COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 29 JUIN 2023
N° 2023/ 460
Rôle N° RG 22/06231 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJJ4O
[O] [F]
C/
[T] [C]
S.A.S.U. CLINIQUE CHIRURGICALE DE [Localité 12]
Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU -RHONE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Virginie ROSSI
Me Emmanuelle PLAN
Me Bruno ZANDOTTI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 12 avril 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/0277.
APPELANTE
Madame [O] [F]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/4679 du 03/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 7] 1962 à [Localité 12], demeurant [Adresse 2] - [Localité 5]
représentée par Me Virginie ROSSI, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Jennifer BONGIORNO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Madame [T] [C]
demeurant [Adresse 10] - [Localité 6]
représentée par Me Emmanuelle PLAN de la SELARL SOLUTIO AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assitée de Me Véronique ESTEVE, avocat au barreau de NICE
La CLINIQUE DE [Localité 12]
dont le siège social est situé [Adresse 9] - [Localité 12]
représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Léa CAMBIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU -RHONE
dont le siège social est situé [Adresse 8] - [Localité 4]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Myriam GINOUX, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Myriam GINOUX, Présidente
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Mme Angélique NETO, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Sancie ROUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023
Signé par Madame Myriam GINOUX, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOS'' DU LITIGE
Le 6 septembre 2012, Mme [O] [F] a subi une intervention chirurgicale réalisée par Mme le docteur [T] [C] , au sein de la SASU CLINIQUE DE [Localité 12].
Estimant que la prise en charge dont elle a bénéficié a été mauvaise et est susceptible d'engager la responsabilité de la SASU CLINIQUE DE [Localité 12] compte tenu des séquelles invalidantes et des douleurs constantes qu'elle subit, par par acte en date du 18 février 2022, Mme [O] [F] a assigné Mme [T] [C], la SASU CLINIQUE DE [Localité 12], et la CPAM des Bouches du Rhone, devant le tribunal judiciaire d'Aix en Provence aux fins d'expertise médicale, et de voir réserver les dépens.
Par ordonnance contradictoire du 12 avril 2022, ce magistrat a :
- débouté Mme [O] [F] de sa demande d'expertise judiciaire,
- a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux dépens.
Par déclaration reçue le 27 avril 2022, Mme [O] [F] a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises, sauf celle l'ayant déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a régularisé une deuxiéme déclaration d'appel, strictement identique, le lendemain.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 31 mai 2022.
Dans ses dernières conclusions transmises le 24 juin 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et de la procédure et des moyens des parties, Mme [O] [F] demande à la cour qu'elle :
- infirme l'ordonnance querellée sur les dispositions entreprises,
- ordonne une expertise médicale en chirurgie vasculaire en désignant un médecin expert délocalisé hors région du grand sud-est,
- condamne les requis à lui payer une somme de 3000e sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens distraits au profit de son avocat.
Dans ses dernières conclusions transmises le 18 juillet 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et de la procédure et des moyens des parties, Mme [T] [C] demande à la cour qu'elle :
- lui donne acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à une mesure d'expertise judiciciaire avec désignation d'un médecin expert hors du département des Bouches du Rhône, formulant toutes protestations et réserves et contestant sa responsabilité,
- juge que les frais de consignation seront mis à la charge de Mme [O] [F],
- la déboute de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et des dépens,
- réserver les dépens.
La SASU CLINIQUE DE [Localité 12] sollicite de la cour qu'elle:
-confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,
- déboute Mme [F] de sa demande d'expertise et de toute demande à son encontre,
' subsidiairement,
- lui donne acte de ses protestaions et réserves,
- confie à l'expert qui sera désigné, les chefs de mission évoqués aux motifs de ses écritures,
- rejette toute demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La CPAM des Bouches du Rhône n'a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée le 10 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mesure d'expertise judiciaire :
En application de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, des mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout interessé, notamment en référé.
Le motif légitime est caractérisé dès lors qu'il existe un litige susceptible d'opposer les parties devant le juge du fond, non manifestement voué à l'échec et à la résolution duquel la mesure d'instruction est utile.
Il suffit que le demandeur à la mesure rapporte la preuve d'éléments suffisants à rendre crédibles ses allégations et démontre que le résultat de l'expertise à ordonner présente un intérêt probatoire, dans la perspective d'un procès au fond susceptible d'être engagé ultérieurement.
Le premier juge avait rejeté cette demande, dans la mesure où, en première isntance, Mme [O] [F] ne produisait aucune pièce à l'appui des séquelles et douleurs dont elle se plaignait et qui seraient survenues, suite à l'intervention litigieuse.
En cause d'appel, Mme [O] [F] produit des pièces médicales démontrant qu'une nouvelle intervention a eu lieu, le 1er décembre 2015, réalisée par Mme [T] [C], et ayant abouti à l'ablation d'un corps étranger, deuxième intervention pouvant possiblement avoir un lien avec la première intervention de 2012.
Elle justifie par ailleurs des soins qui ont été rendus nécessaires dans les suites de cette intervention.
Le motif légitime est ainsi rapporté et il y a lieu d'ordonner l'expertise médicale judiciaire sollicitée, les frais de consignation devant être mis à la charge de Mme [O] [F].
Il sera désigné un médecin expert, hors le département des Bouches du Rhône, aucune considération justifiant de désigner un médecin localisé hors région.
L'ordonnance querellée sera infirmée de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'ordonnance entreprise est définitive en ce qui concerne les frais irrépétibles de première instance, cette disposition de l'ordonnance n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration d'appel.
Elle sera infirmée en ce qui concerne les dépens qui seront à la charge de Mme [F], autant en première instance qu'en cause d'appeL, cette mesure lui profitant.
En cause d'appel, l'équité ne justifie pas la condamnation des intimés aux frais irrépétibles, aucune responsabilité n'étant établie et la saisine de la cour d'appel n'ayant été rendue nécessaire que du fait de l'insuffisance de preuves rapportées en première instance et donc , de la seule responsabilité de la demanderesse-appelante.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme l'ordonnance querellée des chefs entrepris,
Et statuant de nouveau et y ajoutant:
Ordonne une expertise médicale judi ciaire, et désigne , pour y procéder :
le docteur [L] [H]
Diplôme d'Etat de Docteur En Medecine, des de Chirurgie Generale, Desc de Chirurgie Orthopedique et Traumatologie, Capacité de Medecine, diplôme universitaire de pathologie chirurgicale du genou, diplôme universitaire de recherches microchirurgicales, diplôme universitaire arthroscopie, diplôme universitaire desastres sanitaires
[Adresse 11]
[Localité 3]
Tél : [XXXXXXXX01]
Mèl : [Courriel 13]
avec pour mission de :
- se faire communiquer le dossier médical complet de Mme. [O] [F] , et toute pièce médicale relative aux soins, traitements, interventions, paratiqués avant et après la prise en charge réalisée par le DR [C] en septembre 2012 et tous dossiers concernant l'état de santé de Mme [F],
- noter l'état des doléances actuelles de Mme [F],
- examiner Mme [F] et décrire précisèment les séquelles constatées, et en déterminer l'origine,
- déterminer l'état de Mme. [O] [F] avant l' intervention du 6 septembre 2012 (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs) ;
- dire siles actes et traitements médicaux étaient pleinement justifiés,
- dire si les actes et soins prodigués à Mme [F] ont été attentifs, diligents et conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science, et dans la négative, analyser de façon détaillée la nature des erreurs, imprudences, manques de précautions nécessaires, négligences pré, per et post opératoires, maladresses ou autres défaillances relevées,
- dire si un manquement relatif à l'organisation du service, au contrat d'hotellerie ou aux soins para-médicaux peut être reproché à l'établissement de soins et dans cet te éventualité,
- donner son avis sur l'existence ou l'absence de lien de causalité entre le ou les manquements éventuellement relevés et les séquelles éventuellement subies par Mme [F],
- préciser si ce lien de causalité présente un caractère direct, exclusif, avec l'intervention de septembre 2012 , ou si une perte de chance seule peut être envisagée,
- en cas de perte de chance, préciser dans quelle proportion en pourcentage, celle-ci est à l'origine des séquelles de Mme [F],
- préciser s'il s'agit d'un aléa thérapeutique , à savoir un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé,
- donner un avis en les qualifiant, sur tous les élements de préjudice qui découlent de la situation décrite, en ne s'attachant qu'aux éléments de préjudice résultant d'éventuels manquements imputables au chirurgien, ou à la clinique, et en excluant ceux se rattachant aux suites normales de l'intervention pratiquée ou à son état antérieur,
- déterminer, compte tenu de l'état de Mme [O] [F], ainsi que des lésions initiales et de leur évolution, la, ou les, période(s) pendant laquelle/lesquelles celle-ci a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité, d'une part, d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, d'autre part, de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d'incapacité partielle, en préciser le taux et la durée ;
- proposer la date de consolidation des lésions ; si la consolidation n'est pas acquise, indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seuls préjudices qui peuvent l'être en l'état ;
- dire si chacune des anomalies constatées est la conséquence de l' intervention ou/et d'un état ou d'un accident antérieur ou postérieur ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser si cet état :
' était révélé avant l'intervention,
' a été aggravé ou a été révélé par elle,
' s'il entraînait un déficit fonctionnel avant l'accident, dans l'affirmative, estimer le taux d'incapacité alors existant,
' si en l'absence de l' intervention, il aurait entraîné un déficit fonctionnel, dans l'affirmative, dire dans quel délai et à concurrence de quel taux ;
- décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de l' intervention et donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel permanent médicalement imputable à l'accident ;
- se prononcer sur la nécessité pour Mme [O] [F] d'être assisté par une tierce personne avant et/ou après la consolidation (cette assistance ne devant pas être réduite en cas d'assistance familiale) ; dans l'affirmative, préciser si cette tierce personne a dû et/ou doit ou non être spécialisée, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d'intervention de l'assistant spécialisé et de l'assistant non spécialisé ; donner à cet égard toutes précisions utiles ;
- donner un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité, temporaire ou définitive, pour Mme [O] [F] de :
a) poursuivre l'exercice de sa profession,
b) opérer une reconversion,
c) continuer à s'adonner aux sports et activités de loisir qu'il déclare avoir pratiqués ;
- donner un avis sur l'importance des souffrances (physiques et/ou morales) ;
- donner un avis sur les atteintes esthétiques avant et/ou après la consolidation, en les distinguant ;
- dire s'il existe un préjudice sexuel ; dans l'affirmative préciser s'il s'agit de difficultés aux relations sexuelles ou d'une impossibilité de telles relations ;
- faire toutes observations d'ordre médical utiles à la solution du litige ;
Dit que, pour exécuter la mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile ;
Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire, recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne ;
Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire d'Aix en Provence pour contrôler l'expertise ordonnée ;
Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal judiciaire d' Aix en Provence dans les cinq mois de l'avis de consignation, sauf prorogation du délai dûment sollicitée auprès du juge du contrôle en temps utile ;
Dit que conformément à l'article 173 du code de procédure civile, en le mentionnant dans l'original, l'expert devra remettre aux parties et aux avocats copie de son rapport ;
Dit que Mme [O] [F] devra consigner dans les deux mois de la présente décision la somme de 800 euros à la régie d'avances et de recettes du tribunal judiciaire d'Aix en Provence, destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert ;
Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l'expert est caduque, à moins que le magistrat chargé du contrôle de la mesure, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ;
Condamne Mme [F] aux dépens de première instance comme d'appel.
la greffière la présidente