COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 29 JUIN 2023
N° 2023/ 485
Rôle N° RG 22/09551 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJVPW
[G] [N]
C/
SA SNCF RESEAU
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Pauline NGOMA
Me Rachel SARAGA-BROSSAT
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de Marseille en date du 15 juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/1721.
APPELANT
Monsieur [G] [N]
né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 9] (TOGO), demeurant [Adresse 5] - [Localité 1]
représenté par Me Pauline NGOMA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SA SNCF RESEAU
dont le siège social est situé [Adresse 2] - CS 80001 - [Localité 6]
représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Maxime BUSCH de la SELARL LEXCASE SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Angélique NETO, Présidente
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023
Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [G] [N] exerce, en tant qu'exploitant individuel, une activité de réparation automobile, d'achat et de vente de véhicules d'occasion depuis le 23 juin 2014 sous la dénomination Toubi Automobile.
Le 26 avril 2016, une convention d'occupation temporaire, prenant fin au 31 décembre 2018, a été signée entre M. [N] et la société anomyne (SA) SNCF Réseau portant sur une parcelle cadastrée [Cadastre 10] de la section [Cadastre 4] située à l'angle du [Adresse 7] et [Adresse 8] à [Localité 1], moyennant une redevance annuelle indexée de 2 400 euros hors taxes, augmentée d'une somme forfaitaire de 240 euros hors taxes au titre des impôts et taxes.
Se prévalant d'une occupation sans droit ni titre, la société SNCF Réseau a, par acte d'huissier en date du 31 mars 2022, assigné M. [N] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de voir ordonner son expulsion et de le condamner à lui verser diverses sommes à titre provisionnel.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 15 juin 2022, ce magistrat a :
- ordonné l'expulsion de M. [N] et celle de tous occupants de son chef du terrain situé à l'angle du [Adresse 7] et [Adresse 8] à [Localité 1] situé sur la parcelle cadastrée [Cadastre 10] de la section [Cadastre 4], et ce, dès la signification de l'ordonnance avec le concours de la force publique si nécessaire ;
- condamné M. [N] à payer, à titre provisionnel, à la société SNCF Réseau la somme de 13 839,57 euros au titre des redevances et indemnités d'occupation impayées entre le 1er avril 2017 et le 30 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2022 ;
- condamné M. [N] à payer, à titre provisionnel, à la société SNCF Réseau la somme de 21 870,38 euros au titre des pénalités journalières dues en contrepartie de son maintien illicite sur les lieux du 1er janvier 2019 au 30 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2022 ;
- condamné, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance, M. [N] à évacuer tous les biens mobiliers, véhicules, déchets et constructions de son chef ;
- autorisé la société SNCF Réseau, en cas d'inexécution de l'injonction précitée, passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance, à procéder à l'enlèvement tous les biens mobiliers, véhicules, déchets et constructions du chef de M. [N] ;
- condamné M. [N] à payer à la société SNCF Réseau la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [N] aux dépens.
Suivant déclaration transmise au greffe le 4 juillet 2022, M. [N] a interjeté appel de cette ordonnance aux fins d'appel nullité.
Aux termes de ses conclusions transmises le 20 octobre 2022, lesquelles doivent être retenues pour les raisons qui seront exposées ci-dessus et auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, il demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable ;
- déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître du litige au profit des juridictions administratives par application de la clause conventionnelle attributive de compétence ;
- dire que l'ordonnance dont appel est irrégulière ;
- annuler l'ordonnance dont appel ;
- à défaut, lui accorder des délais de paiement sur 24 mois pour lui permettre de s'acquitter de la somme de 13 839,57 euros au titre des redevances ;
- l'exonérer de l'application de la clause pénale contractuelle fixant une pénalité journalière de 13,15 euros hors taxes ainsi que les majorations d'intérêts ou toute autre pénalité antérieure ou postérieure à la présente instance ;
- en tout état de cause, condamner la société SNCF Réseau à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux dépens.
Aux termes de ses conclusions transmises le 18 novembre 2022, lesquelles doivent être retenues pour les raisons qui seront exposées ci-dessus et auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la société SNCF Réseau demande à la cour de :
- constater que la déclaration d'appel est dépourvue d'effet dévolutif ;
- constater que M. [N] ne soulève dans ses conclusions d'appelant que des moyens tendant à la réformation de l'ordonnance et non à l'annulation ;
- constater qu'il ne conteste ni le principe de son expulsion, ni le quantum des condamnations prononcées ;
- constater, en tout état de cause, que le tribunal judiciaire de Marseille est compétent pour connaître de ses demandes ;
- constater, en tout état de cause, que si la cour devait faire droit aux conclusions d'annulation de l'ordonnance, fondée sur l'incompétence de la juridiction judiciaire, elle ne pourrait pas statuer sur le fond du litige ;
- débouter en conséquence M. [N] de ses demandes ;
- le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 9 mai 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et le rejet de conclusions
Il résulte de l'article 802 du code de procédure civile, qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office : sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et accessoires échus, aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes en révocation de l'ordonnance de clôture.
L'article 803 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. Elle peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats sur décision du tribunal.
Par ailleurs, l'article 15 du code de procédure civile énonce que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, aifn que chacun soit à même d'organiser sa défense.
Enfin, aux termes de l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il est admis que le juge dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions et/ou des pièces ont été déposées en temps utile. Ainsi, s'il estime qu'elles ont été déposées peu de temps avant le moment prévu pour l'ordonnance de clôture, le juge doit veiller au respect des droits de la défense et, éventuellement, les écarter des débats en caractérisant les circonstances particulières qui l'ont conduit à se prononcer en ce sens.
En outre, par application des dispositions de ce texte, doivent également être considérées comme tardives les conclusions déposées le jour ou la veille de la clôture de la procédure dont la date a été communiquée à l'avance.
En l'espèce, alors même que les parties avaient échangé des conclusions les 20 octobre et 8 novembre 2022, l'appelant, qui avait conclu le 20 octobre 2022, a transmis de nouvelles écritures le 9 mai 2023, soit le jour de l'ordonnance de clôture, en y joignant les pièces 10 à 14, à savoir un procès-verbal d'expulsion du 1er décembre, un courrier en date du 13 décembre 2022, une attestation de la société KSC Auto en date du 8 mars 2023, un courrier du président de la société BS Renov en date du 16 janvier 2023 et les certificats d'immatriculation des véhicules présents sur le terrain. Il convient de relever que l'appelant développe, dans le corps de ses conclusions, de nouveux moyens, et en particulier afin de répondre au moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel soulevé par l'intimée dans ses conclusions du 8 novembre 2022.
Ces conclusions, transmis le jour de l'ordonnance de clôture prononcée le 9 mai 2023, ont appelé une réplique de la part de l'intimée le 16 mai 2023, soit après l'ordonnance de clôture, en y joignant la nouvelle pièce 10, à savoir un certificat de non contestation et d'abandon du 6 février 2023. Or, l'intimée ajoute de nouvelles prétentions dans le dispositif de ses conclusions.
Dès lors que les nouvelles pièces versées à la procédure auraient pu être produites bien avant la clôture de l'affaire, compte tenu de leur date, et de l'avis de fixation qui a été envoyé le 20 septembre 2022 informant les parties que la clôture interviendrait le 9 mai 2023, de même que l'appelant aurait pu développer ses nouveaux moyens, en réplique aux conclusions transmises par l'intimée le 18 novembre 2022, bien avant, ce qui n'aurait pas conduit l'intimée à conclure après l'ordonnance de clôture, aucun motif grave ne justifie de révoquer ladite ordonnance, de sorte que les dernières conclusions transmises le 16 mai 2023 par l'intimée, ainsi que la nouvelle pièce 10 qui y est annexée, seront écartées des débats. Il en est de même des conclusions transmises le 9 mai 2023 par l'appelant, ainsi que les nouvelles pièces 10 à 14 qui y sont annexées, comme étant tardives et contraires au principe du contradictoire.
En conséquence, il n'y a pas lieu de rabattre l'ordonnance de clôture du 9 mai 2023, de sorte que les conclusions transmises par l'intimée le 16 mai 2023 et la pièce n° 10 seront écartées des débats, de même que les conclusions et pièce n° 10 à 14 transmises tardivement par l'appelante le 9 mai 2023 comme étant irrecevables.
Sur l'effet dévolutif et les prétentions de l'appelant
Aux termes des dispositions combinées des 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
L'article 562 du même code dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent : la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet est indivisible.
Enfin, l'article 954 alinéa 3 précise que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif (des conclusions d'appel) et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Il s'évince de la combinaison des dispositions de ces textes que, lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni la réformation de l'ordonnance entreprise, la cour d'appel ne peut que la confirmer.
En l'espèce, tant dans sa déclaration d'appel que dans ses conclusions subséquentes, M. [N] demande l'annulation de l'ordonnance entreprise et non son infirmation ou sa réformation.
Pour autant, au soutien de cette prétention, il ne développe aucun moyen susceptible de la fonder tel que la violation de principes et/ou règles de procédure civile ou l'excès de pouvoir de la juridiction.
S'il analyse l'exception d'incompétence matérielle qu'il soulève pour la première fois en appel, comme n'ayant pas comparu ni n'étant représenté devant le premier juge, comme une exception de nullité régie par la section IV du chapitre II (les exceptions de procédure) du livre V (les moyens de défense) du code de procédure civile, il s'agit en réalité d'une exception d'incompétence régie par la section II qui ne conduit à aucune nullité.
De plus, s'il affirme que l'ordonnance doit être annulée comme étant irrégulière, il ne développe aucun moyen en ce sens.
Il sera donc débouté de sa demande de nullité.
Enfin, il sollicite des délais de paiement et demande à être exonéré de sommes sollicitées au titre de la clause pénale sans même demander la réformation ou l'infirmation de l'ordonnance entreprise en indiquant les chefs expressément critiqués.
Or, l'appel ne tendant pas à l'annulation de l'ordonnance entreprise, la dévolution n'a pas pu s'opérer pour le tout.
Etant donné que sa réformation ou son infirmation n'est pas expressément demandée, la décision entreprise ne peut qu'être confirmée, la cour n'ayant pas le pouvoir, sur un point aussi cardinal que l'effet dévolutif de l'appel et la formulation des prétentions de parties, de corriger, au profit de l'une et au détriment de l'autre, une éventuelle erreur matérielle et / ou intellectuelle dans l'emploi, dans la déclaration d'appel, du verbe annuler aux lieu et place de celui d'infirmer.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué, en cause d'appel, une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [N], qui sera débouté de sa demande sur ce même fondement, supportera les dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit n'y avoir lieu de rabattre l'ordonnance de clôture du 9 mai 2023 et écarte en conséquence les conclusions transmises par l'intimée le 16 mai 2023 et la nouvelle pièce n° 10 qui y est annexée ;
Déclare irrecevables comme étant tardives et contraires au principe de la contradiction les conclusions et nouvelles pièce n° 10 à 14 transmises par l'appelante le 9 mai 2023, lesquelles seront également écartées des débats ;
Rejette la demande d'annulation de la décision entreprise sollicitée par M. [G] [N] ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne M. [G] [N] à verser à la SA SNCF Réseau la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [G] [N] de sa demande formulée sur ce même fondement ;
Condamne M. [G] [N] aux dépens d'appel.
La greffière La présidente