La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°18/18657

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 06 juillet 2023, 18/18657


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 18/18657 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMVN







SCI DU TILLEUL

SA MMA IARD





C/



Société ALBINGIA









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Florence ADAGAS-CAOU



Me Jean-françois JOURDAN













r>






Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 19 Septembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/02967.





APPELANTES



SCI DU TILLEUL

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 18/18657 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMVN

SCI DU TILLEUL

SA MMA IARD

C/

Société ALBINGIA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Florence ADAGAS-CAOU

Me Jean-françois JOURDAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 19 Septembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/02967.

APPELANTES

SCI DU TILLEUL

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

SA MMA IARD

Ayant la qualité d'intimé dans le dossier joint RG 19/4225 par décision du 5 février 2020

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Compagnie ALBINGIA

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me William FUMEY de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Inès BONAFOS, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.

ARRÊT

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI DU TILLEUL est propriétaire d'un immeuble situé à [Localité 4], assuré auprès de la compagnie MMA IARD, dans lequel sont exploités divers locaux commerciaux, dont ceux appartenant à la SARL AZUR TECHNIQUES SERVICES, assurée auprès de la SA ALBINGIA.

Le 29 novembre 2013, un incendie a détruit une partie de l'immeuble.

Une expertise amiable a été diligentée à la demande des MMA, et le rapport d'expertise du cabinet POLYEXPERT a été déposé le 28 mai 2015.

Faisant valoir que l'incendie s'était déclaré dans le local de la SARL AZUR TECHNIQUES SERVICES et que la SA ALBINGIA avait refusé de l'indemniser, la SCI DU TILLEUL a fait assigner la SA ALBINGIA,par acte du 28 mars 2017, devant le tribunal de grande instance de

Draguignan, sur le fondement des articles 1733 et 1240 du code civil, aux fins de la voir condamner à l'indemniser de ses préjudices.

Par conclusions du 21 juin 2017, la SA MMA IARD est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement contradictoire du 19 septembre 2018, le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a:

- condamné la SA ALBINGIA à payer à la SCI DU TILLEUL la somme de 139 018,75 euros,

- condamné la SA ALBINGIA à payer à la SA MMA IARD la somme de 190 899, 74 euros,

- dit que la SA ALBINGIA pourra déduire du total des indemnités la franchise générale contractuelle égale à 0, 30 fois l'indice de la Fédération Française du Batiment du coût de la construction de novembre 2013,

- condamné la SA ALBINGIA à payer à la SCI DU TILLEUL et à la SA MMA IARD ensemble une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA ALBINGIA aux dépens qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui y ont pourvu dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté pour le surplus les prétentions des parties.

Par déclaration reçue au greffe le 27 novembre 2018, la SCI DU TILLEUL et la SA MMA IARD ont interjeté un appel limité aux chefs par lesquels le premier juge:

- condamné la SA ALBINGIA à payer seulement à la SCI DU TILLEUL la somme de 139 018,75 euros,

- n'a donc pas fait droit à l'intégralité de ses demandes,

- a dit que la SA ALBINGIA pourra déduire du total des indemnités, la franchise générale contractuelle égale à 0,30 fois l'indice de la Fédération Française du Bâtiment du coût de la construction de novembre 2013,

- condamné la SA ALBINGIA à payer seulement à la SCI DU TILLEUL et à la SA MMA IARD ensemble une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 13 mars 2019, la SA ALBINGIA a interjeté un appel limité aux chefs par lesquels le premier juge l'a condamnée à payer:

- à la SCI DU TILLEUL la somme de 139 018,75 euros,

- à la SA MMA IARD la somme de 190 899,74 euros,

- à la SCI DU TILLEUL et à la SA MMA IARD ensemble une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les dépens.

Par ordonnance du 5 février 2020, ces deux instances ont été jointes.

Par dernières conclusions notifiées le 13 août 2019 dans les deux instances, la SCI DU TILLEUL et à la SA MMA IARD demandent à la cour:

Vu les articles anciennement1382, 1240, 1 733 et suivants du code civil,

Vu les articles L112~6 et L124-3 et L121 ~12 du code des assurances,

ORDONNER la jonction des affaires portant n°RG 18/18657 et RG 19/04225,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA ALBINGIA à payer à la SA MMA IARD la somme de 190 899,74 euros,

En conséquence,

DEBOUTER purement et simplement la SA ALBINGIA de ses demandes,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a:

- condamné la SA ALBINGIA à payer seulement à la SCI DU TILLEUL la somme de 139 018, 75 euros,

- n'a donc pas fait droit à l'intégralité des demandes de la SCI DU TILLEUL,

- dit et jugé que la SA ALBINGIA pourra déduire du total des indemnités, la franchise générale contractuelle égale à 0,30 fois l'indice de la Fédération Francaise du Batiment du coût de la construction de novembre 2013,

- condamné la SA ALBINGIA à payer seulement à la SCI DU TILLEUL et à la SA MMA IARD ensemble une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

DECLARER la SCI DU TILLEUL recevable et bien fondée en ses demandes, et en conséquence:

CONDAMNER la société ALBINGIA à payer à la SCI DU TILLEUL, la somme de 359 410, 55 euros en réparation de son préjudice, décomposée comme suit:

* 217 722,89 euros au titre des dommages immobiliers outre embellissements et frais annexes,

* 7 280,46 euros au titre de la dalle de béton coulé,

* 32 113,84 euros au titre de la perte de loyer pour l'année 2015,

* 32 807,78 euros au titre du coût de recours au prêt bancaire,

* 8 400 euros au titre de l'assurance du prêt,

* 50 496 euros au titre des frais de la détérioration du parking et de la voirie,

* 10 589,48 euros au titre des frais d'expertise,

DEBOUTER la SA ALBINGIA de ses demandes,

CONDAMNER la société ALBINGIA à payer à la SCI DU TILLEUL, ainsi qu'à la MMA IARD la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile exposés à hauteur de cour, ainsi qu'aux entiers dépens,

Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Florence ADAGAS-CAOU pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance.

Par dernières conclusions notifiées le 04 novembre 2019 dans les deux instances, la SA ALBINGIA demande à la cour:

Vu les articles 1199, 1240, 1353 et 1733 du code civil,

Vu les articles L.124-3 et L. 112-6 du code des assurances,

Vu l'article 515 du code de procédure civile,

- d'infirmer partiellement le jugement attaqué et, statuant à nouveau:

1/ Dire et juger que l'action de la SCI du TILLEUL à l'encontre de la compagnie ALBINGIA est une action directe au sens de l'article L.124-3 du code des assurances,

Dire et juger que cette action trouve sa source dans le contrat d'assurance garantissant la responsabilité civile de la société AZUR TECHNIQUES SERVICES souscrit auprès de la compagnie ALBINGIA,

Dire et juger en conséquence que la SCI DU TILLEUL ne saurait opposer à la compagnie ALBINGIA les stipulations du contrat souscrit auprès de la société MMA,

Dire et juger que la compagnie ALBINGIA ne saurait être tenue au-delà des stipulations du contrat souscrit auprès d'elle, et est bien fondée à opposer aux demanderesses les limites et exceptions de son contrat,

2/ Dire et juger que les dommages ont été évalués contradictoirement par les parties à la somme de 323 851,44 euros en valeur de remplacement, conformément au contrat d'assurance ALBINGIA, soit 246 531,92 euros compte tenu de la réduction d'indemnité du fait de la déclaration inexacte de la surface des locaux par l'assuré,

En conséquence, infirmer le jugement sur ce point et limiter le montant des indemnités dues par la compagnie ALBINGIA à 131 789,63 euros revenant à la SCI DU TILLEUL,

Débouter les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

3/ Dire et juger que la compagnie ALBINGIA ne saurait être tenue au-delà des limites de sa garantie au titre de la perte de loyers, à savoir une durée d'un an à compter du sinistre,

En conséquence, débouter la SCI DU TILLEUL de sa demande de ce chef,

4/ Dire et juger que contrairement à ce qu'allèguent les demanderesses, la compagnie ALBINGIA n'a pas refusé toute indemnisation,

Débouter la SCI DU TILLEUL de ses demandes relatives au contrat de prêt, édité en février 2015 et courant sur une durée de dix ans,

5/ Dire et juger que la compagnie ALBINGIA ne saurait être tenue responsable de dommages causés par des engins de chantiers appartenant à des tiers,

En conséquence, débouter la SCI DU TILLEUL de sa demande de ce chef,

6/ Débouter la SCI DU TILLEUL de sa demande au titre des prétendus frais d'expertise,

7/ Si une quelconque condamnation devait être prononcée à l'encontre de la compagnie ALBINGIA, dire et que cette dernière est bien fondée à opposer la franchise générale stipulée dans son contrat, soit 0,30 fois l'indice F.F.B de novembre 2013,

8/ Condamner les demanderesses à payer à la compagnie ALBINGIA la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître JOURDAN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, qui pourra les recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2023.

MOTIFS

A titre liminaire, dans la mesure où la jonction des deux instances d'appel a été prononcée par ordonnance du 5 février 2020, il n'y a pas lieu à statuer à nouveau sur ce point.

La responsabilité de l'assurée de la société ALBINGIA dans la survenance du sinistre et le principe de la garantie de cette dernière ne sont pas contestés, le litige portant d'une part, sur le montant de l'indemnisation réclamée par la SCI DU TILLEUL, et, d'autre part, sur le montant du recours subrogatoire de la MMA.

Sur le montant du recours subrogatoire de la MMA

Si dans sa déclaration d'appel, la SA ALBINGIA a indiqué critiquer le chef du jugement entrepris par lequel le premier juge l'a condamnée à payer à la SA MMA IARD la somme de 190 899, 74 euros, la cour constate que dans le dispositif de ses dernières conclusions, elle sollicite l'infirmation partielle du jugement entrepris et n'a pas réitéré sa demande d'infirmation de ce chef.

Et, comme l'a exactement estimé le premier juge, après avoir rappelé les dispositions de l'article L 121-12 du code des assurances, la SA MMA IARD justifie suffisamment avoir réglé à son assurée diverses sommes suivant quittance subrogatoire du 15/06/2017 pour un montant total de 190 899,74 euros (pièce 10), corroborées par la production des lettres chèques suivantes:

lettre chèque du 12/02/2014: 25 000 euros (pièce 19)

lettre chèque du 21/02/2014: 20 000 euros (pièce 18)

lettre chèque du 15/12/2014: 60 000 euros (pièce 17)

lettre chèque du 06/03/2015: 50 000 euros (pièce 16)

lettre chèque du 12/02/2014: 22 910,80 euros (pièce 15)

virement bancaire du 04/02/2016: 3 477,69 euros (pièce 14)

lettre chèque du 21/09/2016: 9 511, 25 euros (pièce 13).

Il s'ensuit que la SA MMA IARD est fondée en sa demande de confirmation du jugement sur le montant de son recours et la condamnation de la SA ALBINGIA à lui payer la somme de 190 899, 74 euros à ce titre.

Sur les demandes formées par la SCI DU TILLEUL

Comme l'a exactement relevé le premier juge, dans la mesure où l'action de la SCI DU TILLEUL est fondée sur l'article L 124-3 du code des assurances, soit l'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, ce dernier est fondé à opposer au tiers lésé les stipulations de son contrat.

Dans son rapport du 28 mai 2015, l'expert du cabinet POLYEXPERT mandaté par les MMA, a inséré un tableau relatif à l'évaluation des dommages, incluant les dommages immobiliers, les dommages aux embellissement et les frais annexes (dont les pertes de loyers) comprenant au total en valeur à neuf une évaluation à hauteur de 408 622,63 euros, et après déduction de la vétusté à 225 954,32 euros (pièce 1 page 15).

Dans son rapport du 3 juin 2015, l'expert du cabinet CUNNINGHAM O LINDSEY mandaté par ALBINGIA, a inséré un tableau relatif à l'évaluation des dommages subis par la SCI DU TILLEUL incluant notamment les mesures conservatoires, les frais de démolition et déblais, les dommages immobiliers, les pertes de loyers comprenant au total en valeur à neuf une évaluation à hauteur de 397 424,46 euros, et après déduction de la vétusté à 323 851,95 euros, l'expert précisant que ni les honoraires de maîtrise d'oeuvre (évalués à 16 384,62 euros HT), ni ceux du coordonnateur SPS (évalués à 4 915,38 euros HT) inclus dans les totaux susvisés n'ont été justifiés par la SCI DU TILLEUL au jour de l'établissement de son rapport (pièce 1 page 10).

Le procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages établi contradictoirement par les experts, indique que ces derniers sont d'accord sur le récapitulatif total des dommages suivants:

Dommages immobiliers de reconstruction:

dommages à neuf 297 026, 71 euros HT

dommages vétusté déduite 223 454, 32 euros HT

Autres dommages directs:

dommages à neuf 26 579, 97 euros HT

dommages vétusté déduite 26 579, 97 euros HT

Démolitions et déblais:

dommages à neuf 30 665 euros HT

dommages vétusté déduite 30 665 euros HT

Frais annexes:

dommages à neuf 43 152, 15 euros HT

dommages vétusté déduite 43 152,15 euros HT

soit au total:

dommages à neuf: 397 423,83 euros HT

dommages vétusté déduite: 323 851,44 euros HT (pièce 1).

Par courrier du 03 mars 2016, la société ALBINGIA s'est reconnue débitrice de la somme de 131.789, 63 euros à l'égard de la SCI DU TILLEUL (pièce 5) pour l'ensemble des dommages subis par elle, qu'il convient de reprendre par rubriques.

1/ Dommages immobiliers:

La SCI DU TILLEUL fait exactement remarquer que la SA ALBINGIA ne démontre pas que sa garantie se limite à l'indemnisation des dommages immobiliers en tenant compte de l'application d'une vétusté, telle que retenue par les experts, et notamment dans le procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages établi contradictoirement par les experts.

Au contraire, en page 22 des conditions générales du contrat d'assurance liant ALBINGIA à son assuré, il est notamment indiqué au point 5 intitulé 'estimation des dommages'

5.1 Les bâtiments, le mobilier personnel, le matériel:

'les biens seront estimés en valeur à neuf, sans toutefois pouvoir dépasser la valeur d'usage, majorée d'une indemnité de dépréciation égale au quart de la valeur de reconstruction ou de remplacement.

Les dommages seront indemnisés en valeur à neuf si, dans un délai de deux ans à partir de la date du sinistre, sauf impossibilité absolue:

- vous faites reconstruire en France métropolitaine, sans qu'il soit apporté de modifications importantes à sa destination initiale,

- vous remplacez le matériel ou le mobilier.

Nous limiterons notre indemnité au montant des travaux et des dépenses figurant sur les factures que vous nous remettrez, étant bien précisé que dans le cas où ce montant serait inférieur à la valeur d'usage, fixée par expertise, vous n'aurez droit à aucune indemnisation au titre de la dépréciation.

L'indemnisation sera due en valeur d'usage, ou en valeur vénale, si celle-ci est inférieure à la valeur d'usage, si vous faites reconstruire, sauf impossibilité absolue:

- au-delà du délai de deux ans,

- ailleurs qu'en France métropolitaine,

- si vous apportez une modification importante à la destination du bâtiment'

étant précisé que les définitions contractuelles suivantes figurent en page 16 des conditions générales:

valeur à neuf: valeur de remplacement, reconstruction ou reconstitution au prix du neuf au jour du sinistre

valeur d'usage: valeur de reconstitution au jour du sinistre, vétusté déduite,

valeur vénale: prix de vente au jour du sinistre, estimé par expertise,

vétusté: dépréciation d'un bien résultant de l'usage ou du temps; la vétusté sera définie aux conditions personnelles ou à défaut évaluée par voie d'expertise.

Contrairement à ce que soutient ALBINGIA et à ce qu'a estimé le premier juge, il résulte du contrat liant ALBINGIA à son assuré que le principe de l'estimation des dommages causés aux bâtiments est l'indemnisation en valeur à neuf, étant observé que pour soutenir que la vétusté doit être déduite, l'assureur n'invoque aucune des conditions contractuelles susvisées, notamment concernant la reconstruction au-delà d'un délai de deux ans à partir de la date du sinistre, et qu'en l'espèce, les expertises diligentées par les assureurs ont eu lieu en 2015, les acomptes versés à la SCI DU TILLEUL n'ayant pas permis une reconstruction du bâtiment en 2015.

Cependant, la SCI DU TILLEUL n'est pas fondée à soutenir que la somme totale pour l'évaluation des dommages s'élève à la somme de 408 622,63 euros (page 8 de ses écritures), alors que ce chiffrage a été établi par le seul expert de la MMA, et que dans le procès-verbal d'évaluation des dommages établi contradictoirement par les experts de la MMA et d'ALBINGIA, l'évaluation de l'ensemble des dommages en valeur à neuf a été fixée à la somme de 397 423,83 euros.

En outre, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, ALBINGIA justifie que la surface totale des locaux sinistrés excède la surface déclarée par son assurée, de sorte qu'elle est fondée à appliquer la règle proportionnelle, dont le principe n'est pas discuté par la SCI DU TILLEUL et la MMA.

Il s'ensuit qu'il convient de retenir la somme de 397 423,83 euros dont il y a lieu de déduire la somme de 190 899,74 euros versée par la MMA à son assurée, et à laquelle ALBINGIA a été condamnée à paiement à la MMA au titre de son recours, soit 397 423,83 euros - 190 899,74 euros = 206 524,09 euros.

Sur cette somme, ALBINGIA est fondée à déduire:

- les sommes de 16 384,59 euros correspondant à des frais de maîtrise d'oeuvre et de 4 915,38 euros qui n'ont pas été justifiés par la SCI DU TILLEUL malgré le courrier du 03/03/2016 adressé à la MMA par ALBINGIA (pièce 5),

- la somme de 1789,73 euros correspondant à la déduction pour déclaration inexacte de la surface du bâtiment assuré, en prenant en compte le coefficient de réduction proportionnelle appliqué par ALBINGIA ressortant à 0,8666 suivant les montants retenus dans son courrier du 03/03/2016 précité (pièce 5: 246 531,92: 284459,91= 0,8666) appliqué à la somme retenue par la cour, soit 206 524,09 X 0,8666/100 = 1789,73 euros),

soit 183 434,39 euros.

En conséquence, le jugement entrepris doit être ici infirmé et la société ALBINGIA sera condamnée à payer à la SCI DU TILLEUL la somme de 183 434,39 euros au titre des dommages immobiliers, outre embellissements et frais annexes.

2/ Dalle de béton coulé:

Comme l'a exactement relevé le premier juge, ALBINGIA n'a pas contesté la nécessité de couler une dalle en béton sur la mezzanine.

Toutefois, la SCI DU TILLEUL justifie être fondée à obtenir à ce titre la somme de 7280,46 euros TTC et non 6 067,05 euros HT comme retenu par erreur par le premier juge (cf facture produite en pièce 6).

En conséquence, le jugement entrepris doit être ici infirmé et la société ALBINGIA sera condamnée à payer à la SCI DU TILLEUL la somme de 7280,46 euros au titre de la dalle béton coulé.

3/ Pertes de loyers:

Comme l'a exactement relevé le premier juge, il ressort des conditions générales du contrat d'assurance établi par ALBINGIA que la prise en charge des pertes de loyers à la suite d'un incendie est limitée à une durée d'un an à compter du sinistre, et que cette perte d'un an de loyers a été incluse dans l'évaluation contradictoire des dommages ayant donné lieu à l'établissement du procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages par les experts, pris en compte dans le premier poste de préjudice analysé.

Toutefois, la SCI DU TILLEUL fait exactement valoir que l'assureur ALBINGIA a commis une faute en retardant son indemnisation puisqu'il ne lui a versé aucune somme, alors même qu'il a reconnu devant le premier juge lui devoir la somme de 131 789,63 euros, somme que l'assureur aurait pu lui verser à titre provisionnel, dans l'attente de l'issue de la procédure que la SCI DU TILLEUL a été contrainte d'engager en justice concernant son indemnisation définitive.

Ce retard dans l'indemnisation, finalement intervenue en exécution du jugement entrepris assorti de l'exécution provisoire, a nécessairement causé un préjudice à la SCI DU TILLEUL, cette dernière étant fondée à rechercher la responsabilité de l'assureur ALBINGIA sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Cependant, dans la mesure où depuis le sinistre et jusqu'au 31/12/2014, la SCI DU TILLEUL avait perçu environ 127 000 euros en indemnisation du sinistre par son assureur MMA, puis 50 000 euros par lettre chèque du 06/03/2015, elle ne peut prétendre à la somme de 32 113,84 euros correspondant à une perte totale des loyers jusqu'à reconstruction, et sera justement indemnisée à hauteur de 12 000 euros.

En conséquence, le jugement entrepris doit être ici infirmé et la société ALBINGIA sera condamnée à payer à la SCI DU TILLEUL la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la faute commise dans son retard à indemniser la SCI DU TILLEUL, ayant entraîné des pertes de loyers postérieurement à celles prises en compte contractuellement pendant un an à compter du sinistre.

4/ Coût de recours au prêt bancaire et assurance du prêt:

Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la SCI DU TILLEUL fait exactement valoir que l'assureur ALBINGIA a commis une faute en retardant son indemnisation puisqu'il ne lui a versé aucune somme, alors même qu'il a reconnu devant le premier juge lui devoir la somme de 131 789,63 euros, somme qu'il ne lui a pas versée à titre provisionnel, dans l'attente de l'issue de la procédure qu'elle a été contrainte d'engager en justice concernant son indemnisation définitive.

Comme indiqué précédemment, ce retard dans l'indemnisation, finalement intervenue en exécution du jugement entrepris assorti de l'exécution provisoire, rendu le 19/09/2018, soit près de 5 ans après le sinistre, a causé un préjudice à la SCI DU TILLEUL, laquelle a dû recourir à un prêt bancaire pour financer la reconstruction de ses locaux sinistrés, étant observé qu'elle fait à juste titre valoir que les sommes versées par son assureur MMA ne lui permettaient pas de financer l'intégralité des travaux de reconstruction.

Il s'ensuit que la responsabilité de l'assureur ALBINGIA est engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil, pour ne pas avoir réglé à la SCI DU TILLEUL les sommes lui permettant de procéder à la reconstruction de ses locaux sinistrés.

La SCI DU TILLEUL justifie avoir été contrainte de recourir à un prêt de 200 000 euros remboursable sur 120 mois auprès du Crédit Agricole par la production du contrat de prêt signé et paraphé sur chaque page le 14/02/2015 (pièce 20).

L'assureur ALBINGIA fait exactement observer que les frais bancaires ne peuvent lui être imputés sur la durée de 10 ans du prêt souscrit puisqu'elle a réglé les sommes au paiement desquelles elle a été condamnée par le premier juge en 2018.

En l'état des pièces produites et des explications des parties, il convient de considérer qu'en raison de la faute commise par l'assureur ALBINGIA la SCI DU TILLEUL a été contrainte d'assumer les frais suivants:

- frais d'inscription d'hypothèque s'élevant à 3 650 euros,

- frais de dossier 541,50 euros,

- intérêts sur prêt sur trois ans et demi au taux de 2,70% l'an, selon le calcul suivant:

coût total du crédit 28 437,18 euros sur 120 mensualités, soit 236,97 euros par mensualités

42 mensualités X 236,97 euros = 9 952,74 euros.

En conséquence, le jugement entrepris doit être ici infirmé et la société ALBINGIA sera condamnée à payer à la SCI DU TILLEUL la somme de 9 952,74 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la faute commise dans son retard à indemniser la SCI DU TILLEUL, l'ayant contrainte à recourir à un prêt bancaire pour financer la reconstruction des locaux sinistrés.

Les autres demandes relatives aux frais d'information de caution et d'assurance du prêt souscrit (non obligatoire) doivent être rejetées comme n'étant pas directement en lien avec la faute commise par l'assureur.

5/ Détérioration du parking et de la voirie:

La SCI DU TILLEUL n'établit par aucune pièce que les détériorations du parking et de la voierie pour lesquelles elle réclame une indemnisation spécifique sont la conséquence de l'incendie, la seule facture produite en pièce 7 étant insuffisante à rapporter cette preuve.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce que le premier juge a rejeté cette demande.

6/ Frais d'expertise:

La SCI DU TILLEUL produit en pièces 7 et 29 deux factures, mais elle ne justifie par aucune pièce les avoir réglées de sorte que c'est à juste titre que le premier juge a rejeté cette demande.

7/ Sur l'application de la franchise générale et l'indice FFB de la construction:

Après avoir rappelé les dispositions de l'article L 112-6 du code des assurances, le premier juge a exactement estimé que la SA ALBINGIA est en droit d'opposer au tiers victime et à son assureur subrogé la franchise contractuelle, laquelle est expressément prévue au contrat KENDO, dans les termes suivants:

sous la rubrique Franchises: 'il est convenu d'un commun accord entre les parties que l'assuré prendra à sa charge, par sinistre et par établissement, la franchise fixée aux conditions personnelles.

Elle s'applique quelque soit l'événement générateur du sinistre, sauf les événements pour lesquels il est prévu par ailleurs au contrat une franchise supérieure, et se déduit du total des indenmités qui auraient été versées au titre du contrat en l'absence de franchise (pièce 1 page 5), sous la rubrique MONTANT DES GARANTIES ET DES FRANCHISES

Franchise générale:

'd'un commun accord entre les parties, il est convenu que l'assuré conservera à sa charge, par sinistre et par établissement, une franchise de 0,30 fois l'indice (FFB - Fédération Francaise du Bâtiment). Elle s'applique quel que soit l'événement générateur de sinistre, sauf les événements pour lesquels il est prévu par ailleurs une franchise supérieure et se déduit du total des indemnités qui auraient été versées au titre du contrat en l'absence de franchise' (page 7 pièce 1).

Il s'agit d'une franchise générale applicable à tous les sinistres, dont les incendies, et, contrairement à ce que soutiennent la SCI DU TILLEUL et les MMA, il ne peut être tiré aucune conséquence du tableau qui suit cette formule portant la mention 'néant' dans la colonne 'montant des franchises', cette mention devant être considérée comme s'appliquant seulement pour les franchises supérieures à la franchise générale, et non pour cette dernière qui s'applique pour tous les sinistres.

En conséquence, le jugement entrepris doit être ici confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être ici confirmé.

Succombant principalement, la SA ALBINGIA doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à régler à la SCI DU TILLEUL une indemnité de 3 000 euros et à la SA MMA IARD une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'exposer en appel.

Et la demande à ce titre formée par la SA ALBINGIA doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,  

 

INFIRME partiellement le jugement entrepris en ce que le premier juge a condamné la SA ALBINGIA à payer à la SCI DU TILLEUL la somme de 139 018,75 euros,

Statuant à nouveau,

Et, y ajoutant,

CONDAMNE la SA ALBINGIA à payer à la SCI DU TILLEUL:

- 183 434,39 euros au titre des dommages immobiliers, outre embellissements et frais annexes,

- 7 280,46 euros au titre de la dalle béton coulé,

- 12 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la faute commise par l'assureur ayant entraîné des pertes de loyers postérieurement à celles prises en compte contractuellement pendant un an à compter du sinistre,

- 9 952,74 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la faute commise par l'assureur ayant contraint la SCI DU TILLEUL à recourir à un prêt bancaire pour financer la reconstruction des locaux sinistrés,

- 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE la SA ALBINGIA à payer à la SA MMA IARD une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande formée par la SA ALBINGIA au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA ALBINGIA aux dépens d'appel et en ordonne la distraction.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/18657
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;18.18657 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award