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06/07/2023 | FRANCE | N°22/12937

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 06 juillet 2023, 22/12937


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT SUR APPEL D'UNE

ORDONNANCE DE REFERE

DU 06 JUILLET 2023



N° 2023/





GM/KV







Rôle N°22/12937

N° Portalis DBVB-V-B7G-BKCX4







[M] [H]





C/



Société PRALYS CORP

























Copie exécutoire délivrée

le : 06/07/2023

à :



- Me Françoise BOULAN de la S

ELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE



- Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grasse en date du 18 Août 2022 enregistrée au répertoire...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT SUR APPEL D'UNE

ORDONNANCE DE REFERE

DU 06 JUILLET 2023

N° 2023/

GM/KV

Rôle N°22/12937

N° Portalis DBVB-V-B7G-BKCX4

[M] [H]

C/

Société PRALYS CORP

Copie exécutoire délivrée

le : 06/07/2023

à :

- Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

- Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grasse en date du 18 Août 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/00410.

APPELANT

Monsieur [M] [H], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Lionel BUDIEU, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Société PRALYS CORP, sise C/O QUIJANO & ASSOCIATES - (BVI) LIMITED - P.O. BOX 3159 Road Town TORTOLA - ILES VIERGES BRITANNIQUES

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE,

et par Me Emilie VIELZEUF, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023, délibéré prorogé au 06 juillet 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

M. [M] [H], a été engagé en qualité de capitaine du navire appelé Motor Yacht La Rubia par les sociétés Martlet Limited et Pralys Corp (domiciliées au Royaume-Uni dans les îles Vierges Britanniques) selon les contrats de travail suivants :

- contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 2013 conclu avec la société Martlet Limited pour un salaire mensuel de 5000 euros,

-contrat de travail à durée indéterminée du 15 décembre 2017 avec la société Pralys Corp pour un salaire mensuel de 7000 euros.

Le contrat de travail conclu avec la société Pralys Corp contient une clause attributive de juridiction à la loi de l'Etat du pavillon, soit le droit des îles vierges britanniques. Il contient aussi une clause de choix de loi applicable au profit du droit des îles vierges britanniques.

Le 12 septembre 2019, la société Pralys Corp a procédé à la vente du navire Motor Yacht La Rubia à la société Yacht Trading Group LTD.

M. [M] [H] était mandaté par la société Pralys Corp en qualité de consultant pour superviser la construction d'un nouveau navire commandé par cette dernière.

Le 31 janvier 2020, la société Yacht Trading Group LTD a notifié au salarié son licenciement .

Par requête enregistrée le 28 août 2020, M. [M] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Grasse pour demander de dire que le droit français sera applicable et pour demander l'annulation de son licenciement, ainsi que le paiement de diverse sommes tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 18 août 2022, le conseil de prud'hommes de Grasse a :

-déclaré que la société Pralys Corp était l'employeur de M.[M] [H] du 15 décembre 2017 au 12 septembre 2019 ,

-dit et jugé que la société Pralys Corp n'est pas concernée par la rupture du contrat de travail en date du 31 janvier 2020,

-dit et jugé que le salaire mensuel est de 7 000 euros bruts ,

-dit le droit français applicable ,

-dit le conseil de prud'hommes de Grasse compétent ,

-dit que toutes les pièces produites aux débats par Monsieur [M][H] en langue étrangère non traduites par un expert assermenté doivent être rejetées ,

-débouté M.[M] [H] de toutes ses autres demandes,

-débouté la société Pralys Corp de toutes ses autres demandes,

-condamné M.[M] [H] aux entiers dépens.

Le 29 septembre 2022, M. [M] [H] a interjeté appel du jugement des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

Sa déclaration d'appel est ainsi rédigée : ' l'appel tend à la réformation et/ou à l'annulation du jugement en ses dispositions suivantes, à savoir :

- déclare que la société Pralys Corp était l'employeur de M.[M] [H] du 15 décembre 2017 au 12 septembre 2019,

- dit que la société Pralys Corp n'est pas concernée par la rupture du contrat de travail en date du 31 janvier 2020,

-dit que le salaire mensuel est de 7000 euros bruts,

-dit que toutes les pièces produites aux débats par M.[M] [H] en langue étrangère non traduite par un expert assermenté doivent être rejetées,

- déboute M.[M] [H] de toutes ses autres demandes,

- condamne M.[M] [H] aux entiers dépens.'

Par ordonnance du 12 janvier 2023, l'affaire a été fixée à bref délai selon la procédure de l'artuicle 905 du code de procédure civile, à l'audience du 9 mai 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiée par voie électronique le 5 mai 2023, M. [M] [H] demande à la cour de :

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a :

o retenu la compétence des juridictions françaises

o retenu l'application du droit français

- la réformer en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Pralys Corp laquelle a été mise hors de cause,

-condamner la société Pralys Corp à lui payer :

o rappel de salaire et congés payés y afférent : 13 200 euros net

o indemnité compensatrice de préavis : 11 690 euros

o congés payés y afférent : 1 169 euros

o indemnité légale de licenciement : 15 912,75 euros

o dommages et intérêts pour nullité du licenciement: 109 116 euros

o indemnité forfaitaire de travail dissimulé : 54 558 euros

o réparation du préjudice distinct : 73 653,30 euros

o frais irrépétibles : 5 000 euros

-condamner la société Pralys Corp à régler les arriérés de cotisations sociales dues depuis l'embauche ainsi qu'à lui fournir des bulletins de salaires, un certificat de travail, une attestation Pôle emploi conformes à la réalité de son emploi salarié, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

-condamner la société Pralys Corp aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel distraits au profit de la société Lexavoué Aix-En-Provence, avocats aux offres de droit.

A titre liminaire sur la validité des pièces librement traduites, le salarié fait valoir qu'il n'est pas obligé de produire une traduction officielle. L'ordonnance de [Localité 5] ne concerne que les actes de procédure . Il appartient au juge du fond, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, d'apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.

Il a traduit librement les pièces produites aux débats et cette traduction n'est pas contestée par la société Pralys Corp.

Sur la compétence du conseil de prud'hommes de Grasse, le salarié fait valoir que comme nombre de propriétaires de navire attraits devant le conseil de Prud'hommes, la société Pralys Corp entend contester la compétence de ce dernier au seul motif pris de ce que le contrat de travail contient une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux des Îles Vierges Britanniques.

Toutefois, cet argument est inopérant car l'article L. 1221-5 du code du travail interdit purement et formellement les clause attributives de juridictions en ces termes : « Toute clause attributive de juridiction incluse dans un contrat de travail est nulle et de nul effet. »

Toujours concernant la compétence du conseil de prud'hommes de Grasse, le salarié fait aussi valoir que l'article 21 du règlement (UE) n°1215/2012 prévoit qu'un employeur domicilié sur le territoire d'un état membre peut être attrait, notamment devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail.

Concernant l'application de ce règlement, le salarié précise qu'il est applicable aux actions judiciaires intentées à compter du 10 janvier 2015, ce qui est le cas de son action.

Il rappelle enfin que selon l'article 23 de ce texte , il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions :

1) postérieures à la naissance du différend , ou

2) qui permettent au travailleur de saisir d'autres juridictions que celles indiquées dans la présente section.

En application de l'article 23 du texte précité, la clause attributive de compétence visée au contrat de travail dont la conclusion est antérieure à la naissance du différend est de nul effet. En outre, la clause interdit clairement la saisine de toute autre juridiction que celles visées par le contrat.

Concernant la loi applicable, le salarié estime que la loi applicable aux contrats individuels de travail conclus après le 17 décembre 2009 se détermine eu égard à l'article 8 du règlement (CE) n°593/2008 du parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 dit « Rome I ».

Or, l'article 8.2. du règlement concerné prévoit que : ' à défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail.'

M. [M] [H] ajoute que deux critères sont posés pour déterminer le droit applicable:

-à titre principal, la loi du pays dans lequel le travail est régulièrement accompli,

-à titre subsidiaire, la loi du pays avec lequel la relation de travail présent les liens les plus étroits.

Dans un cas comme dans l'autre, c'est bien la loi française qui trouve à s'appliquer, et il est sera démontré qu'elle est plus favorable que la loi des îles vierges britanniques mentionnées dans le contrats de travail successifs.

En fait, le salarié fait valoir que tout ramène à l'application du droit français :

- il réside en France,

- le navire est exploité en France, à partir de ports français,

- la navigation a lieu quasi-exclusivement en eaux françaises, au départ de ports

français

- le recrutement s'est fait en France,

- le lieu d'embarquement se situe en France,

- les instructions sont reçues en France ,

- le contrat de travail a été exécuté quasi-intégralement en France.

Sur le caractère plus favorable de la loi française, le marin fait valoir que la société Pralys Corp ne rapporte pas la preuve du contenu des droits étrangers qu'elle invoque , alors que cela lui incombe. En tout état de cause, le droit français a déjà été reconnu plus favorable que les droits d'inspiration britanniques invoqués par la société défenderesse.

Pour s'opposer à l'application de la prescription de six mois issue du droit des Îles Vierges Britanniques, le salarié estime que le droit français est plus favorable que le droit des Îles Vierges Britanniques (la prescription étant d'un an en matière de licenciement, trois ans en matière de rappel de salaire, cinq ans en matière de travail dissimulé).

Quoi qu'il en soit, M. [M] [H] a saisi le conseil de prud'hommes le 26 août 2020 alors même qu'il a reçu une lettre de licenciement indiquant la rupture de son contrat de travail a effet au 31 mars 2020. Le conseil de prud'hommes a donc été saisi dans le délai, fut-il prévu par le droit des Îles Vierges Britanniques.

Concernant la détermination de son employeur, le salarié invoque l'application de la convention de travail maritime et la jurisprudence de la cour de justice. Selon ces dispositions, c'est le propriétaire du navire, soit en l'espèce la société Pralys Corp. LTD, qui est l'employeur du personnel travaillant à bord.

M. [M] [H] affirme que, malgré la vente du navire, il a poursuivi ses fonctions sous couvert d'une mission de « consultant » au profit de la société Pralys Corp, laquelle a continué à avoir la qualité d'employeur.

Au soutien de sa demande tendant à voir déclarer nul et sans cause réelle et sérieuse le licenciement, le salarié fait valoir qu'il a été licencié sans préavis et sans respect de la procédure applicable en la matière prévue par le droit français. Il ajoute que c'est en raison de son âge qu'il a été licencié.

Par conclusions notifiées par voie électronique le  5 mai 2023, la société Pralys Corp demande à la cour de :

-infirmer le jugement en ce qu'il a considéré sa juridiction compétente pour se prononcer sur le litige,

-dire le conseil de prud'hommes de Grasse incompétent seules les juridictions des Îles Vierges Britanniques étant compétentes au titre du contrat d'engagement maritime en date du 15 décembre 2017,

- en conséquence,

-débouter M. [M] [H] de l'ensemble de ses prétentions,

-à titre de fin de non-recevoir,

-infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la prescription de l'action de M. [M] [H] dirigée à l'encontre de la société Pralys Corp concernant sa relation de travail et la rupture de son contrat et l'application de la législation des Îles Vierges Britanniques à ladite relation de travail,

en conséquence :

-dire prescrite l'action de M. [M] [H] dirigée à l'encontre de la société Pralys Corp concernant sa relation de travail et la rupture de son contrat ,

-dire la législation des Îles Vierges Britanniques applicable à la relation de travail entre M. [M] [H] et la société Pralys Corp ,

-débouter M. [M] [H] de l'ensemble de ses prétentions,

sur le fond de l'affaire :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

-dite et jugé que toutes les pièces produites aux débats par M. [M] [H] en langue étrangère non traduite par un expert assermenté doivent être rejetées ,

-dit que la société Pralys Corp est l'employeur de Monsieur [H] à compter du 15 décembre 2017 conformément à son contrat d'engagement maritime signé et qu'il a pris fin au 12 septembre 2019 ,

-dit que le salaire de M. [M] [H] s'élève à 7000 euros bruts au titre de son contrat d'engagement maritime conclu avec la société Pralys Corp en date du 15 décembre 2017 ,

-dit que la rupture du contrat de M. [M] [H] en date du 31 janvier 2020 ne concerne pas la société Pralys Corp ,

-dit que la société Pralys Corp n'est pas coupable de travail dissimulé ,

-dit que M. [M] [H] a été rempli de l'intégralité de ses droits en matière de rémunération et de congés payés afférents au titre de son contrat d'engagement maritime conclu avec la société Pralys Corp en date du 15 décembre 2017 ,

-déboute M. [M] [H] de l'ensemble de ses prétentions.

en tout état de cause :

-condamner M. [M] [H] à verser à la société Pralys Corp la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ,

-condamner M. [M] [H] aux entiers dépens.

Sur sa demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu la compétence du conseil de prud'hommes de Grasse, la société Pralys Corp fait valoir que la clause attributive de juridiction insérée dans un contrat de travail international a pour effet d'emporter renonciation au privilège de juridiction française édicté par les articles 14 et 15 du code civil.

L'intimée ajoute que le contrat d'engagement maritime signé entre elle-même et le marin prévoit en son article 16.2 que les parties conviennent de soumettre ledit contrat à la compétence des tribunaux de l'état du pavillon soit en l'espèce les juridictions des Îles Vierges Britanniques.

Sur sa demande d'infirmation du jugement en ce qu'il n' a pas retenu la prescription de l'action de M. [M] [H], la société Pralys Corp soutient que :

-le contrat d'engagement maritime signé entre le marin et elle prévoit en son article 16.2 que celui-ci est régi et interprété conformément à la loi de l'état du pavillon, soit en l'espèce la loi des Îles Vierges Britanniques,

-dès lors, M. [M] [H] et la société Pralys Corp ont convenu en application dudit contrat d'engagement maritime que la loi applicable au contrat est celle des Îles Vierges Britanniques,

-les règles de prescription prévues par la législation des Îles Vierges Britanniques convenue au contrat sont applicables,

-en application de l'article 181 du code du travail des Îles Vierges Britanniques et de la consultation juridique réalisée par un conseil spécialisé en la matière en date du 5 octobre 2021, M. [M] [H] aurait dû saisir les juridictions compétences dans les 6 mois suivant la la rupture de son contrat de travail,

- en l'espèce, M.[M] [H] a saisi le conseil de Prud'hommes de Grasse le 26 août 2020, soit quasiment un an après le transfert de son contrat d'engagement maritime conclu avec la société Pralys Corp à la société Yacht Trading Groupe LTD (7 septembre 2019).

Sur sa demande de confirmation du jugement en ce qu'il rejette toutes les pièces produites aux débats par M. [M] [H] en langue étrangère non traduite par un expert assermenté, l'intimée soutient que la cour de cassation considère que les documents écrits en langue étrangère doivent être écartés des débats faute de production d'une traduction en langue française.

Les pièces en langue étrangère produites par M. [M] [H] n'ont pas été traduites par un expert assermenté et ne peuvent être retenues par la cour.

Concernant la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que la société Pralys Corp avait seulement été l'employeur du salarié sur la période du 15 décembre 2017 au 12 septembre 2019, le salarié fait valoir que :

-M. [H] a engagé en premier lieu par une société de droit étranger dénommée Martlet Limited domiciliée au sein des Îles Vierges Britanniques, suivant contrat d'engagement maritime en date du 2 mai 2013,

-il a ensuite été engagé à compter du 15 décembre 2017 par la société Pralys Corp,

-cette dernière a vendu le navire le 12 septembre 2019 à la société Yacht Trading Group LTD,

-le contrat de travail du salarié a été transféré à cette société en raison du rachat du navire par cette dernière,

-contrairement aux allégations de M.[M] [H], il n'était plus lié à compter de cette date, à la société Pralys Corp, via un contrat d'engagement maritime,

- en d'autres termes, la société Pralys Corp n'était plus l'employeur de M.[M] [H],

-toutes les demandes de M.[M] [H] ayant pour fondement le contrat d'engagement conclu avec la société Martlet Limited en date du 1 er octobre 2014 et la rupture de son contrat en date du 31 janvier 2020 devront être rejetées sur ce seul motif. **

Concernant ses rapports avec la société Pralys Corp suite au rachat du navire par une autre société à compter du 12 septembre 2019, la première société précisé que le salarié était uniquement lié par la suite à la société Pralys Corp, par un contrat de consultant en vue de superviser la construction du nouveau navire qu'elle avait commandée.

Sur les demandes du salarié en lien avec la rupture du contrat de travail conclu avec la société Pralys Corp, cette dernière estime que seule la législation des Îles Vierges Britanniques doit s'appliquer et non la législation française. En effet, l'article 6 B du contrat de travail prévoit que le contrat est régi et interprété conformément à la loi des Îles Vierges Britanniques.

Ainsi, la rupture du contrat de travail ne saurait être jugée irrégulière au regard du droit du travail français. La rupture intervenue est d'autant moins irrégulière que l'article 5 partie B dudit contrat prévoit aussi que les parties peuvent mettre fin au contrat par l'envoi d'une courte lettre notamment en cas de sérieuses négligences.

En l'espèce, le contrat d'engagement maritime a été rompu conformément aux conditions prévues par le contrat conclu avec la société Yacht Trading Group LTD en application de la législation des Îles Vierges Britanniques.

MOTIFS

Sur la demande de rejet des pièces rédigées en langue étrangère

Vu les articles 111 de l'ordonnance de [Localité 5] du 25 août 1539 et 9 du code de procédure civile :

Le premier de ces textes ne concernant que les actes de procédure, il appartient au juge du fond, dans l'exercice de son pouvoir souverain, d'apprécier la valeur probante des pièces produites, fussent-elles rédigées en langue étrangère.

Aux termes du second, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Aucun texte n'impose de règle particulière de traduction des documents rédigés en langue étrangère pour pouvoir être produits en justice.

En l'espèce, M. [M] [H] produit des pièces en langue anglaise, qui ont été traduites en français. Même s'il ne démontre pas que cette traduction en français a été faite par un expert assermenté, ce fait ne permet pas, à lui seul, d'écarter des débats lesdites pièces.

En outre, les pièces du salarié sont rédigées en langue anglaise alors même que l'employeur dit être domicilié dans un territoire du Royaume-Uni, donc dans un pays de langue anglaise. Ce dernier comprend donc parfaitement la langue anglaise et peut donc analyser les pièces produites par le salarié dans leurs versions anglaises originales.

Il reviendra à la cour d'apprécier la valeur probante de chacune de ces pièces lorsqu'elle examinera les prétentions des parties. Le cas échéant, elle pourra alors décider que ces pièces n'ont pas de valeur probatoire suffisante et qu'elles ne fonderont pas suffisamment la demande concernée.

La cour infirme le jugement en ce qu'il dit que toutes les pièces produites aux débats par M. [M] [H] en langue étrangère non traduites par un expert assermenté doivent être rejetées.

Statuant à nouveau, la cour rejette la demande de la société Pralys Corp de dire que toutes les pièces produites aux débats par M. [M] [H] en langue étrangère non traduite par un expert assermenté doivent être rejetées.

Sur la compétence de la juridiction française

1-Sur l'applicabilité du règlement 1215/2012 de l'union européenne (dit Bruxelles I bis) concernant la compétence de la juridiction française pour connaître de l'opposabilité de la clause attributive de compétence

Le contrat de travail liant les parties contient une clause d'attribution de compétence territoriale au profit des juridictions du territoire des Îles Vierges Britanniques (article 16.2 du contrat du 15 décembre 2017) en cas de litige.

Le salarié soutenant que cette clause lui est inopposable et que la juridiction française du droit du travail est compétente pour juger ce litige, il y a lieu au préalable de déterminer si cette dernière est d'abord compétente pour connaître de l'opposabilité de la clause attributive de compétence.

En effet, le litige soumis à la cour comporte au moins trois éléments d'extranéité notamment la nationalité du marin appelant (russe) ,l'immatriculation du navire (Îles Vierges Britanniques), la domiciliation de l'employeur (Îles Vierges Britanniques) pouvant le rattacher à plusieurs ordres juridiques.

Pour soutenir que la juridiction française du droit du travail est compétente, le salarié appelant invoque le règlement 1215/2012 de l'Union européenne (dit Bruxelles I bis) concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale s'applique en l'espèce.

La cour doit rechercher si le réglement dit Bruxelles I bis s'applique bien au litige et s'il peut être invoqué pour rechercher la compétence de la juririction française concernant la clause d'attribution de compétence.

Par ailleurs, l'employeur , domicilié sur le territoire des Îles Vierges Britanniques, n'est pas domicilié sur le territoire d'un état membre de l'union européenne.

Il résulte en effet de l'article 198 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne que les îles vierges britanniques appartenaient à la catégorie des pays et territoires d'outre-mer et que ce territoire n'a donc jamais été considéré comme un état membre de l'Union européenne, même avant le retrait du royaume-uni, de l'europe, le 31 janvier 2020.

La question de l'applicabilité au présent litige du règlement dit Bruxelles I Bis se pose (règlement 1215/2012 de l'Union européenne concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale).

L'article 6 .1.du règlement Bruxelles I Bis définit son champs d'application en ces termes :

1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25.

De plus, il est de principe que l'applicabilité du règlement obéit à la réunion de trois critères : l'action doit d'abord avoir été engagée après le 10 janvier 2015 (ce qui est le cas en l'espèce), le litige doit ensuite concerner la matière civile et commerciale (ce qui est le cas s'agissant d'un litige sur la relation de travail) et le litige doit enfin être intégré à l'union européenne (ce qui peut être le cas s'agissant d'un litige du travail et ce au regard de l'article 21 du règlement).

Ainsi, concernant l'applicabilité du règlement Bruxelles I Bis pour déterminer la compétence de la juridiction française concernant l'opposabilité de la clause attributive de compétence, le règlement Bruxelles I Bis s'applique au litige même si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un état membre (ce qui est le cas en l'espèce), si les conditions de l'article 21 paragraphe 2 sont réunies.

L'article 21 paragraphe 2 de ce règlement dispose : ' Un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les juridictions d'un État membre conformément au paragraphe 1, point b).'

De plus, selon l'article 21 paragraphe point b) et i), un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un état membre peut être attrait 'devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail'

Pour déterminer si le règlement Bruxelles I Bis s'applique concernant la compétence de la juridiction française pour connaître en premier lieu de l'opposabilité de la clause attributive de compétence, il y a lieu de rechercher si le salarié accomplit ou a a accompli son travail sur le territoire de la France.

Tout d'abord , la société Pralys Corp ne conteste pas que le marin résidait en France, que le recrutement et les instructions reçues avaient lieu en France, que le lieu d'embarquement était en France.

En outre, le marin produit les pièces suivantes démontrant qu'il accomplissait habituellement son travail dans ce pays :

-une copie du contrat d'amodiation pour le navire pour l'occupation d'un poste d'amarrage au sein du port français de [Localité 4] [2],

-une attestation du maître du port de [2] du 15 décembre 2017 indiquant que le navire séjourne dans les eaux française pour une durée indéterminée,

-un formulaire CERFA du 12 janvier 2018 de l'administration de l'union européenne mentionnant que le navire de plaisance est utilisé à [2] en France et également dans les eaux de l'union européenne,

-une multitude de factures en langue française émanant de différents fournisseurs français concernant le navire (nourriture, containers, gasoil, pièces mécaniques, linge, fleurs, objets du quotidien),

-ses relevés de compte bancaire émis par une banque française sur lequel apparaissent les salaires versés par son employeur ,

-une capture d'écran mentionnant que la société Pralys Corps possède un établissement secondaire situé en France à [Localité 4].

Ensuite, sur la période d'emploi du salarié par la société Pralys Corp , à compter du 15 septembre 2017, les éléments du débat ne permettent pas de dire suffisamment que le navire se situait la plupart du temps à l'extérieur de la France.

Ainsi, il est démontré que le salarié a accompli habituellement son travail en France au moment où il a saisi la juridiction française du travail.

Le règlement dit Bruxelles I Bis est donc bien applicable au litige en l'espèce pour déterminer si la juridiction française est compétente pour connaître de l'opposabilité de la clause attributive de compétence et ce nonobstant la domiciliation du défendeur sur le territoire d'un état non membre de l'union européenne.

2-Sur la compétence de la juridiction française pour connaître de l'opposabilité au salarié de la clause attributive de compétence territoriale aux juridictions des Îles Vierges Britanniques

Selon l'article 21 .du règlement Bruxelles I Bis : L'article 21 du règlement applicable dispose :

1. Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait:

a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ,

ou

b) dans un autre État membre:

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ou

II) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.

La juridiction française est compétente, nonobstant le fait que l'employeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un état membre (ce qui est le cas en l'espèce), si le le travailleur accomplit habituellement son travail ou a accomplit habituellement son travail devant le lieu de la juridiction saisi.

Or, comme la cour l'a relevé précédemment, il est démontré que le salarié a accompli habituellement son travail en France au moment où il a saisi la juridiction française du travail.

Ainsi, en application de cette disposition, la juridiction française est bien compétente, en premier lieu pour connaître de l'opposabilité de la clause d'attribution de compétence aux juridictions des Îles Vierges Britanniques.

3-Sur l'opposabilité au salarié de la clause attributive de compétence territoriale aux juridictions des Îles Vierges Britanniques

Le contrat de travail prévoit une clause attributive de compétence aux juridictions du territoire des Îles Vierges Britanniques (article 16.2 du contrat du 15 décembre 2017) dont le salarié soulève l'inopposabilité , ce dernier estimant que la juridiction française est seule compétente pour connaître de ce litige.

Pour déterminer si cette clause attributive de compétence est opposable ou non au salarié, il y a lieu de se référer à l'article 23 du règlement dit Bruxelles I Bis qui encadre les règles de compétence.

L'article 23 du règlement dit Bruxelles I Bis dispose :

Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions:

1) postérieures à la naissance du différend ,ou

2) qui permettent au travailleur de saisir d'autres juridictions que celles indiquées à la présente section .

L'article 23 du règlement de l'union européenne n° 1215/2012, applicable à partir du 10 janvier 2015 prévoit donc qu'il ne peut être dérogé aux règles de compétence que par des conventions postérieures à la naissance du différend ou qui permettent au travailleur de saisir d'autres juridictions que celles indiquées à la présente section .

En l'espèce, les parties ne pouvaient pas déroger aux règles de compétence de ce règlement dés lors que la clause attributive de compétence-prévue par le contrat de travail- est nécessairement antérieure à la naissance de leur différend.

La clause attributive de compétence à la juridiction des Îles Vierges Britanniques n'est donc pas opposable au marin.

4-Sur la compétence de la juridiction française pour connaître du litige dans son intégralité

La clause attributive de compétence étant inopposable au salarié, la cour doit se référer aux dispositions du règlement 1215/2012 et plus précisément à son article 21.

L'article 21 prévoit qu'un employeur domicilié sur le territoire d'un état membre peut être attrait devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail.

Pour déterminer si la juridiction française du droit du travail est compétente, la cour doit vérifier si M. [M] [H] accomplissait habituellement son travail devant la juridiction française (en particulier de [Localité 3].)

Tout d'abord , la société Pralys Corp ne conteste pas que le marin résidait en France, que le recrutement et les instructions reçues avaient lieu en France, que le lieu d'embarquement était en France.

En outre, le marin produit les pièces suivantes démontrant qu'il accomplissait habituellement son travail dans ce pays :

-une copie du contrat d'amodiation pour le navire pour l'occupation d'un poste d'amarrage au sein du port français de [Localité 4] [2],

-une attestation du maître du port de [2] du 15 décembre 2017 indiquant que le navire séjourne dans les eaux française pour une durée indéterminée,

-un formulaire CERFA du 12 janvier 2018 de l'administration de l'union européenne mentionnant que le navire de plaisance est utilisé à [2] en France et également dans les eaux de l'union européenne,

-une multitude de factures en langue française émanant de différents fournisseurs français concernant le navire (nourriture, containers, gasoil, pièces mécaniques, linge, fleurs, objets du quotidien),

-ses relevés de compte bancaire émis par une banque française sur lequel apparaissent les salaires versés par son employeur ,

-une capture d'écran mentionnant que la société Pralys Corps possède un établissement secondaire situé en France à [Localité 4].

Par ailleurs, sur la période d'emploi du salarié par la société Pralys Corp , à compter du 15 septembre 2017, les éléments du débat ne permettent pas de dire que le navire se situait la plupart du temps à l'extérieur de la France.

L'employeur allègue seulement que le navire n'a pas navigué en France sur une période de quatre mois (du 11 janvier 2019 au 25 avril 2019) et qu'il a réalisé plusieurs déplacements hors des eaux françaises sur la période du 1 er janvier 2018 et le 31 août 2019.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la compétence de la juridiction française.

Sur le fond

1-Sur la loi internationale applicable

En l'espèce, il existe un conflit de lois applicables au regard des éléments d'extranéité de la situation juridique, sachant que le contrat de travail contient de plus une clause d'application de la loi de l'état du pavillon, soit la loi des Iles Vierges Britanniques (territoire non membre de l'union européenne).

Le salarié demande à la cour de faire application de la loi française , alors que l'employeur sollicite l'application de la loi des Îles Vierges Britanniques.

Pour déterminer la loi applicable à ce litige , il y a lieu de faire application du règlement du parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) nonobstant le fait que le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un état membre de l'Union Européenne.

En effet, l'article 1er de ce règlement, intitulé 'champs d'application matériel' dispose: 1. Le présent règlement s'applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale.

Or, la juridiction saisie, qui est bien territorialement compétente pour connaître de ce litige, est une juridiction d'un état membre de l'Union Européenne. En outre, le litige comporte un conflit de loi avec des obligations contractuelles relevant de la matière civile.

Ainsi, pour rechercher quelle est la loi internationale qui s'applique, la cour doit faire application des critères découlant de

du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil.

L'article 8 du règlement 593/2008 du règlement (CE) du parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), intitulé 'contrats individuels de travail' prévoit :

1. Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie parles parties conformément à l'article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.

2. À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit

habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n'est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.

3. Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui a embauché le travailleur.

4. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s'applique

Il résulte de ce qui précède que la loi applicable au contrat de travail des marins est la loi voulue par les parties. Cependant, cette loi ne peut priver le salarié des avantages attachés à la loi qui aurait été applicable à défaut de choix.

En l'espèce, le contrat de travail de M. [M] [H] conclu avec la société Pralys Corp stipule que la loi choisie par les parties est la loi des Îles Vierges Britanniques .

Ce choix ne pouvant priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi, qui, à défaut de choix aurait été applicable, il convient dès lors de rechercher quelle aurait été la loi applicable à défaut de choix des parties, et s'il s'agit de la loi française, comme revendiqué par le salarié, de rechercher en quoi la loi des Îles Vierges Britanniques est moins protectrice des droits de celui-ci que la loi française, et, dans l'affirmative, de faire application des dispositions de cette dernière auxquelles il ne peut être dérogé par accord des parties.

En l'espèce, à défaut de choix des parties, c'est la loi française qui aurait été applicable.

En effet, à défaut de choix, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. De plus, la cour a précédemment estimé, dans le paragraphe relatif à la compétence, que le marin exécutait habituellement son travail en France.

La loi française étant applicable à défaut de choix des parties, il faut ensuite rechercher si elle est moins protectrice des droits du marin que la loi des Îles Vierges Britanniques.

Concernant le caractère plus protecteur de la loi française par rapport à la loi des îles vierges britanniques, la société Pralys Corp ne conteste pas que la législation française est plus favorable au salarié en matière de licenciement (procédure et licenciement lui-même).

L'employeur n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause la comparaison ainsi opérée, M. [M] [H] est bien fondé à solliciter que soit écartée l'application de la loi des Îles Vierges Britanniques.

Dès lors, doit être retenue, en application de l'article 8 du règlement Rome 1, la loi française nonobstant la présence d'une clause désignant la loi des Iles Vierges Britanniques.

Le jugement est confirmé.

2-Sur la fin de non-recevoir opposée par l'employeur

Dès lors que le salarié n'est pas privé du droit d'accès au juge, les règles de procédure aménageant les délais de saisine des juridictions du travail ne portent pas atteinte aux dispositions impératives de la loi française qui auraient été applicables en l'absence de choix d'une loi étrangère applicable au contrat de travail.

En l'espèce, l'employeur fait valoir que le code du travail des îles vierges britanniques prévoit un délai de prescription de six mois et que le salarié aurait introduit son action judiciaire tardivement.

Cependant, s'agissant de cette prescription de six mois prévue par le droit des îles vierges britanniques, il est n'est possible d'établir le contenu de cette loi étrangère, le concours de l'employeur à cette fin n'étant pas suffisant.

En effet, pour tenter de démontrer que le code du travail des îles vierges britanniques prévoit bien un tel délai de prescription limité à six mois, l'employeur se limite à produire un simple courrier daté du 5 octobre 2021 d'une personne dont l'identité, la profession et les compétences ne sont pas établies avec certitude . Selon cette personne, l'article 181 du code du travail des îles vierges britanniques stipulerait un délai de prescription de six mois pour les contentieux du travail.Aucune copie de l'article de loi revendiqué n'est produite. Les explications de la personne consultée par l'employeur sont peu précises.

A supposer même que ce délai de prescription de 6 mois existe et que la cour soit alors tenue d'en faire application, l'action judiciaire du marin ne serait pas prescrite.

En effet, ce délai de prescription de six mois s'applique à la saisine d'un commissaire et non d'un tribunal (selon le courrier de la personne consultée par l'employeur). En outre, ce délai a bien été respecté puisque le licenciement contesté a été notifié le 31 mars 2020 et puisque le salarié a saisi le conseil de prud'hommes français moins de six mois après soit le 26 août 2020.

La fin de non-recevoir soulevée par la société Pralys Corp doit être rejetée et l'action judiciaire du marin doit être déclarée recevable.

3-Sur la qualité d'employeur de la société Pralys Corp

L'employeur est défini comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles elle verse une rémunération

En l'espèce, la société Pralys Corp soutient que le contrat de travail de M. [M] [H] a été transféré à la société Yacht Trading Group LTD le 12 septembre 2019 suite à la vente du navire Motor Yacht La Rubia. Elle conclut qu'elle n'a plus la qualité d'employeur du salarié à compter de cette même date.

En revanche, le salarié affirme au contraire que la société Pralys Corp est bien restée son employeur au delà de la date de cession du navire dont il était le capitaine.

En l'espèce, alors que l'employeur a cédé le navire le 12 septembre 2019, le salarié produit ses relevés de compte postérieures à cette date lesquels démontrent que c'est bien pourtant ce même employeur qui continuait à lui régler ses salaires.

En outre, le salarié produit sa lettre de licenciement du 31 janvier 2020, laquelle est signée de M. [X] [V], intervenant en tant que responsable du navire. Or, M. [V] était le manager de l'employeur initial du salarié.

Par ailleurs, comme le fait remarquer le salarié, le contrat de travail produit aux débats par la société Pralys Corp, censé démontrer que le salarié avait conclu un nouveau contrat de travail avec un nouvel employeur , n'est pas signé par le salarié.

L'unique bulletin de paie du mois de septembre 2019, censé également établir que le salarié avait un nouvel employeur, ne mentionne aucunement le nom de la société Yacht Trading Group LTD.

Enfin, il est démontré que M. [M] [H] continuait à travailler pour le compte de la société Pralys Corp, laquelle produit un document écrit par lequel elle nomme ce dernier en qualité de 'représentant technique'.

Le document est rédigé en ces termes : 'Nous, Pralys Corp, nommons par la présente M. [M] [H] en tant que représentant technique conformément à l'article 6.1. de l'avenant 2 au contrat de vente et d'achat (...)Le représentant technique a le droit d'accéder au chantier naval de Sanlorenzo (...) Pendant les heures normales de travail et peut également visiter le chantier des sous-traitants qui effectuent des travaux en dehors des locaux du constructeur , après notification au constructeur '.

Ce document démontre que le salarié continue à recevoir des ordres et est sous la direction de la société Pralys Corp, nonobstant la vente du navire dont il était le capitaine.

En conclusion, même après la cession du navire le 12 septembre 2019, c'est la société Pralys Corp qui continuait à rémunérer le salarié, étant précisé en outre que ce dernier continuait à travailler pour elle et ce sous sa subordination.

Contrairement à ce qui a été jugé en première instance, la société Pralys Corp est bien restée l'employeur de M. [M] [H] jusqu'à son licenciement le 31 janvier 2020.

Les demandes du salarié pouvaient donc être valablement dirigées contre cette dernière.

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail

1-Sur la demande de rappels de salaires

Aux termes de l'article 1353 du code civil ancien article 1315 du code civil:Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation il appartient a l'employeur de prouver le paiement du salaire qu'il invoque .

Il appartient à l'employeur qui prétend avoir payé la totalité du salaire d'en rapporter la preuve notamment par la production de pièces comptables.

De plus, c'est à l'employeur qu'il revient de démontrer que la salariée a refusé d'exécuter son travail ou qu'il ne s'est pas tenu à sa disposition.

Pour déterminer si l'employeur n'a pas correctement payé le salarié et si ce dernier a droit au rappel de salaires auquel il prétend, il faut d'abord déterminer le montant du salaire contractuellement prévu par le contrat de travail du 15 décembre 2017 conclu avec la société Pralys Corp .

Sur ce point, il est prévu une rémunération de 7000 euros par mois sans précision toutefois sur le caractère brut ou nette de cette rémunération. Le contrat indique seulement qu'il s'agit d'un 'salaire consolidé'.

Comme le soutient l'employeur , ce montant ne peut toutefois qu'être brut, dés lors que l'article 4.3 du contrat de travail stipule que la responsabilité des impôts ou charges 'incombe exclusivement' au salarié. L'employeur ne payant pas les charges découlant du salaire, cela signifie en effet qu'il revient au salarié de le faire et que dés lors, le salaire qui lui est versé, est son salaire avant déduction de ces mêmes charges.

La cour confirme le jugement en ce qu'il dit que la rémunération du marin est de 7000 euros bruts.

Par ailleurs, la société Pralys Corp ne conteste pas qu'à compter du mois d'octobre 2019, le salaire mensuel versé se limitera à 4000 euros (étant rappelé qu'il s'agit nécessairement d'un salaire brut). Le salarié peut donc prétendre à un rappel de salaire au titre de la part dont il a à tort été privé.

La créance du requérant à titre de rappel de salaire s'évalue donc comme suit :

rappel de salaire : 12.000 euros (Pour les mois d'octobre 2019 à janvier 2020)

congés payés : 1200 euros.

La cour, faisant partiellement droit à la demande du salarié et infirmant le jugement, condamne la société Pralys Corp à payer à M. [M] [H] la somme de 13 200 euros bruts à titre de rappels de salaires et de congés payés sur la période d'octobre 2019 à janvier 2020.

Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail

1-Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Pour déterminer s'il y a eu travail dissimulé et si le salarié peut éventuellement prétendre à une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par le droit français,il y a lieu de rechercher si la société Pralys Corp était tenue de procéder à la déclaration du salarié auprès des organismes sociaux français,

Aux termes de l'article 11-4 du règlement (CE) n°883/04 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale :Aux fins du présent titre, l'activité salariée ou non salariée exercée normalement à bord d'un navire en mer battant pavillon d'un État membre est considérée comme une activité exercée dans cet État membre. Toutefois, la personne qui exerce une activité salariée à bord d'un navire battant pavillon d'un État membre et qui est rémunérée pour cette activité par une entreprise ou une personne ayant son siège ou son domicile dans un autre État membre est soumise à la législation de ce dernier État membre si elle réside dans cet État. L'entreprise ou la personne qui verse la rémunération est considérée comme l'employeur aux fins de ladite législation.

En l'espèce, le marin exerçait son activité à bord un d'un navire battant pavillon des îles Vierges Britanniques . En outre, le salarié ne démontre pas que son employeur avait son siège ou son domicile en France sachant que l'employeur indique au contraire u'il était domicilié aux îles Vierges Britanniques.

Il y a lieu de considérer que c'est le droit de la sécurité sociale des îles Vierges Britanniques qui devait s'appliquer et non celui de la France. En conséquence, même si l'employeur n'a pas respecté ses obligations déclaratives prévues par le droit français, ce fait est indifférent et ne saurait ouvrir droit au salarié au paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

La cour, confirmant le jugement, déboute le salarié de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

2-Sur la demande d'annulation du licenciement

Le salarié demande l'annulation de son licenciement, soutenant que ce dernier serait discriminatoire car fondé sur son âge.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

'A l'attention de M.[H] [M],

Notification

le soussigné, M. [X] [V], en tant que gestionnaire du yacht 'La Rubia', agissant au nom de votre employeur principal et ayant pleine autorité pour effectuer les actions suivantes, par la présente je vous informe que conformément à la clause 3.2 du contrat de travail du marin du L er janvier 2018, vous êtes relevé de vos fonctions de capitaine de "La Rubia' à partir du ler mars 2020 sur ordre de l'employeur.

Une chaîne continue d'incidents, liées à votre incapacité de vous appliquer aux meilleures pratiques maritimes lors de vos tâches quotidiennes en tant que capitaine, ont conduit à un avis

défavorable de l'employeur A votre égard , et comme suite , à la décision de recruter une nouvelle personne pour ce e poste.'

L'article L1132-1 du code du travail, dans sa version en vigueur du 29 décembre 2019 au 23 juin 2020 dispose :

Aucune personne ne peut être écartée d'une Procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif local, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

L'article L1132-4 du code du travail, dans sa version en vigueur du 01 mai 2008 au 01 septembre 2022 prévoit :Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.

S'agissant de la preuve de la discrimination, il appartient au juge du fond :

-d'examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié ,

- d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ,

-dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, le salarié invoque les éléments suivants :

-les motifs de licenciement invoqués par le gestionnaire du navire dans la première lettre de licenciement daté du 31 janvier 2020, à savoir, « Une chaîne continue d'incidents liés à votre incapacité à suivre les meilleures pratiques maritimes dans vos tâches quotidiennes en tant que capitaine » ne sont ni précis, ni circonstanciés, ni matériellement vérifiables,

- le motif de licenciement sera précisé quelques jours plus tard par M. [P], le bénéficiaire effectif du navire, en ces termes : « Bonjour, ce n'est pas la raison principale, bien que cela a aussi influencé. Principalement : l'âge ! Je profite de l'occasion, pour te remercier comme l'équipe principale pour le travail ! »,

Le salarié verse aux débats les pièces suivantes :

-la lettre de licenciement du 31 janvier 2020,

-le coudriers de M. [P] du 5 février 2020.

Ces faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ,

Il y a lieu d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La société Pralys Corp invoque les éléments suivants :

- il a été démontré ci-avant que contrairement à ce que prétend M.[M] [H], son contrat n'a pas été rompu en raison de son âge mais en raison d'une chaîne continue d'incidents liés à son incapacité à suivre les meilleures pratiques maritimes dans ses tâches quotidiennes en tant que capitaine,

- contrairement aux allégations de M. [M] [H] dans sa requête, M.[P] n'était pas le bénéficiaire effectif du navire mais un simple hôte sur le yacht. M.[P] n'avait donc pas connaissance du motif de la rupture du contrat de M. [M] [H], l'employeur ne partageant pas ce type d'information avec des passagers du yacht. Il est donc demandé à la cour de céans de rejeter des débats les échanges entre M.[M] [H] et M.[P] concernant la rupture de son contrat.

En l'espèce, l'employeur prouve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En particulier, il explique, sans que cela ne soit contesté, que M. [P] n'était pas son représentant.

La cour rejette la demande de M. [M] [H] d'annulation de son licenciement pour discrimination ainsi que sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.

3-Sur la demande tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement

L'employeur n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause le caractère moins protecteurs des droits du marin de la loi des Îles Vierges Britanniques que le droit français, M. [M] [H] est bien fondé à solliciter que soit écartée l'application de la loi des Îles Vierges Britanniques.

L'article L1235-1 du code du travail dispose :En cas de litige, lors de la conciliation prévue à l'article L. 1411-1, l'employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation et d'orientation proposer d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au salarié d'une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l'ancienneté du salarié.

Le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues au présent chapitre.

A défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L1232-2 du code du travail ajoute :L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Versions

L'article L1232-3 du même code dispose enfin :Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.

En l'espèce, le salarié affirme avoir été licencié sans respect de la procédure applicable en la matière, ce que ne conteste pas la société Pralys Corp.Cependant, l'absence d'entretien préalable ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse.

M. [M] [H] fait ensuite valoir que les motifs de licenciement en sont ni précis, ci circonstanciés, ni matériellement vérifiables.

Selon les parties, les motifs de licenciement invoqués par le gestionnaire du navire dans la première lettre de licenciement daté du 31 janvier 2020 sont : « Une chaîne continue d'incidents liés à votre incapacité à suivre les meilleures pratiques maritimes dans vos tâches quotidiennes en tant que capitaine ».

Les éléments du débat, en particulier ceux de l'employeur, ne permettent pas de vérifier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement, qui sont très évasifs.Un doute subsiste concernant le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement.

Il convient, en conséquence, de déclarer sans cause réelle et sérieuse ce licenciement, conformément à la demande du salarié.

4-Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis

L'employeur n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause le caractère moins protecteurs des droits du marin de la loi des Îles Vierges Britanniques que le droit français, M. [M] [H] est bien fondé à solliciter que soit écartée l'application de la loi des Îles Vierges Britanniques.

L'article L1234-1 du code du travail dispose : Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ,

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ,

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L1234-5 du même code ajoute :Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

M.[M] [H], qui n'a commis de faute grave et qui avait une ancienneté de service d'au moins deux ans, avait droit à un préavis de deux mois.

Ce dernier ne conteste pas avoir d'ores et déjà bénéficié d'un préavis d'un mois, de sorte

qu'il peut donc seulement prétendre à un reliquat d' indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire brut, soit 7000 euros bruts.

La cour condamne la société Pralys Corp à payer à M. [M] [H] les sommes de 7000 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 700 euros bruts au titre des congés payés afférents.

5-Sur la demande d'indemnité légale de licenciement

L'employeur n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause le caractère moins protecteurs des droits du marin de la loi des Îles Vierges Britanniques que le droit français, M. [M] [H] est bien fondé à solliciter que soit écartée l'application de la loi des Îles Vierges Britanniques.

L'article L1234-9 du code du travail énonce :Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'article R1234-2 du code du travail ajoute :

L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ,

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Le salarié, qui n'a pas commis de faute grave et qui compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service de la société Pralys Corp, a droit à une indemnité de licenciement.

Si le salarié ne précise pas la méthode de calcul employée concernant l'indemnité qu'il sollicite, il appartient à la cour de déterminer le montant qui lui revient en s'appuyant sur les éléments de calcul et sur les pièces résultant des débats. L'ancienneté du salarié était de 2 ans, 2 mois et 16 jours au moment de la fin de l'exécution du préavis.

Le calcul de l'indemnité est le suivant : (¿ x 7000 x 2) + ((1/4 x 7000 )/12 ) x 2 + 76,71= 3 722, 54 euros.

La cour condamne la société Pralys Corp à payer à M. [M] [H] la somme de 3722, 54 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

6-Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'employeur n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause le caractère moins protecteurs des droits du marin de la loi des Îles Vierges Britanniques que le droit français, M. [M] [H] est bien fondé à solliciter que soit écartée l'application de la loi des Îles Vierges Britanniques.

L'article L1235-3 du code du travail dispose :Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.

Le salarié, dont le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, est en droit d'obtenir une indemnité dont le montant doit être compris 0,5 et 3,5 mois de salaires bruts (compte tenu de son ancienneté de deux années complètes et des indications de l'employeur sur le barème à appliquer).

Le salarié ne détaille pas sérieusement sa situation financière depuis sa perte d'emploi injustifiée du 31 janvier 2020, ni ne produit de pièces utiles.

La cour condamne la société Pralys Corp à payer à M. [M] [H] la somme de 7000 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

7-Sur la demande de régularisation auprès des organismes de sécurité sociale

La cour a précédemment jugé que le salarié ne relevait pas de la sécurité sociale française.

En conséquence, la cour rejette la demande du salarié de condamnation de l'employeur à régler auprès des organismes sociaux les arriérés de cotisations sociales dues depuis l'embauche.

8-Sur la demande en indemnisation au titre d'un préjudice distinct

Le salarié invoque un préjudice distinct lié à la faute de l'employeur, qui n'a pas déclaré son emploi et n'a pas payé les cotisations de sécurité sociale. Il prétend n'avoir pas pu bénéficier d'une couverture sociale et de l'assurance chômage.

Pour autant, la cour a jugé que le salarié ne relevait pas du droit de la sécurité sociale française.

La cour ne peut que rejeter la demande de M. [M] [H] de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la remise de documents

La cour ordonne à la société Pralys Corp de remettre à M. [M] [H] les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.

Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte de sorte que la demande du salarié en ce sens est rejetée.

Sur les frais du procès

La demande d'indemnité de procédure de la société Pralys Corp est rejetée.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Pralys Corp sera condamnée aux dépens distraits au profit de Me Boulan.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

-infirme le jugement en ce qu'il a dit que toutes les pièces produites aux débats par M. [M] [H] en langue étrangère non traduite par un expert assermenté doivent être rejetées,

-confirme le jugement en ce qu'il a :

-retenu la compétence de la juridiction française et du conseil de prud'hommes de Grasse,

-dit que la loi française est applicable ,

- dit que la rémunération du marin est de 7000 euros bruts,

-débouté M. [M] [H] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,

-statuant à nouveau des seuls chefs de jugement infirmés et y ajoutant,

-rejette la demande tendant à voir écarter des débats toutes les pièces produites aux débats par M.[M] [H] en langue étrangère,

- condamne la société Pralys Corp à payer à M. [M] [H] la somme de 13 200 euros bruts à titre de rappels de salaires et de congés payés sur la période d'octobre 2019 à janvier 2020.

-rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Pralys Corp concernant un délai de prescription de six mois et déclare recevable l'action judiciaire de M. [M] [H],

-rejette la demande de M. [M] [H] d'annulation de son licenciement pour discrimination ainsi que sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul,

-déclare sans cause réelle et sérieuse de licenciement de M. [M] [H],

- condamne la société Pralys Corp à payer à M. [M] [H] :

- 7000 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 700 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 3 722, 54 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 7000 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-rejette la demande de M. [M] [H] de condamnation de l'employeur à régler auprès des organismes sociaux les arriérés de cotisations sociales dues depuis l'embauche,

-rejette la demande de M. [M] [H] de dommages-intérêts pour un préjudice distinct,

-ordonne à à la société Pralys Corp de remettre à M. [M] [H] les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision,

-rejette la demande d'astreinte,

-condamne la société Pralys Corp aux dépens distraits au profit de Me Boulan,

-rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 22/12937
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.12937 ?
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