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06/07/2023 | FRANCE | N°18/12169

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 06 juillet 2023, 18/12169


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 18/12169 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZ46







SA MMA IARD





C/



[Y] [V]

[B] [W] épouse [V]

SA DIFFAZUR PISCINES









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Hadrien LARRIBEAU



Me Florence ROLLIN-GARCIA



Me Sébastien BADIE


















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 19 Juin 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 13/04509.





APPELANTE



SA MMA IARD

, demeurant [Adresse 1] / FRANCE

représentée par Me Hadrien LARRIBEAU de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 18/12169 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZ46

SA MMA IARD

C/

[Y] [V]

[B] [W] épouse [V]

SA DIFFAZUR PISCINES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Hadrien LARRIBEAU

Me Florence ROLLIN-GARCIA

Me Sébastien BADIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 19 Juin 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 13/04509.

APPELANTE

SA MMA IARD

, demeurant [Adresse 1] / FRANCE

représentée par Me Hadrien LARRIBEAU de la SCP DELAGE - DAN - LARRIBEAU - RENAUDOT, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [Y] [V]

né le 27 Juin 1934 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Florence ROLLIN-GARCIA, avocat au barreau de GRASSE

Madame [B] [W] épouse [V]

née le 20 Avril 1942 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Florence ROLLIN-GARCIA, avocat au barreau de GRASSE

SA DIFFAZUR PISCINES

, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Pierre ARMANDO, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie LEYDIER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

Selon devis accepté le 10/04/ 2003 monsieur [Y] [V] et madame [B] [W] épouse [V] ont confié la réalisation d'une piscine à la société DIFFAZUR, sur un terrain dont ils sont propriétaires à [Localité 3].

Le chantier a été réceptionné selon procès-verbal du 11 août 2003.

De multiples fissures étant apparues au cours de l'année 2008 aux dires des maîtres d'ouvrage, le sinistre a été déclaré à l'assureur MMA IARD le 03/02/2011.

Les époux [V] ont ensuite assigné la SA DIFFAZUR, et la Compagnie MMA, par exploits du 29 janvier 2013, en référé expertise.

Une expertise a ainsi été ordonnée par ordonnance du 25/03/2013 complétée par ordonnance du 28/10/2013.

Par actes d'huissier du 31 juillet 2013, les époux [V] ont assigné la SA DIFFAZUR, et la SA MMA IARD en sa qualité d'assureur de la précédente, devant le tribunal de grande instance de Grasse pour obtenir réparation des préjudices résultant des désordres dont est atteinte leur piscine.

L'expert désigné par le juge des référés, monsieur [S], a déposé son rapport le 21 novembre 2014.

Le tribunal de grande instance de Grasse a rendu un jugement au fond le 19 juin 2018.

Par déclaration au greffe du 19 juillet 2018, la SA MMA IARD a interjeté appel du jugement précité en ce qu'il a :

Condamné in solidum la SA DIFFAZUR PISCINES et la compagnie MMA IARD à verser à Monsieur et Madame [V] une somme de 11 820 € TTC au titre des travaux de reprise nécessaires avec indexation sur l'indice BT 01 en prenant pour base le dernier indice publié le 1er juillet 2015 et pour multiplicateur le dernier indice publié au jour du paiement.

Condamné la compagnie MMA IARD à relever et garantir la SA DIFFAZUR PISCINE de la condamnation au paiement de la somme de 11 820 € TTC au titre des travaux de reprise nécessaires avec indexation sur l'indice BT 01 en prenant pour base le dernier indice publié le 1er juillet 2015 et pour multiplicateur le dernier indice publié au jour du paiement.

Condamné in solidum la SA DIFFAZUR PISCINES et la compagnie MMA IARD à verser à Monsieur et Madame [V] une somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné in solidum la SA DIFFAZUR PISCINES et la compagnie MMA IARD aux entiers dépens de la présente instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les frais de référé.

L'appel tend également à la réformation du jugement rendu le 19 juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en ce qu'il n'a pas :

Dit et jugé que les désordres ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage litigieux, Dit et jugé que les désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination, Dit et jugé que Monsieur et Madame [V] ne peuvent solliciter la condamnation de la Compagnie MMA pour un désordre non réalisé et simplement hypothétique,

Dit et jugé que Monsieur [V] a été négligent dans l'entretien de la piscine, Dit et jugé que la négligence de Monsieur [V] constitue une des causes des désordres, Dit et jugé que Monsieur et madame [V] ne sont pas recevables à solliciter la condamnation conjointe et solidaire de la Compagnie MMA et de son assurée,

Débouté Monsieur et Madame [V] de leur demande tendant à voir la Compagnie MMA condamnée conjointement et solidairement avec la société DIFFAZUR à leur verser la somme de 11.820 euros au titre des travaux de réparation,

Débouté Monsieur et Madame [V] de leur demande tendant à voir la Compagnie MMA condamnée conjointement et solidairement avec la société DIFFAZUR à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de leur prétendu préjudice de jouissance,

Débouté Monsieur et Madame [V] de leur demande tendant à voir la Compagnie MMA condamnée conjointement et solidairement avec la société DIFFAZUR à leur verser la somme de 5.000 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l'instance,

Débouté la société DIFFAZUR de sa demande d'être relevée et garantie par la Compagnie MMA des condamnations dont elle pourrait faire l'objet,

Débouté monsieur et madame [V], et la société DIFFAZUR de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Compagnie MMA;

Condamné tout succombant à verser à la Compagnie MMA la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Hadrien LARRIBEAU sous sa due affirmation de droit.

Par conclusions notifiées le 29/10/2018, les époux [V] demandent à la Cour :

CONSTATER l'irrecevabilité de l'exception de garantie soulevée pour Ia première fois en cause d'appel par la compagnie d'assurances fondée sur l'absence de garantie pour l'activité d'ouvrage de bâtiment.

CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a condamné in solidum la SA DIFFAZUR Piscines et la compagnie MMA lard au paiement de la somme de 11.820 € TTC au titre des travaux de reprises nécessaires avec indexation ainsi qu'au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC outre aux entiers dépens.

RECEVOIR les époux [V] en leur appel incident.

LE DECLARER recevable et bien fondé.

Par conséquent,

CONDAMNER in solidum la SA DIFFAZUR et la compagnie MMA lard au paiement de la somme de 5.000 € au titre du préjudice jouissance subi par les époux [V] depuis l'année 2008.

CONDAMNER conjointement et solidairement la société DIFFAZUR et son assureur au paiement de la somme de 5.000 € au titre des dispositions contenues à l'article 700 du CPC.

CONDAMNER conjointement et solidairement la société DIFFAZUR et son assureur aux entiers dépens de la procédure, y compris ceux des deux procédures de référés et le remboursement des frais d'Expertise.

Par conclusions notifiées par RPVA le 19/09/2022, la SA DIFFAZUR PISCINES demande à la Cour :

Vu l'article 1792 du code civil,

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la SA DIFFAZUR solidairement avec la SA MMA IARD , au paiement d'une somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC , aux dépens des instances de référés et frais de l'expertise judiciaire ;

Réformer ou infirmer et annuler le jugement sur ces points et débouter les époux [V] de leurs demandes au titre des frais de justice, dépens et frais d'expertise judiciaire ;

Condamner les époux [V] au paiement d'une somme de 5000€ au titre de l'article 700 du CPC ;

Condamner la SA MMA IARD au paiement d'une somme de 5000€ au titre de l'article 700 du CPC ;

Condamner solidairement les époux [V] et la SA MMA IARD aux dépens dont distraction au profit de maître BADIE ;

Rejeter les appels de la SA MMA IARD et des époux [V] et les débouter de l'ensemble de leurs demandes ;

Condamner la SA MMA IARD à relever, la SA DIFFAZUR PISCINES de l'ensemble des condamnations pouvant intervenir à son encontre.

Par conclusions notifiées par RPVA le 20/01/2023, la SA MMA IARD, demande à la Cour :

Vu les articles 1147 ancien et 1792 du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Juger que la compagnie MMA ne formule aucune demande nouvelle en cause d'appel ;

Juger que la police MMA ne garantit pas les ouvrages de bâtiment ;

Juger que la police MMA ne garantit que les ouvrages de génie civil ;

Juger que les désordres ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage litigieux ;

Juger que les désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;

Juger que monsieur et madame [V] ne peuvent solliciter la condamnation de la Compagnie MMA pour un désordre non réalisé et simplement hypothétique ;

Juger que monsieur et madame [V] ont été négligents dans l'entretien de la piscine ;

Juger que la négligence de monsieur et madame [V] constitue une des causes des désordres;

Juger que les désordres en cause sont exclus par la police RC souscrite auprès des MMA ;

Juger en cas de confirmation par la Cour d'Appel sur la qualité d'ouvrage de bâtiment de la piscine en cause, que la police MMA ne garantit pas la responsabilité de DIFFAZUR ;

Juger qu'en cas condamnation sur le volet génie civil les plafonds et franchises seront opposables aux époux [V], avec une franchise de 9.656,38 € minimum ;

Juger qu'en cas condamnation sur le volet RC les plafonds et franchises seront opposables aux époux [V] ;

Par conséquent,

Débouter les époux [V] de leur demande d'irrecevabilité en l'absence de demande nouvelle des MMA ;

Infirmer le Jugement du 19 juin 2018 en ce qu'il a condamné in solidum la SA DIFFAZUR PISCINES et la compagnie MMA IARD à verser à monsieur et madame [V] une somme de 11 820 € TTC au titre des travaux de reprise nécessaires avec indexation sur l'indice BT 01 en prenant pour base le dernier indice publié le 1er juillet 2015 et pour multiplicateur le dernier indice publié au jour du paiement ;

Infirmer le Jugement du 19 juin 2018 en ce qu'il a condamné la compagnie MMA IARD à relever et garantir la SA DIFFAZUR PISCINES de la condamnation au paiement de la somme de 11 820 € TTC au titre des travaux de reprise nécessaires avec indexation sur l'indice BT 01 en prenant pour base le dernier indice publié le 1er juillet 2015 et pour multiplicateur le dernier indice publié au jour du paiement ;

Infirmer le Jugement du 19 juin 2018 en ce qu'il a condamné in solidum la SA DIFFAZUR PISCINES et la compagnie MMA IARD à verser à monsieur et madame [V] une somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirmer le Jugement du 19 juin 2018 en ce qu'il a condamné in solidum la SA DIFFAZUR PISCINES et la compagnie MMA IARD aux entiers dépens de la présente instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les frais de référé ;

Statuant à nouveau,

Mettre purement et simplement hors de cause la Compagnie MMA ;

Débouter monsieur et madame [V], ainsi que la société DIFFAZUR de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Compagnie MMA ;

Débouter la société DIFFAZUR de sa demande en garantie par la Compagnie MMA des condamnations dont elle pourrait faire l'objet ;

Juger qu'en cas condamnation sur les volets génie civil et/ou RC les plafonds et franchises seront opposables ;

Condamner in solidum tous succombant à verser à la Compagnie MMA la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner in solidum tous succombant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Hadrien LARRIBEAU sous sa due affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience des plaidoiries du 02 mai 2023 à laquelle elle a été retenue.

MOTIVATION

Sur la qualification des désordres :

Il n'est pas contesté que les désordres objet du litige portent sur des travaux réalisés selon devis accepté le 10/04/ 2003 et réceptionnés sans réserve par procès-verbal du 11 août 2003.

Un procès-verbal de constat d'huissier du 05/12/2012 mentionne :

Fissure horizontale autour de la piscine en dessous de la margelle

Microfissuration le long de cette fissure sur l'ensemble du bassin

A gauche en descendant dans le bassin cinq autres fissures atteignant la partie basse du bassin

Trace noire au fond du bassin dans sa partie la plus basse

Érosion du revêtement de l'escalier

Microfissures au sol dans le bassin

Préalablement, AZUR CONSEIL EXPERTISE intervenue non contradictoirement ayant fait rapport le 24/02/2011 avait constaté :

. Problème de fissure traversante au niveau du cuvelage béton (fissure traversante d'où l'infiltration des eaux de pluie dans le bassin et une fuite des eaux du bassin vers l'extérieur)

. Problème de fissure au niveau de l'enduit d'étanchéité de marque « Plaster » (défaut de pose-épaisseur insuffisante.

L'expert désigné par le juge des référés conclut :

-la fissure horizontale sous les margelles est très fréquente sur tous les bassins de cette nature, que la variation de température estivale du bajoyer au cours d'un cycle de 24 heures est de l'ordre du degré alors que la variation de température du mortier de pose des margelles au cours de la même période à la même époque est de l'ordre de 20 degrés. Il en découle des variations dimensionnelles différentes, l'apparition de contraintes qui ne s'évacuent que par la formation de cette fissure. L'état de fissuration du mortier de pose, avec une fissure horizontale continue et une multitude de très courtes fissures adjacentes est caractéristique d'un mortier de pose probablement trop riche en ciment et appliqué par temps trop chaud.

-les fissures dans l'axe Est-Ouest résultent du fait que le fond de la piscine est très en pente, ce qui a très probablement entrainé une sorte de tassement différentiel ; le bassin a subi des contraintes inégales et les a évacuées par la formation de ces fissures dans l'axe Est -Ouest, le plus fragile en Est en raison de la présence de la réservation pour le projecteur.

-la fissure dans l'angle Nord- Ouest est due classiquement à la difficulté à parfaitement assurer le recouvrement des aciers.

-les taches sont dues à des dépôts de grosses poussières voire de petits grains d'argiles poussées par le vent et qui s'incrustent dans le « plaster » alors que la piscine n'est pas équipée d'un système de nettoyage automatique non acquis par les maîtres d'ouvrage malgré une proposition en ce sens du piscinier.

-les fissures verticales sont caractéristiques de malfaçons d'exécution par recouvrement insuffisant des aciers sans qu'il soit encouru un risque sur la solidité de l'ouvrage alors que les désordres n'ont pas évolué.

-la fissuration du bajoyer est effective au Nord-Ouest, l'ouverture des fissures est très faible et la calcification les a déjà en grande partie colmatées. Les autres fissures ne sont pas infiltrantes. Les dommages de fissuration sont en conséquence à ce jour esthétiques car la solidité du bassin n'est pas menacée.

Il note toutefois page 13 que les photos réalisées montrent qu'effectivement de l'eau pénètre dans le bassin par deux fissures, l'une dans la rupture de la courbe en Ouest environ 25 cm sous le niveau inférieur des margelles.

La fissure d'abord sensiblement verticale puis se subdivisant en deux brins constatée sur le «Plaster », traverse également le bajoyer.

Le premier juge a considéré que l'existence de fissures infiltrantes entraîne une impropriété à la destination du bassin par surconsommation de l'eau nécessaire au remplissage de la piscine et doivent être considérées comme des désordres de nature décennale.

Les époux [V] concluent à la confirmation du jugement de première instance dont la motivation est parfaite.

La société DIFFAZUR conclut à la confirmation du caractère décennal des dommages puisque la fissure transversale du bassin testée par l'expert s'est révélée infiltrante .

La SA MMA IARD fait valoir que l'expert a clairement indiqué qu'aucun désordre ne porte actuellement atteinte à la solidité de l'ouvrage et que le bassin n'est pas impropre à sa destination, que si la fissuration du bajoyer est effective au Nord-ouest, l'ouverture des fissures est très faible et la calcification les a déjà en grande partie colmatées , que les dommages de fissuration sont à ce jour esthétiques car la solidité du bassin n'est pas menacée. Il a relevé en outre un défaut d'entretien .

Le défaut d'entretien évoqué par l'expert ne concerne pas l'entretien et le suivi de la qualité de l'eau au quotidien mais est en fait une absence de système automatique de nettoyage de nature à éviter les tâches en fond de bassin du fait du dépôt de matières et de maintenance périodique.

Il est sans lien avec le désordre retenu par le premier juge pour caractériser l'impropriété à destination (fissures infiltrantes).

Au vu des éléments précités, c'est à juste titre que le premier juge qui n'est pas lié par les conclusions de l'expert sur la qualification des désordres au regard des critères de l'article 1792 du code civil , a qualifié les fissures infiltrantes (fissuration du bajoyer) de désordre relevant de la garantie décennale ,non en raison d'une surconsommation d'eau non avérée (l'expert indique que la perte d'eau est inférieure à celle résultant de l'évaporation) , mais du fait que l'absence d'étanchéité de la piscine en raison d'une fissure traversante constatée à la date de l'expertise, soit avant l'expiration de la garantie décennale , constitue nécessairement un désordre rendant à cette date l'ouvrage impropre à sa destination .

Par voie de conséquence, le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 19 juin 2018 doit être confirmé en ce qu'il fait application de la garantie décennale prévue par l'article 1792 du code civil.

Sur le préjudice matériel

Après avoir relevé que les fissures du bajoyer Ouest sont traversantes , que le désordre n'est ainsi pas uniquement esthétique , que le nombre , la nature et la position des fissures nécessitent après les travaux de rebouchage préconisés une nouvelle couche de « Plaster », l'expert préconise :

-la dépose et la repose des margelles et de leur mortier

- le traitement classique des fissures de bassins

-le remplacement du « plaster »

Il fixe le montant des travaux de reprise à la somme de 10346€ HT soit 11820 euros TTC et leur durée à 5 semaines.

Cette évaluation n'est pas contestée.

Sur le préjudice de jouissance :

Les époux [V] demandent la réparation d'un préjudice de jouissance à compter de l'année 2008 à hauteur de 5000 euros.

Les époux [V] font valoir que la société DIFFAZUR et son assureur ont fait preuve de déloyauté contractuelle en refusant de réaliser les travaux propres à remédier aux désordres faisant obstacle à la cessation de la surconsommation d'eau et leur imposant des délais de procédures et des expertises longues.

La société DIFFAZUR fait valoir qu'il n'a pas été constaté par l'expert une indisponibilité de la piscine pour les époux [V] et qu'ils n'ont produit aucune pièce pour attester de la surconsommation d'eau résultant des désordres, que la surconsommation d'eau constitue un dommage matériel couvert par la garantie de l'assureur.

C'est à juste titre que le premier juge a rejeté cette demande en l'absence d'une part de démonstration par les époux [V] d'une indisponibilité de la piscine alors que l'expert note que celle-ci ne résulte pas de l'examen des désordres et des conditions d'utilisation de la piscine relevées et d'autre part de justification de la surconsommation ayant pour origine les désordres objet du litige.

Enfin, peu importe la longueur de la procédure dès lors que les éléments constitutifs du trouble de jouissance ne sont pas établis.

La décision sera donc confirmée sur ce point.

Sur la garantie de l'assureur

Sur l'irrecevabilité de l'exception de non garantie soulevée par l'assureur

Les époux [V] se prévalent des dispositions de l'article 564 du CPC pour demander à la Cour de déclarer irrecevable l'exception de non garantie des ouvrages de bâtiment soulevée par l'assureur.

La SA MMA IARD fait valoir qu'un moyen de défense au fond ne constitue pas une demande nouvelle.

En première instance, la SA MMA IARD a conclu à l'exclusion de sa garantie aux motifs que les désordres objet du litige ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination et ne portent pas atteinte à sa solidité.

L'exception de non garantie du sinistre du fait de la non déclaration de l'activité dont il relève par l'assuré n'est pas une demande nouvelle mais un moyen nouveau puisqu'il tend à la même fin que la demande de première instance, la non garantie du sinistre en application d'un même contrat d'assurance quel que soit le fondement choisi.

Par voie de conséquence elle est recevable.

Sur l'exception de non garantie

La Cour de cassation soumet à la présomption de responsabilité prévue à l'article 1792 du Code civil et à l'obligation d'assurances de responsabilité décennale les travaux de construction faisant appel à des techniques de bâtiment et notamment les piscines d'agrément.

De plus, tout contrat d'assurance souscrit par une personne assujettie à l'obligation d'assurance est, nonobstant toute clause contraire, réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types prévues par l'article A. 243-1 du code des assurances (cassation 4 Février 2016 pourvoi n° 14-29.790)

Si l'on se réfère aux conditions particulières signées le 25/01/2000, il est indiqué :

-Page 1 : domaine d'activité : construction d'ouvrages du bâtiment article 2-14 : NON

Il s'agit toutefois des ouvrages à caractère exceptionnel ou inusuel si l'on se réfère à l'article 2 -14 des définitions de la convention 971L

-Page 2 :

Activités déclarées : « travaux de bâtiments et ou de génie civil »

Activités assurées lors du précédent contrat assurance décennale du constructeur : oui

Au chapitre « les sinistres antérieurs » sont relevés les sinistres au titre de l'assurance décennale constructeur

Au chapitre « garantie la RC décennale obligatoire », il est mentionné « non souscrite »

En revanche le chapitre dispositions diverses renvoie à la page dispositions diverses en annexe.

Dans les dispositions diverses en annexe signées également le 25/01/2000 il est expressément indiqué :

« 1. Activité garantie : réalisation de piscines non couvertes de marque DIFFAZUR et avec des structures réalisées en béton projeté par la filiale de DIFFAZUR la société France Béton Projection ou réalisation de piscines en conformité avec les annales de l'ITBTP »

La société MMA IARD a dans ses écritures de première instance indiquait :

Page 2 :« la SA DIFFAZUR est assurée selon police responsabilité civile décennale (RCD) auprès de la compagnie MMA »

Page 3 : « il convient de rappeler que la compagnie MMA ne garantit que la responsabilité décennale de son assurée. »

Page 4 : « sa garantie se limite aux désordres qui affecteraient l'ouvrage litigieux et qui le rendraient impropre à sa destination, ou porteraient atteinte à sa solidité, concernant des ouvrages réceptionnés sans réserve. »

Par voie de conséquence les désordres objet du litige relèvent de la garantie décennale du fait de l'activité précitée s'agissant des dommages affectant l'usage conformément à sa destination de la piscine et la franchise n'est pas opposable aux époux [V].

Enfin, la société MMA IARD, assureur de la société DIFFAZUR doit être condamnée à garantir son assurée dans la limite de la franchise contractuelle.

Sur les autres demandes

La société DIFFAZUR demande la réformation du jugement de première instance concernant les frais de justice, dépens, frais d'expertise at application de l'article 700 du code de procédure civile :

Elle fait valoir que ces frais résultent de la mauvaise foi des époux [V] et de leur refus de laisser intervenir la SA DIFFAZUR pour traiter les fissures.

Il ressort des pièces du dossier que les époux [V] étaient en désaccord avec les propositions d'intervention de la société DIFFAZUR consistant en une simple reprise de fissures et donc une réparation du dommage inférieure à celle reconnue comme nécessaire par l'expert désigné par le juge des référés.

De même, une demande d'investigation complémentaire dans le cadre de l'expertise afin d'établir de manière certaine que des désordres apparents 'en l'espèce les tâches en fond de bassin, le défaut de planéité des plages et margelles- ne sont pas la manifestation de désordres de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, n'est pas constitutif de la mauvaise foi.

Par voie de conséquence il y a lieu de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné la SA DIFFAZUR in solidum avec son assureur au paiement des entiers dépens incluant l'intégralité des frais d'expertise et de référé.

La SA DIFFAZUR et son assureur étant parties perdantes en première instance, le premier juge les a logiquement condamnés au paiement d'une somme au titre de la prise en charge des frais irrépétibles engagés par les époux [V].

La décision du premier juge étant confirmée, il n'y a pas lieu d'infirmer les condamnations prononcées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société DIFFAZUR demande la condamnation des époux [V] à lui payer une somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC

Elle se prévaut des frais résultant de la longueur de la procédure d'expertise, de première instance et de la procédure d'appel.

L'expertise judiciaire et la procédure de première instance ont pour origine le désaccord des parties sur la nature des désordres et l'étendue des réparations nécessaires pour y mettre fin et la SA MMA IARD est l'auteur de l'appel principal, l'appel des époux [V] n'étant qu'incident.

Par voie de conséquence, la demande de condamnation des époux [V] sur le fondement de l'article 700 du CPC par la SA DIFFAZUR, partie perdante, est mal fondée et doit être rejetée.

La société DIFFAZUR demande la condamnation de la société MMA IARD à lui payer une somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

La société MMA IARD étant à l'origine de la procédure d'appel et ayant dénié dans ce cadre sa garantie, elle a nécessairement été à l'origine pour la société DIFFAZUR de frais irrépétibles supplémentaires ;

Elle doit être condamnée au paiement d'une somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, l'équité commande de condamner in solidum la société MMA IARD et la société DIFFAZUR à payer aux époux [V] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du CPC.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 19 juin 2018 en toutes ses dispositions déférées à la Cour,

Y ajoutant,

Condamne la société MMA IARD à payer à la société DIFFAZUR PISCINES une somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la société MMA IARD et la société DIFFAZUR à payer aux époux [V] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du CPC.

Rejette le surplus des demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la société MMA IARD et la société DIFFAZUR PISCINES à payer les dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de maître Hadrien LARRIBEAU et maître BADIE.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/12169
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;18.12169 ?
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