COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 04 JUILLET 2023
N° 2023/ 220
Rôle N° RG 22/10423 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZC5
S.A.S. TOTALENERGIES RAFFINAGE FRANCE
S.A.S. TOTALENERGIES RAFFINAGE CHIMIE
C/
COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE L'ETABLISSEMENT DE LA MÈDE DE L'UES RAFFINAGE PETROCHIMIE
COMITE SOCIAL ET DE L'ETABLISSEMENT TOTAL PLATEFORME NORMANDIE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Joseph MAGNAN Me Lauriane BUONOMANO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AIX EN PROVENCE en date du 12 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 22/03099.
APPELANTES
S.A.S. TOTALENERGIES RAFFINAGE FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]
S.A.S. TOTALENERGIES RAFFINAGE CHIMIE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Jean-benoît LHOMME, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE L'ETABLISSEMENT DE LA MÈDE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, représenté par Messieurs [R] [T] et [O] [V], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Lauriane BUONOMANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
COMITE SOCIAL ET DE L'ETABLISSEMENT TOTAL PLATEFORME NORMANDIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, représenté par Monsieur [D] [E], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Lauriane BUONOMANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme DEMONT, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Danielle DEMONT, Conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La branche raffinage-chimie du groupe Total Energies est composée de quatre sociétés qui forment une unité économique et sociale, I'UES raffinage-pétrochimie, qui regroupe neuf établissements dont celui situé à La Mède, au sein duquel est institué un comité social et économique (CSE).
Suite aux élections professionnelles organisées en avril 2022, la composition du CSE de La Mède s'est établie de la façon suivante:
' collège des ouvriers et employés: 1 élu CGT; 0 CFE-CGC ; 0 FO
' collège des techniciens et agents de maîtrise: 7 élus CGT; 0 CFE-CGC ; 3 FO
' collège des ingénieurs, chefs de service et cadres: 0 élu CGT; 1 CFE-CGC ; 1 FO.
Le 3 mai 2022, les 13 élus membres titulaires du CSE ont désigné, comme devant être les 7 membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), les 7 élus CGT du collège des techniciens et agents de maîtrise.
Par exploit du 13 juin 2022, la SAS Total Energies Raffinage France et la SAS TotalEnergies Raffinage Chimie (les sociétés Total) ont assigné le comité social et économique de l'établissement de la Mède de l'UES Raffinage-Pétrochimie aux fins de voir :
' dire et juger qu'un siège doit être réservé à un cadre au sein de la CSSCT du CSE de l'établissement de la Mède de I'UES Raffinage-Pétrochimie,
' annuler la délibération du CSE de l'établissement de la Mède de l'UES Raffinage-Pétrochimie adoptée le 3 mai 2022 désignant les membres de la CSSCT,
' enjoindre au CSE de l'établissement de la Mède de I'UES Raffinage-Pétrochimie de procéder à une nouvelle désignation des membres de la CSSCT en réservant un siège au troisième collège.
Par jugement en date du 12 juillet 2022, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a débouté la SAS Total énergie raffinage France et la SAS Total énergie raffinage chimie de toutes leurs demandes, et les a condamnées conjointement aux dépens et à payer au comité social et économique de l'établissement de La Mède de L'UES raffinage pétrochimie la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le 20 juillet 2022, la SAS Total Energies Raffinage-France et la SAS Total Energies Raffinage-Pétrochimie ont relevé appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 15 mai 2023, elles demandent à la cour :
' avant-dire droit, de solliciter, après avoir avisé les parties et le ministère public, et recueilli leurs observations écrites éventuelles, l'avis de la Cour de cassation sur la question suivante :
« Les dispositions de l'article L 2315-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 20 décembre 2017 prévoyant que la commission santé, sécurité et conditions de travail devant être en place dans les entreprises ou établissements d'au moins 300 salariés ainsi que dans les établissements mentionnés aux articles L 4521-1 et suivants du code du travail, 'comprend au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège prévu à l'article L 2314-11" imposent-t-elles la désignation d'un élu représentant du troisième collège dès lors que ce troisième collège réunissant les ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est constitué ' »
' en tout état de cause, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
' de juger qu'un siège doit être réservé à un cadre au sein de la CSSCT du comité social et économique de l'UES raffinage pétrochimie établissement de la Mède ;
' d'annuler la délibération du comité social et économique de l'établissement de la Mède de l'UES raffinage pétrochimie adoptée le 3 mai 2022 désignant les membres de la CSSCT
' d'enjoindre au CSE de l'établissement de La Mède de procéder à une nouvelle désignation des membres de la CSSCT, en réservant un siège au troisième collège ;
' et de le condamner au paiement de la somme de 2500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.
Par conclusions du 15 mai 2023, le comité social et économique (CSE) de l'établissement Total de La Mède demande à la cour de prononcer la jonction entre les affaires enregistrées sous les RG 22/10 423 et 23/3551, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter les sociétés de toutes leurs demandes, et de les condamner in solidum aux dépens et au paiement de la somme de 4 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
Motifs
Attendu en premier lieu qu'il n'y a pas lieu de joindre la présente procédure d'appel du jugement au fond rendu par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, avec le simple jugement de desaisissement à notre profit prononcé pour connexité par le tribunal du Havre ;
Attendu ensuite au fond que l'article L.2315-39 du code du travail, relatif aux dispositions d'ordre public régissant la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) instaurée au sein du comité social et économique (CSE) des entreprises d'au moins cinquante salariés, dispose que cette commission «comprend au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège prévus à l'article L. 2314-11(...)
Les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail sont désignés par le comité social et économique parmi ses membres (...) pour une durée qui prend fin avec avec celle du mandat des memebres élus du comité.» ;
Attendu que l'article L. 2314-11 du code du travail prévoit que :
«Les membres de la délégation du personnel du comité social et économique sont élus sur des listes établies par les organisations syndicales pour chaque catégorie de personnel:
- d'une part, par le collège des ouvriers et employés;
- d'autre part, par le collège des ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés.
Dans les entreprises d'au moins cinq cent un salariés, les ingénieurs, les chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés ont au moins un délégué titulaire au sein du second collège, élu dans les mêmes conditions.
En outre, dans les entreprises, quel que soit leur effectif, dont le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est au moins égal à vingt-cinq au moment de la constitution ou du renouvellement de l'instance, ces catégories constituent un troisième collège.» ;
Attendu que les termes «le cas échéant» de l'article L.2315-39 du code du travail, visent l'hypothèse selon laquelle un troisième collège regroupant les représentants des cadres et catégories assimilées est constitué au sein du CSE, en raison des effectifs de ces catégories de personnel ;
Attendu que la SASU Total Energies Raffinage France invoque un jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Lyon le 17 mai 2022 pour l'UES de l'établissement de Feyzin, pour soutenir que dans ce cas où il est constitué ce troisième collège représentant les ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification, le collège auquel ceux-ci appartenaient auparavant, regroupant désormais exclusivement les représentants des techniciens et agents de maîtrise et assimilés, doit donc être désigné comme un deuxième collège, et non comme le « second » collège, l'expression « deuxième collège » n'étant pas visée par l'article L.2315-39, ce dont elles déduisent que, lorsqu'il existe un troisième collège, la première branche de l'alternative ne s'applique pas puisqu'elle vise expressément un « second collège » qui n'existe dès lors pas lorsqu'existe un troisième collège ; que seule la seconde branche de l'alternative trouve alors à s'appliquer, qui prévoit l'attribution du siège réservé à un représentant du troisième collège, soit un cadre ; que la conjonction 'ou' marque en effet une alternative dont l'un des termes entraîne l'exclusion de l'autre, de sorte qu'il doit être désigné soit un représentant du second collège, quand il y en a deux, soit un représentant du troisième collège lorsque ce dernier est constitué ;
Mais attendu que l'emploi du terme « second » est nécessairement d'usage quand il n'y a pas de « troisième » collège ; que la présence d'une virgule avant 'ou' vise précisément l'ajout d'une situation d'exception dans laquelle un troisième collège est constitué ; et que le terme «ou» signifie que le troisième membre de la commission doit obligatoirement appartenir indifféremment à l'un ou l'autre du second - devenant alors 'deuxième' - ou du troisième collège et à l'une ou l'autre de ces catégories de personnel : techniciens et agents de maitrise, ou ingénieurs et cadres ;
Attendu qu'en effet lorsque deux collèges seulement sont constitués, le premier des ouvriers et employés, et le second des ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés, l'article L.2315-39 prévoit que la CSSCT doit comprendre au moins un représentant du second collège : un représentant des ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés c'est-à-dire d'un représentant non issu du collège des ouvriers et employés ; qu'il n'est pas nécessairement cadre ;
Attendu que selon la lecture proposée par Total, le texte imposerait donc la présence d'un représentant non issu du collège des ouvriers et employés quand il y a deux collèges, mais, en cas de constitution de trois collèges, qu'il imposerait la présence d'un représentant issu du collège des cadres ;
Attendu que le comité social et économique plaide utilement à l'opposé qu'en cas de constitution du troisième collège, le texte impose seulement la désignation d'un membre soit du second collège, soit d'un membre du troisième collège, sans rendre obligatoire la présence d'un cadre ; et que cette disposition vise à privilégier, dans la composition de la CSST des salariés qui sont les plus exposés aux risques chimiques et biologiques, dans la mesure où les ingénieurs, chefs de service et les cadres moins exposés relevent pour leur part, sauf exception, du même collège (le second) ;
Attendu que la lecture proposée par le CSE respecte ainsi la logique relative à la désignation du représentant non issu du collège des ouvriers et employés prévue par l'alinéa 2 de l'article L.2315-39, de manière identique, que soient constitués deux ou trois collèges : la CSSCT doit comprendre au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant non ouvrier ou employé ;
Attendu que la CSSCT présente en conséquence une composition conforme aux dispositions d'ordre public de l'article L.2315-39 du code du travail, dans la mesure où elle comprend au moins un membre non issu du collège des ouvriers et employés, les membres étant en réalité tous issus du collège des techniciens et agents de maîtrise ;
Attendu que le jugement qui a rejeté toutes les prétentions des sociétés Total doit en conséquence être entièrement approuvé, sans solliciter l'avis de la Cour de cassation ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Dit n'y avoir lieu à jonction,
Dit n'y avoir lieu de solliciter un avis de la Cour de cassation,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en date du 12 juillet 2022 en toutes ses dispositions,
y ajoutant
Condamne in solidum la SAS Total Energies Raffinage-France et la SAS Total Energies Raffinage-Pétrochimie à payer au comité social et économique de l'établissement de La Mède la somme de 2 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT