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07/07/2023 | FRANCE | N°19/12123

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 07 juillet 2023, 19/12123


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 07 JUILLET 2023



N° 2023/ 131



RG 19/12123

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVGW







[I] [Y]





C/



SAS ASSUT EUROPE FRANCE























Copie exécutoire délivrée le 07 Juillet 2023 à :



-Me Christian MAILLARD, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Joffrey CHENU, avocat au barreau de MARSEILLEr>
































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 08/02439.





APPELANTE



Madame [I] [Y], demeurant [Adress...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 07 JUILLET 2023

N° 2023/ 131

RG 19/12123

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVGW

[I] [Y]

C/

SAS ASSUT EUROPE FRANCE

Copie exécutoire délivrée le 07 Juillet 2023 à :

-Me Christian MAILLARD, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Joffrey CHENU, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 08/02439.

APPELANTE

Madame [I] [Y], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christian MAILLARD de la SCP SCP MAILLARD ET LEFEVRE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Louis LEFEVRE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS ASSUT EUROPE FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joffrey CHENU, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 6 janvier 2014, Mme [I] [Y] a été engagée par la société Assut Europe , en qualité de déléguée médico-hospitalier statut cadre niveau IV position 4.2 de la convention collective du négoce et des prestations de service dans les domaines médicaux techniques, aux fins de promouvoir les produits commercialisés par la société sur les départements suivants : 04-05-13-30-34-84.

La rémunération mensuelle brute pour 35heures par semaine, était fixée à 2 500 euros outre une rémunération variable basée sur le chiffre d'affaires.

A compter du 30 novembre 2015, la salariée a été absente pour maladie.

Par lettre recommandée du 24 mars 2016, la société, considérant que cette absence désorganisait le bon fonctionnement de l'entreprise et relevant le défaut d'information de la part de la salariée sur son retour empêchant son remplacement, a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable au licenciement fixé au 31 mars 2016, au siège de l'entreprise à [Localité 3] (92).

La même convocation a été adressée le 1er avril pour le 8 avril 2016.

Par une nouvelle lettre recommandée du 12 avril 2016, l'employeur faissait le point sur les arrêts de travail reçus et convoquait Mme [Y] à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 avril 2016.

La salariée était licenciée par lettre recommandée du 9 mai 2016.

Selon requête du 28 novembre 2018, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins notamment d'obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité de préavis de trois mois.

Selon jugement du 21 juin 2019, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

Dit que l'absence pour maladie de Mme [Y] justifie son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Assut Europe à régler à Mme [Y] les sommes suivantes :

- 7 500 euros au titre du préavis,

- 750 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme [Y] de ses autres demandes.

Condamne le défendeur aux entiers dépens.

Le conseil de Mme [Y] a interjeté appel par déclaration du 24 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 23 octobre 2019, Mme [Y] demande à la cour de :

«CONSTATER que c'est avec précipitation que l'employeur a agi, en convoquant Madame [Y] à un entretien préalable moins de 4 mais après le début de sa maladie.

CONSTATER l'absence de perturbation du fonctionnement de l'entreprise consécutivement à l'absence de Madame [Y] ;

CONSTATER, de l'aveu même de l'employeur lors de l'entretien préalable, de l'absence de nécessité de pourvoir au remplacement définitif de Madame [Y].

CONSTATER que l'embauche définitive de Monsieur [E] en remplacement définitif de Madame [Y] n'est pas intervenue dans un délai raisonnable suivant la notification du licenciement.

En conséquence,

INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté Madame [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

DIRE ET JUGER que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER la société intimée au paiement de la somme de 45.000 € de dommages et intérêts.

CONDAMNER la société intimée aux entiers dépens;

CONDAMNER la société intimée au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du CPC;

ORDONNER la capitalisation des Intérêts de droit;

DIRE que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, I'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par I'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 porta nt modification du décret du 12 décembre 1996 (numéro 96/1080 - tarif des huissiers), devront être supportées parle débiteur en sus de l'application de l'article 700 du CPC.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 20 janvier 2020, la société demande à la cour de :

«INFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ASSUT EUROPE à verser à Madame [Y] la somme de 7.500 € au titre du préavis, ainsi que 750 € au titre des congés payés sur préavis, et subsidiairement, soustraire aux condamnations éventuellement prononcées les indemnités perçues par la salariée pendant cette période,

INFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ASSUT EUROPE à payer à Madame [Y] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

CONFIRMER le Jugement entrepris dans le reste de ses dispositions,

DEBOUTER Madame [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

Subsidiairement,

RAMENER à de plus justes proportions les demandes de Madame [Y],

En tout état de cause,

CONDAMNER Madame [Y] à verser à la société ASSUT EUROPE la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur le bien-fondé du licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement est libellée de la manière suivante :

«(...) Vous vous êtes rendue à cet entretien et étiez assistée de Monsieur [R] [O], cet entretien a été tenu par Monsieur [S] [L], votre supérieur hiérarchique.

Ce dernier vous a exposé la situation délicate dans laquelle se trouve la société ASSUT EUROPE France depuis votre hospitalisation le 30 novembre 2015 jusqu'au 30 décembre 2015.

Nous avons reçu un arrêt de travail initial du 30 décembre au 17 janvier 2016.

Cet arrêt de travail a été maintes fois prolongé ainsi qu'il suit :

- Première prolongation : du 18 janvier au 9 février 2016

- Deuxième prolongation : du 10 février au 14 mars 2016

- Troisième prolongation : bulletin d'hospitalisation du 3 mars au 24 mars

- Quatrième prolongation : du 25 mars 2016 au 31 juillet 2016 inclus.

Compte tenu de la désorganisation engendrée par votre absence prolongée et la nécessité de vous remplacer de façon définitive, il ne nous est malheureusement plus possible d'attendre plus longtemps votre retour au sein de notre entreprise, et nous sommes au regret de devoir vous notifier votre licenciement.

En effet, nous sommes tenus, pour des impératifs de bon fonctionnement de l'entreprise, de pourvoir définitivement à votre remplacement. Ainsi que Monsieur [S] [L] vous l'a exposé lors de votre entretien, ce dernier doit faire face à votre absence et s'occupe des tâches vous incombant en plus de sa charge initiale de travail en qualité de Directeur Régional. Vous ne sauriez ignorer que vous êtes la seule salariée à occuper le poste de Déléguée Médico-Hospitalier sur les départements suivants : 04 -05-13-30-34 et 84.

Aujourd'hui, votre absence met en péril le développement de notre activité dans votre secteur et ce développement ne saurait être assuré que par une personne occupant un poste à temps plein et à contrat à durée indéterminée.

Monsieur [S] [L] dont le rôle est de superviser l'activité des délégués médico-hospitalier n'est plus en mesure de pallier votre absence, devenue trop longue à supporter pour l'entreprise.

Cet état de fait n'a fait l'objet d'aucune objection de votre part ni de votre conseiller.

Par conséquent, au regard de tous ces motifs, nous vous confirmons que nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration.(...) ».

La salariée considère que les critères imposés par la jurisprudence pour licencier un salarié absent pour maladie n'ont pas été respectés par la société, relevant d'une part que celle-ci a envisagé son licenciement moins de quatre mois après le début de son absence et d'autre part, l'absence de preuve des perturbations invoquées.

Elle ajoute que lors de l'entretien préalable au licenciement, de l'aveu même de l'employeur, il était possible de recruter un salarié en contrat à durée déterminée pour pallier son absence mais qu'elle n'a entrepris aucune démarche en ce sens, soulignant enfin que son remplacement définitif n'est intervenu que le 5 septembre 2016.

La société fait valoir que Mme [Y] a été remplacée rapidement après son départ et que ses tâches ne pouvaient éternellement être assumées par le directeur régional eu égard à l'organigramme de la société, rappelant que le secteur sud est moins pourvu.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison notamment de son état de santé, l'article L. 1132-4 sanctionnant par la nullité les actes contrevenant à cette interdiction.

Cette interdiction ne s'oppose pas au Licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais sur la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié.

En l'espèce, la cour, à l'instar de la salariée, contate que le licenciement de celle-ci a été engagé dès la fin du mois de mars 2016, soit moins de six mois après le 1er arrêt pour maladie et hospitalisation et que l'employeur ne démontre par aucun document que l'absence de Mme [Y] a occasionné pour l'entreprise - et non pas seulement son service -, des perturbations, celles-ci n'étant pas caractérisées (aucun témoignage, aucune lettre de clients...).

Par ailleurs, la société n'a pas même envisagé de solutions temporaires externes pour remplacer la salariée (cf compte rendu de l'entretien préalable pièce n°6 de l'appelante) et maintenir ainsi son emploi, alors qu'elle n'établit pas que son rôle était central et qu'il était impossible de recruter un délégué en contrat à durée déterminée ou par voie d'intérim.

En outre, elle n'a procédé à son remplacement définitif que plus de six mois après l'engagement de la procédure de licenciement et près de quatre mois après le licenciement.

En conséquence, la réalité et le sérieux du motif de licenciement qui s'apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur, n'est pas démontré et le jugement doit être infirmé.

Sur les conséquences financières de la rupture

Il résulte de l'article L.1234-5 du code du travail que lorsque le licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l'entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif de l'intéressé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié, qui le demande, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

En conséquence, quand bien même la salariée étant en arrêt maladie ne pouvait exécuter son préavis, la cour, par substitution de motifs, confirme la condamnation de l'entreprise à régler la somme de 7 500 euros et celle de 750 euros.

La société ayant un effectif compris entre 10 et 19 salariés, Mme [Y], ayant plus de deux ans d'ancienneté, est en droit d'obtenir, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version antérieure au 24 septembre 2017, une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Sans élément produit sur sa situation professionnelle postérieure, la cour fixe à la somme de 17 000 euros, l'indemnité revenant à Mme [Y].

En l'absence de demande dérogeant à l'article 1153-1 nouveau du code civil, les intérêts au taux légal sont dûs à compter de la présente décision de sorte que la capitalisation de ceux-ci n'a pas d'objet.

La cour applique d'office la sanction prévue à l'article L.1235-4 du code du travail dans la limite de deux mois.

Sur les frais et dépens

La société intimée succombant au principal doit s'acquitter des dépens d'appel, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à Mme [Y] la somme supplémentaire de 1 500 euros.

La demande visant à mettre à la charge de la société le droit proportionnel de l'huissier prévu à l'article 10 du Décret tarifant les actes d'huissier, en date du 12/12/96 et modifié le 08/03/01, doit être rejetée.

En effet, dans le cas précis, la Loi a mis à la charge du créancier ce droit et a en outre prévu en son article 8 un autre droit à la charge du débiteur, de sorte que la demande a non seulement un caractère hypothétique mais est contraire à la loi.

En tout état de cause, en l'espèce, l'article 11 du même texte a exclu le droit proportionnel de l'article 10 pour les créances résultant de l'exécution d'un contrat de travail.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF dans ses dispositions relatives au licenciement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Dit le licenciement du 9 mai 2016 dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Assut Europe à payer à Mme [I] [Y] les sommes suivantes:

- 17 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les intérêts au taux légal sont dûs à compter de la présente décision,

Dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts,

Ordonne le remboursement par la société Assut Europe à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de 2 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Rejette le surplus des demandes des parties,

Condamne la société Assut Europe aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/12123
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;19.12123 ?
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