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30/06/2023 | FRANCE | N°20/02383

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 30 juin 2023, 20/02383


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2023



N° 2023/235





Rôle N° RG 20/02383 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFTO6







[O] [X]





C/





SARL CHEZ CESAR









Copie exécutoire délivrée le :



30 JUIN 2023



à :



Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Christine SCELLIER-FOURNIER,

avocat au barreau de MARSEILLE































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Marseille en date du 29 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F19/00937.


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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2023

N° 2023/235

Rôle N° RG 20/02383 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFTO6

[O] [X]

C/

SARL CHEZ CESAR

Copie exécutoire délivrée le :

30 JUIN 2023

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Christine SCELLIER-FOURNIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Marseille en date du 29 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F19/00937.

APPELANT

Monsieur [O] [X], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Valérie PICARD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL CHEZ CESAR, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christine SCELLIER-FOURNIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [O] [X] a été embauché par la société CHEZ CESAR exploitant un restaurant à [Localité 6], par contrat à durée déterminée du 13 avril 2018 au 1er octobre 2018 en qualité de cuisinier moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.533 euros.

Par courrier du 17 septembre 2018, il a sollicité auprès de son employeur le paiement d'heures supplémentaires et la remise de son solde de tout compte.

La société CHEZ CESAR lui a adressé son solde de tout compte, son bulletin de salaire de sortie, son certificat de travail ainsi que l'attestation Pôle Emploi par courrier du 31 octobre 2018.

Monsieur [O] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille afin de voir la SARL CHEZ CESAR condamnée à lui payer un rappel d'heures supplémentaires, voir dire que la 'prise d'acte' s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre de solliciter le paiement de diverses sommes.

Suivant jugement rendu le 29 janvier 2020, le conseil des prud'hommes a débouté Monsieur [X] de l'ingéralité de ses demandes.

Le salarié a interjeté appel de cette décision et demande à la cour, suivant conclusions notifiées par voie électronique le 4 avril 2023, de :

Dire qu'il a effectué 440 heures supplémentaires au cours de l'exécution de son contrat de travail, soit du 13 avril 2018 et le 17 septembre 2018,

Condamner la société CHEZ CESAR au paiement de ces heures supplémentaires soit 5.374,60 euros aprés en avoir déduit les charges y afférentes,

La condamner à procéder aux déclarations rectificatives quant aux heures effectivement travaillées,

Dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la société CHEZ CESAR au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.533 euros correspondant à 1 mois de préavis,

La condamner à lui payer la somme de 9.198 euros au titre du travail dissimulé,

La condamner à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'inexactitude de l'attestation destinée à Pôle Emploi,

La condamner à lui payer la somme de 3.000 euros pour procédure vexatoire,

La condamner à payer la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maitre Valérie PICARD sur ses offres de droit.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 mars 2023, la SARL CHEZ CESAR demande à la cour de :

Juger irrecevables les demandes nouvelles présentées dans les conclusions signifiées le 22 mars 2023 par Monsieur [X] à savoir les demandes :

- De 1.533 euros au titre d'un mois de préavis,

- De 9.198 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- De 3.000 euros de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

-Rejeter des débats le PV d'audition de Mme [WN] produit aux débats en violation des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale sur le secret de l'enquête préliminaire,

Confirmer le jugement entrepris,

Débouter Monsieur [X] de sa demande tendant à voir analyser la rupture de son contrat de travail en prise d'acte,

Débouter Monsieur [X] de sa demande de requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause et sérieuse,

Le débouter de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 8.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L1235-3 du Code du travail.

Débouter Monsieur [X] de sa demande en paiement de 440 heures supplémentaires à hauteur de 5.374,60 euros, de sa demande de déclarations rectificatives afin de mentionner l'accomplissement d'heures supplémentaires, de sa demande de condamnation de la SARL Chez César à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexactitude de l'Attestation Pôle Emploi,

Qualifier la rupture du contrat de travail de Monsieur [X] en rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée de son fait,

Débouter Monsieur [X] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 8.000 euros, de sa demande d'article 700 du CPC à hauteur de 2.500 euros et de condamnation aux dépens,

Reconventionnellement :

Condamner Monsieur [X] à payer à la SARL CHEZ CESAR la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La procédure a été close suivant ordonnance du 6 avril 2023.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles

La société CHEZ CESAR soutient que les demandes formées par Monsieur [X] portant sur les sommes de 1.533 euros au titre du mois de préavis, de 9.198 de dommages et intérêts pour travail dissimulé et de 3.000 euros de dommages et intérêts pour procédure vexatoire sont des demandes nouvelles irrecevables en appel au visa des articles 910-4 du code de procédure civile.

Le salarié ne conclut pas sur ce point.

La cour, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité, devant elle, de prétentions nouvelles, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile.

En application de l'article 566 du code de procédure civile, sont recevables les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge auxquelles les parties peuvent ajouter en cause d'appel 'toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément'.

En l'espèce, alors que Monsieur [X] a formulé devant le conseil de prud'hommes une demande tendant à dire que son courrier par lequel il a 'pris acte' de la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il peut valablement former en appel une demande au titre de l'indemnité de préavis qui en est la conséquence.

De même, alors que le salarié a soumis au conseil de prud'hommes une demande tendant à la rémunération d'heures supplémentaires impayées, il peut valablement former en cause d'appel une demande au titre de l'indemnité de travail dissimulé, qui en est le complément.

La demande de dommages et intérêts formée au titre de la 'procédure vexatoire' dont il n'est pas précisé par le salarié qu'elle viserait spécifiquement la procédure d'appel, doit en revanche être déclarée irrecevable comme étant une demande nouvelle.

Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties. Dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Monsieur [X] soutient que durant l'exécution de son contrat de travail du 13 avril 2018 au 17 septembre 2018, il était amené à travailler 11 heures par jour avec 2 jours de repos par semaine, selon les modalités suivantes : de 9h à15h et de18h à 23h, ce que confirment plusieurs salariés, livreurs, voisins ainsi que son épouse, de sorte qu'il a effectué dans le restaurant exploité par la société CHEZ CESAR, 440 heures supplémentaires qui auraient dû lui être rémunérées 5374,60 euros. S'il n'a réclamé que 260 heures dans son courrier adressé à l'inspection du travail, c'est qu'il avait mal fait son calcul. Il explique avoir déposé plainte contre son ancien employeur pour travail dissimulé et usage de fausses attestations, s'agissant des témoignages produits par la SARL CHEZ CESAR dans le cadre de la présente instance. Il affirme avoir été le seul cuisinier en poste, devant donc travailler également le soir et n'avoir jamais vu travailler dans le restaurant ni Monsieur [H] [S], ni Monsieur [W] [F] ni encore Mme [OT] [WN].Il fait valoir qu'il résulte de la DSN Urssaf pour l'année 2018 versée aux débats que Mme [WN] a très peu travaillé et que Monsieur [F] n'a pas travaillé du tout en 2018.

Il produit :

-une lettre manuscrite de réclamation d'heures supplémentaires adressée à son employeur ainsi qu'une lettre signalant des heures supplémentaires impayées adressée à l'inspection du travail ;

-l'attestation de Monsieur [C], livreur qui déclare : 'Je suis livreur de fruits et légumes sur [Localité 6] depuis plus de 10 ans, j'y suis présent tous les matins du lundi au samedi, de 7h00 à 9h00 le temps d'effectuer les livraisons auprès de mes clients restaurateurs. Je connais parfaitement le fonctionnement et les horaires pratiqués par les employés de restauration sur [Localité 6] qui sont de 9H00 à 15H00 et de 18H00 à 23h00 pour le service du soir. J'atteste sur l'honneur avoir croisé M [X] [O] tous les matins pour le compte du restaurant 'Chez César' sur l'année 2018' ;

-l'attestation de Monsieur [VJ] [K], commis de cuisine, qui atteste sur l'honneur que Monsieur [O] [X] a travaillé comme cuisinier dans le restaurant chez César sur la période du 13/04/2018 au 17/09/2018 à temps complet (midi et soir) de 9h du matin jusqu'à 15h et le soir de 18h jusqu'à 23 heures;

-l'attestation de son épouse [T] [VN] qui indique : 'il part de la maison à 8h30 pour le travail et rentre à 15h, il reprend le travail à 18h le soir jusqu'à 23 heures. Il a deux jours de conger par semaine';

-l'attestation de Mme [Y] [U], qui déclare 'avoir vu travailler Mr [O] [X] chez César et ceci dans l'année 2018 (...) Je le voyais le matin de 9h00 à peu près jusqu'à 15 heures et fermeture du restaurant 23h pour lui' ;

-l'attestation de Monsieur [G] [DL], chef de cuisine, domicilié au dessus de l'entrée arrière du restaurant Chez César à [Localité 6] qui déclare :

'(...) Mr [X] [O] durant l'année 2018 travaille au restaurant chez cesar.je connait Mr [X] [O] comme tous les autres cuisiniers sur [Localité 6].Je suis comme plusieurs cuisiniers qui se réveilles le matin tôt ou on se retrouve avec quelques cuisiniers autour d'un café tous les matins ou pendant la pause du service du midi 11H-11.45H ou la pause du service du soir 18H-18H45et à 23H00 la fin du service (...)' ;

-l'attestation der Monsieur [N] [R], serveur barman au Restaurant La Poissonnerie Laurent qui indique : 'Je connais M [X] [O] comme cuisine sur [Localité 6] depuis mon arrivée à [Localité 6]. Je confirme qu'en 2018, Mr [X] [O] occupe le poste de cuisine au restaurant chez CESAR à [Localité 6]. Je voix Mr [X] [O] tous les jours quand je passe devant le restaurant CHEZ CESAR pour aller au travail ou pendant la pause du service du midi ou du service du soir devant le restaurant CHEZ CESAR. [Localité 6] est un petit village, on travaille tous dans la restauration' ;

-l'attestation de Monsieur [I] [JC], ancien collègue, établie le 28 février 2020, après une première attestation dressée en 2019 :

'Je travailler au restaurant chez césar à [Localité 6] comme plongeur.Je remplace le plongeur ([P]) du 03/2018 au 08/2018, travaille sans contrat (au noir). je trouve Mr [X] [O] cuisine chez césar, j'été avec lui dans la meme cuisine tout les jours, sauf jour de repos, si non tout les jours de 9H00 à 15H00 et le soir de 18H00 à 23H00. mais du mois de septembre au mois d'octobre déclare que Mr [X] [O] ne travaille plus chez césar, il ma dit je te déclare pour éviter le probléme si il ya un controle parce que il a eu un probléme avec Mr [X]. après deux mois déclaré, je continue à travaillé au noir.je peux donc de vous confirme que Mr [X] [O] a bien travaillé chez césar avec les heures de 9H00 à 15H00 et de 18H00 à 23H00" ;

-un arrêté du Maire de [Localité 6] en date du le 26 mai 2020, réglementant les livraisons :

'Article 1 : le Port: les quais des [Adresse 3], [Adresse 4], [Adresse 7] et [Adresse 5] seront fermés à la circulation des véhicules à moteur du lundi au dimanche inclus et joursfériés de 10H30 a 6H00 le lendemain matin' ;

-le procès verbal d'audition de Mme [WN] du 6 décembre 2021, dans le cadre de la plainte qu'elle a déposée pour fausse attestation et usage de fausse attestation, travail dissimulé, auprès du Procureur de la République à l'encontre de son ancien employeur. Elle déclare : 'En 2018 j'ai été employé en tant que chef de cuisine par la SARL CHEZ CESAR sur le port de [Localité 6]. Mon contrat a débuté le 24 avril 2018 jusqu'au 30 septembre 2018. Mes horaires de travail à l'époque étaient de 17h00 jusqu'à la fermeture. Cétait entre 23 heures 00 et minuit.

Je faisais uniquement le soir. Je n'ai jamais fait le midi. Le patron, Monsieur [E] [D], m'avait prise pour le service du soir car le cuisinier du midi ne voulait pas travailler en soirée' ;,

-la DSN de l'établissement Chez César pour l'année 2018 sur laquelle figurent des cotisations URSSAF pour l'emploi déclaré de Monsieur [X] à hauteur de 8.890,16 euros et pour l'emploi de Mme [WN] [Y], chef cuisinier, uniquement à hauteur de 511,08 euros.

Monsieur [X] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre.

La SARL CHEZ CESAR fait valoir que Monsieur [X] n'a pas exécuté d'heures supplémentaires car il ne travaillait pas le soir de 18h à 23h comme il le prétend mais uniquement le matin entre 9h et 16h.Elle expose que c'est Madame [Y] [WN] qui était chargée de la cuisine le soir sur la période d'avril à septembre 2018, comme elle l'a déclaré. Elle souligne que Monsieur [X] formule des demandes fantaisistes, évoquant d'abord 260 heures devant l'inspecteur du travail et 440 heures devant le conseil de prud'hommes. L'employeur conteste la validité des attestations produites par le salarié, s'agissant de Monsieur [VJ] [K] (neveu de l'appelant), de Madame [X] [T] (son épouse) et de Messieurs [N] [R], [J] [DL], [Z] [C] et de Madame [Y] [U] qui n'ont pas été témoins directs de la réalité des horaires travaillés de l'appelant. Elle fait également valoir que Monsieur [I] [JC], qui avait initialement attesté qu'il travaillait avec Monsieur [X] en cuisine sur la période du 13 avril 2018 au 17 septembre 2018 de 8h20 du matin à 15heures et de 18h à 23h, 5 jours par semaine, a menti dans la mesure où il n'a travaillé pour le restaurant Chez César que du 1er octobre 2018 au 11 novembre 2018 tel qu'il résulte du registre du personnel certifié par l'expert comptable.

Elle demande à ce que le PV d'audition de Mme [WN] soit rejeté au motif que cette pièce serait couverte par le secret de l'enquête préliminaire conformément à l'article 11 du code de procédure pénale. Elle précise que Monsieur [X] n'était pas le seul cuisinier, Monsieur [V] [HY] travaillant également en cuisine le soir aux côtés de Madame [WN]. Enfin, il indique que la DSN annuelle de l'urssaf produite ne peut être probante car elle comporte des erreurs, tel que l'a relevé son expert comptable après examen du journal de la paie 2018 et liasse fiscale.

La société CHEZ CESAR produit :

-l'attestation de Madame [B] [A] qui indique, dans son attestation en date du 9 septembre 2019, qu'elle est employée de la SARL Toute la Marée, et atteste qu'elle livre régulièrement le restaurant chez CESAR et ce depuis plusieurs années, qu'il lui est arrivé de livrer en dépannage plusieurs fois le soir après 17h30 et qu'elle n'a jamais vu ni eu affaire à Monsieur [X] ;

-une nouvelle attestation du 8 octobre 2020 de Madame [A] qui précise que lorsqu'elle livrait vers 17h30-19h00, elle livrait avec un diable et garait son véhicule en dehors de la zone non piétonne ;

-l'attestation de Monsieur [UF] [L], serveur au sein du Restaurant Chez CESAR, qui rapporte travailler 'en CDI au restaurant chez César depuis le 01/04/17" et 'déclare sur l'honneur avoir travaillé avec M [X] pendant toute la période d'avril à septembre 2018 et que M [X] effectuait les horaires suivantes : 9h-16h45 avec une pause déjeuner de 45 minutes. Il n'a jamais été présent au service le soir. Il m'a d'ailleurs confié que vu son âge il ne voulait pas travailler plus et surtout le soir' ;

-le contrat à durée déterminée de Monsieur [UF] [L] au sein de son établissement à compter du 1er avril 2017 et ses bulletins de salaire pour les mois d'avril 2018 à septembre 2018,

-le registre unique du personnel (RUP) pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 mentionnant l'embauche de Monsieur [UF] [L] à compter du 1er avril 2017 et de Monsieur [VJ] [K] du1er mai 2017 au 31 octobre 2017 ;

-le registre unique du personnel (RUP) pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 certifié par son expert comptable 'In extenso Provence' sur lequel figurent notamment :

-Monsieur [HY] [V] employé comme chef de cuisine du 1er février 2018 au 6 février 2019,

-Monsieur [K] [VJ] commis de cuisine du 13 avril 2018 au 17 septembre 2018,

-Monsieur [O] [X] cuisinier du 13 avril 2018 au 17 septembre 2018 et du 17 septembre 2018 au 1er octobre 2018,

-Madame [WN] [Y] cuisinière du 24 avril 2018 au 30 septembre 2018,

-Monsieur [I] [JC] commis de cuisine du 1er octobre 2018 au 11 novembre 2018 ;

-le contrat à durée déterminée saisonnier de Monsieur [I] [JC] au sein de son établissement en qualité de commis de cuisine à compter du 1er octobre 2018 jusqu'au 11 novembre 2018 ;

-les bulletins de salaire de Monsieur [HY] [V] chef de cuisine du mois de février au mois d'octobre 2018 ;

-les bulletins de salaire de Monsieur [H] [S] chef de cuisine et en maladie depuis dévrier 2018 ;

-l'attestation de Madame [WN] en date du 6 avril 2020 qui déclare :'Ayant travaillé du 24 avril 2018 au 30 septembre 2018 pour le restaurant 'chez César' à [Adresse 1] en qualité de cuisinière atteste avoir travaillé dans la même période avec Mr [X] pendant laquelle il a été également salarié. J'assurais le service du soir, Monsieur [X] assurant pour sa part le service du matin ainsi que les préparations de la journée. Lorsque j'arrivais à 17h00 il était déjà parti et toute la mise en place était prête pour le soir. Il n'assurait en aucun cas le service du soir'.

A titre liminaire, la cour estime qu'il n'y a pas lieu d'écarter la pièce contenant le procès verbal d'audition de Mme [WN] dans le cadre de l'enquête préliminaire, laquelle n'est pas couverte par le secret de l'instruction, l'enquête ayant été clôturée par une décision de classement sans suite.

La cour observe que, alors que Madame [OT] [WN] atteste tant dans le cadre de la procédure prud'homale que de la procédure pénale, avoir travaillé tous les soirs de 17h00 à minuit pendant la période du 24 avril au 30 septembre 2018, l'employeur n'explique pas pourquoi, sur la DSN de l'URSSAF, il n'aurait déclaré que 511,08 euros de salaire pour cinq mois de travail en 2018, alors que s'agissant de Monsieur [O] [X], la DSN fait état de 8580,16 euros de salaire sur une période sensiblement équivalente de 5 mois du 13 avril au 17 septembre 2018.

Ainsi le témoignage de Mme [WN] sur les heures qu'elle aurait effectuées en cuisine auprès de l'établissement Chez César est contredit par le temps de travail déclaré par l'employeur auprès de l'organisme social.

La société CHEZ CESAR prétend expliquer cet écart par le biais de son expert comptable, Monsieur [M], qui atteste que le document DSN de l'URSSAF ne serait pas exact car non conforme au journal de la paie et à la liasse fiscale de la société pour l'année 2018.

Cependant, l'employeur ne conteste pas le document de l'URSSAF lorsqu'il s'agit de justifier la mention de 0,01 ct de salaire déclaré pour son salarié [W] [F], pour lequel elle explique qu'il a quitté son poste en janvier 2018 et n'a donc perçu aucun salaire et ce, alors même qu'il figure sur le registre unique du personnel jusqu'au 1er septembre 2018.

Par ailleurs, alors que l'employeur soutient que Monsieur [HY] [V] aurait assuré le service du soir aux côtés de Madame [WN], ce dernier n'atteste pas en ce sens dans le cadre de la présente procédure.

Le témoignage de M [L], serveur, qui soutient que Monsieur [X] n'a jamais travaillé le soir, n'est corroboré par aucun autre élément véritablement probant, Madame [A], livreuse, ayant simplement déclaré qu'elle ne l'avait pas vu alors qu'elle 'dépannait' à quelques reprises pour livrer le restaurant Chez César et les déclarations de Mme [WN] n'étant pas en adequation avec les heures de travail déclarées par son employeur à l'URSSAF.

Au contraire, Monsieur [I] [JC] déclare avoir travaillé en cuisine avec Monsieur [X] 5 jours par semaine de 9h à 15h et de 18h à 23h. Il explique dans une deuxième attestations que sa période effective de travail ne correspond pas à celle déclarée par son employeur (RUP 2018 et contrat de travail) car ce dernier le faisait 'travailler au noir' durant la période antérieure au 1er octobre 2018.

Ces déclarations sont corroborées par celles de Monsieur [VJ] [K] et de Madame [X] [T] qu'il convient certes de prendre avec circonspection en raison du lien de parenté les unissant à l'appelant, mais également par plusieurs témoins, Messieurs [N] [R], [J] [DL], [Z] [C] et Madame [Y] [U] lesquels déclarent tous avoir vu l'appelant lors de son service le soir au restaurant César.

Ainsi, alors qu'il appartient à l'employeur de contrôler les heures de travail effectuées par ses salariés, celui ci n'apporte pas d'éléments suffisants de nature à contredire le fait que Monsieur [X] aurait également travaillé le soir durant toute la période visée.

En conséquence la cour a la conviction que l'appelant a effectué des heures supplémentaires non rémunérées. Dans la mesure cependant où il n'est pas établi que ces heures aient été exécuté chaque soir des journées travaillées durant toute la période, la cour évalue le montant des sommes dues au titre des heures supplémentaires impayées à la somme de 3.358,75 euros, outre la somme de 335,87 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande d'indemnité au titre d'un travail dissimulé

Monsieur [X] fait valoir que les bulletins de paie ne mentionnent pas les heures supplémentaires qu'il a accomplies alors que l'employeur ne pouvait ignorer son amplitude journalière de travail.

La SARL CHEZ CESAR demande à la cour de déclarer cette demande irrecevable comme étant nouvelle, ce à quoi la cour a déjà répondu, sans développer d'autre argumentation.

***

Le volume des heures concernées et la persistance dans le temps du recours aux heures supplémentaires non payées caractérisent assurément l'intention frauduleuse de l'employeur.

Cet agissement est constitutif d'un travail dissimulé justifiant l'allocation de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L8223-1 du code du travail.

L'employeur sera en conséquence condamné à payer à Monsieur [X] la somme de 9.198 euros correspondant à six mois de salaire sur la base d'un montant mensuel prenant normalement en compte les heures supplémentaires réalisées non payées, mais cantonné en l'espèce au montant de la demande formée par le salarié.

Sur les dommages et intérêts au titre de l'inexactitude de l'attestation Pôle emploi

Monsieur [X] estime qu'une erreur sur l'attestation destinée à Pôle emploi ouvre droit à des dommages et intérêts.

L'employeur ne fait valoir aucune argumentation sur cette demande.

***

Si la SARL CHEZ CESAR n'a pas mentionné l'intégralité des heures effectuées sur l'attestation Pôle Emploi, la cour estime que Monsieur [X] ne caractérise pas le préjudice distinct de celui d'ores et déjà indemnisé par le versement de l'indemnité pour travail dissimulé, qui en serait résulté.

La demande de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

Monsieur [X] soutient avoir 'pris acte' de la rupture de son contrat de travail au motif que son employeur aurait refusé de lui payer des heures supplémentaires, ce qu'il aurait dénoncé suivant courrier adressé tant à la SARL CHEZ CESAR qu'à l'inspecteur du travail.

Il estime qu'il s'agit d'un manquement grave aux obligation de son employeur devant s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société CHEZ CESAR fait valoir que Monsieur [X] n'a jamais 'pris acte' de la rupture car il ne l'a jamais informée, ni directement, ni par l'intermédiaire de son conseil, la cour devant qualifier la rupture de la relation contractuelle, en 'rupture anticipée de CDD' à l'initiative du salariée. Elle indique à ce titre qu'en application de l'article L1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce.

***

Si la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, par le salarié, produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission, la 'prise d'acte' ne constitue pas, un cas de rupture du contrat à durée déterminée.

En effet, l'article L1243-1 du code du travail prévoit, sauf accord des parties, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

Cependant, il est admis que l'existence d'une faute grave de la part de l'employeur au sens de l'article L1243-1 du code du travail, permette au salarié de rompre le contrat de travail à durée déterminée de manière anticipée, au sens de l'article L1243-1 du code du travail.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur [O] [X] a adressé à son employeur un courrier recommandé en date du 17 septembre 2018 par lequel il lui demande notamment le paiement de son salaire de septembre, du solde de tout compte, 'comprenant congés payés, heures supplémentaires et le 10%'.

Parallèlement, il a adressé le 1er octobre 2018 un courrier à l'inspection du travail afin de dénoncer le non paiement de 260 heures supplémentaires, lui demandant d'intervenir auprès de son employeur.

Or il y a lieu de constater que le fait de ne pas rémunérer son salarié de ses heures supplémentaires et de se rendre coupable de travail dissimulé constitue une faute grave de l'employeur rendant la poursuite du contrat de travail impossible et justifie la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, par le salarié.

Dans ce cas, le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat.

Au regard du volume des heures accomplies et à la période de travail restant à effectuer, la cour évalue le préjudice de Monsieur [X] à la somme de 3.000 euros.

Les demandes d'indemnité de préavis à hauteur de 1533 euros et de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, devront être rejetée.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation soit à compter du 1er avril 2019 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement pour la partie confirmée et du présent arrêt pour le surplus.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Monsieur [X] demande à la cour de condamner la société CHEZ CESAR à procéder aux déclarations rectificatives quant aux heures effectivement travaillées.

Il convient d'enjoindre à l'employeur de remettre à Monsieur [X] une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la teneur du présent arrêt.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de condamner la société CHEZ CESAR à payer à Monsieur [O] [X] une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

L'employeur qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Déclare la demande nouvelle de dommages et intérêts formée par Monsieur [X] au titre de la 'procédure vexatoire' irrecevable,

Déclare recevables les demandes présentées en cause d'appel au titre du préavis et des dommages-intérêts pour travail dissimulé,

Infirme le jugement déféré sauf sur les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Condamne la SARL CHEZ CESAR à payer à Monsieur [O] [X] une somme brute de 3.358,75 euros au titre des heures supplémentaires impayées, outre la somme brute de 335,87 euros au titre des congés payés afférents,

Condamne la SARL CHEZ CESAR à payer à Monsieur [O] [X] une somme brute de 9.198 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

Dit que Monsieur [O] [X] a rompu son contrat de travail à durée déterminée de manière anticipée en raison de la faute grave commise par la société CHEZ CESAR

Condamne la SARL CHEZ CESAR à payer à Monsieur [O] [X] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

Y Ajoutant :

Rejette la demande de dommages et intérêts au titre de l'inexactitude de l'attestation destinée à Pôle Emploi,

Rejette la demande en paiement du préavis,

Enjoint à la SARL CHEZ CESAR de remettre à Monsieur [O] [X] une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la teneur du présent arrêt,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation soit à compter du 1er avril 2019 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement pour la partie confirmée et du présent arrêt pour le surplus,

Condamne la SARL CHEZ CESAR à payer à la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la SARL CHEZ CESAR aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 20/02383
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;20.02383 ?
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