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29/06/2023 | FRANCE | N°22/13214

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 29 juin 2023, 22/13214


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

SUR RENVOI DE COUR DE CASSATION

DU 29 JUIN 2023



N° 2023/ 224













Rôle N° RG 22/13214 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDWP







S.A.R.L. CARNIVAR





C/



SCI ESPACE [Localité 3]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN





Me Roselyne SIM

ON-THIBAUD









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 19 Juin 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/02944.





Sur déclaration de saisine fait suite à la cassation partielle par arrêt du 28/09/2022

d'un arrêt de la Co...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

SUR RENVOI DE COUR DE CASSATION

DU 29 JUIN 2023

N° 2023/ 224

Rôle N° RG 22/13214 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKDWP

S.A.R.L. CARNIVAR

C/

SCI ESPACE [Localité 3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 19 Juin 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/02944.

Sur déclaration de saisine fait suite à la cassation partielle par arrêt du 28/09/2022

d'un arrêt de la Cour d'Appel d'Aix en Provence du 10/06/2021(RG 18/12850) statuant sur l'appel d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Grasse le 19/06/2018 (RG 16/02944).

DEMANDERESSE A LA DECLARATION DE SAISINE

APPELANTE

S.A.R.L. CARNIVAR exerçant sous l'enseigne 'MAISON DE LA BOUCHERIE', prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant Maison de la Boucherie, [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Roger DENOULET, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDERESSE A LA DECLARATION DE SAISINE

INTIMEE

SCI ESPACE [Localité 3] Représentée en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Philippe MARIA, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon acte sous seing privé du 10 avril 2006, la SCI ESPACE [Localité 3] a donné à bail commercial à la SARL CARNIVAR des locaux situés [Adresse 1], à [Localité 3], pour une durée de 9 ans et moyennant un loyer annuel de 65000 euros HT, payable d'avance par trimestre.

Il était notamment prévu qu'en cas de cession, le preneur s'oblige à rester garant solidaire et responsable avec son cessionnaire, du paiement des loyers pour la période restant à courir du bail.

Par ordonnance de référé du 9 janvier 2013, le président du Tribunal de grande instance de Grasse a condamné la société CARNIVAR à verser au bailleur une provision de 23073,71 euros outre intérêts, pour les échéances dues entre le 3ème trimestre 2011 et le 2ème trimestre 2012.

Selon assignation du 15 avril 2013, la société CARNIVAR a fait citer devant le tribunal de grande instance de Grasse la SCI ESPACE [Localité 3] pour la voir condamner à lui verser une somme de 195000 euros à titre de dommages-intérêts, outre remboursement de prestations, taxes locatives et toutes charges financières à titre de dommages-intérêts complémentaires.

Par ordonnance du 16 août 2013, la société CARNIVAR était de nouveau condamnée à verser au bailleur une provision d'un montant de 76760,82 euros outre intérêts.

Selon protocole d'accord du 29 avril 2014, la SCI ESPACE [Localité 3] a accepté de consentir à la SARL CARNIVAR une baisse de loyer de 78553 euros à la somme de 67200 euros HT, soit 5600 euros HT et hors charges par mois ou celle de 16800 euros HT et hors charges par trimestre.

En contrepartie, cette dernière s'engageait à ne pas donner de congé pour la période courant à compter du renouvellement du bail commercial, soit à compter du 10 avril 2015, pour une durée minimum de trois ans, soit jusqu'au 9 avril 2018.

L'accord des parties était expressément lié au renouvellement du bail commercial du 10 avril 2006 qui est d'ores et déjà accepté par les deux parties et ainsi prend effet pour le première période triennale à tout le moins de façon incompressible, soit arrivant à échéance le 9 avril 2018.

Il était précisé que ce n'est que sous cette condition essentielle que les parties ont renoncé à leurs procédures et que la SCI ESPACE [Localité 3] a accepté la remise exceptionnelle sur loyer.

Par acte authentique du 31 juillet 2014, la SARL CARNIVAR a cédé son fonds de commerce à la SARL SILCO, la cession étant signifiée à la bailleresse par acte du 20 août 2014.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juillet 2015 reçue le 3 août 2015, la SCI ESPACE [Localité 3] a mis en demeure la SARL CARNIVAR de lui régler la somme de 25157,53 euros au titre des loyers et charges impayés par la SARL SILCO, cessionnaire.

Par jugement du 8 septembre 2015, le Tribunal de commerce de Cannes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société SILCO.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2015, le liquidateur de la SARL SILCO a notifié à la SCI ESPACE [Localité 3] la résiliation du bail.

Par acte du 20 mai 2016, la SCI ESPACE [Localité 3] a fait citer la SARL CARNIVAR aux fins principalement de la voir condamner à la somme de 356056 euros correspondant aux loyers dus jusqu'au 9 avril 2018, outre intérêts à compter de la mise en demeure du 9 juillet 2015 et intérêts capitalisés en application de l'article 1154 du code civil, outre la somme de 79344,74 euros au titre des travaux de remise en état des locaux loués, outre intérêts à compter de la dates de ses dernières conclusions récapitulatives du 10 avril 2018, outre capitalisation en application de l'article 1154 du code civil.

Par jugement contradictoire du 19 juin 2018, le tribunal de grande instance de GRASSE a statué ainsi :

- Condamne la SARL CARNIVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] la somme de 201.600 euros,

- Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière,

- Déboute la SCI ESPACE [Localité 3] de ses demandes relatives au paiement des travaux de remise

en état des locaux loués,

- Déboute la SARL CARNIVAR de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Condamne la SARL CARNTVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] la somme totale de 2.000

euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamne la SARL CARNIVAR aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître MARIA, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Le jugement retient que la SARL CARNIVAR s'est expressément engagée, en vertu du protocole transactionnel, à rester locataire jusqu'au 9 avril 2018 et demeure donc garante de la SARL SILCO envers la requérante jusqu'à cette date ; que la bailleresse n'a pas laissé courir la dette mais le premier avis adressé à la SARL CARNIVAR en sa qualité de garant du cessionnaire lui a été envoyé par lettre recommandée en date du 30 juillet 2015 ; que concernant l'impayé du 4ème trimestre 2015, exigible au 5 octobre 2015, il n'est pas établi que la défenderesse en ait eu connaissance antérieurement aux conclusions notifiées par la partie adverse dans le cadre de la procédure en référé, soit le 8 janvier 2016 ; que concernant la demande de paiement des travaux, la SCI ESPACE [Localité 3] échoue à prouver le bien-fondé de sa prétention.

Par déclaration du 30 juillet 2018, la SARL CARNIVAR a relevé appel de cette décision.

Selon arrêt du 10 juin 2021, la Cour d'appel d'Aix en Provence a statué ainsi :

- confirme en toute ses dispositions le jugement du 19 juin 2018,

- Y ajoutant,

- condamne la SARL CARNIVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'appel recouvrés au profit de la SCP BADIE SIMON THIBAUD JUSTON, avocat.

La SARL CARNIVAR a formé un pourvoi contre cet arrêt.

Selon arrêt du 28 septembre 2022, rendu par sa troisième chambre civile, la Cour de cassation a statué ainsi :

- casse et annule mais seulement en ce qu'il condamne la société CARNIVAR à payer à la société civile immobilière Espace [Localité 3] la somme de 201600 euros, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence,

- remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée,

- condamne la société civile immobilière Espace [Localité 3] aux dépens,

- rejette la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par la société civile immobilière Espace [Localité 3] et la condamne à payer à la société Carnivar la somme de 3000 euros.

La Cour de cassation rappelle que l'article 1202 alinéa 1er du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, prévoit que la solidarité ne se présume pas et il faut qu'elle soit expressément stipulée.

En l'absence de stipulation expresse contraire, la solidarité ne peut s'appliquer qu'aux loyers impayés à la date de résiliation du bail, la cour d'appel n'a donc pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles le bail avait, le 7 décembre 2015, été résilié par le liquidateur de la société Silco et a violé le texte susvisé.

Par déclaration du 5 octobre 2022, la SARL CARNIVAR a saisi la Cour de céans suite à cette cassation partielle.

L'affaire a été fixée à bref délai conformément à l'article 1037-1 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2023, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL CARNIVAR demande de voir:

' Infirmer le jugement rendu le 19 juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en ce qu'il a condamné la SARL CARNIVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] la somme de 201.600 euros ;

Et statuant à nouveau :

' Déclarer irrecevables les demandes de la SCI ESPACES [Localité 3] :

o Pour constituer des demandes nouvelles prohibées en violation de l'article 564 du Code de procédure civile ;

o Pour prescription, au visa de l'article 2224 du Code civil, pour avoir été formulées le 20 décembre 2022, soit plus de 5 ans après la régularisation du protocole d'accord du 29 avril 2014 et après le jugement du 8 septembre 2015 du Tribunal de Commerce de CANNES ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SARL SILCO, débitrice principale de l'obligation de loyers ;

' Juger que la société CARNIVAR n'est débitrice que de la somme de 20.160 euros au titre des loyers du 3ème trimestre 2015 au profit de la société ESPACE [Localité 3] ;

' Débouter la société ESPACE [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

' Condamner la société ESPACE [Localité 3] :

o A régler la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

o Aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés, pour ceux le concernant, par Maître Joseph MAGNAN, Avocat associé de la SCP PAUL MAGNAN JOSEPH MAGNAN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société CARNIVAR soutient essentiellement que les demandes de l'intimée sont irrecevables car elles sont formulées pour la première fois en cause d'appel puisqu'elles portent sur une demande de dommages-intérêts et non sur des loyers et sont prescrites pour être formulées 8 ans après la régularisation des actes et 7 ans après le jugement du 8 septembre 2015 ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SARL SILCO ; que le paiement en tant que garant du cessionnaire ne concerne que le paiement de loyers, à l'exclusion de toute autre somme ; que la solidarité de la société CARNIVAR au titre des loyers entre cédant et cessionnaire cesse nécessairement à l'expiration du bail, qui a été résilié par le liquidateur de la société SILCO le 7 décembre 2015.

Elle fait valoir que s'agissant du loyer du 4ème trimestre 2015, exigible au 5 octobre 2015, il n'est pas établi qu'elle en ait eu connaissance avant la date de notification des conclusions adverses dans le cadre de la procédure de référé, soit le 8 janvier 2016 ; que ce chef de demande n'a pas été soumis à la Cour de cassation et est donc définitif.

Elle prétend qu'elle a toujours respecté ses engagements.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2023, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI ESPACE [Localité 3] demande de voir :

- Rejeter les demandes de la société CARNIVAR tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de la SCI ESPACE [Localité 3],

- Sur le fond,

- Confirmer en toutes ses dispositions la décision dont appel,

- A titre principal, condamner la société CARNIVAR au paiement de la somme de 201.600 euros en exécution des engagements du protocole du 29 Avril ;

- A titre subsidiaire, condamner la société CARNIVAR au paiement de la somme de 201.600 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des engagements du protocole du 29 Avril 2014,

- A titre plus subsidiaire, condamner la société CARNIVAR au paiement de la somme de 201.600 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement dolosif et frauduleux,

- Rejeter toute demande de la société CARNIVAR en cause d'appel comme étant irrecevable et infondée à l'exception de la demande de la société CARNIVAR de se voir reconnaitre débitrice de la somme de 20.160 euros au titre des loyers du 3ème trimestre 2015 au profit de la SCI ESPACE [Localité 3],

- Condamner la société CARNIVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- La condamner au paiement des entiers dépens en ce compris les dépens de 1ère instance, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP BADIE-SIMON-THIBAUD-JUSTON, Avocats aux offres de droit.

La SCI ESPACE [Localité 3] fait valoir essentiellement que selon le protocole d'accord du 29 avril 2014, la société CARNIVAR s'est engagée à payer le loyer dû jusqu'au 9 avril 2018, engagement distinct de l'obligation de garantie en cas de cession du fonds de commerce telle que prévue au bail; que subsidiairement, elle demande l'indemnisation de son préjudice issu de la violation des obligations par l'appelante ou encore plus infiniment subsidiairement, du fait de l'abus de droit et de la fraude du fait du comportement de cette dernière qui a cédé son fonds de commerce à une partie qu'elle savait insolvable ; que ses prétentions ne sont pas nouvelles en vertu des articles 565 et 566 du code de procédure civile et ne sont pas non plus prescrites.

La procédure a été clôturée à l'audience du 3 mai 2023.

MOTIVATION :

Sur l'obligation de garantie de la société CARNIVAR pour le paiement des loyers après la cession du fonds de commerce à la société SILCO :

L'ancien article 1202 alinéa 1er du code civil, applicable en l'espèce, prévoit que la solidarité ne se présume point, il faut qu'elle soit expressément stipulée.

En l'espèce, alors que les parties étaient engagées dans des procédures judiciaires, la SCI ESPACE [Localité 3] et la SARL CARNIVAR ont conclu un protocole d'accord le 29 avril 2014.

Selon ce protocole, la SCI ESPACE [Localité 3] a accepté de consentir à la SARL CARNIVAR une baisse de loyer de 78553 euros à la somme de 67200 euros HT.

En contrepartie, cette dernière s'engageait à ne pas donner de congé pour la période courant à compter du renouvellement du bail commercial, soit à compter du 10 avril 2015, pour une durée minimum de trois ans, soit jusqu'au 9 avril 2018.

L'accord des parties était expressément lié au renouvellement du bail commercial du 10 avril 2006 qui est d'ores et déjà accepté par les deux parties et ainsi prend effet pour le première période triennale à tout le moins de façon incompressible, soit arrivant à échéance le 9 avril 2018.

Il était précisé que ce n'est que sous cette condition essentielle que les parties ont renoncé à leurs procédures et que la SCI ESPACE [Localité 3] a accepté la remise exceptionnelle sur loyer.

Cependant, il est également prévu par cet accord que le bail conclu entre les parties le 10 avril 2006 demeure applicable en totalité, à l'exception du prix ainsi que de la date de renouvellement qui prend effet au 10 avril 2015, pour une durée de trois, six ou neuf années.

Il est également précisé que les parties reconfirment en tant que de besoin le renouvellement pour trois ans, la société CARNIVAR renonçant à la possibilité de donner congé avant le 9 avril 2018.

Ainsi, il ressort très clairement de cette convention qu'à l'exception du prix du bail et de sa date de renouvellement, le présent accord ne vaut pas novation du contrat de bail signé entre les parties le 10 avril 2006.

Par conséquent, toutes les autres dispositions dudit contrat de bail continuent de s'appliquer aux parties après la signature du protocole d'accord susvisé.

Aussi, alors que par acte authentique du 31 juillet 2014, la SARL CARNIVAR a cédé son fonds de commerce à la SARL SILCO, la cession étant signifiée à la bailleresse par acte du 20 août 2014, il convient de faire application de la clause du bail selon laquelle : 'en cas de cession, le preneur s'oblige à rester garant solidaire et responsable avec son cessionnaire, du paiement des loyers pour la période restant à courir du bail'.

Cependant, suite au jugement rendu le 8 septembre 2015 par le Tribunal de commerce de Cannes qui a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société SILCO, le liquidateur de cette dernière a notifié à la SCI ESPACE [Localité 3] la résiliation du bail, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2015.

Par conséquent, la SARL CANIVAR ne peut être tenue comme garante solidaire de la société SILCO du paiement des loyers que jusqu'à la date de fin du bail, soit le 7 décembre 2015, en l'absence d'autre disposition contractuelle prévoyant qu'elle soit solidairement tenue après la fin du bail et ce jusqu'au 9 avril 2018, date avant laquelle elle s'était engagée à ne pas donner congé.

Ainsi, si la SARL CARNIVAR reconnaît être débitrice des loyers échus du 3ème trimestre 2015, soit la somme totale de 20160 euros, elle ne peut pas être condamnée sur ce fondement au-delà de cette date.

Sur les demandes en paiement de la somme de 201600 euros de la SCI ESPACES [Localité 3] à titre de dommages-intérêts :

Sur la recevabilité de ces demandes au sens des articles 564 et suivants du code de procédure civile:

L'article 565 du code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

De même, l'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, il résulte de la procédure de première instance que dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 10 avril 2018, la SCI ESPACE [Localité 3] demande de voir constater en tant que de besoin la tentation d'abus de droit de la société CARNIVAR en cédant son fonds à la société SILCO afin de tenter de s'affranchir de la clause de solidarité.

Elle invoque donc déjà la responsabilité contractuelle de la société CARNIVAR pour non respect du protocole d'accord signé le 29 avril 2014 ou du fait de son comportement contractuel dolosif et frauduleux.

Il apparaît donc que les demandes en paiement de la somme de 201600 euros à titre de dommages-intérêts tendent à la même fin que celle faite devant le premier juge et apparaissent comme la conséquence ou le complément nécessaire de la demande en paiement de l'arriéré de loyers en qualité de garante de son cessionnaire.

Elles ne saurait donc être considérées comme nouvelles en cause d'appel.

Sur la recevabilité de ces demandes au sens de l'article 2224 du code civil :

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En vertu de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

En l'espèce, l'assignation du 20 mai 2016 devant le tribunal de grande instance de Grasse a interrompu le délai quiquennal de prescription.

Il apparaît donc que les demandes en paiement de la SCI ESPACE [Localité 3] formées à l'encontre de la société CARNIVAR ne sont pas prescrites et doivent donc également être déclarées recevables.

Sur leurs bien-fondés :

En vertu de l'ancien article 1315 du code civil, devenu l'article 1353, celui qui invoque l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En l'espèce, le protocole d'accord du 29 avril 2014 est expréssément lié au renouvellement du bail commercial du 10 avril 2006 et à l'engagement de la société CARNIVAR de ne pas donner congé pour la période courant à compter du renouvellement du bail, soit à compter du 10 avril 2015, jusqu'au moins au 9 avril 2018.

Or, aucune clause ne prévoit que la société preneur ne peut céder son fonds de commerce.

Ainsi, en cédant son fonds de commerce par acte authentique du 31 juillet 2014 à la société SILCO, la société CARNIVAR, qui n'a pas donné congé à la SCI ESPACE [Localité 3], n'a pas méconnu les termes dudit protocole d'accord.

Si le bail a pris fin dès le mois de décembre 2015, soit avant le 9 avril 2018, c'est uniquement par l'effet de la résiliation donnée par le liquidateur de la société cessionnaire du fonds de commerce.

La SCI ESPACE [Localité 3] invoque le comportement dolosif et la fraude commise par la société CARNIVAR qui aurait cédé le fonds à une société quasiment insolvable dont elle connaissait les difficultés économiques et financières.

Si la société SILCO a été placée en liquidation judiciaire, le 8 septembre 2015, soit un peu plus d'une année après l'acte de cession du fonds de commerce, la SCI ESPACE [Localité 3] ne démontre pas que cette cession a été faite par la société CARNIVAR pour échapper délibérément à ses obligations issues du protocole d'accord du 29 avril 2014 alors qu'elle aurait déjà connu l'insolvablité de son cessionnaire.

La lecture du seul acte de cession du fonds de commerce du 31 juillet 2014 ne suffit pas à établir que la société SILCO était déjà en difficultés financières quand elle a acquis le fonds de commerce de la société CARNIVAR.

La SCI ESPACE [Localité 3] échoue donc à démontrer le comportement dolosif et frauduleux de la société CARNIVAR.

Par conséquent, il convient de rejeter ses demandes en dommages-intérêts comme étant insuffisamment fondées.

Par conséquent, il convient de condamner la société CARNIVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] la somme de 20160 euros au titre des loyers échus du 3ème trimestre 2015 et de débouter cette dernière du surplus de ses demandes.

Il sera rappelé que la somme susvisée de 20160 euros produira intérêts au taux légal à compter du du jugement déféré du 19 juin 2018 et qu'il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

Ainsi, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL CARNIVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] la somme de 201600 euros.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, la SARL CARNIVAR, succombant partiellement, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il en sera de même des dépens de première instance, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a condamné la société CARNIVAR aux dépens.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Il paraît équitable de condamner la société CARNIVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur le sort des frais irrépétibles en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

DÉCLARE recevables les demandes de la SCI ESPACE [Localité 3] ;

Au fond, les REJETTE ;

CONFIRME le jugement déféré rendu le 19 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Grasse excepté en ce qu'il a condamné la SARL CARNIVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] la somme de 201600 euros ;

STATUANT A NOUVEAU et Y AJOUTANT :

CONDAMNE la SARL CARNIVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] la somme de 20160 euros au titre des loyers échus du troisième trimestre de l'année 2015 ;

RAPPELLE que la somme susvisée de 20160 euros produira intérêts au taux légal à compter du jugement déféré du 19 juin 2018 ;

RAPPELLE qu'il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

CONDAMNE la SARL CARNIVAR à payer à la SCI ESPACE [Localité 3] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;

CONDAMNE la SARL CARNIVAR aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 22/13214
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.13214 ?
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