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29/06/2023 | FRANCE | N°19/04606

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 29 juin 2023, 19/04606


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 19/04606 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7J6







[J] [T]





C/



SA SOGECAP













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Julie DUPY



Me Sébastien BADIE





















Décisio

n déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TGI GRASSE en date du 15 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/06415.





APPELANTE



Madame [J] [T]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/002113 du 08/03/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-P...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 19/04606 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7J6

[J] [T]

C/

SA SOGECAP

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Julie DUPY

Me Sébastien BADIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TGI GRASSE en date du 15 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/06415.

APPELANTE

Madame [J] [T]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/002113 du 08/03/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Julie DUPY de la SELARL DUPY JULIE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SA SOGECAP

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Marie-annette TATU-CUVELLIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie LEYDIER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 28 janvier 2014, les époux [T] ont accepté une offre de prêt de 'crédit compact' d'un montant de 21 000 euros à rembourser sur 60 mois, auprès de la SOCIETE GENERALE agissant pour le compte de la société SOGEFINANCEMENT.

[G] [T] a souhaité adhérer à l'assurance 'décès - perte totale et irréversible d'autonomie, invalidité et incapacité temporaire totale de travail' dans le cadre du contrat de groupe souscrit par SOGEFINANCEMENT auprès de la société SOGECAP, tandis que Madame [J] [T] née [I] a renoncé à adhérer aux assurances proposées par le prêteur.

[G] [T] étant décédé le 02 janvier 2016, sa veuve a déclaré le sinistre à la SOGECAP, laquelle, après examen du dossier par son médecin conseil, a refusé toute prise en charge, au motif que l'assuré avait effectué une fausse déclaration en répondant par la négative à plusieurs questions du questionnaire de santé rempli lors de l'adhésion.

Par acte du 7 décembre 2016, [J] [T] a fait assigner la SA SOGECAP devant le tribunal de grande instance de Grasse, principalement aux fins d'obtenir sa garantie, outre des dommages et intérêt pour refus abusif de prendre en charge le sinistre.

Par jugement contradictoire du 15 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a:

- prononcé la nullité du contrat d'assurance souscrit par [G] [T] le 28 janvier 2014, en application des dispositions de l'article L 113-8 du code des assurances,

- débouté [J] [T] de l'intégralité de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [J] [T] au paiement des entiers dépens, avec distraction,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 20 mars 2019, [J] [T] a interjeté appel de tous les chefs du jugement entrepris.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 25 mars 2022, l'appelante demande à la cour:

Vu les articles 1217 et suivants du code civil,

Vu l'article 1353 du code civil,

Vu l'article L 113-8 du code des assurances,

Vu l'article L 132-10 du code de la consommation,

INFIRMER la décision entreprise,

CONDAMNER SOGECAP à exécuter le contrat d'assurance souscrit en lui versant les garanties découlant du contrat suite au décès de [G] [T],

CONDAMNER SOGECAP à l'indemniser en lui allouant à titre de dommages et intérêts la somme de 5 000 euros,

CONDAMNER SOGECAP à lui verser la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles, soit 3000 euros pour la première instance et 3000 euros pour l'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

DONNER ACTE à son conseil qu'il s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 1er mars 2023, l'intimée demande à la cour:

Vu la demande d'adhésion du 28.01.2014 au contrat d'assurance collective N° 90193/90194,

Vu le formulaire de déclaration du risque du 28.01.2014,

Vu les articles L113-2 et L113-8 du code des assurances, 1134, 153 du code civil (dans leur version alors applicable),

Vu les pièces,

Confirmer le jugement dont appel et en conséquence:

Dire et juger nulle l'adhésion en date du 28.01.2014 sur le fondement de l'article L113-8 du code des assurances,

Débouter [J] [T] de sa demande de dommages et intérêts,

La condamner au paiement d'une indemnité d'un montant de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de Procédure civile,

La condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître S. BADlE, sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 06 mars 2023.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.

Il s'ensuit que les prétentions énoncées par l'appelante dans les motifs de ses conclusions concernant l'illégalité du contrat de prêt et du questionnaire de santé, non reprises dans le dispositif de celles-ci, ne seront pas examinées.

Sur la nullité du contrat d'assurance et les demandes de l'appelante:

L'article L 113-8 du code des assurances dispose qu'indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

Et, l'article 113-2 2° du même code dispose que l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge.

Comme l'a exactement rappelé le premier juge, la nullité est encourue alors même que le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre.

En l'espèce, il résulte des pièces produites et des explications des parties:

- que [G] [T] a répondu par la négative le 28 janvier 2014 aux questions numéros 3, 5 et 10 du questionnaire de santé qui lui avait été soumis, rédigées comme suit:

question n°3 'Etes-vous ou avez-vous été atteint au cours des 10 dernières années:

a) d'une maladie cardiaque ou vasculaire, d'hypertension artérielle, d'excès de cholestérol' (....)

i) d'autres infections, symptômes ou quelque maladie que ce soit (hors affections saisonnières)'"

question n°5 'Prenez-vous un traitement médical régulier, êtes vous sous surveillance médicale ou recevez-vous des soins médicaux (hors congé légal de maternité)''

question n°10 'Etes-vous pris en charge à 100% par la sécurité sociale ou un organisme assimilé pour raison médicale''

- que le certificat médical de déclaration de décès complété par le médecin traitant du défunt et envoyé à la SOGECAP mentionne un suivi médical depuis décembre 2003 (pièce 3),

- que dans un certificat médical daté du 25 juillet 2016, le Docteur [U] a précisé que [G] [T] avait bénéficié d'un suivi médical pour un angor avec angioplastie stent IVA en décembre 2003, qu'il était pris en charge au titre d'une affection longue durée (ALD) et qu'il était traité en continu par Kardégic 160 avec une prise quotidienne (pièce 6),

- que dans un certificat médical daté du 24 octobre 2016, le Docteur [U] a précisé que '[G] [T] avait un état cardio-vasculaire stabilisé (...), qu'il était assymptomatique avec un traitement d'appoint à base d'aspirine à petite dose' qu'il se considérait comme guéri, puisque n'ayant aucun symptôme douloureux, ni d'essoufflement' (pièce 7).

Contrairement à ce que soutient l'appelante, les questions posées à l'assuré reprises ci-dessus sont parfaitement claires et compréhensibles pour tout un chacun, même si elles comportent pour les questions 3 et 5 plusieurs propositions.

Il est constant que [G] [T] a développé un angor (soit une douleur thoracique qui apparaît généralement pendant un effort ou un stress, qui survient chez des patients présentant une insuffisance coronarienne, et dont l'apparition est favorisée par les facteurs de risques cardiovasculaires) et qu'il a subi la pose d'un stent et une angioplastie en décembre 2003, soit dans les 10 dernières années ayant précédé le remplissage du questionnaire le 28 janvier 2014.

Si comme l'a relevé le premier juge, il est parfaitement possible d'envisager l'omission de bonne foi d'une pathologie ancienne par le fait d'un oubli de l'assuré, plus de 10 ans après ces interventions, il est néanmoins établi que l'assuré prenait un traitement en lien avec une affection cardiaque, soit un comprimé de Kardéjic 160 chaque jour, ce médicament étant un anticoagulant conseillé en prévention de complications cardio-vasculaires, dont il ne pouvait ignorer les bénéfices s'agissant de ses antécédents cardiaques.

Alors que le questionnaire de santé mentionne expressément et en caractères très apparents (en gras), juste au dessus de l'encadré portant la signature du candidat à l'assurance que ce dernier déclare notamment:

'avoir répondu à toutes les questions du présent questionnaire de santé de façon complète et sincère, et avoir été averti que toute déclaration inexacte ou incomplète qui pourrait induire en erreur SOGECAP dans l'appréciation du risque à garantir entraînerait la nullité de l'adhésion ou la réduction des indemnisations en application des dispositions des articles L113-8 et L 113-9 du code des assurances', il convient de considérer que [G] [T] a fait sciemment une fausse déclaration en répondant par la négative à la question précise de savoir s'il prenait un traitement médical régulier, puisqu'il ne pouvait pas ne pas se souvenir qu'il prenait quotidiennement un comprimé de Kardéjic 160 en continu comme l'indique son médecin traitant.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le fait que d'autres propositions figurent dans cette question n° 5 n'est pas susceptible d'entraîner une quelconque incompréhension sur ce point, de sorte que la bonne foi de l'assuré ne peut sérieusement pas être retenue.

Et, comme le fait à juste titre remarquer l'assureur, le fait que l'état de santé de [G] [T] soit stabilisé et qu'il se sente bien lorsqu'il a rempli le questionnaire n'empêche pas qu'il avait l'obligation de déclarer l'existence de la prise de son traitement médical régulier, soit un comprimé de Kardéjic 160 chaque jour, et non pas seulement la prise ponctuelle d'aspirine comme le soutient l'appelante.

Cette fausse déclaration a nécessairement modifié l'opinion de l'assureur sur le risque qu'il devait prendre en charge, dans la mesure où il n'a pu prendre en considération l'état de santé réel de monsieur [T] lors de la souscription du contrat d'assurance, y compris pour faire procéder à une visite médicale et à un questionnement plus approfondi d'usage lorsque le questionnaire de santé mentionne une fragilité particulière susceptible de majorer la probabilité de la réalisation des risques décès, PTIA, invalidité et ITT assurés, ce qui est le cas en l'espèce.

A titre surabondant, si le premier juge a pu retenir qu'il était possible que monsieur [T] n'ait pas eu connaissance d'une prise en charge à 100% au titre de son affection longue durée, dans la mesure où son épouse justifie par diverses attestations qu'elle s'occupait seule de l'ensemble des documents administratifs, l'assureur fait à juste titre observer que cette dernière reconnaît elle-même dans ses écritures avoir participé au remplissage du questionnaire de santé (page 2), de sorte qu'aucune incompréhension ne justifiait de passer sous silence la prise en charge à 100% du traitement suivi quotidiennement par l'assuré.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce que le premier juge a déclaré nul le contrat d'assurance souscrit et a débouté madame [T] de toutes ses demandes, en partie pour d'autres motifs.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant, l'appelante sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris,

ET Y AJOUTANT,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE Madame [J] [T] aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/04606
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;19.04606 ?
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