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29/06/2023 | FRANCE | N°20/03706

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 29 juin 2023, 20/03706


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 20/03706 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFXNJ







S.A.R.L. PROVENCE BATIMENT





C/



[M] [O]

[Y] [L] veuve [O]

Société SMABTP















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alexandra GRANIER



Me Sébastien BADIE

Me Isabe

lle FICI





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DRAGUIGNAN en date du 07 Février 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/00085.





APPELANTE



S.A.R.L. PROVENCE BATIMENT

, demeurant [Adresse 5]

représentée pa...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 20/03706 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFXNJ

S.A.R.L. PROVENCE BATIMENT

C/

[M] [O]

[Y] [L] veuve [O]

Société SMABTP

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alexandra GRANIER

Me Sébastien BADIE

Me Isabelle FICI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DRAGUIGNAN en date du 07 Février 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/00085.

APPELANTE

S.A.R.L. PROVENCE BATIMENT

, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Alexandra GRANIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Monsieur [M] [O]

né le 18 Décembre 1952 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Bertrand ROI, avocat au barreau de TOULON

Madame [Y] [L] veuve [O]

née le 12 Janvier 1932 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Bertrand ROI, avocat au barreau de TOULON

Société SMABTP

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Antoine FAIN-ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie LEYDIER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 28 janvier 1968, les époux [O] ont acquis une maison de village située [Adresse 1] à [Localité 6] (83), qui a fait l'objet d'une rénovation, une toiture terrasse tropézienne ayant été crée en lieu et place de l'ancienne toiture en tuiles.

Monsieur [I] [O] étant décédé, son épouse, Madame [Y] [L] veuve [O], et leur fils [M] [O] (ci-après désignés consorts [O]), sont désormais propriétaires de ce bien, suivant attestation notariée établie le 30 juin 2016.

Selon devis accepté du 3 octobre 2008, la SARL PROVENCE BATIMENT a réalisé des travaux d'isolation thermique puis de pose de carrelages sur cette toiture terrasse, lesquels ont été intégralement réglés le 4 octobre 2008.

La société PROVENCE BATIMENT a ensuite réalisé divers travaux à la demande des maîtres d'ouvrage dans cette maison, facturés le 27 avril 2009, le 28 septembre 2010, le 14 octobre 2011, le 17 octobre 2012, le 30 décembre 2013 et le 09 mai 2014 et réglés.

Par courrier du 24 février 2015, les maîtres d'ouvrage ont déclaré un sinistre à leur assureur SWISSLIFE consistant en des infiltrations d'eau par la toiture terrasse.

Après expertises amiables diligentées à la demande de la SWISSLIFE et de la SMABTP (assureur de la société PROVENCE BATIMENT) et en l'absence de prise en charge des travaux de reprise pour mettre fin aux désordres, les consorts [O] ont obtenu, par ordonnance de référé du 8 mars 2017, la désignation d'un expert judiciaire, lequel a déposé son rapport le 19 août 2017.

Par actes des 7 et 13 décembre 2017, les consorts [O] ont fait assigner la SARL PROVENCE BATIMENT et la SMABTP devant le tribunal de grande instance de Draguignan en indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire du 07 février 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a:

- rejeté les demandes d'annulation du rapport d'expertise,

- dit que la SARL PROVENCE BATIMENT est responsable des désordres d'infiltration subis par [Y] [L] veuve [O] et [M] [O], sur un fondement contractuel,

- dit que la SMABTP n'est pas tenue de garantir son assurée,

- condamné la SARL PROVENCE BATIMENT à verser à [Y] [L] veuve [O] et [M] [O] les sommes suivantes:

14 087 euros TTC au titre des travaux de reprise de peinture du plafond et des murs de la chambre et de la réfection de la toiture terrasse et de son étanchéité,

2 760,38 euros au titre du préjudice financier,

2 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- condamné la SARL PROVENCE BATIMENT à payer à [Y] [L] veuve [O] et [M] [O] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL PROVENCE BATIMENT aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 10 mars 2020, la SARL PROVENCE BATIMENT a interjeté appel de toutes les dispositions de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 20/10/2020, l'appelante demande à la cour:

Vu les articles 9 du code de procédure civile, 1231-1 et suivants, 1792 et suivants du code civil,

Réformer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau:

IN LIMINE LITIS,

PRONONCER l'annulation du rapport d'expertise de Monsieur [G],

En conséquence,

DEBOUTER les consorts [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formulées tant en reprise de leurs conclusions de première instance qu'en cause d'appel incident,

SUBSIDIAIREMENT SUR LE FOND,

CONSTATER les consorts [O] mal fondés en leurs demandes,

CONSTATER que les consorts [O] ne rapportent aucunement la preuve de l'imputabilité des désordres d'infiltrations subis à la SARL PROVENCE BATIMENT,

DEBOUTER en conséquence les consorts [O] de l'ensemble de leurs demandes formulées tant en reprise de leurs conclusions de première instance qu'en cause d'appel incident,

ET EN TOUT ETAT DE CAUSE,

ORDONNER que la SARL PROVENCE BATIMENT sera relevée et garantie par son assureur la SMABTP de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre, tant en principal, accessoires, frais, dépens et article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER les consorts [O] à payer à la SARL PROVENCE BATIMENT la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER les consorts [O] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 24/07/2020, les consorts [O], intimés, demandent à la cour:

Vu les articles 1792 et suivants et 1217 et suivants du code civil,

Vu le rapport d'expertise de Monsieur [G] en date du 19/08/2017

Vu le jugement rendu le 7 février 2020 par Ie Tribunal judiciaire de Draguignan,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il:

- a rejeté les demandes d'annulation du rapport d'expertise

- retient la responsabilité de la société PROVENCE BATIMENT concernant les désordres d'infiltration subis par Madame [L] veuve [O] et Monsieur [M] [O],

INFIRMER en revanche le jugement en ce qu'il a exclu la garantie décennale et la condamnation, eû égard à l'existence d'une réception tacite, de la SMABTP à garantir son assurée la société PROVENCE BATIMENT,

Et statuant à nouveau:

A TITRE PRINCIPAL:

CONDAMNER in solidum sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil et suivants, la société PROVENCE BATIMENT et son assureur la SMABTP à leur verser une somme totale de 16 847,38 euros visant à la réparation du caractère imparfait de l'exécution des travaux décomposée comme suit:

- 14 087 euros de travaux de reprise et remise en état selon devis joints et validés par l'expert [G],

- 2760,38 euros de remboursement des travaux de réparation effectués à la demande des consorts [O] pour tenter de pallier ponctuellement, mais en vain, aux infiltrations d'eau subséquentes à l'intervention de la société défenderesse, selon factures annexées et validées par l'expert [G],

CONDAMNER in solidum la société PROVENCE BATIMENT et son assureur la SMABTP à payer à Madame [L] veuve [O] et Monsieur [M] [O] la somme de 71.380 euros à titre de légitimes dommages intérêts pour préjudice de jouissance outre mémoire pour les mois postérieurs à juillet 2020 et la somme de

5 000 euros au titre du préjudice moral,

A TITRE SUBSIDIAIRE

CONDAMNER la société PROVENCE BATIMENT qui a commis une faute de nature contractuelle par non-respect des DTU 43.1 et 20.12, à leur verser une somme de 16 847,38 euros visant à la réparation du caractère imparfait de l'exécution des travaux décomposée comme suit:

- 14 087 euros de travaux de reprise et remise en état selon devis joints et validés par l'expert [G],

- 2760,38 euros de remboursement des travaux de réparation effectués à la demande des consorts [O] pour tenter de pallier, ponctuellement mais en vain, aux infiltrations d'eau subséquentes à l'intervention de la société défenderesse, selon factures annexées et validées par l'expert [G],

CONDAMNER la société PROVENCE BATIMENT à leur payer la somme de 71 380 euros à titre de légitimes dommages et intérêts pour préjudice de jouissance outre mémoire pour les mois postérieurs à juillet 2020 et la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

CONDAMNER in solidum la société PROVENCE BATIMENT et la SMABTP es qualité d'assureur à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP BADIE-SIMOND-THIBAUD & JUSTON sur son affirmation de droit.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17/06/2020, la SMABTP, intimée, demande à la cour:

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu les articles 1231-1 et suivants du code civil,

Vu l'article L.124-5 du code des assurances,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il rejette les demandes formées à l'encontre de la SMABTP,

En tant que de besoin, STATUANT DE NOUVEAU:

In limine litis,

Vu les articles 14, 15, 16, 111, 114, 175 et suivants du code de procédure civile,

PRONONCER l'annulation du rapport d'expertise de Monsieur [G],

DEBOUTER les consorts [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre principal

JUGER les consorts [O] mal fondés,

JUGER que les consorts [O] ne rapportent pas la preuve d'une imputabilité des désordres d'infiltration à la SARL PROVENCE BATIMENT,

REJETER l'ensemble des demandes présentées à l'encontre de la SMABTP,

En tout état de cause,

DIRE ET JUGER non mobilisables les garanties souscrites auprès de la SMABTP,

JUGER opposable la franchise contractuelle s'agissant des garanties facultatives et condamner la SARL PROVENCE BATIMENT à relever et garantir la SMABTP s'agissant de la franchise contractuelle pour les garanties obligatoires,

LIMITER le quantum tel que développé dans le corps des présentes écritures,

CONDAMNER les consorts [O] à payer à la SMABTP la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNER les consorts [O] aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT conformément aux dispositions des articles 696 et suivant du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 06/03/2023.

MOTIFS

Sur les demandes tendant à voir prononcer l'annulation du rapport d'expertise judiciaire

L'appelante et son assureur reprochent à l'expert de ne pas avoir rempli personnellement la mission qui lui a été confiée, de ne pas avoir mentionné les noms et qualités des personnes ayant prêté leur concours à ses opérations, et de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire.

Le premier juge a exactement énoncé les textes applicables et rappelé que la demande tendant à voir prononcer la nullité d'une expertise n'est pas une exception de procédure mais une nullité de forme relevant de l'article 112 du code de procédure civile, de sorte qu'il appartient à la partie qui l'invoque de rapporter la preuve d'un texte la prévoyant et de démontrer l'existence d'un grief.

En l'espèce, s'il est exact que l'expert a, de manière maladroite et inopportune, sollicité Monsieur [O], partie au litige, lors de l'accédit du 23 mai 2017 pour qu'il réalise avec sa scie cloche personnelle un percement du carrelage permettant le prélèvement d'un carottage sur le complexe d'isolation de la toiture terrasse, il résulte néanmoins des pièces produites que cette opération a été effectuée en présence de l'ensemble des parties et sous le contrôle de l'expert au cours de cet accédit, de sorte qu'il ne peut être considéré que l'expert n'a pas personnellement accompli sa mission, ni qu'il a fait appel à un 'sapiteur' sans respecter ses obligations quant à la désignation de ce dernier, puisque Monsieur [O] n'est pas intervenu en tant que technicien dans une spécialité différente de l'expert, mais a seulement apporté une aide ponctuelle sur un plan purement matériel à l'expert à la demande de ce dernier.

Et, contrairement à ce que soutiennent l'appelante et la SMABTP, Monsieur [O] n'a pas lui-même procédé à des investigations puisqu'il a seulement percé le carrelage et l'isolation thermique avec un outil lui appartenant à la demande de l'expert, sans faire lui-même aucune constatation, ni aucune recherche ou investigation particulières, le fait que l'outil utilisé par Monsieur [O] lui appartienne ne démontrant nullement que ce dernier aurait pris l'initiative du carottage, l'expert l'ayant ensuite analysé seul pour en tirer les conclusions qu'il indique dans son rapport.

L'appelante et la SMABTP ne sont pas davantage fondées à soutenir que l'expert n'a pas respecté le principe du contradictoire en annexant les devis produits par les demandeurs seulement dans son rapport définitif et pas dans son pré-rapport, alors que c'est dans son pré-rapport du 20 juin 2017 que l'expert a rappelé aux parties (qui ne l'avaient pas fait jusqu'à cette date) de lui fournir tous les devis nécessaires pour la réparation des dommages affectant les chambres et pour la réfection du toit-terrasse.

Or, les consorts [O] font exactement valoir qu'ils ont par la voie de leur conseil communiqué contradictoirement par dire du 18 juillet 2017 les trois devis contestés, lesquels ont été ensuite annexés au rapport de l'expert, sans que la SMABTP ou la société PROVENCE BATIMENT n'aient estimé utile de faire valoir leurs observations sur ces devis avant le dépôt du rapport définitif, ou même de demander un délai à l'expert pour ce faire ou pour produire d'autres devis.

En conséquence, aucune atteinte au principe du contradictoire n'est démontrée et le jugement entrepris doit être confirmé en ce que le premier juge a rejeté les demandes tendant à l'annulation du rapport d'expertise.

Sur la réception des travaux

Le premier juge a indiqué qu'aucun procès-verbal de réception expresse n'a été signé entre les parties, qu'aucune des parties ne sollicitait le prononcé d'une réception tacite, et 'qu'aucun moyen ne permettait de qualifier les conditions de prononcé d'une réception judiciaire'.

En appel, les consorts [O] sollicitent principalement l'application du régime de responsabilité légale de l'article 1792 du code civil, faisant valoir que les travaux ont fait l'objet d'une réception tacite.

Dans le cas où sa responsabilité serait retenue, la société PROVENCE BATIMENT fait également valoir que travaux ont fait l'objet d'une réception tacite.

Aux termes de l'article 1792-6 alinéa 1er du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement ; elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement.

La réception peut être expresse, tacite ou judiciaire.

La réception tacite suppose une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage.

En l'espèce, il résulte des pièces produites et des explications des parties que l'ensemble des travaux réalisés par la SARL PROVENCE BATIMENT ont été intégralement réglés par les maîtres d'ouvrage, ces derniers ayant manifesté une volonté non équivoque de les recevoir.

Il s'ensuit que les demandes des consorts [O] doivent être analysées sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, et non sur un fondement contractuel.

En conséquence, le jugement entrepris doit être ici infirmé.

Sur les désordres et les responsabilités

Il résulte des pièces régulièrement produites et des explications des parties:

- que dans son rapport d'expertise 'protection juridique CIVIS' du 9 avril 2015, l'expert indique s'être rendu sur place en présence des maîtres d'ouvrage et du gérant de la SARL PROVENCE BATIMENT et avoir déterminé que celle-ci a posé un ROOFMATE d'une épaisseur de 8 cm

avec carrelages collés dessus sur une hauteur de 3 cm, le tout sur la dalle béton du plancher terrasse existante réalisée il y a 40 ans (composée d'une dalle béton avec poutrelles et hourdis, d'une étanchéité avec des relevés de 15 cm de hauteur, d'une chape de 6 à 8 cm de hauteur et pose de carrelage sur 2 cm de hauteur) sans surélever l'ancien relevé d'étanchéité, lequel se trouve de ce fait en dessous du niveau de la terrasse, l'expert indiquant que les infiltrations constatées dans la chambre inférieure proviennent d'une surcharge des ouvrages depuis 2008 au-dessus du relevé d'étanchéité d'origine, cette analyse devant être à cette date selon lui confirmée ou infirmée après investigations techniques permettant de vérifier l'étanchéité de l'ouvrage initial (pièce 12 des consorts [O]),

- que dans son rapport d'expertise du 1er août 2015, l'expert du cabinet SOCABAT, mandaté par la SMABTP, indique que la SARL PROVENCE BATIMENT a effectué des travaux d'isolation et posé du carrelage sur une terrasse étanchée circulable, que la cause des infiltrations dans les chambres relève d'une défaillance de l'étanchéité de la terrasse, une mise en eau avec colorant en 2 temps devant permettre de localiser celle-ci, l'intervention de la SARL PROVENCE BATIMENT n'étant selon lui pas à la source du problème dans la mesure où l'étanchéité a plus de 25 ans d'âge et doit être refaite ( pièce 9 de la SMABTP),

- que les désordres constatés par l'expert [G] sont les suivants:

* dans la chambre située sous la terrasse, le plafond est troué, cloqué et auréolé suite à diverses infiltrations,

* une seconde infiltration est visible en prolongement de la première le long du mur extérieur côté rue, de l'autre côté de la poutre centrale,

* d'autres traces d'infiltrations sont visibles à l'angle du mur séparatif entre les deux chambres et sur le mur gauche, ainsi que du côté de l'antichambre,

- que l'expert [G] a constaté sur le toit terrasse:

* l'existence d'une terrasse carrelée avec une pente d'environ 2 cm /mètre par rapport au point bas connecté à un tuyau d'évacuation, l'eau s'évacuant dans l'épaisseur du mur, l'expert précisant que ce raccordement à la jonction du tuyau d'évacuation lui paraît aléatoire, en l'absence de patine de raccordement réalisée conformément aux règles de l'art avec la jonction du tuyau d'évacuation EP,

* en périphérie, sur l'ensemble, la pose d'une étanchéité réalisée en produit bitumeux, collé un tiers sur le sol carrelé, deux tiers en remontée sur les parois verticales, cette bande d'étanchéité placée au-dessus des carrelages présentant des décollements par endroit,

* le mur pignon a été enduit suite à des recherches d'infiltrations effectuées par la SARL PROVENCE BATIMENT en mai 2014,

* quelques tuiles canal sont cassées de part en part sur les murs périphériques, sans toutefois être à l'origine des infiltrations constatées,

* les joints de carrelage sont en bon état,

* les points d'infiltrations se trouvent à 32 cm en intérieur, par rapport au mur extérieur.

L'expert [G] indique que les travaux de toiture terrasse sont encadrés par le DTU 43.1, dont les prescriptions relatives à la réalisation d'ouvrages préparatoires n'ont pas été suivies au cas d'espèce, le gérant de la SARL PROVENCE BATIMENT ayant indiqué avoir posé l'isolant en couches croisées, et le carrelage sur chape ciment d'environ 4 cms, sans fournir aucune fiche technique relative à la mise en oeuvre des produits isolants utilisés, malgré la demande de l'expert (page 11 du rapport).

Les investigations effectuées par l'expert ont consisté à rechercher les points d'infiltrations par arrosages de plusieurs éléments et à effectuer un percement du sol carrelé pour détecter la fuite ainsi qu'un carottage de la dalle, suite auxquelles l'expert a notamment émis les conclusions suivantes:

- l'arrosage grande eau de la bouche d'évacuation et du tuyau intérieur d'évacuation des EP ne donne aucun résultat,

- l'arrosage par aspersion du sol côté ruelle sans arrosage des relevés muraux, de la rive gauche, et de la marche entre la chambre et la terrasse a entraîné des taux d'humidité significatifs détaillés aux points 1 à 3 identifiés par l'expert dans la chambre sous la terrasse (pages 12 et 13),

- le carottage effectué au dessus du point 1 de la chambre (à droite de la poutre en bois) a permis de mesurer l'épaisseur de la chape à 6 cm + 6 cm d'isolant et de visualiser une forte concentration d'humidité dans la chape et au-dessus de l'isolant, et la présence importante d'eau en dessous de l'isolant.

Selon l'expert [G], l'eau contenue dans la chape et sous le complexe isolant n'a aucune possibilité de s'évacuer, sinon par infiltration de la dalle primaire, les taux d'humidité importants relevés assez rapidement après l'arrosage du sol de la toiture terrasse démontrent la perméabilité de la chape et l'absence de travaux préparatoires d'étanchéité, l'eau contenue dans l'épaisseur de la chape et sous l'isolant ne peut s'échapper que par infiltration et absorption à travers la dalle primaire.

S'il est exact que la SARL PROVENCE BATIMENT s'est vue confier à l'origine des travaux d'isolation thermique, elle n'est pas fondée à soutenir avec son assureur que les désordres ne lui sont pas imputables dans la mesure où elle est intervenue sur une toiture terrasse qui comprenait une étanchéité ancienne dont elle n'a pas vérifié l'efficacité, et qu'elle a posé au-dessus de cette étanchéité recourverte de carrelages, de nouveaux carrelages sans réaliser aucun des ouvrages préparatoires prévus par le DTU 43.1 qui s'applique pour tous les travaux pouvant être exécutés sur une toiture terrasse, et pas seulement pour les travaux d'étanchéité stricto sensu.

Et, la SARL PROVENCE BATIMENT est ensuite intervenue:

- le 28 septembre 2010 pour effectuer la reprise de l'étanchéité en pied de mur,

- le 14 octobre 2011 pour reprendre le haut de la toiture de la terrasse,

- le 30 décembre 2013 en effectuant deux interventions concernant la toiture terrasse pour l'étanchéité des remontées des murs périphériques, le rebouchage de trous, la reprise d'enduit défectueux, et l'application d'un enduit hydrofuge sur le mur,

- le 09 mai 2014 pour réparer les infiltrations dénoncées par les maîtres d'ouvrage, décroûter les enduits décollés et réaliser des enduits en réparation sur murs en pierres anciens (pièces 4 à 8 des consorts [O]), réparations qui se sont avérées inefficaces.

En l'état des constatations de l'expert, et sans qu'il soit nécessaire d'effectuer des investigations techniques plus poussées, dès lors qu'il a été déterminé que les travaux d'isolation et de carrelage sur la toiture terrasse réalisés sur l'existant par la SARL PROVENCE BATIMENT ont entraîné des atteintes à l'étanchéité de l'ouvrage, les désordres lui sont bien imputables.

Et, aucune cause exonératoire ne peut valablement être retenue en l'espèce, le fait que les travaux de construction de la toiture terrasse (dont l'étanchéité) datent de plus de 40 ans n'étant pas de nature à exonérer l'entreprise de sa responsabilité décennale, étant observé qu'il lui appartenait, en tant que professionnelle de la construction, de réaliser un diagnostic des supports et des relevés d'étanchéité existants avant de mettre en oeuvre un complexe isolant et de nouveaux carrelages en créant une surépaisseur de 12 cm par rapport à la dalle primaire, pour vérifier si l'étanchéité du toit terrasse était assurée compte tenu de ses travaux d'isolation, et en cas de besoin de mettre en place un nouveau dispositif d'étanchéité complémentaire.

Sur ce point, la SMABTP est mal fondée à soutenir que les désordres ne seraient pas imputables à son assurée parce que cette dernière ne pouvait pas les déceler lors de son intervention, alors que l'entreprise n'a manifestement pas pris en compte l'état de l'existant, qu'elle ne justifie pas avoir fait le moindre diagnostic de l'existant, ni sollicité une étude préparatoire permettant de vérifier que les travaux d'isolation qui lui étaient confiés sur cette toiture terrasse étaient compatibles avec l'état de celle-ci.

Enfin, aucun élément ne permet d'établir que les infiltrations seraient uniquement consécutives à un défaut d'entretien imputable aux maîtres

d'ouvrage.

Il s'ensuit que la responsabilité décennale de la SARL PROVENCE BATIMENT est engagée.

Sur la garantie de l'assureur

Les conditions générales et les conditions particulières du contrat CAP 1000 prenant effet au 1er janvier 2005, souscrit par la SARL PROVENCE BATIMENT stipulent notamment:

- article 15 Garantie de base

15.1 Ce que nous garantissons

Nous vous garantissons le paiement des travaux de réparation des dommages matériels affectant, après réception, l'ouvrage que vous avez exécuté ou à la réalisation duquel vous avez participé lorsque, dans l'exercice de vos activités déclarées, votre responsabilité est engagée sur quelque fondement juridique que ce soit (page 15 des conditions générales),

- les activités garanties précisées en pages 2 et 3 des conditions particulières sont les suivantes:

2111 maçonnerie (technicité courante)

2251 ouvrages étanche en béton armé (technicité courante)

2311 charpente (technicité courante)

2351 charpente et structures industrialisées en bois (technicité courante)

3101 tuiles à emboîtement ou à glissement (technicité courante)

3111 tuiles canal (technicité courante)

3181 couverture en plaques nervurées ou ondulées (technicité courante)

4111 platrerie (technicité courante)

4131 plaques de plâtre (technicité courante)

5111 plomberie-sanitaire (technicité courante)

6311 carrelages-revêtements (technicité courante)

E1 installations électriques courantes,

les activités énoncées ci-dessus sont garanties, pour les ouvrages de bâtiment, dans la limite des définitions QUALIBAT ou QUALIFELEC mentionnées ci-dessus.

Alors que l'activité 'isolation thermique acoustique' numérotée 71 dans la nomenclature QUALIBAT, et plus particulièrement les activités d'isolation thermique par l'extérieur (numérotées 7131 à 7133), ainsi que les activités d'étanchéité numérotées 32 dans la nomenclature QUALIBAT n'ont pas été déclarées, l'assureur est fondé à opposer une non-garantie dans la mesure où les travaux d'isolation et de reprises d'étanchéité exécutés par son assurée à l'origine des infiltrations subies par les maîtres d'ouvrage ne sont pas garantis.

Contrairement à ce que soutiennent l'appelante et les maîtres d'ouvrage, les travaux réalisés sur le chantier litigieux ne correspondent pas à la définition des ouvrages étanches en béton armé, le complexe d'isolation n'ayant pas été réalisé en béton armé, mais avec un matériau ROOFMATE et un isolant mince aluminé.

Aucun manquement à l'obligation d'information et de conseil de l'assureur s'agissant des activités souscrites par la SARL PROVENCE BATIMENT n'est davantage caractérisé, dès lors que les conditions particulières mentionnent en caractères gras très apparents que les activités énoncées au contrat sont garanties, pour les ouvrages de bâtiment, dans la limite des définitions QUALIBAT ou QUALIFELEC auxquelles il est renvoyé (pièce 5 de la SMABTP), lesquelles sont particulières claires et permettent à tout professionnel de la construction de déterminer les activités qu'il souhaite voir assurer.

Et, s'il est exact que l'activité carrelage a bien été souscrite par la SARL PROVENCE BATIMENT, il n'est pas démontré que les travaux de carrelage sont en l'espèce à l'origine des infiltrations, l'expert ayant constaté que les joints de carrelage sont en bon état (page 10), étant au surplus observé que les travaux de carrelage ont été accessoires sur ce chantier, puisque la SARL PROVENCE BATIMENT est principalement intervenue pour réaliser une isolation sur cette toiture terrasse, puis ponctuellement pour effectuer des travaux d'étanchéité pour tenter de remédier aux infiltrations dénoncées par les maîtres d'ouvrage, réparations qui se sont avérées inefficaces.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce que le premier juge a dit que la SMABTP ne doit pas sa garantie, mais pour d'autres motifs.

Sur l'indemnisation

Préjudice matériel:

En l'absence de production d'autres devis par les parties que ceux soumis et validés par l'expert, c'est à juste titre que le premier juge a entériné les conclusions de ce dernier pour les travaux de reprise des désordres, soit:

- le coût des travaux nécessaires à la reprise de la peinture du plafond et des murs de la chambre sinistrée: 1159,40 euros TTC,

- le coût de la réfection de la toiture terrasse et de son étanchéité s'élevant à la somme de 9 634,52 euros TTC et de 3293,08 euros TTC,

ces travaux étant de nature à remédier aux désordres subis par les maîtres d'ouvrage en raison de l'intervention sur l'ouvrage de la SARL PROVENCE BATIMENT, de sorte que cette dernière ne peut utilement soutenir que ces travaux entraîneraient un enrichissement sans cause pour les maîtres d'ouvrage, alors que ces derniers ont droit à la réparation intégrale de leur préjudice résultant des manquements de l'entreprise,

soit au total la somme de 14 087 euros TTC.

Et, comme l'a exactement estimé le premier juge, les consorts [O] sont également fondés à obtenir le remboursement des sommes réglées par eux au titre des réparations des infiltrations qui se sont avérées inéfficaces, soit les factures 684, 968 et 994 pour un montant total de 2760,38 euros.

En conséquence, le jugement entrepris doit être ici confirmé.

Préjudice de jouissance:

Alors que que les infiltrations affectent principalement une chambre et ses abords, dans une maison de village ancienne, qui n'est pas habitée régulièrement par ses propriétaires, lesquels sont domiciliés à [Adresse 3], le premier juge a exactement estimé que le préjudice de jouissance des consorts [O] doit être réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros.

L'appel incident des maîtres d'ouvrage sur ce point doit être rejeté et le jugement confirmé.

Préjudice moral:

Les consorts [O] n'établissent par aucune pièce avoir subi un préjudice moral spécifique, distinct du préjudice de jouissance et du préjudice matériel déjà indemnisés, étant observé que la SARL PROVENCE BATIMENT a tenté d'intervenir à plusieurs reprises pour remédier aux infiltrations à chacune des demandes des maîtres d'ouvrage, de sorte que ces derniers ne peuvent arguer de tracas importants ou de l'immobilisme de l'entreprise ayant entraîné pour eux un quelconque préjudice moral.

L'appel incident des maîtres d'ouvrage sur ce point doit donc être rejeté et le jugement confirmé, sauf à préciser que la demande concernant le préjudice moral doit être rejetée, le premier juge n'ayant pas motivé sa décision de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant principalement, la SARL PROVENCE BATIMENT doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à régler aux consorts [O] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer en appel.

En revanche, aucune considération d'équité ne justifie de faire droit aux autres demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,  

 

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Et, y ajoutant,

REJETTE la demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral,

CONDAMNE la SARL PROVENCE BATIMENT à payer à Madame [Y] [L] veuve [O] et à Monsieur [M] [O], pris ensemble, une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL PROVENCE BATIMENT aux dépens d'appel et en ordonne la distraction.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 20/03706
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;20.03706 ?
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