La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°23/05496

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-1, 06 juillet 2023, 23/05496


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-1



ARRÊT AU FOND

DU 6 JUILLET 2023



N° 2023/225









Rôle N° RG 23/05496

N° Portalis DBVB-V-B7H-

BLEFM







PROCUREUR GENERAL



C/



[K] [N] [U]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à : Me Godfry A KOUEVI

PROCUREUR GENERAL





D

écision déférée à la Cour :



Jugement du Juge aux affaires familiales de Marseille en date du 13 avril 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 22/4698





APPELANT



PROCUREUR GENERAL,

demeurant [Adresse 2]

pris en la personne de Mme Isabelle POUEY, avocat général,





INTIME



Monsieur [K] [N] [U]

né le 1...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-1

ARRÊT AU FOND

DU 6 JUILLET 2023

N° 2023/225

Rôle N° RG 23/05496

N° Portalis DBVB-V-B7H-

BLEFM

PROCUREUR GENERAL

C/

[K] [N] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Godfry A KOUEVI

PROCUREUR GENERAL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge aux affaires familiales de Marseille en date du 13 avril 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 22/4698

APPELANT

PROCUREUR GENERAL,

demeurant [Adresse 2]

pris en la personne de Mme Isabelle POUEY, avocat général,

INTIME

Monsieur [K] [N] [U]

né le 14 janvier 1972 à [Localité 3]

de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté et plaidant par Me Godfry A KOUEVI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 juin 2023 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Michelle TORRECILLAS, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michelle TORRECILLAS, Présidente

Madame Monique RICHARD, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nathalie BLIN GUYON.

Et en présence de M. Jules GUEDJ, stagiaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Greffier lors du prononcé : Mme Jessica FREITAS

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

MINISTERE PUBLIC : Madame Isabelle POUEY, avocat général,

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023,

Signé par Madame Michelle TORRECILLAS, Présidente, et Madame Jessica FREITAS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 7 septembre 2021, Monsieur [K] [U] a effectué devant l'officier d'état civil de [Localité 3] la reconnaissance des enfants [C] [O] [U], née le 10 août 2018 à [Localité 4] (COMORES) et [L] [U], né le 10 août 2018 à [Localité 4] (COMORES), dont la mère est Madame [X] [E] née le 1er mai 1985 à [Localité 4] aux COMORES.

Par acte en date du 21 octobre 2021, à la requête du Procureur de la République de Marseille, Monsieur [K] [U] s'est vu signifier un avis d'opposition à reconnaissance des enfants.

Par acte d'huissier du 6 avril 2022, Monsieur [K] [U] a fait délivrer une assignation à la procureure de la République de Marseille afin que soit ordonnée la mainlevée de l'opposition à reconnaissance des enfants nés le 10 août 2018 par Monsieur [K] [U].

Par jugement contradictoire rendu en date du 13 avril 2023, le tribunal judiciaire de Marseille a statué en ces termes :

CONSTATE que la demande tendant à enjoindre les demandeurs à communiquer l'original des actes de naissance est sans objet,

ORDONNE la mainlevée de l'opposition à reconnaissance prononcée à l'encontre de Monsieur [K] [U] par la procureure de la République de Marseille le 21 Octobre 2021, l'acte de reconnaissance ayant été effectué le 7 septembre 2021,

ORDONNE que l'officier d'état civil initialement saisi mentionne en marge de l'inscription de l'opposition relatée sur le registre de l`état civil, la décision de mainlevée dont l'expédition devra lui être transmise,

DIT que l'officier d'état civil devra enregistrer la reconnaissance par [K] [G] [U], né le 14 janvier 1972 à [Localité 3] (BOUCHES DU RHONE) des enfants [C] [O] [U], née le 10 août 2018 à [Localité 4] (COMORES) et [L] [U], né le 10 août 2018 à [Localité 4] (COMORES),

DIT que les effets de la reconnaissance enregistrée remontent à la date de la saisine de

la Procureure de la République de Marseille conformément à l'article 316-5 du code civil,

LAISSE les dépens de cette instance à la charge du Trésor Public.

Le 17 avril 2023, le Procureur de la République de Marseille a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l'article 388-1 du code civil et l'avis adressé en ce sens aux parties par la cour ;

Vu les conclusions notifiées le 23 mai 2023 par la partie appelante ;

Vu les conclusions notifiées le 26 mai 2023 par la partie intimée ;

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le Ministère Public conclut à la réformation des points critiqués et demande à la Cour statuant à nouveau de rejeter les demandes d'[K] [U].

Il est soutenu que la démarche de reconnaissance de paternité est diligentée dans un but migratoire, ce que corroborent plusieurs éléments :

- M. [U] ne justifie pas de son voyage en 2017 aux Comores, au cours duquel la conception des enfants serait intervenue, ni de relations ou de communications avec la mère ou les deux enfants.

- La reconnaissance en France intervient trois ans après la naissance des enfants.

- les pièces produites par le demandeur ne sont pas de nature à apporter la preuve de sa contribution aux frais d'entretien et d'éducation des enfants, pas plus qu'elles ne font état de ce qu'il suit la scolarité des enfants aux Comores.

- l'enquête diligentée révèle l'absence totale de connaissance mutuelle du demandeur et de la mère des enfants outre l'absence de vécu et de souvenirs communs.

- La France n'ayant conclu aucune convention de dispense de légalisation avec l'Union des Comores, les copies d'actes de l'état civil et judiciaires émanant de ce pays ne peuvent pas produire d'effet en France si elles n'ont pas été légalisées

Or les copies des actes de naissance établies le 18 juin 2021 portent une "légalisation" effectuée uniquement par le Chef de la chancellerie du ministère comorien des affaires étrangères et non par le Consul de France aux Comores ou le Consul des Comores en France.

Les copies des actes portent un tampon de Mme [S] [D] [B] [H] apposé "pour la légalisation de la signature de M. [A] [W] [P]", qui ne mentionne pas la qualité de l'auteur de l'acte dont la signature est censée être légalisée.

- les actes de naissance ont été établis suite à des jugements supplétifs non communiquées par le conseil de l'appelant, mais visés dans les actes, à savoir :

- un jugement supplétif n°159 du 26 septembre 2020 et communiqué au parquet le 5 décembre 2020 concernant [C] [U]

- un jugement supplétif n° 89 du 22 mars 2021 et communiqué au parquet le 23 mars 2021concemant [L] [U].

Monsieur [K] [U] conclut à la confirmation du jugement.

Il fait valoir qu'il rapporte la preuve de s'être rendu aux Commores pendant la période de conception, d'entretenir avec les enfants des liens d'affection, des nombreux transferts d'argent qu'il a réalisés pour participer à leur éducation depuis avril 2020, des achats scolaires qu'il a réalisés pour les enfants, de l'inscription des enfants à l'école au nom de [U].

Il indique qu'il n'entend pas se prévaloir des actes de naissance de ses enfants pour établir sa paternité. Enfin, il se prévaut de l'intérêt supérieur des enfants à voir leur filiation établie.

Par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci-dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu'elles ont développés.

DISCUSSION

L'article 316 du Code civil dispose :

"Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance.

La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur.

Elle est faite dans l'acte de naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique.

L'acte de reconnaissance est établi sur déclaration de son auteur, qui justifie :

1° De son identité par un document officiel délivré par une autorité publique comportant son nom, son prénom, sa date et son lieu de naissance, sa photographie et sa signature ainsi que l'identification de l'autorité qui a délivré le document, la date et le lieu de délivrance ;

2° De son domicile ou de sa résidence par la production d'une pièce justificative datée de moins de trois mois. Lorsqu'il n'est pas possible d'apporter la preuve d'un domicile ou d'une résidence et lorsque la loi n'a pas fixé une commune de rattachement, l'auteur fournit une attestation d'élection de domicile dans les conditions fixées à l'article L. 264-2 du code de l'action sociale et des familles.

L'acte comporte les énonciations prévues à l'article 62 et la mention que l'auteur de la reconnaissance a été informé du caractère divisible du lien de filiation ainsi établi.

Conformément au IV de l'article 71 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, les présentes dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, au plus tard le 1er mars 2019 et s'appliquent aux demandes qui sont postérieures à cette date.".

L'article 316-1 du même code dispose :

"Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l'audition par l'officier de l'état civil de l'auteur de la reconnaissance de l'enfant, que celle-ci est frauduleuse, l'officier de l'état civil saisit sans délai le procureur de la République et en informe l'auteur de la reconnaissance.

Le procureur de la République est tenu de décider, dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine, soit de laisser l'officier de l'état civil enregistrer la reconnaissance ou mentionner celle-ci en marge de l'acte de naissance, soit qu'il y est sursis dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder, soit d'y faire opposition."

En l'espèce, les juges de première instance ont relevé que Monsieur [U] rapportait un certain nombre d'éléments de preuve concernant sa paternité, de même que l'enquête réalisée à la demande du Procureur de la République, à savoir :

- les actes d'état civil comoriens en original mentionnant Monsieur [U] en tant que père,

- la preuve du séjour de l'intimé au Comores pendant la période de conception (cachets de son passeport),

- les transferts d'argent réalisés à compter de l'année 2020 et de manière durable.

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 311-17 du Code civil, la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, le caractère frauduleux de la reconnaissance ne peut se déduire du caractère ponctuel du séjour de Monsieur [U] aux Comores, celui-ci étant français, ni même de son mariage. Dans le cadre de la procédure soumise à la cour, il n'appartient pas en effet à l'intimé de prouver la véracité de sa paternité, l'officier de l'état civil ne pouvant exiger de l'auteur de la reconnaissance une quelconque preuve de la réalité biologique de la filiation, ni même les pièces d'état civil des deux enfants concernés de la reconnaissance.

Il appartient au Ministère public de démontrer le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité. En l'espèce, en cause d'appel, le ministère public ne rapporte pas cette preuve.

Il convient de rappeler le droit fondamental de l'enfant de voir établir son lien de filiation paternelle.

Au vu de ces éléments, il n'existe pas d'indices sérieux laissant présumer que la reconnaissance de paternité est frauduleuse, conformément aux dispositions de l'artic1e 316-1 du code civil.

Il convient donc de confirmer le jugement dont appel.

Les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme la décision en toutes ses dispositions,

Laisse les dépens de l'instance à la charge du Trésor Public.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-1
Numéro d'arrêt : 23/05496
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;23.05496 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award