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06/07/2023 | FRANCE | N°22/07069

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 06 juillet 2023, 22/07069


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 06 JUILLET 2023



N° 2023/ 491













Rôle N° RG 22/07069 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJNBL







[Z] [B] épouse [S]

[K] [B]





C/



Syndic. de copro. PARC [W]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marie-Anne COLLING



Me Farouk MILOUDI





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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 06 mai 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00750.





APPELANTES



Madame [Z] [B] épouse [S]

née le 18 juillet 1961 à [Localité 1], demeurant [Adresse 4] - [Localité 1...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 06 JUILLET 2023

N° 2023/ 491

Rôle N° RG 22/07069 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJNBL

[Z] [B] épouse [S]

[K] [B]

C/

Syndic. de copro. PARC [W]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marie-Anne COLLING

Me Farouk MILOUDI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 06 mai 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00750.

APPELANTES

Madame [Z] [B] épouse [S]

née le 18 juillet 1961 à [Localité 1], demeurant [Adresse 4] - [Localité 1]

Madame [K] [B]

née le 08 février 1954 à [Localité 1], demeurant [Adresse 4] - [Localité 1]

représentée par Me Marie-Anne COLLING de la SELARL LSCM & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Benjamin DELBOURG, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIME

Syndicat des copropriétaires PARC [W] sis [Adresse 3] - [Localité 1] représenté par son syndic la SARLCABINET DE GESTION DALBERA dont le siège social est situé [Adresse 2] ' [Localité 1]

représenté par Me Farouk MILOUDI, de la SELARL GHM, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme NETO, Conseillère,a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Z] [B] épouse [S] et Mme [K] [B] sont chacune propriétaires indivises à hauteur d'un quart d'une parcelle à usage de chemin privé cadastrée section [Cadastre 5] dénommé chemin [Adresse 6] situé à [Localité 1]. M. [I] [S] et M. [M] [S] sont les deux autres propriétaires indivis à hauteur d'un quart chacun.

Suivant déclaration préalable en date du 6 août 2021, Mme [B] épouse [S] a été autorisée à clôturer par un portail l'une des deux extremités de la parcelle susvisée.

Un recours non suspensif a été introduit à l'encontre de cette décision par le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière du Parc [W], représenté par son syndic en exercice, dont l'immeuble en copropriété se situe sur la parcelle voisine située [Adresse 3] à [Localité 1].

Par ordonnance en date du 6 octobre 2022, le juge administratif de Nice a rejeté la requête du syndicat des copropriétaires comme étant manifestement irrecevable.

Autorisé à assigner en référé d'heure à heure, le syndicat des copropriétaires a, par acte d'huissier en date du 26 avril 2022, assigné Mme [Z] [B] épouse [S] et Mme [K] [B] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice aux fins de les voir enjoindre, sous astreinte, à cesser tous travaux et à laisser libre l'accès au chemin [Adresse 6] et à lui verser une provision de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance en date du 6 mai 2022, ce magistrat a :

- déclaré recevables les demandes du syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière Parc [W] à l'encontre de Mme [Z] [S] ;

- ordonné à Mme [Z] [S] de cesser tous travaux et de laisser libre accès au chemin [Adresse 6], sous astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la présente ordonnance ;

- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- condamné Mme [Z] [S] à payer au syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière Parc [W] la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus ;

- condamné Mme [Z] [S] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût du constat d'huissier en date du 22 avril 2022.

Il estime que, dès lors que Mme [Z] [S] est à l'origine de la déclaration de travaux, c'est à juste titre que cette dernière a été assignée et que les demandes du syndicat des copropriétaire ne sont dirigées qu'à son encontre. Il relève que les travaux entrepris sur le chemin [Adresse 6] empêchent toute circulation, et ce, alors même qu'il résulte du règlement de copropriété du syndicat des copropriétaires que l'accès à la copropriété Parc [W] se fait par le Sud-Est en empruntant, soit l'avenue Caravadossi, soit le chemin [Adresse 6]. Il considère, dans ces conditions, que les travaux entrepris par Mme [Z] [S] constituent un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser sous astreinte. En revanche, il retient que le syndicat des copropriétaires n'apporte pas la preuve d'un préjudice justifiant sa demande de provision et que la demande de dommages et intérêts de Mme [S] et Mme [B] n'est pas fondée comme n'étant pas formée à titre provisionnel.

Suivant déclaration transmise au greffe le 16 mai 2022, Mme [Z] [S] et Mme [K] [B] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté le syndicat des copropriétaires de sa demande de provision.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises le 28 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, elles sollicitent de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau qu'elle :

- juge que le syndicat des copropriétaire n'apporte pas la preuve de l'existence d'un droit de passage dont la violation serait constitutive d'un trouble manifestement illicite ;

- le déboute de l'ensemble de ses prétentions ;

- le condamne, à titre reconventionnel, au paiement de la somme de 3 000 euros à chacune d'entre elles en réparation du préjudice subi ;

- le condamne à leur verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamne aux entiers dépens.

Elles font observer que seuls deux des propriétaires indivis du chemin [Adresse 6] ont été attraites à la procédure, de sorte que l'action du syndicat des copropriétaires doit être déclarée irrecevable.

Sur le fond, elles se prévalent de l'absence de trouble manifestement illicite. Elles soulignent que le fait pour la copropriété d'utiliser le chemin, comme un second accès la voie publique, ne leur confère pas une servitude de passage discontinue qui ne peut s'établir que par titre et en aucun cas par une possession même immémoriale en application des articles 688 et 691 du code civil. Elles relèvent que le règlement de copropriété, qui ne concerne que la copropriété, n'est pas constitutif d'un titre opposable aux propriétaires du fonds servant, faute pour eux de l'avoir signé, pas plus qu'aux propriétaires successifs de la parcelle sur laquelle pèse la charge de la servitude. Elles soulignent qu'il est faux pour le règlement de copropriété de prétendre que le droit de passage a été acquis par prescription trentenaire. Elles soutiennent que l'ordonnance de référé du 8 décembre 2015, qui vaudrait reconnaissance d'un droit de passage acquis selon le syndicat des copropriétaires, n'a aucune autorité de chose jugée dans la mesure où, en renvoyant les parties à mieux se pourvoir comme il appartiendra et en constatant que la demande de suppression d'obstacles sous astreinte est devenue sans objet, elle n'a tranché aucune difficulté dans le dispositif de sa décision. En outre, elles exposent que l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, d'autorité de la chose jugée. De même, elles soulignent que cette décision n'a pas été rendue au contradictoire de Mme [Z] [S]. Elles démentent donc avoir commis une voie de fait tirée de la violation de l'ordonnance susvisée. Elles soulignent que l'action du syndicat des copropriétaire est d'autant moins justifiée qu'il dispose d'un accès direct en empruntant l'avenue Caravadossi qui constitue son accès principal et unique en l'absence de droit de passage sur leur chemin.

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 11 mai 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière du Parc [W] demande de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré la procédure recevable et ordonné à Mme [Z] [S] de cesser tous travaux et de laisser libre accès au chemin [Adresse 6], sous astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la présente ordonnance ;

-l'infirmer pour le surplus ;

- ordonner la démolition de la construction réalisée ;

- condamner les appelantes, et non les intimés comme indiqué par erreur, à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi ;

- condamner les appelantes, et non les intimés comme indiqué par erreur, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il indique que, dès lors que Mme [Z] [S] est à l'origine de la construction litigieuse, il est normal que son action soit dirigée à son encontre.

Sur le fond, il souligne, qu'alors même qu'ils a acquis un droit de passage sur le chemin litigieux par prescription trentenaire, tel que cela résulte du règlement de copropriété, Mme [Z] [S] n'a pas hésité à y installer des obstacles afin d'empêcher le passage des véhicules. Il relève que les consorts [S]/[B] avaient déjà, dans le passé, envisagé d'obtruer le chemin [Adresse 6], à la suite de quoi une ordonnance de référé a été rendue le 8 décembre 2015, aux termes de laquelle l'existence d'une voie de fait caractéristique d'un trouble manifestement illicite a été reconnue. Il relève que les consorts [S] ont eux-mêmes reconnu la réalité de ce droit de passage dans un courrier en date du 27 mai 2014. Il indique qu'une ordonnance de référé a bien autorité de chose jugée et que l'ordonnance du 8 décembre 2015 est définitive comme n'ayant fait l'objet d'aucune voie de recours. Il souligne que la construction envisagée est de nature à entraver le bon usage de la servitude, dès lors que la pose du portail décidé unilatéralement va rendre incommode l'usage du droit de passage.

Il relève qu'une partie de la construction a été édifiée, et ce, nonobstant l'injonction qui a été faire à Mme [S], par courrier du 21 avril 2022, de ne pas réaliser les travaux, de sorte qu'il estime subir un préjudice justifiant l'allocation d'une provision.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 16 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le trouble manifestement illicite

Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Il doit être constaté lorsque, même en l'absence de servitude établie, il est fait obstacle à l'utilisation paisible et prolongée d'un passage.

Il peut également résulter d'une voie de fait, entendue comme un comportement s'écartant si ouvertement des règles légales et usages communs, qu'il justifie de la part de celui qui en est victime le recours immédiat à une procédure d'urgence afin de le faire cesser.

L'existence de contestations, fussent-elles sérieuses, n'empêche pas le juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Enfin, la cour doit apprécier l'existence d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué.

En l'espèce, s'il est acquis que Mme [Z] [B] épouse [S], à l'encontre de laquelle le syndicat des copropriétaires formule ses demandes, est propriétaire indivis du chemin privé litigieux, il n'en demeure pas moins que les pièces de la procédure démontrent qu'elle est à l'origine des constructions érigées sur ce chemin comme ayant déposé, le 16 juin 2021, une déclaration préalable de travaux n° DP 06088 21 S0816 ayant donné lieu à un arrêté, en date du 6 août 2021, du maire de la commune de [Localité 1], aux termes duquel il n'a pas été fait opposition à la déclaration préalable sous réserve de respecter certaines prescriptions.

C'est donc à juste titre que la demande du syndicat des copropriétaires de voir ordonner des mesures afin de faire cesser le trouble manifestement illicite tiré de ces constructions est dirigée à l'encontre de Mme [Z] [B] épouse [S] qui a qualité et intérêt à agir en défense.

Le fait même pour le syndicat des copropriétaires de n'avoir assigné que Mme [Z] [B] épouse [S] et Mme [K] [B], autre propriétaire indivis du chemin litigieux, contre lequel il ne forme aucune demande, ne rend donc pas son action irrecevable.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée sur ce point.

Afin d'établir une utilisation paisible et prolongée du chemin privé [Adresse 6], le syndicat des copropriétaires verse aux débats :

- son règlement de copropriété qui stipule en page 8 un droit de passage grevant le chemin [Adresse 6] acquis par prescription trentenaire ; il est précisé qu'il résulte des titres de propriétés que la propriété [W] acquise le 11 décembre 1951 par la société [Localité 1]-Athénée appartenait aux vendeurs depuis plus de trente, M. [W] l'ayant acheté à M. [G] suivant acte reçu le 2 mai 1862, et que le seul chemin carrossable desservant la propriété s'ouvrait par une grille à deux vantaux à sa limite au bout du chemin [Adresse 6] ;

- une ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice, en date du 8 décembre 2015, opposant le syndicat des copropriétaires à M. [N] [S], Mme [R] [B] et Mme [K] [B], aux termes duquel il a été constaté que la demande de suppression d'obstacles, sous astreinte, qui était parfaitement justifiée lors de l'assignation, est devenue sans objet ; les motifs de la décision précisent que, s'il résulte du constat dressé le 20 février 2015, la présence, sur le chemin litigieux, d'une jardinière, de trois parpaings et d'un véhicule automobile, obstruant le droit de passage du syndicat des copropriétaires, ce qui caractérise l'existence d'une voie de fait et d'un trouble manifestement illicite, le constat d'huissier dressé le 11 septembre 2015 révèle que les obstacles illicites ont été retirés après l'assignation en référé ;

- un courrier en date du 27 mai 2014 dans lequel Mme [B] indique être toujours dans l'attente d'une décision de l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier du Parc [W] portant sur la participation de la copropriété aux frais d'entretien et de réfection du passage dont elle bénéficie grevant le chemin [Adresse 6] depuis de nombreuses années sans aucune indemnité.

Ces éléments caractèrisent donc l'existence d'une utilisation paisible et prolongée du chemin [Adresse 6] par la communauté immobilière Parc [W] depuis la création de la copropriété, et ce, jusqu'aux premiers obstacles qui ont été mis sur le chemin par ses propriétaires en 2015.

Sans remettre en cause l'utilisation du chemin [Adresse 6] depuis de nombreuses années, Mme [Z] [B] épouse [S] et Mme [K] [B] affirment que la preuve de l'existence d'une servitude de passage, qui ne peut être établie que par un titre qui leur est opposable, s'agissant d'une servitude discontinue et apparente, en application de l'article 691 du code civil, n'est pas démontrée. Ils soulignent, d'une part, que le règlement de copropriété, qui ne leur est pas opposable, se réfère à une servitude de passage qui aurait été acquise par suite d'une possession de trente ans et, d'autre part, que l'ordonnance susvisée du 8 décembre 2015 n'a pas autorité de chose jugée.

Or, outre le fait qu'une ordonnance de référé a autorité de chose jugée au provisoire sur les points qu'elle tranche, et en particulier en ce qu'elle a considéré qu'il a été fait obstacle à l'utilisation du chemin Sain Vincent par le syndicat des copropriétaires, cette décision ne fait que corroborer une utilisation paisible et prolongée du chemin par ce syndicat jusqu'en 2015, année au cours de laquelle les premiers obstacles ont entravé le passage.

De plus, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, de se prononcer sur l'existence d'un état d'enclave et/ou d'une servitude légale, conventionnelle ou par prescription de passage, en analysant notamment les actes versés aux débats, lequel débat relève de l'appréciation de la juridiction du fond.

Il entre en revanche dans sa compétence de dire si les actes commis par Mme [Z] [B] épouse [S] sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite voire d'une voie de fait, ce qui sera le cas s'ils sont destinés à entraver un passage utilisé de manière paisible et prolongée par le syndicat des copropriétaires, et ce peu important que ce dernier dispose d'une autre voie d'accès carrossable en empruntant l'avenue Caravadossi.

Il résulte du procès-verbal de constat dressé le 22 avril 2022 qu'une affichette est apposée au niveau du portail du haut du chemin [Adresse 6] indiquant 'POUR INFORMATION VENDREDI 22 AVRIL TRAVAUX SUR LE CHEMIN [Adresse 6] CIRCULATION IMPOSSIBLE TOUTE LA JOURNEE A PARTIR DE 8 HEURES'. En empruntant le chemin, l'huissier de justice constate la présence d'un container poubelle avec un panneau 'sens interdit' en limite de la copropriété du Parc [W] puis, quelques mètres plus loin, la présence d'une barrière de chantier empêchant le passage des véhicules ainsi que des ouvriers en train de réaliser une tranchée dans le sens de la largeur du passage avec du ferraillage et des fourreaux. Ces derniers lui indiquent qu'ils sont en train de préparer l'installation d'un portail automatique mais ne pas savoir quand la pose aura lieu exactement dès lors qu'il faut compter 20 jours de séchage du béton. Quelques mètres plus loin, l'officier instrumentaire relève le panneau de déclaration préalable de travaux relatif à la pose du portail au bénéfice des consorts [S]/[B].

Dès lors que Mme [Z] [B] épouse [S] dénie tout droit de passage sur le chemin [Adresse 6] à la copropriété voisine, la pose du portail a uniquement pour but et effet de l'entraver.

Or, s'agissant d'un passage utilisé depuis plusieurs années par la copropriété, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que les actes commis par cette dernière sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite voire d'une voie de fait.

Les mesures que le juge des référés peut prescrire ne doivent tendre qu'à la cessation du trouble manifestement illicite justifiant son intervention.

Au moment où le premier juge a statué, le portail litigieux n'avait pas encore été construit.

C'est donc à juste titre que ce dernier a ordonné à Mme [Z] [B] épouse [S] de cesser tous travaux et de laisser libre accès au chemin, sous astreinte.

Si le syndicat des copropriétaires soutient que, depuis, le portail a été construit, ce qui justifie sa demande de voir ordonner la démolition de la construction réalisée, la cour doit se placer au moment où le premier juge s'est prononcé pour statuer s'agissant d'un trouble manifestement illicite.

De plus, si Mme [Z] [B] épouse [S] a poursuivi les travaux, malgré l'obligation de ne pas faire ordonnée par le premier juge sous astreinte, le syndicat des copropriétaires a fait le choix de ne pas solliciter la radiation de l'affaire pour non exécution de l'ordonnance entreprise sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, outre le fait qu'il a toujours la possibilité de saisir le juge de l'exécution en liquidation de l'astreinte.

Enfin, il n'est pas démontré que Mme [Z] [B] épouse [S] a effectivement édifié une partie de la construction.

Pour toutes ces raisons, le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande de voir ordonner la démolition de la construction réalisée.

Sur la demande de provision du syndicat des copropriétaires

Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Ils ne peuvent donc accorder qu'une provision au créancier, à l'exclusion du prononcé de toute condamnation définitive.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Enfin, c'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

En l'espèce, s'il résulte de ce qui précéde que Mme [Z] [B] épouse [S] a causé à la copropriété voisine un trouble manifestement illicite en entravant son passage par le chemin [Adresse 6], la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée avec l'évidence requise en référé.

En effet, il n'est pas discuté que le syndicat des copropriétaires dispose d'une autre voie d'accès carrossable en passant par l'avenue Caravadossi.

Par ailleurs, même à supposer que Mme [Z] [B] épouse [S] a poursuivi la construction litigieuse malgré l'injonction de ne pas faire qui lui a été faite par le premier juge, le syndicat des copropriétaires a toujours la possibilité de solliciter la liquidation de l'astreinte ordonnée par le premier juge devant la juridiction compétente, et ce, d'autant que la cour confirme l'ordonnance entreprise de ce chef.

Il s'ensuit que l'obligation de Mme [Z] [B] épouse [S] de réparer le préjudice subi par le syndicat des copropriétaires en lui allouant une provision se heurte à des contestations sérieuses.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de provision.

Sur la demande de dommages et intérêts des appelantes

Outre le fait que cette demande n'est pas formée à titre provisionnel, mais à titre définitif, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, alors qu'il s'agit d'une demande de dommages et intérêts à valoir sur la réparation d'un préjudice, il convient de relever que les appelantes n'obtiennent pas gain de cause en appel concernant le trouble manifestement illicite causé au syndicat des copropriétaires.

Il y a donc donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté les appelantes de leur demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les appelantes, succombant en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné Mme [Z] [B] épouse [S] aux dépens, sauf en ce qu'elle a inclu le coût de l'acte d'huissier du 22 avril 2022 dans les dépens, et au paiement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En effet, les dépens ne peuvent inclure le coût d'un constat d'huissier de justice qui ne constitue pas un acte de la procédure mais un élément de preuve auquel la partie a choisi de recourir et dont les frais entrent dans les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et non dans les dépens résultant de l'article 695 du même code.

Mme [Z] [B] épouse [S] et Mme [K] [B], toutes les deux appelantes, seront tenues in solidum aux dépens de la procédure d'appel.

En outre, l'équité commande de les condamner in solidum à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, en tant que parties perdantes, Mme [Z] [B] épouse [S] et Mme [K] [B] seront déboutées de leur demande formulée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a inclu dans les dépens le coût du constat d'huissier dressé le 22 avril 2022 ;

Statuant à nouvau et y ajoutant ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière du Parc [W], représenté par son syndic en exercice, de sa demande de voir ordonner la démolition de la construction litigieuse ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière du Parc [W], représenté par son syndic en exercice, de sa demande de voir inclure dans les dépens le coût du constat d'huissier dressé le 22 avril 2022 ;

Condamne in solidum Mme [Z] [B] épouse [S] et Mme [K] [B] à verser au syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière du Parc [W], représenté par son syndic en exercice, la somme de 3 000 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [Z] [B] épouse [S] et Mme [K] [B] de leur demande formulée sur le même fondement ;

Condamne in solidum Mme [Z] [B] épouse [S] et Mme [K] [B] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 22/07069
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.07069 ?
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