à M. [E] [C], ancien président de la société Cegelec Infra et Tertiaires lui demandant un rendez-vous,
- un courriel (pièce n°2) adressé le 19/06/2016 à M. [C] et M. [K] dont l'objet est : 'Point à date', rédigé ainsi qu'il suit : 'Je fais suite à mes conversations avec vous depuis le mois de mars concernant ma situation au sein de mon service à Cegelec Infra et Tertiaire Sud-Est. Une nouvelle fois vendredi dernier le service a symboliquement voulu démontrer sa volonté de refuser l'intégration d'un élément extérieur (moi en l'occurrence ) et par-delà sa volonté de refuser d'évoluer vers une intégration dans le Groupe. On peut interpréter cela comme un manque d'autorité de ma part, je considère aujourd'hui qu'au-delà de ma personne c'est la résistance d'un groupe uni d'individus auquel j'ai à faire. Ce sentiment que j'ai déjà exprimé au mois de mars se confirme encore aujourd'hui. Je regrette de ne pas avoir été informée lors de mon arrivée du contexte très particulier dans lequel j'allais devoir exécuter ma mission....Ma situation est aujourd'hui particulièrement difficile.
Bien entendu comme je vous l'ai indiqué, je continue cette mission malgré ma fatigue morale, psychologique et l'adversité latente. Toutefois, il me parait difficile au-delà du mois de novembre de le faire dans les conditions actuelles. Je renouvelle donc ma demande de transfert sur une autre société.',
- un courriel (pièce n°30) que lui a adressé M. [Z] le 13/10/2016, veille de leur rencontre du 14/10/2016 lui disant....'il n'est bien sûr pas normal de venir travailler avec la boule au ventre, ni de se sentir rejetée par les salariés qui composent ton équipe. J'espère que nous pourrons trouver ensemble une solution qui te satisfasse.'
- des échanges de courriel des 24 et 27/10/20116 avec une collègue de travail Mme [O] indiquant notamment 'je ne me battrai pas contre son chef d'entreprise', en parlant de M. [Y] et la prévenant de son arrêt maladie évoquant 'une contrariété de trop',
- un courrier (pièce n°3) adressé le 14/12/2016 par le médecin du travail à M. [Z], Président de la société Cegelec Infra et Tertiaire Sud Est lui indiquant : 'qu'à la suite de sa prise de contact avec Mme [A] (RH) concernant le cas de Mme [N], occupant le poste de RAF, l'état de santé de celle-ci, en arrêt de travail depuis fin octobre 2016 ne permettra pas d'envisager une reprise de travail à son poste dans cette entreprise. Afin d'anticiper ces difficultés lors de la reprise de travail, une mutation dans une autre entreprise du groupe doit être envisagée. En effet, cette salariée serait apte à occuper le même type de poste mais dans une autre entreprise du groupe,' précédé d'un courier adressé le 15/11/2016 à un confrère évoquant 'La situation me semble assez enkystée au sein de cette entreprise, j'appuierai sa demande de mutation dans une autre entité de ce groupe mais cela risque de prendre du temps, je pense que Mme [N] est encore trop fragile pour envisager la reprise du travail. Je préconise un suivi par un psychiatre dans ce contexte et une poursuite de l'arrêt de travail',
- une lettre recommandée avec accusé de réception du 20/04/2017 (pièce n°7) adressée à M. [Z] sollicitant une rupture conventionnelle du contrat de travail,
- une lettre recommandée adressée à M. [Z] le 15/05/2017 (pièce n°9) aux termes de laquelle, elle a refusé de se rendre au rendez-vous fixé le 16/05/2017 affirmant ne lui avoir adressé cette demande de rupture conventionnelle qu'à sa demande, rappelant se trouver en arrêt de travail depuis le mois d'octobre 2016 'au regard d'un contexte de travail difficile dans lequel j'évolue depuis le mois de mars 2016" avoir alerté sa hiérarchie à plusieurs reprises soulignant 'l'adversité quotidienne' à laquelle elle était confrontée, lui reprochant de 'ne pas avoir pris les mesures qui s'imposaient pour assurer sa protection dans ce climat de travail fort tendu' alors qu'il avait été informé par sa hiérarchie et par le médecin du travail,
- une lettre recommandée de M. [Z] (pièce n°10) contestant avoir demandé à la salariée de solliciter par écrit une rupture conventionnelle et lui répondant 'qu'elle a fait état verbalement auprès de lui à son arrivée en juillet 2016 de difficultés relationnelles avec son équipe et les chefs d'entreprise, qu'il lui a apporté son soutien, qu'elle lui a adressé le 11/10/2016 un courriel évoquant des difficultés persistantes, qu'il l'a reçue le 14/10/2016 rencontre durant laquelle elle a exprimé sa volonté de mutation, qu'elle a été placée en arrêt de travail le 26/10/2016 et qu'il lui a téléphoné en janvier 2017 pour lui proposer une mutation à [Localité 2] ou à [Localité 7] puis lui a proposé le 10/03/2017 une mutation sur un poste de RAF dans les [Localité 3]',
- une lettre recommandée (pièce n°11) du 14 juin 2017 de réponse à M. [Z] aux termes de laquelle, elle a affirmé ne pas être à l'origine du transfert de son contrat de travail en novembre 2015, devoir changer de lieu de travail et accepter une rupture conventionnelle alors qu'elle est victime d'une situation de harcèlement moral,
- une lettre recommandée (pièce n°12) de M. [Z] lui répondant qu'elle lui a parlé de difficultés relationnelles avec son équipe, qu'il n'a constaté aucune situation de harcèlement moral, qu'il lui a adressé des propositions de mutation à sa demande et à celle du médecin du travail,
- une attestation de M. [F] (pièce n°18) ancien chef d'équipe de la société Santerre Marseille témoignant des qualités de Mme [N] décrivant celle-ci comme une professionnelle, rigoureuse, fiable dans son travail et indiquant 'avoir compris qu'elle se heurtait à une volonté claire de certaines personnes de ne pas l'intégrer, de la mettre à l'écart' évoquant aussi un manque de respect, du dénigrement,
- une attestation de M. [D] (pièce n°20) responsable d'affaires au sein de la société Santerre Marseille dépeignant de très bons rapports professionnels avec Mme [N] et des contacts très agréables et efficaces en raison de son professionnalisme et de son implication,
- un entretien individuel d'évaluation de Mme [X] (pièce n°21) au titre de l'année 2015/2016 ,
- un courrier (pièce n°23) adressé en février 2015 par le service de santé ASTBTP à la direction de Cegelec l'alertant face à la recrudescence des symptômes psychiques semblant être liées avec les conditions actuelles de travail,...et 'concernant l'unité fonctionnelle : nécessité d'une rencontre dans le but de mettre en place une étude des risques psychosociaux par l'intermédiaire d'un prestataire externe agréé par la Direccte',
- son dossier médical (pièce n°27) comportant des notes du médecin du travail notamment le 13/12/2016, une mention rapportant qu'il a contacté Mme [A], RH, à propos de Mme [N] et que celle-ci 'était au courant des difficultés existantes mais pas à ce point là',
- un courrier du médecin traitant le Dr [H] (pièce n°28) du 25/10/2016 évoquant un 'burn out débutant', 'un nouveau poste depuis le 1er novembre 2015, des tensions au sein de l'entreprise dès le début, une demande de changement de poste depuis le mois de mars 2016,
- un courrier du Dr [H] (pièce n°29) aux termes duquel elle indique que Mme [N] est arrêtée depuis le 26/10/2016 'pour burn out, qu'il lui est impossible de reprendre son activité, qu'il est temps de déclencher la procédure d'inaptitude,...les choses semblent très bloquées au niveau de sa hiérarchie..',
- un avis d'inaptitude du médecin du travail (pièce n°13) en une seule visite avec dispense de reclassement dans l'entreprise ou le groupe.
Il se déduit de ces éléments que Mme [N] a dénoncé auprès de la direction de l'entreprise le refus de tous les salariés son équipe de l'intégrer et des difficultés relationnelles à compter du mois de mars 2016, qu'elle a demandé à changer d'entreprise dès cette période et justifie de la détérioration concomittante de son état de santé à compter du 26 octobre 2016 ayant présenté un épuisement physique et moral, un stress intense de sorte que, pris dans leur ensemble, ces faits permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et nécessitent d'examiner les pièces produites par la société Cegelec Infras Sud Est.
Alors que Mme [N] n'a versé aux débats aucun témoignage en sa faveur des salariés de la société Cegelec Infras Sud Est ayant seulement produit l'entretien d'évaluation de Mme [X], ayant travaillé dans son service en qualité de comptable fournisseur sans même lui demander son accord préalable ce dont cette dernière s'est offusquée à raison dans une attestation rédigée au profit de l'employeur (pièce n°18), celui-ci produit de nombreux témoignages circonstanciés établissant qu'en raison du comportement qu'elle a adopté, elle est à l'origine des difficultés relationnelles dont elle s'est plainte, à l'origine d'un stress ayant détérioré son état de santé.
En effet, en pièces n°17, 18, n°19, n°22 et n°27, Mme [X] et Mme [R], (RAF Junior) témoignent toutes deux du fait qu'elles l'ont accompagnée à son arrivée afin de lui permettre de maîtriser le système de gestion SAP codex qu'elle ne maîtrisait pas malgré une formation en ce sens ( n°28), qu'elles ne l'ont jamais mise à l'écart, Mme [M] évoquant une détérioration de son comportement à son encontre précisant qu'elle ne supportait plus ses sautes d'humeur alors que Mme [R] s'est dite très surprise de ses déclarations ayant travaillé avec elle jusqu'au 17/06/2016, date de son départ en congé de maternité et ne l'ayant pas revue avant qu'elle se trouve placée en arrêt de travail le 26 octobre 2016, précisant qu'elle n'avait jamais été à l'origine de repas surprises en dehors du bureau auxquels Mme [N] n'aurait pas été conviée, M. [V], chef d'entreprise (pièce n°20) indiquant quant à lui que 'les collaborateurs de celle-ci ont fait du mieux qu'ils pouvaient pour l'accompagner, qu'elle commettait des erreurs, que son comportement s'est dégradé créant des tensions avec ses collaborateurs', M. [G], assistant de l'Unité Fonctionnelle relatant le fait que Mme [N] lui ait répondu à une occasion de manière agressive, M. [L], responsable QSE et voisin de bureau de cette dernière qui était sa responsable indiquant 'qu'elle ne lui avait jamais fait part de ses difficultés avec son équipe, que lui-même l'avait aidé et n'avait rien constaté, que l'équipe de l'Unité Fonctionnelle était très solidaire de sorte qu'il était très surpris du sentiment exprimé de non intégration' alors que M. [W], cadre comptable atteste de ce que 'Mme [N] était invitée comme tous les RAF aux réunions mensuelles, qu'elle y était présente et semblait s'y être parfaitement intégrée, lui ayant confié être agréablement surprise de la convivialité qui y régnait'.
En outre, si l'employeur n'établit pas que Mme [N] se soit heurtée à des difficultés relationnelles au sein de la société Santerne Marseille à l'origine du transfert de son contrat de travail au sein de la société Cegelec Infras Sud-Est à compter du 1er novembre 2015, il démontre que les difficultés de l'Unité Fonctionnelle antérieures à l'arrivée de Mme [N] ayant donné lieu à un audit des risques psychosociaux, débuté en avril 2015 et achevé en juillet 2015 par le biais du cabinet Opéra Ergonomie concernaient les postes RH de cette Unité destinés à disparaître en l'occurrence, ceux de M. [L] et de Mme [P] (pièces n°25 et 26) et nullement les emplois des salariés relevant de la comptabilité et du service administratif et financier dirigé par Mme [N] alors que celle-ci, présente lors de toutes les réunions des délégués du personnel et du CHSCT n'a jamais évoqué aucune difficulté d'ordre professionnel (pièces n°4 à 14) et qu'elle ne démontre pas avoir subi quelques pressions que ce soit de la part de la Direction de l'entreprise pour solliciter une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Ainsi, alors que Mme [N] a dénoncé auprès de la direction de l'entreprise de façon parfaitement générale le refus des salariés de son service de l'intégrer, leur volonté de la mettre à l'écart et le sentiment de rejet en résultant sans qu'aucune des pièces produites dans le cadre de l'instance judiciaire ne relatent de faits précis, datés et réitérés imputés personnellement à l'un ou l'autre de ces salariés, que le témoignage de M. [F], salarié de la société Santerne Marseille se borne à rapporter les propos de la salariée, lui-même n'ayant constaté aucun fait de même que les pièces médicales qui tout en diagnostiquant un burn out n'établissent nullement que ce dernier résulte d'une situation de harcèlement moral, l'employeur prouve que les difficultés relationnelles existantes au sein du service de Mme [N] ont pour origine le comportement de cette dernière et sont étrangères au harcèlement moral allégué de sorte que la dégradation de l'état de santé de Mme [N] n'est pas la conséquence de ce dernier.
Dès lors, c'est à juste titre que la juridiction prud'homale a dit que Mme [N] n'avait pas été victime de harcèlement moral.
Les faits invoqués par Mme [N] n'étant pas constitutifs d'un harcèlement moral, celle-ci ne peut valablement soutenir que la société Cegelec Infras Sud Est a manqué à son obligation légale de sécurité en ne prenant aucune mesure destinée à les prévenir alors qu'elle ne conteste ni l'écoute dont M. [Z] a fait preuve à son égard entre le 1er juillet 2016 date à laquelle elle lui a fait part oralement de l'existence de difficultés dans son service jusqu'au mois de juin 2017 ainsi que l'objective l'échange nourri de courriels, courriers outre un rendez-vous organisé le 14 octobre 2016 ni le fait que ce dernier, dès réception du courrier du médecin du travail le 14 décembre 2016 lui faisant part de la nécessité de muter Mme [N] dans une autre entreprise du groupe, ait procédé immédiatement à des recherches ayant proposé à celle-ci par téléphone en janvier 2017 deux postes à [Localité 2] et à [Localité 7] ainsi que par courriel du 10/03/2017 (pièce n°1) un poste de RAF chez [I] [B] à [Localité 5], celle-ci ayant refusé auprès de la RH les deux premières propositions et n'ayant pas répondu à cette dernière offre.
Aucun manquement de l'employeur à l'obligation légale de sécurité n'étant ainsi démontré, il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant dit que la société Cegelec n'a pas failli à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [N] et ayant rejeté la demande de dommages-intérêts de celle-ci pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail.
Sur la rupture du contrat de travail :
L'article R 4624-2 du code du travail prévoit que le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail :
1°) s'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé accompagné le cas échéant des examens complémentaires permettant un échange sur les mesures d'accompagnement , d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste,
....
Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.'
L'article L.1226-2-1 du même code prévoit notamment que :
'....
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi....'
Sur l'avis d'inaptitude établi le 09 novembre 2017 (pièce n°13) , le médecin du travail a expressément dispensé l'employeur de l'obligation de reclassement en cochant la case prévue à cet effet, déclarant Mme [N] inapte au poste selon les modalités de l'article R4624-42 du code du travail et précisant 'pas de proposition de poste de reclassement, l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ou le groupe....'
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 décembre 2017, Mme [N] a été licenciée dans les termes suivants:
'...Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de votre inaptitude constatée par le médecin du travail et à la suite de laquelle votre reclassement dans la société et dans le groupe auquel nous appartenons s'est révélé impossible;
En effet au terme de votre visite médicale du 9 novembre 2017, le médecin du travail vous a déclarée inapte à votre poste de Respondable Administratif et Financier. Il indique : 'Inapte au poste selon les modalités de l'article R 4624-42 du code du travail . Pas de proposition de poste de reclassement, l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ou le groupe.'
Cette mention figurant dans l'avis d'inaptitude nous oblige à rompre votre contrat de travail sans avoir à rechercher un poste de reclassement en application de l'article L.1226-2-1 du code du travail....'
L'inaptitude médicalement contestée n'ayant pour origine ni des agissements de harcèlement moral dont Mme [N] aurait été victime ni un manquement de l'employeur à son obligation légale de sécurité, le licenciement de la salariée est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence, les dispositions du jugement entrepris ayant débouté celle-ci de ses demandes de licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes salariales et indemnitaires subséquentes sont confirmées.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les dispositions du jugement entrepris ayant laissé les dépens de première instance à la charge de Mme [N] sont confirmées.
En revanche, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Cegelec Infras Sud-Est de sa demande reconventionnelle et de condamner Mme [N] à lui payer une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
Déclare irrecevable la demande de Mme [N] de condamnation de la société Cegelec Infras Sud-Est en paiement de la somme de 5.000 € au titre de la prime contractuelle 2016 de bilan non versée en 2017.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant:
Condamne Madame [J] [N] aux dépens d'appel et à payer à la société Cegelec Infras Sud-Est une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président