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29/06/2023 | FRANCE | N°21/13535

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 29 juin 2023, 21/13535


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023



N° 2023/292







N° RG 21/13535



N° Portalis DBVB-V-B7F-BID4D







[X] [J]





C/



S.A. MATMUT&CO





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-Me Carole GHIBAUDO



-Me Etienne DE VILLEPIN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de grasse, Tribunal judiciaire en date du 09 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/03212.





APPELANTE



Madame [X] [J]

Assurée [XXXXXXXXXXX02]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 3]



représentée par Me...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023

N° 2023/292

N° RG 21/13535

N° Portalis DBVB-V-B7F-BID4D

[X] [J]

C/

S.A. MATMUT&CO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Carole GHIBAUDO

-Me Etienne DE VILLEPIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de grasse, Tribunal judiciaire en date du 09 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/03212.

APPELANTE

Madame [X] [J]

Assurée [XXXXXXXXXXX02]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Carole GHIBAUDO, avocat au barreau de GRASSE.

INTIMEE

S.A. MATMUT&CO

Venant aux droits de AMF ASSURANCES,

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laura PETITET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président,

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 22/06/2014, Mme [J] circulant au volant de son véhicule a été blessée après avoir effectué un tonneau en tentant d'éviter un véhicule roulant à contre-sens. Ledit véhicule était assuré auprès de la MATMUT aux droits de laquelle vient la SA AMF Assurances.

Le docteur [B] a été commis aux fins d'expertise amiable et a déposé un premier rapport le 27/11/2014 puis, la consolidation n'étant pas acquise, un second le 02/06/2015.

Par ordonnance du 07/09/2016, le juge des référés de Grasse a alloué à Mme [J] une somme de 1.150,00 € à valoir sur la réparation future de son préjudice corporel, et a commis le docteur [P] aux fins d'expertise médicale. Le rapport a été déposé le 09/03/2018.

Par acte d'huissier de justice des 01 /07 et 04/07/2019, Mme [J] a saisi le tribunal judiciaire de Grasse d'une action aux fins de réparation de son préjudice corporel dirigée contre la SA AMF Assurances, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance-maladie du Var intervenant pour le compte de la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes.

Par jugement réputé contradictoire du 09/03/2021, le tribunal judiciaire de Grasse a':

- déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance-maladie du Var intervenant pour le compte de la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes,

- fixé le préjudice corporel global de Mme [J] à la somme de 43.009,81 €,

- condamné la SA AMF Assurances à payer à Mme [J] en réparation de son préjudice corporel la somme de 30.831,12 €':

' dépenses de santé actuelles': 886,70 €

' frais divers : 1.313,80 €

' perte de gains professionnels actuels': 8.309,31 € (dont part CPAM 7.805,30 €)

' perte de gains professionnels futurs : 0,00 €

' incidence professionnelle : 18.000,00 € (dont part CPAM 3.486,62 €)

' déficit fonctionnel temporaire': 1.100,00 €

' souffrances endurées': 5.000,00 €

' déficit fonctionnel permanent': 8.400,00 €

' préjudice d'agrément : 0,00 €

Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :

Pour statuer ainsi, en particulier sur le préjudice professionnel, le premier juge s'est fondé sur les éléments suivants':

' perte de gains professionnels actuels': la période au titre de laquelle Mme [J] demande réparation de sa perte de gains va au-delà de la période d'arrêt temporaire des activités professionnelles retenue par le docteur [P]'; il n'y a pas de lien de causalité démontré entre ses congés sans solde et l'accident, l'expert ayant considéré que son état de santé ne justifiait ni un arrêt de travail ni un mi-temps thérapeutique à compter du 23/02/2015'; en outre, Mme [J] (qui a perçu 7.805,37 € d'indemnités journalières) ne justifie pas du salaire de référence de 1.294,00 € servant de fondement à son calcul'; par suite, ne lui revient que la somme de 503,94 € proposée par la SA AMF Assurances';

' perte de gains professionnels futurs': le 05/05/2015, la médecine du travail a déclaré Mme [J] inapte à son emploi de réceptionniste polyvalente en hôtellerie ' café ' restauration'; elle a été licenciée le 10/07/2015'; elle n'a cependant que 6'% de déficit fonctionnel permanent et ne justifie pas des démarches entreprises pour retrouver un emploi'; en outre, elle ne justifie pas de son salaire de référence'; aucune perte de gains n'est donc caractérisée';

' incidence professionnelle': le docteur [P] conclut que les emplois de station assise ou debout prolongée sont proscrits'; Mme [J] a obtenu la RQTH du 20/10/2015 au 19/10/2023'; le préjudice de retraite invoqué n'est pas démontré, mais la pénibilité accrue des conditions d'exercice et la dévalorisation sur le marché du travail justifient d'allouer à Mme [J] une somme de 18.000,00 €'; sur ce montant s'impute la rente accident du travail'de 3.486,62 € versée par la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes, soit un montant d'indemnisation de 14.513,38 € revenant à la victime.

Par déclaration du 23/09/2021 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [J] a interjeté appel du jugement au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs et au titre de l'incidence professionnelle.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 26/04/2023, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, Mme [J] demande à la cour de':

- dire son appel recevable et bien fondé,

- débouter la SA AMF Assurances de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes':

' de 1.850 € au titre de la perte de gains professionnels actuels pour l'année 2015,

' de prise en compte du préjudice de la retraite dans l'incidence professionnelle,

' d'indemnisation du préjudice tiré de la perte des gains professionnels futurs,

Et, statuant à nouveau :

- condamner la SA AMF Assurances au paiement de la somme de 2.354,00 € au titre de la perte de gains professionnels actuels en ce compris désormais le préjudice financier actuel au cours de l'année 2015 avant consolidation, soit la somme de 1.850 €,

- condamner la SA AMF Assurances au paiement de la somme de 18.196,00 € au titre de la perte de gains professionnels futurs,

- condamner la SA AMF Assurances au paiement de la somme de 83.348,38 € au titre de l'incidence professionnelle, en ce compris désormais le préjudice de la retraite d'un montant de 68.835,00 €,

- subsidiairement, en cas de rejet de la demande relative à l'incidence professionnelle, chiffrer la perte de gains professionnels futurs selon l'euro de rente viagère et non temporaire,

- confirmer le jugement pour le surplus non contesté en ce qu'il a condamné la SA AMF Assurances à indemniser Mme [J] de son entier préjudice, à savoir la somme de 43.009,81 €, en ce compris les provisions déjà versées':

' dépenses de santé actuelles': 886,70 €

' frais divers': 1.313,80 €

' perte de gains professionnels actuels'(hors poste complémentaire réclamé en appel)': 503,94 €

' déficit fonctionnel permanent': 18.000 € dont 14.513,38 € à Mme [J]

' déficit fonctionnel temporaire': 1.100,00 €

' souffrances endurées': 5.000,00 €

' déficit fonctionnel permanent': 8.400,00 €

' les frais d'expertise

' l'article 700 en première instance,

Y ajoutant encore sur les frais d'appel :

- condamner la SA AMF Assurances aux entiers dépens, outre la somme de 1.600,00 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Mme [J] fait valoir que :

' perte de gains professionnels actuels': elle justifie par la production de bulletins de salaires de ce que le salaire de référence est bien de 1.294,00 €'; c'est par suite d'une erreur de plume que l'expert a fixé le terme de la période d'arrêt temporaire des activités professionnelles au 22/02/2015 et non au 22/06/2015, car le 22/02/2015 date ne correspond ni à la fin de la période d'arrêt de travail, ni à la fin de la période de mi-temps thérapeutique, ni à la fin de ses congés payés'; en revanche, le 22/02/2015 correspond à une période de congé sans solde (du 06/02 au 02/04/2015), ce qui n'a pas de sens'; il y a lieu par conséquent de majorer de quatre mois la perte de gains professionnels actuels';

' perte de gains professionnels futurs':

- du fait de l'accident, elle a été licenciée de son poste de réceptionniste polyvalente de l'hôtellerie-restauration (réception de nuit, service au restaurant ou au bar, service des étages, service des petit-déjeuners, aide à l'installation du client) dont le niveau de qualification est supérieur à celui d'une réceptionniste pure, qu'elle ne peut de surcroît exercer qu'à temps partiel selon la médecine du travail'; il est faux de prétendre que Mme [J], âgée de 56 ans à la consolidation et de 64 ans à la liquidation, peut aisément retrouver un emploi au même niveau de rémunération';

- le terme de la période de calcul de la perte de gains professionnels futurs se situe au 30/11/2021, date de son départ en retraite'; de juillet 2015 à novembre 2021, elle aurait dû gagner 99.368,00 € (1.294,00 € x 77 mois), elle n'a perçu que 23.312,00 € de salaires et 58.130,00 € d'allocations de retour à l'emploi, ce dont elle déduit une perte de gains de 18.196,00 € ;

' incidence professionnelle':

- le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a évalué à 18.000,00 € la pénibilité accrue et la dévalorisation sur le marché de l'emploi'; il doit cependant être tenu compte aussi de la perte des droits à retraite';

- ayant commencé à travailler assez tard, Mme [J] voulait travailler jusqu'à l'âge de 67 ans'; elle a fait liquider ses droits à pension le 01/12/2021'; ils doivent être comparés à ceux qu'elle aurait eus s'ils avaient été liquidés le 01/03/2026 à l'âge de 67 ans';

- sa retraite annuelle de base CARSAT'n'est que de 3.506,00 € nets alors qu'elle aurait été de 6.968,00 € nets, soit un différentiel de 3.462,00 €';

- sa retraite annuelle complémentaire ARRCO n'est que de 1.617,00 € alors qu'elle aurait été de 2.502,00 €, soit un différentiel de 885,00 €';

- soit un arrérage annuel de 3.462,00 € + 885,00 € = 4.347,00 €, à capitaliser en fonction de l'euro de rente viagère (barème Gazette du Palais du 15/09/2020), soit un montant total de perte des droits à retraite de 83.348,38 €.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 15/03/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, la SA AMF Assurances demande à la cour de':

- confirmer purement et simplement le jugement querellé sur les chefs de jugement critiqués,

- débouter Mme [J] de ses plus amples demandes, fins et conclusions,

- en tout état de cause, déduire les provisions versées à concurrence de 21.150 €,

- débouter Mme [J] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA AMF Assurances fait valoir que :

' perte de gains professionnels actuels': la période d'arrêt temporaire des activités professionnelles se termine bien le 22/02/2015, comme indiqué par le docteur [P], et ne procède pas d'une erreur de plume'; au-delà, les congés payés puis sans solde que Mme [J] a pris ne se rattachent plus à l'accident';

' perte de gains professionnels futurs':

- le docteur [P] n'a pas contre-indiqué toute activité de réceptionniste, il a seulement mentionné une contrainte de repos d'une heure'; même en admettant qu'elle ne puisse plus exercer son activité de réceptionniste, elle était capable en tout état de cause d'exercer une activité correspondant au salaire de référence de 1.294,00 € qu'elle invoque'; elle ne justifie pas de ses recherches d'emploi';

' incidence professionnelle': le préjudice invoqué en termes de pertes de retraite repose sur le postulat non démontré que l'accident l'a empêchée de travailler comme elle l'aurait souhaité jusqu'à l'âge de 67 ans'; seules la pénibilité accrue et la dévalorisation peuvent être indemnisées.

* * *

La caisse primaire d'assurance-maladie du Var, qui n'a pas été assignée en cause d'appel, avait indiqué en première instance qu'elle n'entendait pas intervenir à l'instance et avait communiqué en tout état de cause un relevé définitif des prestations versées s'établissant à la somme de 12.178,69 €, ventilée comme suit':

- frais médicaux': 886,70 €,

- indemnités journalières (du 23/06/2014 au 05/01/2015)': 7.805,37 €,

- rente accident du travail': 3.486,62 €.

* * *

La clôture a été prononcée le 02/05/2023 et reportée au 16/05/2023.

Le dossier a été plaidé le 16/05/2023 et mis en délibéré au 29/06/2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue':

L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

Sur le droit à indemnisation':

Le droit à indemnisation intégrale de Mme [J] sur le fondement des dispositions de la loi du 05/07/1985 n'a jamais été contesté. Seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice.

Sur l'étendue du préjudice corporel':

Données médico-légales':

Le rapport du docteur [P] constitue une base valable d'évaluation des préjudices subis par Mme [J]. Mme [J] a été victime le 22/06/2014 d'un traumatisme abdominal, d'un traumatisme du rachis lombaire et d'un traumatisme de l'auriculaire droit. Des radiographies postérieures à la consolidation montrent une stabilité des lésions fracturaires. L'examen clinique montre un syndrome douloureux lombaire aec la mobilité du rachis lombaire déclarée limitée et douloureuse en fin de course.

Les conclusions médico-légales du docteur [P] sont les suivantes :

- dépenses de santé actuelles : celles prises en compte par la caisse primaire d'assurance-maladie,

- frais divers : honoraires d'assistance à expertise, frais de déplacement chez les différents médecins et auxiliaires médicaux, aide par l'époux 2 heures 30 par semaine pendant trois mois,

- arrêt temporaire des activités professionnelles : arrêt de travail du 26/06/2014 au 30/09/2014, suivi d'un mi-temps thérapeutique à 50 % du 01/10/2014 au 22/02/2015

- déficit fonctionnel temporaire : 100'% le 22/06/2014, 50 % pendant 10 jours, 25 % pendant trois mois, puis dégressif jusqu'à la consolidation,

- consolidation': 22/06/2015

- souffrances endurées : 3/7

- préjudice esthétique temporaire : néant

- dépenses de santé futures : 2 séances par semaine de soins de kinésithérapie jusqu'au 12/12/2015,

- perte de gains professionnels futurs': l'emploi de réceptionniste polyvalente n'est plus exercé en raison des contraintes du rachis'; une activité de réceptionniste pure peut être exercée avec une contrainte de repos d'une heure,

- incidence professionnelle : les emplois de station assise ou debout prolongée sont proscrits';

- déficit fonctionnel permanent : 6 %,

- préjudice d'agrément : pour les activités sportives mettant en jeu le rachis lombaire.

Données chronologiques :

Date de naissance': 19/02/1959

Date du fait générateur : 22/06/2014

Date de la consolidation': 22/06/2015

Date du départ en retraite': 19/11/2021

Date de la liquidation': 29/06/2023

Durée en années de la période avant consolidation : 1,000

Durée en années de la période consolidation / liquidation': 8,018

Age'lors du fait générateur : 55

Age'lors de la consolidation : 56

Age'lors du départ en retraite : 62

Age'lors de la liquidation : 64

Sur l'indemnisation du préjudice corporel':

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident (55 ans), de la consolidation (56 ans), de son départ en retraite (62 ans) de la présente décision (64 ans) et de son activité (réceptionniste d'hôtel polyvalente), afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de Mme [J] doit être évalué comme suit.

Perte de gains professionnels actuels (PGPA)': 2.353,84 €

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus. La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation.

Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.

Les parties ne s'opposent qu'au titre de l'année 2015, la perte de gains étant évaluée du commun accord des parties pour 2014 à la somme de 8.309,31 € dont 7.805,37 € d'indemnités journalières.

Mme [J] soutient que le terme de la période d'arrêt temporaire des activités professionnelles ne situe au 22/06/2015, date de la consolidation, et non au 22/02/2015, date que le docteur [P] n'aurait retenue que par suite d'une erreur matérielle.

Elle souligne que le 22/02/2015 ne correspond à aucun événement particulier alors que le courrier de notification de licenciement mentionne une reprise d'activité le 21/04/2015. La SA AMF Assurances fait valoir quant à elle que la date du 22/02/15 ne procède pas d'une erreur de plume et correspond bien à la date à compter de laquelle l'état de santé de Mme [J] ne justifiait plus un arrêt de travail ou un mi-temps thérapeutique.

Mme [J] invoque un salaire de référence de 1.294,00 € dont elle justifie en produisant les bulletins de salaire des trois mois antérieurs à l'accident.

Le rapport d'expertise indique que le conseil de Mme [J] a transmis des observations après la diffusion du pré-rapport du 26/06/2017. Lesdites observations ne sont pas produites. L'expert indique avoir corrigé les coquilles typographiques sans préciser lesquelles. La cour observe que Mme [J] a fait l'objet le 07/05/2015 d'un avis d'inaptitude de la médecine du travail (AMETRA), ce qui justifie de faire droit à la demande d'extension de la période d'arrêt temporaire des activités professionnelles jusqu'à la date de consolidation, soit le 22/06/2015.

Sans l'accident, Mme [J] aurait gagné la somme de 6 x 1.294,00 € = 7.764,00 €. Du fait de l'accident, elle n'a gagné que la somme de 3.271,19 € ventilée comme suit':

- janvier 2015': 950,21 €

- février'2015': 191,37 €

- mars 2015': 0,00 €

- avril 2015': 1.137,60 €

- mai 2015': 0,00 €

- juin 2015': 992,01 €

Soit un différentiel de 4.492,21 € au titre de l'année 2015.

La perte de gains professionnels actuels s'élève à la somme de 8.309,31 € (perte de gains 2014) + 4.492,21 € (perte de gains 2015) - 7.805,37 € (indemnités journalières versées) = 4.996,15 €, montant réduit à la somme de 2.353,84 € pour ne pas méconnaître l'objet du litige.

Perte de gains professionnels futurs (PGPF)': 10.089,92 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour elle d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n'englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

Adossé au montant du revenu antérieur à l'accident, le chiffrage de la perte de revenus annuels doit permettre'le calcul des arrérages échus payables sous forme de capital jusqu'à la décision fixant l'indemnisation du préjudice, et le calcul des arrérages à échoir à compter de cette date, capitalisés selon un euro de rente variant selon l'âge de la victime.

Le docteur [P] conclut que l'emploi de réceptionniste polyvalente n'est plus exercé en raison des contraintes du rachis. Il précise qu'une activité de réceptionniste pure peut être exercée avec une contrainte de repos d'une heure. Elle n'est donc pas inapte à tout emploi.

Mme [J] a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude le 08/07/2015, n'ayant pas accepté la proposition de son employeur, l'Hôtel [Adresse 5] à [Localité 7] (Alpes Maritimes).

Elle a été employée dans le cadre de plusieurs CDD par la SARL La Bastide de [Localité 7] qui exerce une activité d'hôtellerie. Elle produit plusieurs bulletins de salaire et quelques avis d'imposition sur le revenu des personnes physiques, qui justifient des gains professionnels réalisés au cours de 45 mois d'activité compris entre la consolidation du 22/06/2015 et son départ en retraite du 30/11/2021':

- juillet 2015': 1.999,30 €

- avril 2016': 374,18 €

- mai 2016': 871,81 €

- juillet 2016': 549,02 €

- août 2016': 790,65 €

- septembre 2016': 790,65 €

- octobre 2016': 790,65 €

- novembre 2016': 790,65 €

- décembre 2016': 587,68 €

- février 2017': 601,98 €

- mars 2017': 815,10 €

- mai 12017': 761,66 €

- juin 2017': 776,78 €

- octobre 2017': 1.395,16 €

- novembre 2017': 520,28 €

- mars à octobre 2018'(six mois glissants)': 9.061,81 €

- janvier à décembre 2019'(année fiscale)': 13.361,00 €

- janvier à décembre 2019'(année fiscale)': 9.815,00 €

Sans l'accident, Mme [J] aurait gagné la somme de 45 x 1.294,00 € = 58.230,00 €. Du fait de l'accident, elle n'a gagné que la somme de 44.653,36 €. Soit un différentiel de 13.576,54 € correspondant à sa perte de gains professionnels futurs.

Sur ce montant vient s'imputer la rente accident du travail versée par la caisse primaire d'assurance-maladie du Var d'un montant capitalisé de 3.486,62 €. Soit un montant d'indemnisation revenant à la victime de 10.089,92 €.

Incidence professionnelle (IP)': 18.000,00 €

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap, de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, ou de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

L'incidence professionnelle est indemnisée en fonction de l'analyse de chacune des composantes de ce poste et non à compter d'une perte annuelle de revenus ou d'un taux donné de déficit fonctionnel permanent.

Âgée de 56 ans à la consolidation, Mme [J] invoque une pénibilité accrue des conditions d'exercice professionnel et une dévalorisation sur le marché du travail. Ces composantes de l'incidence professionnelle peuvent être admises dans la mesure où le docteur [P] exclut expressément les emplois comportant la station assise ou debout prolongée.

S'agissant en revanche de la perte des droits à retraite invoquée, Mme [J] ne démontre pas en quoi l'accident l'a contrainte à anticiper de cinq ans son départ en retraite en partant à 62 ans alors qu'elle souhaitait travailler jusqu'à l'âge de 67 ans pour compenser son arrivée tardive sur le marché du travail, étant précisé que son état séquellaire ne la rendait pas inapte à tout emploi.

L'incidence professionnelle sera évaluée à la somme de 18.000,00 €. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes annexes':

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

La SA AMF Assurances est débitrice de l'obligation d'indemnisation et succombe partiellement dans ses prétentions. Elle supportera la charge des entiers dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie de condamner in solidum la SA AMF Assurances à payer à Mme [J] une indemnité de 1.600,00 € au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris,

- hormis au titre de la perte de gains professionnels futurs,

- hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne la SA AMF Assurances à payer à Mme [J] la somme de 2.353,84 € (deux mille trois cent cinquante trois euros et quatre vingt quatre cents) au titre de la perte de gains professionnels actuels.

Condamne la SA AMF Assurances à payer à Mme [J] la somme de 10.089,92 € (dix mille quatre vingt neuf euros et quatre vingt douze cents) au titre de la perte de gains professionnels futurs.

Condamne la SA AMF Assurances à payer à Mme [J] la somme de 1.600,00 € (mille six cents euros) au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

Condamne la SA AMF Assurances aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 21/13535
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.13535 ?
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