COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 06 JUILLET 2023
N° 2023/306
N° RG 21/10647
N° Portalis DBVB-V-B7F-BHZ3J
[P] [B]
C/
CPAM DU VAR
Société MMA IARD
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON
- SELASU CECCALDI STÉPHANE
-SELARL PLANTAVIN REINA ET ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de Marseille en date du 22 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/06260.
APPELANT
Monsieur [P] [B]
né le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 10]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Charlotte BOTTAI de la SELARL BOTTAI-BELLAICHE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Amandine JOURDAN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
INTIMEES
CPAM DU VAR,
Assignée le 18/10/2021 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE.
Société MMA IARD
Prises en leur qualité d'assureurs Responsabilité Civile Usager de Monsieur [I] [N] (contrat n°140279173),
demeurant [Adresse 1]
représentée et assistée par Me Joanne REINA de la SELARL PLANTAVIN REINA ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
Prises en leur qualité d'assureurs Responsabilité Civile Usager de Monsieur [I] [N] (contrat n°140279173),
demeurant [Adresse 1]
représentée et assistée par Me Joanne REINA de la SELARL PLANTAVIN REINA ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et de la procédure
Le 1er septembre 2016, alors qu'il se trouvait dans un chalet appartenant à M. [N], assuré auprès de la société mutuelle du Mans assurances, M. [P] [B] a été blessé dans un incendie (société MMA).
Le docteur [L] [X] a été désigné amiablement et une provision de 45 000 € a été allouée à M. [B].
L'expert a déposé son rapport le 25 septembre 2018.
Par acte du 28 mai 2019, M. [B] et ses parents, M. [U] [B] et Mme [K] [J] épouse [B] (consorts [B]) ont fait assigner les sociétés MMA incendie, accidents et risques divers assurances mutuelles (société MMA IARD assurances mutuelles) et MMA incendie, accidents et risques divers (société MMA IARD) devant le tribunal de grande instance de Marseille, afin d'obtenir, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, l'indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du 22 juin 2021, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Marseille a :
- donné actes aux sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD qu'elles ne contestent pas devoir indemniser M. [P] [B] des conséquences dommageables de l'incendie ;
- évalué le préjudice corporel de M. [P] [B] à la somme de 296 126 € ;
- condamné les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à payer à M. [P] [B] 251 126 € en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la provision, et 1 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à payer à M. [U] [B] et [K] [J], avec intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 5 000 € chacun avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en réparation de leur préjudice moral tout en les déboutant du surplus de leurs demandes ;
- débouté la CPAM du Var de ses demandes ;
- condamné les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD aux dépens, distraits au profit de leur avocat.
Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :
- dépenses de santé actuelles : 199 669,17 € dont 198 280,95 € revenant à la CPAM et 1 388,25 € revenant à la victime
- frais divers : 4 418,83 €
- assistance par tierce personne temporaire : 2 295 €
- perte de gains professionnels actuels : rejet
- dépenses de santé futures : 7 105,95 €
- perte de gains professionnels futurs : rejet
- incidence professionnelle : 150 000 €
- déficit fonctionnel temporaire (27 €/jour) : 7 668 €
- souffrances endurées 5/7 : 30 000 €
- préjudice esthétique temporaire 5/7 pendant deux ans : 7 000 €
- déficit fonctionnel permanent 25 % : 64 250 €
- préjudice esthétique permanent 4/7 : 14 000 €
- préjudice d'agrément : 8 000 €.
Pour statuer ainsi, il a considéré que :
Sur la perte de gains professionnels actuels : l'expert a retenu un arrêt de travail du 1er septembre 2016 au 31 août 2018 ; la promesse d'embauche produite par M. [B] consacre tout au plus une perte de chance de percevoir les gains afférents au contrat promis, soit la somme de 5 000 €, entièrement absorbée par la créance de la CPAM ;
Sur l'incidence professionnelle : l'expert retient une incidence professionnelle pour le métier de cuisinier, rendu plus pénible par les blessures en raison de la chaleur, de la présence de flammes, de la station debout prolongée, et des troubles sensitifs aux deux mains mais aucune impossibilité d'exercer cette profession ;
Sur la perte de gains professionnels futurs : M. [B] ne produit aucun élément concernant sa situation professionnelle depuis la consolidation et ne démontre pas que les revenus qu'il est susceptible de percevoir seront inférieurs à ceux qu'il percevait avant l'incendie.
Par acte du 15 juillet 2021, uniquement dirigé contre les sociétés MMA et la CPAM, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [P] [B] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a évalué son préjudice corporel à la somme de 296 126 € et condamné les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à lui payer 251 126 € en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la provision, et 1 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'elle a ordonné l'exécution provisoire.
Par ordonnance du 30 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions remises au greffe par la CPAM du Var le 5 septembre 2022.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 9 mai 2023.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 13 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, notamment en ce qui concerne le détail des préjudices, M. [B] demande à la cour de :
' infirmer le jugement en ce qu'il a évalué son préjudice corporel à la somme de 296 126 € et condamné les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à lui payer 251 126 € en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la provision, et 1 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à lui payer la somme en principal de 1 555 989, 95 € ou 1 267 498,95 € ou plus subsidiairement 697 074,95 € en réparation de son préjudice corporel, déduction faite des provisions versées et avec intérêts à compter de la demande ;
' rejeter l'appel incident ;
' condamner les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à lui payer une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec distraction au profit de son avocat.
Il chiffre son préjudice comme suit :
- frais divers restés à charge (assistance à expertise, frais d'hébergement, péage et essence, vêtements, crèmes, frais pharmaceutiques, psychologue et ostéopathe): 15 717,25 €
- perte de gains professionnels actuels : 9 600 €
- assistance temporaire de tierce personne : 2 295 €
- perte de gains professionnels futurs : 1 106 627 € ou 818 136 € ou 272 712 €
- incidence professionnelle : 250 000 €
- déficit fonctionnel temporaire : 9 750 €
- souffrances endurées : 80 000 €
- préjudice esthétique temporaire : 7 000 €
- déficit fonctionnel permanent : 70 000 €
- préjudice esthétique permanent : 30 000 €
- préjudice d'agrément : 20 000 €.
Au soutien de son appel et de ses prétentions, il fait valoir que :
Sur la perte de gains professionnels actuels : au moment de l'incendie il bénéficiait d'une promesse d'embauche dans le cadre d'un contrat saisonnier au sein d'un hôtel restaurant de montagne du 1er décembre 2016 au 31 mars 2017 pour un salaire de 2 400 € par mois, ce qui représente une perte de 9 000 € par mois ;
Sur l'incidence professionnelle : l'expert a retenu une pénibilité d'exercice de la profession de cuisinier ; contraint de se reconvertir, ses perspectives sont très limitées puisqu'il n'a aucune autre compétence, que les métiers physiques en extérieur ne lui sont plus accessibles puisqu'il ne peut s'exposer au soleil et qu'il en va de même des métiers nécessitant l'usage intensif des deux mains ou une station debout prolongée ; il existe donc une pénibilité d'exécution des tâches professionnelles et une dévalorisation sur le marché du travail ;
Sur la perte de gains professionnels futurs : bien que momentanément sans emploi au moment de l'incendie, il était sur le marché du travail saisonnier et avait des projets sérieux dans la restauration ; désormais confronté à une pénibilité à la station debout et à une fragilisation de ses mains, il ne peut plus exercer la profession de cuisinier, de sorte qu'il a droit à l'indemnisation d'une perte de chance, évaluée à 75 % compte tenu de son parcours professionnel antérieur, de percevoir 2 983,83 € correspondant au salaire d'un chef cuisinier qui n'aurait pas été entravé dans sa carrière, somme qui doit être capitalisée selon un indice de rente temporaire jusqu'à 65 ans, tel que ressortant de la gazette du Palais 2018, ou, subsidiairement un salaire correspondant à la moyenne entre le salaire perçu antérieurement et celui prévu à la promesse d'embauche soit 2 200 € par mois ; plus subsidiairement encore, il demande que sa perte doit être calculée au prorata du taux d'incapacité puis capitalisé ;
Sur le préjudice d'agrément : l'expert retient un préjudice pour la pêche en rivière et en mer, la pêche sous-marine, le tennis et le snowboard, étant observé qu'il ne pratique plus aucun sport et ne peut plus aller à la plage.
Dans leurs dernières conclusions d'intimées et d'appel incident, régulièrement notifiées le 5 septembre 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, notamment en ce qui concerne le détail des préjudices, les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD demandent à la cour de :
' confirmer le jugement sur l'évaluation des préjudices de M. [B] hormis en ce qui concerne l'incidence professionnelle ;
Statuant à nouveau
' évaluer l'incidence professionnelle à 50 000 €
' limiter l'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile à 1 500 €.
Elle propose de chiffrer le préjudice de la façon suivante :
- dépenses de santé actuelles : 1 388, 22 €
- frais divers restés à charge : 4 418,83 €
- perte de gains professionnels actuels : rejet
- assistance temporaire de tierce personne : 2 295 €
- dépenses de santé futures : 7 105,95 €
- perte de gains professionnels futurs : rejet
- incidence professionnelle : 50 000 €
- déficit fonctionnel temporaire : 7 668 €
- souffrances endurées : 30 000 €
- préjudice esthétique temporaire : 7 000 €
- déficit fonctionnel permanent : 64 250 €
- préjudice esthétique permanent : 14 000 €
- préjudice d'agrément : 8 000 €.
Elles font valoir que :
Sur la perte de gains professionnels actuels : elle ne conteste pas l'existence d'une perte de chance, mais l'indemnité est entièrement absorbée par les indemnités journalières perçues ;
Sur la perte de gains professionnels futurs : M. [B] n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation d'une perte de gains en se référant au salaire perçu par M. [M] puisque celui-ci est chef cuisinier alors qu'il n'était qu'assistant cuisinier ; en tout état de cause, elle conteste le principe même d'une perte de gains professionnels futurs indemnisable est contestable si on considère que M. [B] était au chômage au moment de l'incendie ; par ailleurs, il calcule sa perte en se référant à un salaire qu'il n'a jamais perçu et surtout ne démontre pas qu'il n'est pas en mesure de percevoir des gains équivalents à ceux qu'il percevait avant le fait dommageable puisque l'expert n'a retenu aucune inaptitude au poste de cuisinier et que la notification de droits émise par la Maison départementale du handicap (MDPH) indique expressément que son état est compatible avec une activité professionnelle ;
Sur l'incidence professionnelle : elle est tout au plus constituée d'une pénibilité puisque M. [B] n'est pas inapte à la profession de cuisinier.
La CPAM du Var, régulièrement constituée le 24 novembre 2021, n'a pas conclu dans les délais fixés par le code de procédure civile.
Il résulte d'un état de débours définitif en date du 7 juin 2019 qu'elle a exposé au total la somme de 229 810,63 € constituée de :
- prestations en nature à hauteur de 198 280,95 €
- indemnités journalières du 4 septembre 2016 au 1er septembre 2018 : 31 529,68 €.
*****
L'arrêt sera contradictoire conformément aux dispositions de l'article 467 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
A titre liminaire, la CPAM n'ayant pas conclu dans les délais, ses conclusions ont été déclarées irrecevables, de sorte qu'elle est réputée conclure à la confirmation du jugement
Sur le préjudice corporel
Le docteur [G], expert, indique que M. [B] a souffert au titre des lésions initiales de brûlures graves intéressant 60 % de la surface cutanée totale.
De ces lésions, il conserve comme séquelles des limitations fonctionnelles de la main droite, des cicatrices de brûlures intéressant le torse ainsi que les deux membres supérieurs et inférieurs, une cicatrice de trachéotomie et une anxiété résiduelle.
L'expert conclut à :
- un déficit fonctionnel temporaire total du 1er septembre 2016 au 26 novembre 2016 et du 20 février 2017 au 11 mars 2017,
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % : du 27 novembre 2016 au 19 février 2017,
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % : du 12 mars 2017 au 31 août 2018, - un arrêt des activités professionnelles du 1er septembre 2016 au 31 août 2018,
- une consolidation au 31 août 2018,
- frais futurs : une cure tous les cinq ans à [Localité 12],
- une incidence professionnelle pour le métier de cuisinier, rendu plus pénible en raison de la chaleur, de la présence de flammes, de la station debout prolongée et des troubles sensitifs des deux mains,
- des souffrances endurées de 5/7,
- un préjudice esthétique temporaire de 5 /7 pendant deux ans,
- un déficit fonctionnel permanent de 25 %,
- un préjudice esthétique permanent de 4,5 /7,
- un préjudice d'agrément pour les sports nécessitant contact et exposition au soleil,
- un préjudice sexuel,
- un besoin d'assistance de tierce personne d'une heure trente minutes par jour du 27 novembre 2016 au 19 février 2017.
Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par M. [B], à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 3] 1986, de son activité de cuisinier et de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
M. [B] était âgé de 30 ans au moment de l'accident et de 32 ans au moment de la consolidation. Il est à ce jour âgé de 36 ans.
Les parties ne contestent pas l'évaluation par le premier juge des postes suivants :
- assistance par tierce personne . 2 295 €
- préjudice esthétique temporaire : 7 000 €.
Préjudices patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Dépenses de santé actuelles 199 947,17 €
Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la CPAM, soit 198 280,95 €.
Au titre des frais divers, M. [B] réclame l'indemnisation de l'achat d'une crème solaire, de frais de pharmacie, de frais d'ostéopathie et de soutien psychologique qui constituent en réalité des dépenses de santé restées à charge :
- crème solaire : le besoin, à raison d'un tube par mois, n'est pas contesté par l'assureur. Avant consolidation, soit du 27 novembre 2016, qui correspond à sa sortie du centre de rééducation, au 10 août 2018 (622 jours), la dépense représente une somme de 208,19 € (13,90/30 x 622 jours), qui sera portée à 278 € afin de ne pas méconnaître les termes du litige. Le surplus de la réclamation à ce titre sera examiné au titre des dépenses de santé futures.
- frais pharmaceutiques : M. [B] réclame une somme de 164,46 € sans préciser à quel traitement elle correspond. Il produit aux débats un ticket de la pharmacie [Localité 13] correspondant à un produit dénommé 'medipatch gel' d'une valeur de 119,20 € accompagné d'une ordonnance du docteur [T] prescrivant le produit. Sur cette ordonnance, le nom du patient n'apparaît pas mais l'assureur ne conteste ni le principe ni le montant de cette dépense engagée le 12 décembre 2016. M. [B] a donc droit à l'indemnisation de cette dépense pharmaceutique. Le surplus des sommes demandées ne peut en revanche être indemnisé, dès lors que M. [B] n'explique pas à quels produits il correspond et ne produit aucune pièce justificative.
Il revient donc à M. [B], au titre des frais pharmaceutiques restés à charge la somme de 119,20 €.
Frais d'ostéopathie et de soutien psychologique : M. [B] produit les factures de Mme [H], ostéopathe, à hauteur de 160 et 100 dollars canadiens réglées les 15 juin et 8 août 2017, soit au total 260 dollars canadiens, un reçu délivré par une association de massothérapeutes et de kinésithérapeutes en date du 19 juillet 2017 pour un montant de 113 dollars canadiens, des reçus du docteur [W], médecin généralistes à hauteur de 160, 100 et 108 dollars canadiens pour des consultations des 15 juin, 8 août et 27 août 2017 soit au total 368 dollars canadiens et divers reçus de thérapeutes et psychologues, à savoir un reçu de Mme [R] pour un montant de 142,57 dollars canadiens, outre sept reçus de Mme [O] datés de juin à septembre 2018, pour un montant total de 880 €.
Au total, la dépense s'élève à 1 923,57 dollars canadiens.
Les sociétés MMA ne contestent ni le principe ni le montant de ces dépenses, qu'elles acceptent d'indemniser à hauteur de la somme retenue par le premier juge.
Le tribunal s'est référé au taux de change du dollar canadien au 31 décembre 2017 et 31 juillet 2018. Les parties ne sollicitent pas le calcul de la dépense actualisée au jour de la cour statue puisqu'elles se référent aux taux de change en 2017 et 2018.
Le document produit par M. [B] qui évoque un taux de change supérieur provient de la Bank of Canada et précise à titre d'avertissement qu'il s'agit d'un taux indicatif à partir de résultats agrégés des moyennes d'estimation de cours provenant d'institutions financières.
Ce document ne saurait être privilégié par préférence à un taux déterminé à partir de données objectives issues de la Banque de France.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge, après conversion selon le taux de change issu des données de la Banque de France, retient une indemnité totale de 1 269,02 €.
Le total des dépenses de santé restées à charge s'élève ainsi à 1 666,22 €.
- Frais divers 4 140,83 €
Ils sont représentés par les honoraires d'assistance à expertise par le docteur [V] [E], médecin conseil. Cette dépense, supportée par la victime, née directement et exclusivement de l'accident, est par là même indemnisable. M. [B] verse aux débats la facture du 10 avril 2019 d'un montant de 1 800 €, qui n'est discutée par l'assureur ni dans son principe ni dans son montant, soit une somme de 1 800 € lui revenant.
M. [B] réclame également l'indemnisation de frais d'hébergement à hauteur de 3 755 €, de frais de transport à hauteur de 1 042,05 € et de frais de vêtements détruits dans l'incendie à hauteur de 413,65 €.
Frais d'hébergement : ils correspondent à des frais engagés lors des cures rendues nécessaires par les brûlures occasionnés dans l'incendie. Les sociétés MMA ne contestent pas le principe de ce besoin. S'agissant du montant à retenir, les seules pièces produites par la victime correspondent à une facture de l'hôtel la chaumière pour un séjour du 4 au 23 mars 2018 pour un montant de 800 €, une facture de location meublée de tourisme du 18 février 2017 au 11 mars 2017 pour un montant de 555 €, soit au total 1 355 €. M. [B] ne détaille pas dans ses écritures le surplus des sommes réclamées à ce titre et ne produit pas de factures permettant de les retenir. C'est donc une somme de 1 355 € qui lui revient à ce titre.
Frais de transport : M. [B] réclame une somme de 1 042,05 € et produit des facturettes dont certaines sont illisibles. Les sociétés MMA ne contestent pas le principe de cette dépense mais demandent à la cour de ne retenir que les factures lisibles soit la somme de 572,18 € retenue par le premier juge. Le tri des factures produites justifie d'écarter les factures illisibles, de même que celles sur lesquelles le montant figure par mention manuscrite ajoutée au document. Au total, les dépenses justifiées s'élèvent à 367,52 €, somme qui sera portée à 572,18 € afin de ne pas méconnaître l'objet du litige, l'assureur concluant à la confirmation de l'indemnité allouée à ce titre par le tribunal.
Frais d'achat de vêtements : il n'est pas contesté que M. [B] a été gravement brûlé dans l'incendie, de sorte que ses vêtements ont nécessairement été dégradés. La dépense revendiquée par M. [B] à ce titre s'élève à 413,65 € et n'est contestée ni dans son principe ni dans son montant par les sociétés MMA, soit un somme de 413,65 € revenant à M. [B] à ce titre.
Au total, les frais divers supportés par M. [B] sont indemnisés à hauteur de 4 140,83 €.
- Perte de gains professionnels actuels 9 600 €
Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique et les répercussions financières du dommage sans la sphère professionnelle. Il doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus, ce qui impose de reconstituer le revenu perçu par la victime avant l'accident puis d'évaluer les pertes par comparaison entre les revenus perçus avant et après le fait dommageable sans se référer à des revenus hypothétiques.
M. [B] sollicite l'indemnisation d'une perte de salaire à hauteur de 2 400 € pendant quatre mois correspondant à un contrat à durée déterminée dont il devait bénéficier entre le 1er décembre 2016 et le 31 mars 2017.
Avant l'incendie, il exerçait la profession de cuisinier en qualité de saisonnier.
L'expert retient un arrêt des activités professionnelles du 1er septembre 2016 au 31 août 2018.
Au jour de l'incendie, soit le 1er septembre 2016, M. [B] ne travaillait pas et ne percevait aucun salaire ou revenu professionnel.
Cependant, au regard des pièces qu'il verse aux débats, il ne peut utilement être soutenu qu'il n'était pas sur le marché du travail.
Il produit en effet un courrier du restaurant la Godille daté du 28 août 2016, soit trois jours avant l'incendie, indiquant que sa candidature a été retenue pour un poste de cuisinier et lui proposant un contrat à durée déterminée assorti d'une rémunération de 2 400 € par mois à compter du 1er décembre 2016 et jusqu'au 31 mars 2017.
Par ailleurs, des autres pièces produites, il résulte qu'il a travaillé pour la SNC maritime Villa holding restaurant villa del Mare à compter du 25 avril 2016 et qu'il y percevait un salaire de 2 545 € en moyenne par mois, (cumul net imposable de 10 181, 71 € au 24 août 2016).
Son curriculum vitae fait état après des études en lycée hôtelier pour un BEP cuisine entre 2003 et 2005 et un bac professionnel cuisine en alternance entre 2005 et 2007, des éléments suivants :
- entre 2007 et 2008 des emplois de commis de cuisine en 2007/2008 à l'hôtel Cap Eden roc à [Localité 5], puis de commis de cuisine à la tour d'argent [Localité 11] et de chef de partie au relais château Mas saint pierre à [Localité 7],
- entre 2008 et 2010 : des emplois de commis de cuisine à l'hôtel Méridien beach plaza de [Localité 9], un emploi de cuisinier au restaurant Le Derby à [Localité 6], un emploi de second de cuisine au restaurant Coté sud à [Localité 10],
- entre 2010 et 2011 un emploi de chef de partie traiteur private Gatering aéroport de [Localité 10],
- entre 2011 et 2012 : un emploi de cuisinier en maison d'hôtes,
- entre 2012 et 2013 : un emploi de chef de partie traiteur private Gatering aéroport de [Localité 10],
- entre 2014 et 2015 : un emploi de chef de cuisine au sein du restaurant les garçons dans le quartier du vieux [Localité 10],
- entre 2015 et 2016 : un emploi de chef de cuisine pour le compte de particuliers.
Au regard de ces éléments, l'absence de contrat de travail effectif au jour de l'accident ne saurait justifier d'exclure toute perte de revenus pendant la période durant laquelle M. [B] n'a pu travailler à cause des blessures que l'incendie lui a causées.
N'étant ni salarié ni indépendant en exercice au moment de l'accident, il n'était pas certain d'être recruté et de percevoir de gains professionnels si l'accident ne s'était pas produit, mais l'existence d'un aléa ne suffit pas pour priver la victime de tout droit à réparation, l'aléa pouvant être pris en compte au titre d'une perte de chance dès lors que celle-ci est sérieuse.
En l'espèce, le courrier du restaurant la Godille en date du 28 août 2016 lui offrait un poste de cuisinier et lui proposaIt un contrat à durée déterminée assorti d'une rémunération de 2 400 € par mois à compter du 1er décembre 2016 et jusqu'au 31 mars 2017.
Cette offre ne correspond pas à un contrat de travail effectif, de sorte que M. [B] n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation de la perte du salaire stipulé dans le courrier. Cependant, elle témoigne d'une opportunité très sérieuse qui ne peut être considérée comme hypothétique dès lors qu'elle n'attendait plus que l'acceptation de l'intéressé dont le profil convenait à cet établissement.
En considération de ces éléments, la perte de chance d'être recruté par cet établissement et de percevoir 2 400 € par mois entre le 1er décembre 2016 et le 31 mars 2017, sera évaluée à 80 %.
L'assiette de la perte s'élève ainsi à 9 600 € indemnisable à hauteur de 7 680 €.
Des indemnités journalières ont été versées sur cette même période du 1er décembre 2016 au 31 mars 2017 à raison de 43,31 € par jour soit 5 240,51 € (43,31 € x 121 jours).
Les indemnités journalières s'imputent sur ce poste de dommage qu'elles ont vocation de réparer.
Cependant, selon l'article L. 376 1 du code de la sécurité sociale et l'article 31 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 dans leur rédaction issue de l'article 25 de la loi n° 2006 1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et que, conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales. Dans ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.
Il résulte de ce mécanisme d'ordre public que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.
Lorsque la victime n'a droit qu'à l'indemnisation partielle de son préjudice, parce qu'il est constitué d'une perte de chance, il convient, en premier lieu, de déterminer le préjudice global subi par la victime, indépendamment des prestations qu'elle a pu percevoir des organismes sociaux, de fixer le montant de l'indemnité mise à la charge du responsable, cette somme devant revenir à la victime lorsque l'addition de l'indemnité mise à la charge du responsable et des prestations servies à la victime par les tiers payeurs est inférieure au montant du préjudice global subi par la victime. Ce n'est que lorsque l'addition du montant des prestations sociales qui lui ont été versées et du montant de la dette due par le responsable est supérieure à son préjudice que l'organisme social peut exercer un recours.
En l'espèce, le préjudice global indépendamment des prestations des organismes sociaux s'élève à 9 600 €.
Le montant de l'indemnité mise à la charge du responsable s'élève à 7 680 €.
M. [B] a reçu du tiers payeur au titre de son indemnisation la somme de 5 250,41 €.
En application de son droit de préférence, il lui revient la somme de 4 349,59 € et il revient au tiers payeur la somme de 3 330,41€.
Préjudices patrimoniaux
permanents (après consolidation)
- Dépenses de santé futures 7 636,09 €
Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.
En l'espèce, il est constitué des dépenses à engager au titre de l'achat d'une crème jugée indispensable au regard de l'état de l'épiderme de M. [B] et de la nécessité d'assurer une protection solaire continue.
Les parties s'accordent sur la dépense, à savoir un tube de crème par mois à raison de 13,90 € l'unité.
La dépense engagée depuis la consolidation jusqu'à ce jour, soit 1 791 jours s'élève à 829, 82 € (13,90/30 x 1 791 jours).
Pour le futur, l'évaluation du dommage devant être faite au jour où la cour statue, il sera fait application du barème de capitalisation publié à la gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,3 %, qui, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles, est le plus adapté pour assurer les modalités de cette réparation.
La dépense annuelle s'élève à 166,80 €, ce qui représente une indemnité de 6 806,27 (166,80 x 40,805 correspondant à un homme âgé de 36 ans lors de la liquidation.
Le total des dépenses de santé futures représente une somme de 7 636,09 € revenant à M. [B].
- Perte de gains professionnels futurs 731 381, 69 €
Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.
La fixation de la perte de gains professionnels futurs suppose d'évaluer les pertes annuelles par comparaison entre les revenus perçus avant et ceux qui ont ou auraient dû l'être après le fait dommageable, sans se référer à des revenus hypothétiques, de déterminer les pertes éprouvées entre la consolidation et la décision en multipliant les pertes annuelles par le nombre d'années écoulées, ces pertes donnant lieu à un versement en capital, puis de déterminer les pertes qui seront éprouvées à compter de la décision jusqu'à la retraite ou de manière viagère, en multipliant les pertes annuelles de revenus par l'euro de rente d'un barème de capitalisation choisi, correspondant au sexe et à l'âge de la victime au jour de la décision et à l'âge auquel elle aurait pu prendre sa retraite ou de manière viagère.
En l'espèce, la situation professionnelle de M. [B] a été rappelée dans le cadre de l'analyse de la perte de gains professionnels actuels. Cuisinier, il était formellement sans emploi au moment de l'incendie mais s'était vu proposer un contrat saisonnier du 1er décembre 2016 au 31 mars 2017 pour un salaire mensuel de 2 400 €.
L'expert retient une incidence professionnelle pour le métier de cuisinier, rendu plus pénible en raison de la chaleur et de la présence de flammes ainsi que d'une station debout prolongée et de troubles sensitifs aux deux mains.
Il ne conclut, en revanche, à aucune impossibilité à exercer cette profession, raison pour laquelle les sociétés MMA estiment que M. [B] ne démontre pas ne plus être en mesure de travailler dans ce secteur afin de percevoir des gains équivalents à ceux perçus avant l'incendie.
Cependant, des lésions que l'incendie lui a causées, M. [B] conserve des limitations fonctionnelles de la main droite, des cicatrices de brûlures intéressant le torse, les deux membres supérieurs et inférieurs, une cicatrice de trachéotomie et une anxiété résiduelle.
L'environnement de travail d'un cuisinier implique une dextérité manuelle pour préparer et réaliser des plats mais également pour éviter les blessures qui ne constituent pas un risque purement théorique compte tenu de la manipulation récurrente d'objets tranchants.
Cet environnement expose ceux qui y travaillent à la chaleur et il implique une station debout prolongée.
Le médecin expert, sans contester la réalité de ces contraintes, estime que M. [B] peut malgré tout continuer à travailler en qualité de cuisinier. Cette appréciation procède d'un raisonnement purement médical et fonctionnel. Or, les facteurs de pénibilité décrit par l'expert (chaleur, station debout et risque de blessures) sont tels en l'espèce qu'en pratique la pénibilité ressentie dépasse la mesure de l'intérêt que ce métier est susceptible de lui procurer et surtout, entraîne une perte de chance significative d'être recruté sur un poste de cuisinier.
Les contraintes décrites aboutissent ainsi de facto à un véritable handicap susceptible d'entamer son efficacité et partant son employabilité dans ce secteur.
Dès lors que M. [B] était formé et diplômé dans le secteur de la cuisine et de la restauration et qu'il a toujours travaillé dans celui-ci depuis la fin de ses études, l'incendie, en lui laissant des séquelles de facto incompatibles avec un carrière de cuisinier, lui a fait perdre une chance sérieuse de percevoir les gains qu'il aurait pu se procurer nonobstant le fait dommageable.
En revanche, il conserve un espoir résiduel d'être embauché comme cuisinier et est, en tout état de cause, en mesure d'occuper un poste sédentaire même s'il n'a aucune expérience dans ce domaine. Cette capacité de travail résiduelle ne peut être ignorée, ce d'autant qu'il est encore jeune et peut accéder à des formations aux fins de reclassement professionnel.
La cour estime, au vu des éléments produits, que la perte de chance de percevoir des gains équivalents à ceux perçus avant le fait dommageable, doit être évaluée à 50 %.
Le salaire à prendre en considération pour le calcul de la perte ne peut être évalué en se référant au salaire d'un autre personne dont l'histoire professionnelle n'est pas strictement identique. La perspective évoquée par M. [M] dans son attestation, à savoir que M. [B] avait vocation à prendre sa place de chef de cuisine, est affectée de trop d'incertitude pour qu'il soit considéré comme acquis que M. [B] allait nécessairement être recruté sur un tel poste.
L'évaluation du préjudice professionnel d'une victime qui, au jour de l'accident, est momentanément sans emploi sans pour autant avoir quitté le monde du travail, repose nécessairement sur une projection des revenus qu'elle pouvait raisonnablement espérer en l'absence d'accident.
En l'espèce, M. [B] disposait d'une offre de contrat de travail pour un salaire de 2 400 € par mois et il doit être considéré que c'est le revenu qu'un employeur était prêt à lui offrir compte tenu de son profil, de sa qualification et de son expérience professionnelle.
Avant l'accident, il percevait un revenu annuel moyen de 17 771 € (moyenne des revenus perçus en 2014, 2015 et 2016), soit 1 480 € par mois.
La réparation du préjudice devant être intégrale, il n'existe aucune raison de la limiter à l'extrémité basse des revenus perçus avant l'accident alors qu'il pouvait sérieusement espérer basculer sur des postes mieux rémunérés, tel celui qui lui était proposé.
Au regard de ses éléments, il convient de calculer le revenu de référence en prenant en considération la moyenne du revenu perçu avant et de celle du revenu qui s'annonçait, soit 1 940 € par mois.
Entre le 10 août 2018 et le 6 juillet 2023, M. [B] aurait dû percevoir 115 818 € (1 940 €/30 x 1 791 jours).
Pour le futur, l'évaluation du dommage devant être faite au jour où la cour statue, il sera fait application du barème de capitalisation publié à la gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,3 %, qui, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles, est le plus adapté pour assurer les modalités de cette réparation.
La perte annuelle s'élève à 23 280 €, ce qui représente une indemnité de 616 826,88 € (23 280 x 26,496 correspondant à l'indice de rente temporaire jusqu'à 65 ans d'un homme âgé de 36 ans lors de la liquidation, tel que demandé par M. [B]).
Au total, l'assiette de la perte est de 732 644,88 € dont il convient de déduire les revenus que M. [B] a perçus, soit, depuis la consolidation, une somme de 1 819 dollars canadiens en 2018, ce qui représente, au taux de change au jour de la présente décision une somme de 1 263,19 €.
Au cours des années qui ont suivi, il n'a perçu aucun revenu ainsi qu'en témoignent ses avis d'impôt.
La perte s'élève donc à 731 381,69 €, indemnisable à hauteur de 50 %, soit une somme de 365 690,84 €.
Aucune rente invalidité susceptible d s'imputer sur ce poste n'a été attribuée à M. [B] par la CPAM, de sorte que la somme lui revient en totalité.
- Incidence professionnelle 80 000 €
Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser, non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de la perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe en raison du dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance du handicap.
L'expert retient une pénibilité d'exercice de la profession de cuisinier, et pour cause puisque M. [B] souffre de limitations fonctionnelles de la main droite, de cicatrices de brûlures intéressant le torse, les deux membres supérieurs et inférieurs, d'une cicatrice de trachéotomie et d'une anxiété résiduelle et que de telles séquelles sont de nature à rendre très pénible l'exercice d'une profession qui implique de supporter la chaleur des cuisines et une station debout quasi continuelle, de se servir de sa main dominante avec dextérité et de travailler à un rythme et des horaires éprouvants.
M. [B] réclame l'indemnisation de la nécessité dans laquelle il se trouve d'opérer une reconversion, d'une dévalorisation sur le marché du travail et d'une pénibilité d'exécution des tâches professionnelles.
Sur le premier point, dès lors qu'il n'est pas définitivement et totalement inapte à la profession qu'il exerçait avant l'accident, M. [B] ne peut solliciter l'indemnisation d'une nécessité de se reconvertir, ce même si ses chances de retrouver un emploi de cuisinier sont faibles.
En revanche, la pénibilité résultant des séquelles est majeure et M. [B] se retrouve désormais très dévalorisé sur le marché de l'emploi.
En effet, la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel, les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques sont chiffrées à 25 %.
L'évaluation du poste incidence professionnelle implique de prendre en considération la catégorie d'emploi exercée (manuel, sédentaire, fonctionnaire etc.), la nature et l'ampleur de l'incidence (interdiction de port de charge, station debout prohibée, difficultés de déplacement, pénibilité, fatigabilité etc.), les perspectives professionnelles et l'âge de la victime (durée de l'incidence professionnelle).
M. [B] va rencontrer des difficultés à être recruté sur tous les postes nécessitant une station debout prolongée, l'usage du membre supérieur droit et/ou un travail en extérieur.
Il était âgé de 32 ans au jour de la consolidation, de sorte qu'il avait, à cette date, la plus grande partie de sa carrière professionnelle devant lui.
Il n'a aucun diplôme lui permettant de mieux se valoriser sur le marché du travail puisque les métiers correspondant aux diplômes dont il est titulaire impliquent une station debout prolongée.
Il va donc subir de plein fouet les conséquences dommageables de l'accident qui auront pour lui des répercussions plus importantes que pour une victime mieux armée, par des diplômes ou un parcours personnel antérieur étayant, pour rebondir.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient d'évaluer l'incidence professionnelle, à la somme de 80 000 €.
Préjudices extra-patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Déficit fonctionnel temporaire 7 668 €
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.
Il doit être réparé sur la base de 27 € par jour, soit environ 810 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :
- un déficit fonctionnel temporaire total du 1er septembre 2016 au 26 novembre 2016 et du 20 février 2017 au 11 mars 2017 : 2 889 €
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % : du 27 novembre 2016 au 19 février 2017 : 1 147,50 €
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % : du 12 mars 2017 au 31 août 2018 : 3 631,50 €
et au total la somme de 7 668 €.
- Souffrances endurées 35 000 €
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des interventions chirurgicales, des hospitalisations, des pansements sous anesthésie générale, de la rééducation fonctionnelle ; des difficultés de réadaptation ainsi que de la souffrance physique générée par ces situations ; évalué à 5/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 35 000 €.
Préjudices extra-patrimoniaux
permanents (après consolidation)
- Déficit fonctionnel permanent 70 000 €
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.
Il est caractérisé par des limitations fonctionnelles de la main droite, des cicatrices de brûlures intéressant le torse, les deux membres supérieurs et inférieurs, une cicatrice de trachéotomie et une anxiété résiduelle, ce qui conduit à un taux de 25 % justifiant une indemnité de 70 000 € pour un homme âgé de 32 ans à la consolidation.
- Préjudice esthétique 25 000 €
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.
Évalué à 4,5 /7 au titre de l'ensemble des cicatrices et déformations relevées lors de l'examen somatique par l'expert, il doit être indemnisé à hauteur de 25 000 €.
- Préjudice d'agrément 12 000 €
Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.
L'expert retient un préjudice d'agrément pour les sports nécessitant contact et exposition au soleil.
Le préjudice d'agrément n'indemnise que la privation ou la gêne ressentie à la pratique des activités spécifiques qui étaient exercées avant l'accident
Aller à la plage et se baigner constituent un plaisir de la vie dont la privation est indemnisée avant consolidation au titre du déficit fonctionnel temporaire et après consolidation au titre du déficit fonctionnel permanent
En revanche, M. [A] [C] atteste que M. [B] pratiquait la plongée et des activités aquatiques, Mme [S] [Y] qu'elle allait régulièrement à la piscine et à la pêche avec lui, ce qui est également confirmé par M. [A] [F]. Son père, M. [U] [B] atteste que depuis six ans, ils se rendaient en hiver à [Localité 8] pratiquer des activités de plein air, dont le ski, le snowboard, le patinage et qu'en été, ils pêchaient ensemble.
Compte tenu de l'état de son épiderme et de la nécessité d'une très grande vigilance lors de toute exposition au soleil, le préjudice d'agrément de M. [B] doit être considéré comme important.
Tenant compte de son âge à la consolidation, alors qu'il justifie devoir renoncer sinon à la pratique de ces activités, en tous cas à la pratique de celles-ci dans les conditions antérieures à l'incendie, l'octroi d'une indemnité de 12 000 € est justifiée.
Récapitulatif :
postes
préjudice total
dette d'indemnisation
part victime
part CPAM
dépenses de santé actuelles
199 947,17 €
199 947,17 €
1 666,22 €
198 280,95 €
frais divers
4 140,83 €
4 140,83 €
4 140,83 €
-
tierce personne
2 295 €
2 295 €
2 295 €
-
perte de gains professionnels actuels
9 600 €
7 680 €
4 349,59 €
3 330,41 €
dépenses de santé futures
7 636,09 €
7 636,09 €
7 636,09 €
-
perte de gains professionnels futurs
731 381,69 €
365 690,84 €
365 690, 84 €
-
incidence professionnelle
80 000 €
80 000 €
80 000 €
-
déficit fonctionnel temporaire
7 668 €
7 668 €
7 668 €
-
souffrances endurées
35 000 €
35 000 €
35 000 €
-
préjudice esthétique temporaire
7 000 €
7 000 €
7 000 €
-
déficit fonctionnel permanent
70 000 €
70 000 €
70 000 €
-
préjudice esthétique permanent
25 000 €
25 000 €
25 000 €
-
préjudice d'agrément
12 000 €
12 000 €
12 000 €
-
Total
1 184 668,78 €
817 057,93 €
615 446,57 €
201 611,36 €
Le préjudice corporel global subi par M. [B] s'établit ainsi à la somme de 1 184 668,78 € indemnisable à hauteur de 817 057,93 €soit, après imputation des débours de la CPAM (201 611,36 €), une somme de 615 446,57 € lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 22 juin 2021 à hauteur de 251 126 € et du prononcé du présent arrêt soit le 6 juillet 2023 pour le surplus des sommes dues.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles alloués à la victime sont confirmées.
Les sociétés MMA, qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation, supporteront la charge des entiers dépens d'appel.
L'équité justifie d'allouer à M. [B] une indemnité de 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
Par ces motifs
La Cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement en ce qu'il a évalué le préjudice corporel de M. [P] [B] à la somme de 296 126 € et condamné les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à lui payer 251 126 € en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la provision ;
Le confirme pour le surplus des dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Condamne les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à payer à M. [P] [B], en réparation de ses préjudices, les sommes suivantes :
- 1 666,22 € au titre des dépenses de santé actuelles
- 4 140,83 € au titre des frais divers
- 2 295 € au titre de l'assistance par tierce personne
- 4 349,59 € au titre de la perte de gains professionnels actuels
- 7 636,09 € au titre des dépenses de santé futures
- 365 690,84 € au titre de la perte de gains professionnels futurs
- 80 000 € au titre de l'incidence professionnelle
- 7 668 € au titre de la perte de gains professionnels actuels
- 35 000 € au titre des souffrances endurées
- 70 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent
- 25 000 € au titre du préjudice esthétique permanent
- 12 000 € au titre du préjudice d'agrément,
le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2021 à hauteur de 251 126 € et du 6 juillet 2023 pour le surplus des sommes dues ;
- une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
Condamne les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT