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06/07/2023 | FRANCE | N°18/20581

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 06 juillet 2023, 18/20581


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 18/20581 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDRVL







[Y] [P]





C/



[L] [C]

Société MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Sébastien BADIE

Me Violaine PETRO











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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 03 Décembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/05168.





APPELANT



Monsieur [Y] [P]

né le 13 Août 1966 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sébastien BADIE de ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 18/20581 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDRVL

[Y] [P]

C/

[L] [C]

Société MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sébastien BADIE

Me Violaine PETRO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 03 Décembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/05168.

APPELANT

Monsieur [Y] [P]

né le 13 Août 1966 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [L] [C]

, demeurant [Adresse 3]

défaillant

Société MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD

représentée en France par son mandataire, la SARL AJL CONSEILS

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Violaine PETRO, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Inès BONAFOS, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.

ARRÊT

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Y] [P] est propriétaire d'un immeuble ancien sur la commune de [Adresse 4], qu'il a souhaité restructurer et réhabiliter pour créer des logements en vue de leur location.

En 2014, il a confié les travaux à la SARL Etanchéité Construction Terrassement Mécanique (ECTM), laquelle a abandonné le chantier puis a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du 8 juillet 2015.

Par jugement réputé contradictoire du 22 mai 2018, le tribunal de grande instance d'AVIGNON a notamment prononcé la résolution judiciaire du contrat du 8 avril 2014 conclu entre [Y] [P] et la SARL ECTM, et fixé diverses créances au passif de la procédure de liquidation judiciaire de cette société.

Faisant valoir:

- qu'il a fait appel aux services de [L] KACEMl, ce dernier lui ayant indiqué pouvoir prendre la suite de la SARL ECTM et achever les travaux réalisés, après en avoir repris les désordres,

- qu'il a donc confié à [L] [C] divers travaux dont des travaux maçonnerie, de couverture, d'installation des menuiseries, de création d'un réseau d'évacuation des eaux usées, et de terrassement pour un montant total de 161 135 euros TTC, selon devis accepté du 18 novembre 2016 établi à l'entête 'Kacemi construction',

- qu'il lui a réglé diverses sommes à titre d'acomptes et d'avance sur travaux, mais que [L] [C] a brutalement quitté le chantier depuis le 24 mars 2017 sans aucun motif,

- que ses multiples demandes, relances et autres démarches initiées aux fins d'obtenir l'achèvement des travaux sont restées vaines,

- que la quasi-totalité des travaux pour lesquels il a réglé de substantielles avances n'a pas été réalisée, et que le peu de travaux effectués est affecté de désordres, constatés par huissier par procès-verbal du 24 mai 2017,

- qu'il a mis en demeure [L] [C] de lui restituer la somme de 161 135 euros versée par lui compte tenu des inachèvements et malfaçons relevées, par courrier du 13 juin 2017,

[Y] [P] a fait assigner [L] [C] et son assureur MILLENIUM INSURANCE COMPANY par l'intermédiaire de la société AJL CONSEILS devant le tribunal de grande instance de Toulon, par actes d'huissier des 18 et 19 octobre 2017, aux fins principalement d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer diverses sommes en réparation de ses préjudices.

Monsieur [L] [C] et la société AIL CONSEILS, intermédiaire de la compagnie d'assurance MILLENIUM INSURANCE COMPANY, régulièrement assignés, n'ont pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 03 décembre 2018, le tribunal de grande instance de TOULON a:

- débouté [Y] [P] de l'intégralité de ses demandes,

- dit que [Y] [P] conservera la charge de ses frais irrepétibles,

- dit que [Y] [P] conservera la charge de ses dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté le surplus des demandes,

Par déclaration reçue au greffe le 28 décembre 2018, [Y] [P] a interjeté appel de tous les chefs de cette décision.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 04 mars 2019 et renotifiées le 08 avril 2019, l'appelant demande à la cour:

Vu les articles 1224 et suivants, 1229 et suivants, 1 792 et suivants, 1217 du Code Civil,

Vu l'article 144 et les articles 564 et 566 du Code de Procédure Civile,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces produites,

Recevoir Monsieur [P] en ses demandes et les dire bien fondées,

Réformer le jugement contesté,

Prononcer la résolution du marché de travaux aux torts exclusifs de Monsieur [L] [C] à effet du 24 mars 2017, date de l'abandon définitif du chantier,

Condamner solidairement la société MILLENlUM INSURANCE COMPANY et Monsieur [L] [C] au paiement de la somme de 161 135 euros TTC, avec intérêts de droit au taux légal à compter du 13 juin 2017, date de la mise en demeure, au titre de la restitution des sommes versées par avance par le concluant et qui n'ont donné lieu à l'exécution d'aucun travail en contrepartie, tels que constatés par l'huissier mandaté,

Condamner solidairement la société MILLENIUM INSURANCE COMPANY et Monsieur [L] [C] au paiement de la somme de 116 000 euros pour perte financière due pour l'inachèvement des travaux dans les délais, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir, somme résultant des conclusions de l'expert judiciaire [G] [H],

Condamner solidairement la société MILLENIUM INSURANCE COMPANY et Monsieur [L] [C] au paiement de la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice moral subi,

Statuant à nouveau, à titre subsidiaire:

Dire et juger que l'avis d'un expert est nécessaire pour mettre en lumière les postes non réalisés, les désordres, leur nature et ampleur, leur origine et leur imputabilité,

Désigner en conséquence tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission:

- entendre les parties, recueillir leurs dires et explications; entendre tous sachant et se faire communiquer tous documents qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission,

dresser un bordereau des documents communiqués, étudier et analyser ceux en rapport avec le litige,

- visiter et décrire l'ouvrage litigieux,

- prendre connaissance de l'ensemble du dossier et des rapports contractuels des parties,

- décrire les travaux ou prestations confiés à l'entreprise intervenante,

- indiquer si les missions réalisées et incombant à la requise ont été effectuées dans les règles de l'art,

- examiner et décrire les désordres et malfaçons mentionnées dans les présentes et dans toutes autres pièces jointes, pour en préciser la nature, la date d'apparition et l'importance,

- décrire les travaux non réalisés par la requise en dépit du paiement effectué,

- décrire le principe des travaux de finitions et reprise et en évaluer le coût,

- faire les comptes entre les parties.

Dire et juger que les frais d'expertise seront supportés solidairement par la société «MILLENIUM INSURANCE COMPANY » et Monsieur [L] [C],

En tout état de cause:

Condamner solidairement la société MILLENIUM INSURANCE COMPANY et Monsieur [L] [C] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Monsieur [L] [C], régulièrement assigné devant la cour par actes des 8 mars 2019, 10 avril 2019 et 18 avril 2019 transformés en procès-verbaux de recherches infructueuses, n'a pas constitué avocat.

La société MILLENIUM INSURANCE COMPANY, représentée en France par son mandataire la SARL AJL CONSEILS, a constitué avocat en la personne de Maître COMANI, aux lieu et place duquel s'est constituée Maître Violaine PETRO, mais n'a pas conclu dans le délai de 3 mois qui lui était imparti.

Aucune observation n'a été formulée par les parties suite à l'avis d'irrecevabilité qui leur a été adressé par le greffe le 11 juin 2019.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2023.

L'affaire a été retenue en l'état à l'audience du 09 mai 2023.

MOTIFS

A titre liminaire, et dans la mesure où tous les intimés défaillants n'ont pas été cités à leur personne, il sera statué par défaut en application de l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile.

En vertu de l'article 1224 du code civil issu de l'ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016, applicable au présent litige puisque le contrat liant les parties date du 18 novembre 2016:

'la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice'.

L'article 1226 du même code civil également applicable au présent litige dispose: 'le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification.

Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution'.

Et, l'article 1227 du même code civil également applicable au présent litige dispose: 'la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice'.

En l'espèce, s'il est exact qu'aucune clause résolutoire n'a été stipulée par les parties dans le devis établi le 18 novembre 2016 et accepté le même jour valant contrat liant les parties, il se déduit des pièces produites et notamment du procès-verbal de constat d'huissier établi le 24 mai 2017 que la majeure partie des travaux confiés par le maître d'ouvrage à [L] [C] n'ont pas exécutés, dont notamment les travaux de reprises en sous-oeuvre des ouvertures, la construction des terrasses, les ouvertures et la mise en place de toutes les menuiseries et fenêtres, les terrassements, les évacuations, le traitement des eaux usées et que le chantier a été abandonné par l'entrepreneur (pièces 1 et 4) alors même que l'appelant justifie avoir réglé la quasi totalité de la somme totale prévue au devis s'élevant à 161 135 euros TTC, soit

155 130,63 euros (pièces 1 à 3).

Si une partie des travaux de charpente et de couverture de l'immeuble ont été effectués, il résulte néanmoins du procès-verbal de constat d'huissier établi le 24 mai 2017 que les descentes d'eaux pluviales et les soudures des cheneaux n'ont pas été réalisés, provoquant des fuites d'eau et des tâches de calcaire sur les cheneaux, et que certaines tuiles sont mal placées.

Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, ces manquements sont suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat réclamée à bon droit par le maître d'ouvrage, étant observé que ce dernier justifie avoir tenté d'obtenir que [L] [C] satisfasse à ses obligations par courrier du 26 avril 2017, suivi d'une mise en demeure adressée par le biais de son conseil par LRAR du 13 juin 2017 (AR délivré le 20 juin 2017 non réclamé pièce 6).

En conséquence, le jugement entrepris doit être infirmé et il y a lieu:

- de prononcer la résolution du contrat aux torts exclusifs de Monsieur [L] [C] à effet au 24 mai 2017, date du procès-verbal de constat d'huissier, dès lors que l'appelant ne fourni aucune pièce permettant d'établir que l'abandon total du chantier est effectivement intervenu le 24 mars 2017 comme il l'indique dans le dispositif de ses conclusions,

- de condamner Monsieur [L] [C] à payer à Monsieur [Y] [P] la somme de 161 135 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2017, date de la mise en demeure susvisée, au titre de la restitution des sommes versées par avance par Monsieur [Y] [P] n'ayant donné lieu à aucune contrepartie justifiée.

En revanche, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté les demandes formées par Monsieur [Y] [P]:

1/ à l'encontre de la société MILLENIUM INSURANCE COMPANY, prise en sa qualité d'assureur décennal de Monsieur [L] [C], dont la responsabilité décennale n'a pas été recherchée,

2/ à l'encontre de la société MILLENIUM INSURANCE COMPANY et de Monsieur [L] [C] en paiement des sommes de 116 000 euros pour perte financière due à l'inachèvement des travaux dans les délais, et de 20 000 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice moral invoqué, en l'absence de pièce permettant d'établir la réalité de ces préjudices,

de sorte qu'il y a lieu à confirmation de ces chefs, étant au surplus observé que l'appelant ne peut utilement se prévaloir des conclusions de l'expert [H] dont le rapport n'est pas produit en intégralité devant la cour mais seulement en ses pages 11 à 17 formant 'réponse aux dires des parties et conclusion', alors que les opérations de l'expert n'ont pas été réalisées au contradictoire de Monsieur [L] [C] puisqu'elles ont été ordonnées dans le cadre de la première procédure ayant opposé Monsieur [Y] [P] à la SARL ECTM, liquidée et représentée aux opérations d'expertise par son liquidateur (pièce 11).

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant, Monsieur [L] [C] doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel et à régler à Monsieur [Y] [C] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement et par défaut,

CONFIRME partiellement le jugement entrepris en ce que le premier juge a:

- rejeté les demandes en paiement formées par Monsieur [Y] [P] à l'encontre de la société MILLENIUM INSURANCE COMPANY, et à l'encontre de Monsieur [L] [C] au titre d'une perte financière due à l'inachèvement des travaux dans les délais au titre d'un préjudice moral,

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT A NOUVEAU, et Y AJOUTANT,

PRONONCE la résolution du contrat du 18 novembre 2016 liant les parties aux torts exclusifs de Monsieur [L] [C] à effet au 24 mai 2017,

En conséquence,

CONDAMNE Monsieur [L] [C] à payer à Monsieur [Y] [P]:

- la somme de 161 135 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2017, au titre de la restitution des sommes versées par avance par Monsieur [Y] [P] n'ayant donné lieu à aucune contrepartie justifiée,

- la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des autres demandes,

CONDAMNE Monsieur [L] [C] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/20581
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;18.20581 ?
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