COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 06 JUILLET 2023
N°2023/136
Rôle N° RG 19/04644 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7N4
[B] [T]
[F] [O] épouse [T]
[C] [T]
C/
[U] [T]
[H] [T]
[V] [T]
SARL [T] FRERES (SARL)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Romain CHERFILS
Me Lionel ESCOFFIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 04 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2017/05483.
APPELANTS
Monsieur [B] [T] décédé le [Date décès 10] 2022
né le [Date naissance 3] 1929 à [Localité 13] (83), demeurant [Adresse 9]
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [F] [O] épouse [T], prise à titre personnel et en qualité d'héritière de M. [B] [T], décédé le [Date décès 10] 2022
née le [Date naissance 7] 1955 à [Localité 15] (64), demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Myriam DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE
Madame [C] [T], prise à titre personnel et en qualité d'héritière de M. [B] [T], décédé le [Date décès 10] 2022
née le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 12] (83), demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Myriam DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [U] [T]
né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 11] (83), demeurant [Adresse 8]
représenté et assisté de Me Lionel ESCOFFIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur [H] [T]
né le [Date naissance 6] 1961 à [Localité 16] (83), demeurant [Adresse 14]
représenté et assisté de Me Lionel ESCOFFIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur [V] [T]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 11] (83), demeurant [Adresse 4]
représenté et assisté de Me Lionel ESCOFFIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
SARL [T] FRERES, prise en la personne de son représetant légal en exercice dont le siège est [Adresse 17]
représentée et assistée de Me Lionel ESCOFFIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,
et Madame Françoise FILLIOUX, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, magistrat rapporteur
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :
La société [T] Frères, immatriculée depuis le 28 septembre 1976 et qui a pour objet social la location d'entrepôts et plates formes de distribution, a été constituée par trois frères : [B], [M] et [L] [T] qui détenait chacun 70 parts pour un total de 210 parts.
Elle a été ensuite constituée de 7 associés respectivement propriétaires des parts sociales suivantes :
[L] [T] : 15 parts,
[M] [T] 24 parts,
[B] [T] : 44 parts,
[H] [T] : 55 parts,
[U] [T] : 24 parts,
[C] [T] 12 parts,
[V] [T] 22 parts
[F] [T] 14 parts.
Chacun des frères a été gérant de la société à son tour, Monsieur [B] [T] a démissionné de ses fonctions de gérant le 31 octobre 1994, Monsieur [M] [T] en 2008 et Monsieur [U] [T] est devenu gérant à son tour le 25 juillet 2008.
En 2009, Monsieur [U] [T] est devenu également directeur commercial salarié de la société et a embauché Monsieur [H] [T] en qualité de directeur technique.
Par ordonnance de référé du 20 juillet 2015, le président du tribunal de commerce de Fréjus, saisi par Monsieur [B] [T], et Mesdames [C] [T] et [F] [T] respectivement la fille et l'épouse de Monsieur [B] [T], a désigné un expert avec pour mission de vérifier les conditions d'exécution du contrat de travail de Monsieur [U] [T] et les raisons des augmentations de salaires octroyées à son bénéfice et celui de Monsieur [H] [T] et procéder à la vérification des comptes de la société.
Monsieur [J], expert désigné par la juridiction de référé, a déposé son rapport le 9 juin 2017.
Par acte d'huissier du 13 octobre 2017, Monsieur [B] [T] et Mesdames [C] et [F] [T] ont fait citer devant le tribunal de commerce de Fréjus Messieurs [U], [H] et [V] [T] afin de voir révoquer Monsieur [U] [T] de sa fonction de gérant, dire que sa responsabilité de gérant est engagée en raison de ses fautes de gestion et dire que Messieurs [H], [U] et [V] [T] ont commis un abus de majorité et de les condamner au paiement d'une somme de 10 000euros à chacun des demandeurs à ce titre et désigner un expert afin de voir chiffrer le préjudice subi par la société [T] Frères en raison du comportement de Messieurs [U], [H] et [V] [T].
Par jugement du 4 mars 2019, le tribunal de commerce de Fréjus a débouté Monsieur [B] [T] et Mesdames [C] et [F] [T] de leurs demandes et les a condamnés solidairement à verser aux défendeurs la somme de 1 500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a retenu que l'expert judiciaire a estimé fondé et justifié les augmentations de salaires obtenues par Messieurs [U] et [H] [T] et qu'aucune cause ne justifie sa révocation, qu'elle n'a relevé aucune erreur de gestion de nature à engager la responsabilité personnelle du mis en cause alors qu'entre 2011 et 2015, des dividendes d'un montant de 126 000euros à 168 000euros ont été distribués selon décisions prises en assemblée générale, qu'il n'y a pas eu d'abus de majorité.
Le 20 mars 2019 Mesdames [C] et [F] [T] et Monsieur [B] [T] ont interjeté appel de cette décision.
Monsieur [B] [T] est décédé le [Date décès 10] 2022.
Par conclusions déposées et notifiées le 3 avril 2023, Mesdames [F] et [C] [T] demandent à la cour de :
Vu les articles L. 223-25 et L 223-23 du Code de Commerce,
Vu l'article 1833 du Code Civil
Vu les articles L 235-1 et L 235-9 du Code de Commerce
Vu les fautes commises par Monsieur [U] [T] dans l'exercice de sa gestion
Vu le préjudice subi par la société [T] Frères,
REFORMER purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Fréjus en ce qu'il a débouté les consorts [T] de toutes leurs demandes fins et
conclusions,
DIRE ET JUGER qu'il existe une cause légitime à la révocation du gérant,
RÉVOQUER Monsieur [U] [T] de ses fonctions de gérant à compter de la décision à intervenir,
DIRE ET JUGER que la responsabilité civile personnelle du gérant se trouve engagée du fait de ses fautes de gestion,
DIRE ET JUGER que Messieurs [U], [V] et [H] [T] ont commis un abus de majorité,
CONDAMNER Messieurs [U], [V] et [H] [T] à régler à Madame [F]
[T] et Madame [C] [T], en leur qualité d'héritières, au titre de cet abus de majorité une somme de 10 000 € chacun,
DESIGNER tel expert qu'il plaira précis au tribunal de désigner avec mission de chiffrer le préjudice subi par la société [T] FRÈRES et consécutivement les consorts [T],
CONDAMNER Monsieur [U] [T] au paiement des frais d'expertise exposés
préalablement par les consorts [T],
CONDAMNER Monsieur [U] [T] à payer aux consorts [T] la somme d'un montant de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'art. 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, Membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocat associé, aux offres de droit.
Elles soutiennent que l'expert a relevé de graves anomalies de gestion et des fautes commises par Monsieur [U] [T], notamment concernant le contrat de travail accordé à Monsieur [H] [T] (pas signé, qualification du poste vague, une augmentation de 25% ) et le contrat de location dont a bénéficié Madame [D] [T] (loyer faible, pas de dépôt de garantie, pas de prise en charge par la locataire de la taxe foncière) et que de surcroît, le poste carburant de la société est anormalement élevé ainsi que le nombre de carte SIM prises en charge par la société, démontrant un usage personnel.
Elles font valoir que Monsieur [U] [T] est domicilié en Guadeloupe et travaille pour un studio de danse, qu'il ne justifie pas de fonctions distinctes de celles de gérant pas plus que d'un lien de subordination justifiant son contrat de travail.
Elles soulignent que les rémunérations de Messieurs [H] et [U] ont cru de 320% en 10 ans, les intéressés bénéficiant d'une majorité lors des AG alors que la gestion des locaux est confiée à un tiers.
Elles ajoutent que Monsieur [U] [T] effectue des dépenses inutiles pour la société, tel l'achat d'un aspirateur ou un cumulus voir un groupe électrogène ou d'une voiture, que ces fautes doivent entraîner sa révocation et que des abus de majorité ont été commis, notamment en refusant une distribution de dividendes et en fixant des rémunérations abusives.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par la partie.
Les consorts [T] régulièrement constitués n'ont pas déposé de conclusions en temps utile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 avril 2023.
MOTIFS :
Sur la révocation du gérant :
Selon les dispositions de l'article L223-25 du code de commerce : 'Le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts. En outre, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé...'
La cause légitime de révocation s'entend de fautes du gérant ou d'agissements même non fautifs mais contraires à l'intérêt social, l'existence d'une telle cause suffit en soi à justifier la révocation du gérant, sans que la faute qui lui est reprochée ait le caractère d'une faute intentionnelle particulièrement grave incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
En revanche, un conflit entre associé, qui n'affecte pas de manière significative la situation de la société, ne peut fonder une révocation judiciaire.
Les appelantes reprochent à Monsieur [U] [T] la conclusion d'un contrat de travail à son profit et un au profit de Monsieur [T] [H], la conclusion d'un contrat de location avec madame [D] [T] dans des conditions anormalement avantageuses et l'existence de dépenses excessives ou injustifiées.
Sur la conclusion d'un contrat de travail à son profit :
Monsieur [U] [T] a été nommé gérant de la SARL [T] Frères lors de l'assemblée générale du 8 juillet 2008 et a été engagé en qualité de directeur commercial par contrat de travail à temps partiel à durée indéterminée le 16 février 2009, approuvé par assemblée générale du 27 février 2009.
Monsieur [J], expert judiciaire dans son rapport déposé le 9 juin 2017, indique qu'au vu du nombre de locations à gérer qui a augmenté de 12 à 20 en 2010 à 25 en 2015 pour un chiffre d'affaires de 650 000euros en 2012 et en 2013, ce qui a généré un accroissement certain de la charge de travail indépendante de la charge de la gestion de la société et au vu du lien de subordination existant avec l'assemblée générale des associés, le travail de salarié de Monsieur [T] [U] est distinct de sa fonction de gérant et son contrat à ce titre justifié.
Mesdames [T] soutiennent que Monsieur [U] [T], qui demeure en Guadeloupe et travaille pour un studio de danse ainsi que cela résulterait de la consultation d'une page Facebook, ne justifierait pas de l'existence d'un lien de subordination, critère indispensable pour caractériser un contrat de travail.
Toutefois, la page d'un site internet ,dont les auteurs sont inconnus de la juridiction, est sujette à caution tant il est aisé d'y tenir des propos invérifiables et est donc insuffisante pour convaincre de la réalité des affirmations des appelantes sur la domiciliation exacte de Monsieur [T].
L'existence d'un contrat de travail suppose l'existence d'un lien de subordination entre l'employeur et le salarié. Concernant le gérant d'une SARL bénéficiant d'un contrat de travail, il convient de démontrer qu'il agit sous les ordres de la société.
Or en l'espèce, il est établi que Monsieur [T] soumet le résultat de ses activités en qualité de directeur commercial aux associés lors des assemblées générales annuelles, qui exercent alors leur autorité sur lui. Contrairement aux dires des appelantes, les pouvoirs conférés au mandataire ne sont pas incompatibles avec la fonction de salarié subordonné et elles ne justifient nullement de pouvoirs étendus accordés à Monsieur [T] dans l'exercice de ses fonctions lui permettant d'échapper à toute subordination.
Sur l'augmentation et la fixation de sa rémunération :
Mesdames [T] reprochent au gérant des augmentations injustifiées de son salaire ainsi que de celui de Monsieur [H] [T] qui auraient cru en 10 ans de 320% alors que la gestion des biens immobiliers a été confiée à un tiers extérieur, la société YXIME, filiale du groupe Duval.
Monsieur [J] souligne que la charge de la rémunération de Monsieur [T] pour la société s'est élevé en moyenne entre 2010 et 2014 à 25 717euros, et que même à considérer que Monsieur [T] ne consacre que 70% de son temps aux tâches propres à son contrat de travail, le recours à une société extérieure pour gérer les biens immobiliers entraînerait au vu de chiffre d'affaire de 590 000euros annuel et au taux de 6 à 8% retenu par les sociétés de gestion, un coût supérieur au salaire annuel de Monsieur [T] qui ne peut être dès lors qualifié d'excessif
Concernant les augmentations, Monsieur [J] a relevé après examen de la déclaration automatisée des données sociales unifiées, que de 2012 à 2014, la rémunération de Monsieur [U] [T] est passée de 18 209euros annuel à 21 414euros en 2014 soit une augmentation de 3 205euros par an, c'est à dire 17,60% par an ce qui est plus élevé que la hausse moyenne des salaires en France mais ne revêt aucun caractère fautif, eu égard à l'augmentation du nombre de location passé de 12 en 2008 à 25 en 2013 puis 22 en 2014.
Mesdames [T] font état de l'intervention d'une société YXIME assurant la gestion des locations dont la preuve n'est pas rapportée, la seule ligne du grand livre pour l'exercice 2020 mentionnant une facture de 901,14euros payée par la SARL à une société YXIME Duval étant insuffisante à l'établir et ce d'autant que Monsieur [J] en réponse aux dires des parties, affirme qu'il n'y a pas d'externalisation pour les locations en septembre 2015.
Sur le contrat de travail de Monsieur [H] [T] :
Les appelantes indiquent que le contrat de travail de Monsieur [H] [T] ne comporte aucune signature des parties et aucune définition de ses fonctions ni aucun horaire de travail laissant supposer qu'il revêt un caractère fictif.
Monsieur [J] constate que le contrat de travail de Monsieur [H] [T] daté du 16 février 2009 ne comporte pas de signature et que le poste d'assistant de direction lui paraît 'vague'.
Toutefois, ce contrat de travail a été approuvé en assemblée générale et nonobstant l'absence de signature, ni l'employeur ni le salarié n'ont jamais contesté la valeur de l'engagement contractuel réciproque. L'emploi d'assistant de direction consiste à aider le gérant dans la gestion et l'organisation, notamment en le déchargeant des tâches administratives et en intervenant en son nom auprès de divers interlocuteurs. Le qualificatif de 'flou' retenu par l'expert ne permet nullement de remettre en question la réalité de ce métier et des tâches accomplies par Monsieur [H] [T]. La rémunération annuelle moyenne de 18 369euros brut n'est pas excessive au regard de l'importance du poste.
Contrairement aux dires des appelantes, le contrat de travail du 16 février 2009 comporte des horaires de travail précis.
Le 2 janvier 2014, Monsieur [H] [T] a bénéficié d'une augmentation de salaire qui a été doublé, sans que l'avenant du 2 janvier 2014 ne précise de nouveaux horaires de travail alors que selon les dires devant l'expert cette augmentation correspond à son passage à temps plein, sans que ses nouveaux horaires de travail ne fassent l'objet d'un document écrit.
Ses bulletins de salaire en 2013 et 2014 mentionnent un poste de 'responsable technique' emploi sans rapport avec celui d'assistant de direction pour lequel il a été embauché.
Ces seules erreurs qui sont la preuve d'une gestion administrative laxiste et confuse sont insuffisantes pour constituer une cause légitime de révocation du gérant puisqu'elles sont en préjudice pour la société, l'absence d'un contrat de travail fictif de la part de Monsieur [H] [T] n'étant pas rapportée.
Sur le contrat de bail conclu avec Madame [D] [T] :
Mesdames [T] soutiennent que Monsieur [U] [T] a consenti à son épouse un loyer inférieur aux prix habituellement pratiqués et que le bail contient des clauses anormalement avantageuses pour son épouse, à savoir l'absence de prise en charge de la taxe foncière par la locataire et l'absence de versement d'un dépôt de garantie lors de l'entrée dans les lieux.
Elles admettent que l'absence de dépôt de garantie n'a pas d'impact sur les bénéfices de la SARL [T], mais en revanche font valoir que la prise en charge de la taxe foncière par la société constitue une charge supplémentaire de nature à réduire les bénéfices.
Le bail souscrit le 31 août 2010 au profit de Madame [D] [T] concerne la location d'une surface de 180m² pour une durée de 9 ans pour un prix de 7 200euros HT, soit 40euros le m², ce prix étant, ainsi que le relève Monsieur [J], un des plus faibles des baux consentis par la SARL [T].
Toutefois, le bail consenti à la société SMDE pour une surface similaire au prix de 120euros le m² concerne des bureaux alors que celui de Madame [T] ne vise qu''une surface brute d'activité à agencer et à aménager entièrement ' sachant que la locataire s'est engagée à opérer tous les travaux intérieurs pour rendre les lieux conformes à leur destination. Les baux consentis à la société Station Sud et Exapacq qui concernent également du bâti commercial ou industriel se situe entre 20 et 26euros le m², sachant que le prix du bail commercial dépend également de la date de signature du contrat et qu'il conviendrait pour mener une étude exhaustive et pertinente d'actualiser les loyers en fonction de la date de conclusion du bail.
Si les baux conclus le 1er juin 2013 avec la société CCTL du Var Est, le 24 mai 2011 avec la société Agilis et le 1er août 2010 avec la société SMDE comportent une clause expresse mettant à la charge du locataire la taxe foncière, tel n'est pas le cas des baux conclus avec la société Station sud le 2 mai 2010, avec la société Green Frets le 1er avril 2014, avec la société CTSE le 1er septembre 2006, avec la société Source de fruits le 29 janvier 1999, avec la société Exapacq le 1er mars 1998 et avec la société Litier Vosgien le 1 juillet 2013.
De sorte que l'absence de clause de mise à la charge de la taxe foncière dans le bail souscrit avec Madame [T] ne peut constituer une cause de révocation.
Le fait de ne pas avoir soumis à l'accord des associés, la convention souscrite avec Madame [T] son épouse en lui accordant le droit de déroger au versement d'un dépôt de garantie ne constitue pas non plus une cause légitime de révocation.
Sur les dépenses anormalement élevées de carburant et de téléphonie :
L'expert relève que le poste carburant s'est élevé en 2012 à 3 188euros, en 2013 à 4 324euros et en 2014 à 3572euros soit un coût moyen de 3 684euros qui a permis de parcourir en retenant une consommation de 10litres /100, environ 36 684km par an avec le seul véhicule que possède la société. L'expert mentionne que la SARL [T] affirme utiliser également un chariot élévateur ainsi que du matériel d'entretien et de nettoyage qui fonctionnent à l'essence de nature à impacter les dépenses à ce titre.
Toutefois, il convient de relever que la société n'emploie aucun autre salarié au service commercial, de sorte que Monsieur [U] [T] accompli l'ensemble des tâches inhérentes à ce service sur la totalité du territoire national. La consommation relevée n'est dés lors pas excessive au regard de l'étendue du secteur de son intervention. Le choix d'une grande mobilité du service commercial correspond à un choix de gestion qui ne peut être reproché au gérant.
L'expert retient que le poste 'frais de téléphone' s'est élevé en 2012 à 14 890euros, en 2013 à 4 651euros et en 2014 à 4 384euros, a conclu que la société [T] prenait en 2014 en charge 10 cartes SIM pour un montant mensuel de 438,39euros TTC, mais retient également que les intimés contestent cette analyse en expliquant que les factures analysées reprennent des lignes téléphoniques en mêlant des numéros de téléphones fixes, des mobiles, des sites internet et des box de sorte que l'analyse des factures ne peut permettre de retenir la possession de 10 cartes de SIM.
Même à considérer que le coût annuel de la facture de téléphonie de 5 260euros est excessif pour une entreprise qui emploie deux salariés et qu'une gestion plus appropriée devrait permettre d'en réduire le coût, il n'est nullement établi que Monsieur [T] [U] possède 10 cartes SIM et que ce surcoût profite à sa famille.
Sur les dépenses inutiles :
Les appelantes exposent que la SARL [T] a fait l'acquisition d'un aspirateur coûteux, d'un cumulus et d'un groupe électrogène.
Il n'est néanmoins apporter aux débats aucun élément probant permettant de justifier de la réalité de ces acquisitions.
Sur le paiement de la facture SPID :
Le 23 décembre 2014, la SARL [T] a payé à la société SPID Expertise, une facture d'un montant de 4 900euros HT qui correspond à des honoraires d'estimation des actifs immobiliers de la société dans le cadre d'une éventuelle cession.
L'expert estime que l'évaluation des biens immobiliers détenus par la SARL est une donnée financière importante qui entre dans la gestion de la société et que le paiement de cette facture ne peut être considérée comme fautive.
Cette position est contestée par les appelantes qui font état de deux expertises, l'une du 24 octobre 2014 pour un montant de 5 880euros TTC payée le 23 décembre 2014 concernant l'évaluation des parts de Monsieur [L] [T] suite à son décès en 2014 et une seconde en décembre 2015 relative à l'évaluation des biens immobiliers et que l'expert aurait été trompé.
Toutefois, l'expert a constaté que la société SPID expertise est intervenue selon un ordre de mission date du 23 octobre 2014 pour un prix de 4 900euros HT soit 5 880euros TTC dans le cadre d'une 'estimation immobilière de l'ensemble des bâtiments en vue d'une éventuelle cession à la société Tenbar '. Les appelantes considèrent que le document soumis à l'expert résulte d'un montage opéré par le gérant.
Toutefois, la facture établie le 23 décembre 2014 produit par les appelantes pour une somme de 5 880euros fait référence à la mission du 23 octobre 2014 concernant l'évaluation, non pas de parts sociales, mais de biens immobiliers, la facture mentionnant que cette évaluation intervenait dans le cadre d'une cession envisagée. Aucune facture établie en 2015 n'est produite aux débats.
Il n'existe en l'espèce aucune cause légitime permettant de justifier la révocation du gérant Monsieur [U] [T].
Sur l'abus de majorité :
Est constitutive d'un abus de majorité, la décision sociale prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité des associés au détriment de la minorité.
Une mise en réserve est a priori une mesure de bonne gestion faite dans l'intérêt social de la société puisque des réserves importantes permettent d'assurer par autofinancement les investissements nécessaires au développement ou de faire face à des dépenses exceptionnelles. Mais, la mise en réserve répétée ou excessive caractérise un abus de majorité si elle a pour but de priver l'associé minoritaire des revenus de l'activité de la société.
Les appelantes, qui ne sollicite pas l'annulation des assemblées générales mais l'octroi de dommages et intérêts, font état d'un abus de majorité commis lors de l'assemblée générale du 20 octobre 2015 au cours de laquelle la résolution sur une distribution de dividendes a été rejetée.
Toutefois l'expert Monsieur [J] retient que de 2012 à 2013, le chiffre d'affaires de la SARL était de 650 000euros qu'en 2014 il ne s'est élevé qu'à 560 158euros soit
90 000euros en moins suite aux départs de 6 locataires dont 4 des plus importants de la société, le nombre de locataire passant de 25 à 22.
La lecture du procès verbal révèle que la résolution relative à la distribution de dividendes à hauteur de 105 000euros a été adoptée lors de l'assemblée générale du 18 juin 2015 sur les comptes clos au 31 décembre 2014 par 140 vois pour et 70 contre, sachant qu'en 2013 la somme de 75 600eruos avait été distribuée, celle de 88200euros en 2012 et 100 800 euros en 2011. Cette distribution est conforme à la gestion habituelle.
Lors de l'assemblée générale du 25 octobre 2016, les associés ont voté contre la distribution de dividendes pour l'exercice 2015 d'un montant de 134 265,17euros, somme qui a été placée dans un compte de réserve.
Il n'est pas démontré que ces rejets de distribution complémentaires en cours d'exercice ou de rejet en 2016 constituent des mises en réserve effectuées dans l'unique dessein de favoriser la majorité au détriment de la minorité, sachant que des dividendes ont été régulièrement alloués pour les exercices antérieurs et postérieurs puisque la somme de 105 000euros a été distribuée en 2019, 147 000euros en 2018, 2017 et 2016.
Dans leurs propres conclusions, les appelantes, page 23, font état de dividendes distribués en 2014 pour un montant de total de 147 000 et d'une somme identique en 2015 et ne font nullement état d'une baisse de valeur de leurs parts sociales en raison d'une politique de mise en réserve injustifiée.
Les appelantes contestent les augmentations de salaires octroyées à Messieurs [U] et [H] [T]. Il a été répondu précédemment par la Cour à cet argumentaire.
Les appelantes succombant doivent assumer les dépens de l'appel. L'équité ne commande pas d'allouer des sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs la cour statuant par arrêt contradictoire :
Confirme le jugement rendu le 4 mars 2019 par le tribunal de commerce de Fréjus,
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à l'octroi de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mesdames [C] et [F] [T] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT