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29/06/2023 | FRANCE | N°22/09703

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 29 juin 2023, 22/09703


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023



N° 2023/ 219













Rôle N° RG 22/09703 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJWHJ







[J] [R]





C/



[B] [F]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Maxime PLANTARD







Me Philippe RULLIER









Décision déférée

à la Cour :



Jugement du Tribunal de proximité de MARTIGUES en date du 07 Juin 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 11-21-0764.







APPELANT



Monsieur [J] [R] né le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Maxime PLANTARD de la SCP DA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023

N° 2023/ 219

Rôle N° RG 22/09703 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJWHJ

[J] [R]

C/

[B] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Maxime PLANTARD

Me Philippe RULLIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de proximité de MARTIGUES en date du 07 Juin 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 11-21-0764.

APPELANT

Monsieur [J] [R] né le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Maxime PLANTARD de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIME

Monsieur [B] [F]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Philippe RULLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Cathy VANHEMENS GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Carole MENDOZA, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 25 août 2006, Monsieur [B] [F] a acquis un immeuble à [Localité 6].

L'acte de vente mentionnait que le bien était libre de location ou occupation, à l'exception d'une partie de l'immeuble et d'une partie du terrain, occupés sans titre par Monsieur [R], contre lequel une procédure judiciaire était en cours.

Par arrêt irrévocable du 11 janvier 2007, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a dit que Monsieur [B] [F] et Monsieur [J] [R] étaient liés par un bail régi par la loi du premier septembre 1948.

Par arrêté du 20 novembre 2009, la commune de [Localité 6] a mis en demeure Monsieur [F] de procéder à des travaux de nature à assurer la décence du bien loué.

Par arrêt mixte du 22 février 2013, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a débouté Monsieur [F] de sa demande de production d'un contrat d'assurance et confirmé un jugement du 10 avril 2010 qui ordonnait une expertise et invitait les parties à conclure sur le caractère décent du logement.

Par arrêt irrévocable du 13 septembre 2013, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné sous astreinte Monsieur [F] à l'exécution des travaux de remise aux normes décrits par l'arrêté du 20 novembre 2009 et débouté Monsieur [F] de sa demande de désignation d'un expert aux fins de fixation du loyer au motif du caractère prématuré de la demande puisque les travaux n'avaient pas été effectués.

Par arrêté du 25 avril 2019, la commune de [Localité 6] a abrogé l'arrêté du 20 novembre 2009, après avoir constaté la réalisation des travaux.

Le 26 avril 2019, le logement était mis à la disposition de Monsieur [R] après un état des lieux effectué par un huissier de justice.

Par arrêt irrévocable du 22 avril 2021, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a notamment confirmé un jugement du tribunal d'instance de Martigues du 15 juin 2018 en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice moral et d'un préjudice de jouissance.

Par acte d'huissier du 16 juin 2021, Monsieur [F] a fait assigner Monsieur [R] devant le tribunal de proximité de Martigues. A l'audience, Monsieur [F] a sollicité la résiliation du bail, l'expulsion de Monsieur [R] et la condamnation de ce dernier à un arriéré locatif ainsi qu'à une indemnité d'occupation.

Par jugement contradictoire du 07 juin 2022, le tribunal de proximité de Martigues a :

- déclaré irrecevable M. [B] [F] en sa demande tendant à obtenir la somme de 5 000 € a titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- prononcé la résiliation du bail liant les parties,

- ordonné à défaut de départ volontaire ou de meilleur accord entre les parties, l'expulsion de M. [J] [R] demeurant [Adresse 7], à [Localité 6], ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec- le concours de la force publique,

- statué sur le sort des meubles

- débouté M. [B] [F] de sa demande en paiement de la somme de 17 884,83 € au titre des loyers et charges arrêtés au 24 novembre 2021,

-condamné M. [J] [R] à payer à M. [B] [F] une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 569,13 €, à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à libération effective des lieux et remise des clefs,

- condamné M. [J] [R] à payer à M. [B] [F] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] [R] aux dépens,

- écarté l'exécution provisoire.

Le premier juge a déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [F] au titre de son préjudice moral au motif de l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 22 avril 2021.

Il a indiqué que les parties ne s'étaient pas accordées sur le montant d'un loyer et arejeté en conséquence la demande d'arriéré locatif.

Au visa de l'article 4 du premier septembre 1948 et de l'article 7 de la loi du 06 juillet 1989 et après avoir relevé que le logement était décent depuis le 26 avril 2019, il a prononcé la résiliation du bail en raison de l'absence de bonne foi du locataire qui n'avait formulé aucune contre proposition de paiement d'un loyer, sans motif légitime, témoignant d'une volonté d'échapper à son obligation essentielle de paiement d'un loyer; il a également indiqué que Monsieur [R] ne justifiait pas d'une assurance locative pour la période postérieure au 15 décembre 2019, en dépit de l'envoi de huit lettres recommandées de son bailleur depuis le 08 juillet 2019, alors même que la bonne foi du locataire ne pouvait être retenue.

Il a fixé le montant d'une indemnité d'occupation.

Le 06 juillet 2022, Monsieur [R] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail, ordonné son expulsion, en ce qu'il l'a condamné à une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 569,13 € à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à libération effective des lieux et remise des clés, en ce qu'il l'a condamné à une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Monsieur [F] a constitué avocat.

Par conclusions notifiées le 11 octobre 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, Monsieur [R] demande à la cour :

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

*déclaré M. [F] irrecevable en ses demandes de dommages et intérêts à raison du préjudice moral qu'il a subi ;

*dit le grief de non-paiement des loyers non-caractérisé ;

- de réformer le jugement pour le surplus ;

statuant de nouveau

- de débouter M. [F] de sa demande de résiliation du bail pour défaut d'assurance ;

En conséquence,

- de débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement,

- de déclarer nulle l'offre de loyer du 2/04/2021 ;

Par voie de conséquences,

- de déclarer irrecevable la demande en fixation de la valeur locative sur le fondement de l'article 32 bis de la loi du 1 er septembre 1948 ;

En tout état de cause,

- de dire que l'assignation de M. [F] du 16/06/2021 est abusive,

En conséquence,

- de condamner M. [F] à lui verser une somme de 4.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- de condamner M. [F] à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner Monsieur [F] aux entiers dépens de l'instance.

Il soutient que la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [F] est irrecevable au motif de l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 22 avril 2021.

Il indique que les parties sont liées par la loi du premier septembre 1948 et que les dispositions du code civil ne s'appliquent pas.

Il souligne que les parties ne se sont jamais accordées sur le montant d'un loyer et que Monsieur [F] n'a jamais engagé une action en fixation de la valeur locative dans les formes et délais de la loi du premier septembre 1948. Il en conclut n'avoir commis aucune faute contractuelle liée à l'absence de versement d'un loyer.

Il note avoir eu d'importantes difficultés à trouver un assureur en raison d'une aggravation du risque liée au comportement du bailleur qui n'exécutait pas les travaux de mises aux normes du logement. Il soutient néanmoins justifier de la souscription d'une multirisque habitation pour la période postérieure au 16 décembre 2019. Il ajoute avoir 83 ans et souffrir de troubles de la mémoire.

Il conteste ne pas occuper le bien.

Il estime qu'il appartient à son bailleur de lui délivrer un congé dans les conditions de l'article 4 de la loi du premier septembre 1948 si ce dernier juge qu'il ne peut plus bénéficier d'un droit au maintien dans les lieux.

Il s'oppose ainsi à toute résiliation judiciaire du bail.

Il indique que l'offre du loyer faite par lettre recommandée du 02 avril 2021 est nulle puisqu'elle n'obéit pas à la procédure de l'article 32 bis de la loi du premier septembre 1948; il conclut à l'irrecevabilité de la demande en fixation de loyer.

Il sollicite des dommages et intérêts en estimant abusive la procédure intentée par Monsieur [F].

Par conclusions notifiées le 06 octobre 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, Monsieur [F] demande à la cour :

*A titre principal,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

* débouté M. [J] [R] de l'ensemble de ses demandes,

* prononcé la résiliation judiciaire du bail liant les parties,

*ordonné, à défaut de départ volontaire ou de meilleur accord des parties, l'expulsion de M. [J] [R] demeurant [Adresse 7], à [Localité 6], ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de force publique,

*statué sur le sort des meubles

*condamné M. [J] [R] à payer à M. [B] [F] une somme de 2.000€ au titre de l'article 700 et aux dépens,

- de réformer le surplus du jugement querellé et statuant à nouveau,

- de condamner M. [J] [R] à régler à M. [B] [F] une indemnité d'occupation

mensuelle d'un montant de 569,13€ de manière rétroactive à compter du 26 avril 2019 et jusqu'à libération effective des lieux.

*A titre infiniment subsidiaire si la Cour ne confirmait pas le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail liant les parties,

- de fixer le loyer à la somme de 569.93 € à compter de la signification de l'arrêt

- de condamner M. [J] [R] à lui régler ce loyer au plus tard le 10 de chaque mois ainsi les charges locatives mentionnées au décret n°87-713 du 26 août 1987 sur présentation des justificatifs.

- de dire qu'en cas de non-paiement du loyer ou des charges locatives et passé un délai d'un mois suivant une mise en demeure restée infructueuse le bail sera résilié de plein droit et M. [J] [R] devra libérer les lieux de sa personne ainsi que de tous les occupants de son chef dans un délai de deux mois suivant la notification d'un commandement de quitter les lieux à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et au transport des meubles laissés dans les lieux le tout aux frais de l'expulsé dans tel garde-meuble qu'il plaira au bailleur.

- de condamner M. [J] [R] à lui régler une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 569,13€ de manière rétroactive à compter du 26 avril 2019 et jusqu'à libération effective des lieux.

En tout état de cause,

- de débouter M. [J] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

- de condamner M. [J] [R] à lui payer une somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il a subi.

- de condamner M. [J] [R] à payer à lui payer une somme de 4.000€ au titre de l'article 700 et aux dépens d'appel.

Il relève s'être heurté aux agissements de Monsieur [R] qui ont retardé l'exécution des travaux auxquels il était astreint.

Il expose que Monsieur [R], qui a refusé de signer un contrat de location moyennant un loyer mensuel de 569, 13 euros hors charges, dispose d'un bien totalement rénové depuis le mois d'avril 2019, sans régler de loyer.

Il soutient pouvoir solliciter la résiliation judiciaire d'un bail régi par la loi du premier septembre 1948, sur le fondement des dispositions du code civil, en relevant notamment l'obligation de paiement d'un loyer. Il déclare que la loi du 06 juillet 1989 s'applique à défaut de dispositions spécifiques de la loi du premier septembre 1948. Il reproche à son locataire de n'être pas de bonne foi (en ne formulant aucune contre-proposition de loyer pour des motifs fallacieux), de ne régler aucun loyer et n'avoir pas justifié d'une assurance locative au moment de ses demandes. Il précise que les pièces produites démontrent une absence d'assurance locative pour la période du 08 mars 2020 au 28 avril 2020. Il en conclut que Monsieur [R], qui n'est pas de bonne foi, ne peut ainsi bénéficier d'un droit au maintien dans les lieux.

Il ajoute que Monsieur [R] n'a pas réintégré les lieux loués à la suite de la remise des clés en avril 2019 et l'a laissé à la disposition du locataire d'un logement adjacent qui entrepose des immondices.

Il sollicite la fixation rétroactive d'une indemnité d'occupation, à compter du 26 avril 2019.

A titre subsidiaire, il sollicite la fixation d'un loyer. Il conteste l'application de l'article 32 bis de la loi du premier septembre 1948 puisqu'aucun bail écrit ne lie les parties. Il estime sa demande recevable.

Il sollicite des dommages et intérêts et rejette l'argument selon lequel sa demande se heurterait à une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 22 avril 2021. Il note que cet arrêt n'a pas pris en compte les travaux qu'il a fait réaliser. Il souligne que son locataire a persisté dans sa mauvaise foi alors qu'il bénéficiait d'un logement remis à neuf depuis le 26 avril 2019.

Il conteste pour sa part toute procédure abusive.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 03 mai 2023.

MOTIVATION

Selon l'arrêt irrévocable du 11 janvier 2007, Monsieur [F] et Monsieur [R] sont liés par un bail régi par la loi du premier septembre 1948.

Selon l'article 1709 du code civil, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.

L'article 1104 du même code dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Selon l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Comme l'indique avec pertinence le premier juge, les baux soumis à la loi du premier septembre 1948, à défaut de disposition spécifique de celle-ci, sont soumis à la loi du 06 juillet 1989. Les articles du code civil précédemment visés s'appliquent également à la relation contractuelle des parties.

Selon l'article 7g de la loi du 06 juillet 1989, le locataire est obligé de s'assurer contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire et d'en justifier lors de la remise des clés puis, chaque année, à la demande du bailler. La justification de cette assurance résulte de la remise au bailleur d'une attestation de l'assureur ou de son représentant.

Aux termes de l'article 4 de la loi du premier septembre 1948, les occupants de bonne foi des locaux définis à l'article 1er bénéficient de plein droit et sans l'accomplissement d'aucune formalité, du maintien dans les lieux loués, aux clauses et conditions du contrat primitif non contraires aux dispositions de la présente loi, quelle que soit la date de leur entrée dans les lieux.

Sont réputés de bonne foi les locataires, sous-locataires, cessionnaires de baux, à l'expiration de leur contrat, ainsi que les occupants qui, habitant dans les lieux en vertu ou en suite d'un bail écrit ou verbal, d'une sous-location régulière, d'une cession régulière d'un bail antérieur, d'un échange opéré dans les conditions légales, exécutent leurs obligations (...).

Monsieur [F] démontre que le logement fourni à Monsieur [R] répond aux normes de la décence depuis le 26 avril 2019. Monsieur [R] ne verse aucun loyer et n'a répondu à aucune proposition de fixation de loyer faite par Monsieur [F]. Monsieur [R] a violé son obligation générale de bonne foi dans l'exécution des contrats. Il ne peut se retrancher derrière une violation de l'article 32 bis de la loi du premier septembre 1948 qui ne s'applique que pour une modification totale ou partielle des éléments ayant servi de base à la détermination du loyer, alors même qu'aucun loyer n'a été convenu. Son absence de bonne foi réside dans le fait de ne pas discuter du montant d'un loyer, de ne pas répondre aux sollicitations de son bailleur sur ce point, alors qu'ils sont liés par un bail, ce qui suppose l'occupation d'un local moyennant le versement d'un loyer.

Monsieur [R] justifie, devant la cour, d'une assurance locative, sauf pour la période du 08 mars 2020 au 28 avril 2020. Il ne s'agit pas d'une violation suffisamment grave pour voir prononcer la résiliation judiciaire du bail.

Pour solliciter la résiliation du bail, Monsieur [F] n'avait pas l'obligation de délivrer un congé et Monsieur [R], du fait de son absence de bonne foi, ne peut revendiquer un droit au maintien dans les lieux loués.

Compte tenu de la mauvaise foi répétée et qui a perduré plusieurs années de Monsieur [R] dans l'exécution du contrat de bail, il convient d'en prononcer la résiliation judiciaire. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point. Il sera également confirmé en ce qu'il a prononcé l'expulsion de Monsieur [R].

Monsieur [R] est devenu occupant sans droit ni titre à compter de ce jugement déféré. C'est également à compter de cette décision que Monsieur [F] peut solliciter une indemnité d'occupation destinée à compenser la jouissance du bien occupé sans droit ni titre et à réparer son préjudice lié à la privation de son local. Cette indemnité ne peut être réclamée de façon rétroactive.

Monsieur [F] produit au débat une étude du 28 mai 2019, qui a pu être débattue contradictoirement par les parties, faite par Monsieur [S], expert près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui estime la valeur locative des lieux à la somme mensuelle de 569, 13 euros. Ce rapport mentionne que le logement, entièrement rénové, situé à [Localité 6], bénéficie d'une bonne localisation et que l'état foncier général apparent est bon. Il s'agit d'un appartement en duplex, d'une surface réelle de 53, 77 m² avec deux chambres, un salon/cuisine, une salle de bains et un WC, outre une terrasse de 18m² et une remise de 30m². Le rapport mentionne que tous les éléments d'équipement sont neufs. Compte tenu de ces éléments, il convient de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [R] à la somme de 569, 13 euros. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point; il sera infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [R] à verser cette indemnité à compter de la signification de la décision; l'indemnité d'occupation est due à compter du prononcé de la résiliation du bail, soit dès le 07 juin 2022.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par Monsieur [F]

L'arrêt du 22 avril 2021 a confirmé le rejet de la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [F] au titre de son préjudice moral. Monsieur [F] alléguait avoir subi un préjudice moral et un préjudice de jouissance liés à l'indisponibilité de son bien depuis plusieurs années. La cour avait confirmé le rejet de cette demande en notant que Monsieur [F] n'établissait pas avoir subi un préjudice moral et un préjudice de jouissance de son bien résultant du comportement de son locataire.

L'article 480 du code de procédure civile énonce que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Les parties sont les mêmes que celles présentes à l'arrêt du 22 avril 2021. La demande de Monsieur [F] lors de cette instance consistait en une demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral et d'un préjudice de jouissance résultant du comportement de son locataire.

L'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.

Il incombe au demandeur, avant qu'il ne soit statué sur sa demande, d'exposer l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; il s'ensuit que, dans une même instance, une prétention rejetée ne peut être présentée à nouveau sur un autre fondement.

Les travaux évoqués par Monsieur [F] ont été terminés en avril 2019, soit durant la procédure ayant abouti à l'arrêt du 22 avril 2021 et l'absence de proposition de versement de loyer par Monsieur [R], postérieurement à la réalisation des travaux, existait déjà dans le cadre la procédure ayant abouté à l'arrêt du 22 avril 2021. De la même manière, la mise à disposition du logement par Monsieur [R] à un autre locataire est un fait qui, selon les pièces du dossier, datait de deuxième trimestre de l'année 2019 et avait duré plusieurs mois. Les arguments relevés dans la présente instance étaient déjà évoqués par Monsieur [F] dans une lettre au maire de [Localité 6] (sa pièce 31) : mauvaise foi de Monsieur [R] qui ne verse aucun loyer depuis la rénovation complète du logement, occupation du logement par un ancien locataire, Monsieur [Y], depuis le mois de juin 2019, épuisement de Monsieur [F].

Compte tenu de la règle procédurale liée à la concentration des moyens et de l'absence de démonstration par Monsieur [F] de l'existence d'événements postérieurs à l'arrêt du 22 avril 2021 qui seraient venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice, il convient de confirmer le jugement déféré qui a estimé que sa demande de dommages et intérêts se heurtait à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 22 avril 2021.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formé par Monsieur [R]

Monsieur [R] ne démontre pas l'existence d'une faute commise par Monsieur [F] qui aurait entraîné à son préjudice un préjudice moral. Il est essentiellement succombant et ne démontre pas l'existence d'une procédure abusive intentée par Monsieur [F]. Il sera débouté de cette prétention. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Monsieur [R] est essentiellement succombant. Il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de ses prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de Monsieur [F] les frais irrépétibles qu'il a exposés pour faire valoir ses droits en première instance et en appel. Monsieur [R] sera condamné à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 3800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le jugement déféré qui a condamné Monsieur [R] aux dépens et au paiement de la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance sera confirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [J] [R] au versement de l' indemnité d'occupation à compter de la signification du jugement,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE Monsieur [J] [R] au versement de l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge à compter du prononcé du jugement confirmé, soit le 07 juin 2022,

CONDAMNE Monsieur [J] [R] au paiement de la somme de 3800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel par Monsieur [B] [F],

CONDAMNE Monsieur [J] [R] aux dépens de la présente instance.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 22/09703
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.09703 ?
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