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29/06/2023 | FRANCE | N°19/02359

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 29 juin 2023, 19/02359


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 29 Juin 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 19/02359 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDYSM







SCI LE HAMEAU DES 3 LUCS





C/



SARL INSTALLATION MEDITERANNEE PLOMBERIE















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Christophe DEMARCQ



Me Elric HAWADIER







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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 Novembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/14387.





APPELANTE



SAS URBAT PROMOTION

venant aux droits de la SCCV URBAT SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS

, demeurant [Ad...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 29 Juin 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 19/02359 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDYSM

SCI LE HAMEAU DES 3 LUCS

C/

SARL INSTALLATION MEDITERANNEE PLOMBERIE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Christophe DEMARCQ

Me Elric HAWADIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 Novembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/14387.

APPELANTE

SAS URBAT PROMOTION

venant aux droits de la SCCV URBAT SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christophe DEMARCQ de la SCP SANGUINEDE DI FRENNA ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Pierre julien DURAND, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL INSTALLATION MEDITERANNEE PLOMBERIE

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Elric HAWADIER de la SELARL CABINET HAWADIER-RUGGIRELLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Inès BONAFOS, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023, puis avisées par message le 25 Mai 2023, que la décision était prorogée au 29 Juin 2023.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

La SCCV LE HAMEAU DES TROIS LUCS a procédé à la construction, à compter de janvier 2011, d'une résidence « LE HAMEAU DES TROIS LUCS » à [Localité 2], composée de deux tranches à savoir.

1ère tranche : bâtiments A-B-E comprenant 89 logements sur un niveau de sous-sol,

2ème tranche : bâtiments C-D comprenant 33 logements en RDC.

Le maître d''uvre d'exécution des travaux était URBAT PROMOTION.

La SCCV confié à la société IMP (INSTALLATION MEDITERANNEE PLOMBERIE) les lots "1 036/37/38/39 : ECS solaire/ Plomberie-sanitaires/chauffage gaz/LMC, selon deux actes d'engagements en date du 25 novembre 2010. Le montant des marchés était de : 732.819 euros HT pour la 1ère tranche et 333.096 euros HT pour la 2ème tranche.

La réception s 'est faite par bâtiment, aux dates suivantes :

1ère tranche :

Bâtiment A : réception le 23 janvier 2013 avec réserves ;

Bâtiment B : réception le 5 juin 2013 avec réserves;

Bâtiment E : réception le 3 juillet 2013 avec réserves.

2ème tranche

Bâtiment C : réception le 30 janvier 2013 avec réserves,

Bâtiment D : réception le 15 novembre 2012 avec réserves.

La société IMP a adressé ses décomptes généraux définitifs pour chacun des deux marchés le 30 septembre 2013 :

-         Pour le bâtiment A, B, E (tranche 1) pour un montant de 77 621,61 euros

-         Pour le bâtiment C et D (tranche 2) pour un montant de 22 777,37 euros

 

La société URBAT a retourné ses décomptes généraux définitifs avec un certain nombre de retenues faisant ressortir les soldes de :

-        22 482,81 € à payer à l'entreprise pour le marché des bâtiments A, B et E pour un montant de 77 621,61 € présenté par l'entreprise.

-        5 045,36 € à payer à l'entreprise pour le marché des bâtiments C et D pour un montant de 22 777,37 € présenté par l'entreprise.

Le 20 décembre 2013, la société IMP a contesté les deux DGD établis par la société URBAT

Par ordonnance du 23 octobre 2015, le président du tribunal de grande instance de MARSEILLE, saisi par INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE S.A.R.L, statuant en référé, a « condamné la SCCV LE HAMEAU DES TROIS LUCS à payer à la SARL IMP 22.777, 37 euros pour le marché des bâtiments C et D avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2013 ainsi qu'une provision de 55.000 euros à valoir sur le solde du marché des bâtiments A, B et E et 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Par un arrêt en date du 26 mai 2016, la Cour d'appel a infirmé cette ordonnance.

L'exécution de cette décision, malgré un jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 16 mai 2016 rejetant la demande de délais de INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE S.A.R. L, est toujours en cours.

Par actes d'huissier du 4 Décembre 2015, INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE S.A.R.L, a assigné devant le tribunal de grande instance de Marseille LA SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS afin d'obtenir sa condamnation au principal.

Par jugement en date du 27 Novembre 2018, le Tribunal de Grande instance de MARSEILLE :

Condamne LA SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS à payer à INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE S.A.R.L, les sommes suivantes :

22 777,37 € au titre du décompte général définitif relatif aux bâtiments C et D,

77 621,61 € au titre du décompte général définitif relatif aux bâtiments A, B et E,

Dit que ces sommes ouvrent droit à intérêts au taux légal majoré de sept point à compter du 20.02.2014,

Dit que ces condamnations s'exécuteront sous déduction des sommes versées par LA SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS à INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE S.A.R.L, dans le cadre de la procédure de référé et qui n'auraient pas été restituées lors de l'exécution du présent jugement,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne LA SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS à payer à INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE S.A.R.L, 4000 € au titre des frais irrépétibles

Rappelle que cette somme produira, de droit, intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

Condamne LA SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS au paiement des dépens de l'instance,

Autorise la distraction des dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 11 Février 2019, la SCI LE HAMEAU DES 3 LUCS a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

Condamne LA SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS à payer à INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE S.A.R.L, les sommes suivantes :

22 777,37 € au titre du décompte général définitif relatif aux bâtiments C et D,

77 621,61 € au titre du décompte général définitif relatif aux bâtiments A, B et E,

Dit que ces sommes ouvrent droit à intérêts au taux légal majoré de sept points à compter du 20.02.2014,

Dit que ces condamnations s'exécuteront sous déduction des sommes versées par LA SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS à INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE S.A.R.L, dans le cadre de la procédure de référé et qui n'auraient pas été restituées lors de l'exécution du présent jugement,

Et en ce qu'elle a débouté la SCCV HAMEAU DES 3 LUCS de ses demandes tendant à :

DIRE ET JUGER que le DGD de la tranche n°2 est réputé avoir été accepté à défaut de contestation dans le délai de 30 jours ;

DIRE ET JUGER que le DGD de la tranche n°1 est valablement notifié.

DIRE ET JUGER que le maître d'ouvrage a répondu à la demande de rendez-vous de l'entrepreneur faisant suite à la notification du DGD de la tranche 1 ;

DIRE ET JUGER que les oppositions de la société IMP au titre du DGD de la tranche n°1 et de la tranche n°2 sont totalement infondées et injustifiées ;

DIRE ET JUGER que les DGD des tranches 1 et 2 sont bien-fondés au regard des obligations contractuelles de parties et des faits de chantier.

DIRE ET JUGER que la SCCV LE HAMEAU DES TROIS LUCS n'a pas commis de faute en n'ayant pas réglé le solde positif des DGD dont l'exigibilité est conditionnée à la résolution de la contestation, et à la remise des documents de fins de chantier et en conséquence

DEBOUTER la SARL IMP de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions.

Condamne LA SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS à payer à INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE S.A.R.L, 4000 € au titre des frais irrépétibles, Rappelle que cette somme produira, de droit, intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

Condamne LA SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS au paiement des dépens de l'instance

La SAS URBAT PROMOTION, venant aux droits de la SCCV URBAT SCCV LE HAMEAU DES TROIS LUCS (conclusions du 26 Janvier 2023) expose que par acte de cession de parts signés en date du 1er janvier 2019, la SCCV HAMEAU DES 3 LUCS a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la société URBAT.

Elle fait valoir que le décompte général définitif (DGD) dressé par la société URBAT concernant la tranche n°2 a été adressé à la société IMP le 24 octobre 2013 et le DGD de la tranche n°1 le 13 décembre 2013, que le 20 décembre 2013, la société IMP a contesté les deux DGD.

Concernant le Décompte général et définitif de la tranche n°2

Le DGD de la tranche n°2 a été établi le 30 septembre 2013 et comporte un solde positif d'un montant de 5.045,36 €. Ce DGD a été adressé à la société IMP par courrier recommandé du 8 octobre 2013. Il a été réceptionné le 24 octobre 2013. Il a par suite été contesté par la société IMP, le 20 décembre 2013.

Or en l'absence de contestation dans les 30 jours de la notification du décompte général et définitif, la société IMP, en application de l'article 19.6.3, « est réputé avoir accepté le décompte définitif. », à savoir pour un montant de 5045,36 euros. C'est à tort que le premier juge a considéré que la notification du DGD avait été réalisé par la société URBAT et non pas le maitre d'ouvrage la SSCV LE HAMEAU DES 3 LUCS. En effet, la SCCV LE HAMEAU DES TROIS LUCS est une entité qui a été créée par la société URBAT PROMOTION pour la réalisation du projet immobilier. Celle-ci se situe à la même adresse que la société URBAT et est administrée par celle-ci. Dès lors c'est bien le maitre d'ouvrage qui a opéré la notification, la forclusion suite à l'écoulement de 30 jours ne saurait être écartée. Le DGD à retenir est donc celui du 24 Octobre 2013 pour un montant de 5045,36 euros.

Par ailleurs aucune mise en demeure n'a valablement été adressée par l'entrepreneur à la SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS. Ainsi, à défaut de toute mise en demeure par la société IMP, le maître d'ouvrage a valablement notifié le DGD dans le respect de la norme P03001.

Sur le bienfondé des retenues pratiquées dans le DGD notifié par le maître d'ouvrage :

Il ressort des pièces produites que la société IMP a accumulé 69 jours de retard sur son marché de travaux. A ce titre une pénalité de 4996, 44 euros a été retenue sur le DGD.

La remise tardive de documents par l'entreprise est également sanctionnée contractuellement d'une pénalité retenue sur le DGD, la somme de 340,86 € concernant l'absence aux réunions et la somme de 1.823,90 € en raison de la carence de la Société IMP à transmettre des documents.

Une retenue de pilotage à hauteur de 11.911,62 € sur le décompte général et définitif de la société IMP, correspondant à 2,99 % du marché.

Une retenue SAV : de nombreux problèmes de finitions, de mise en service ont été relevés par la SCCV HAMEAU DES TROIS LUCS et son maître d''uvre la société URBAT, concernant l'exécution de son marché par la société IMP. Une somme de 5400 euros est retenue sur le DGD correspond aux frais d'intervention d'autres sociétés en lieu et place de la société IMP en raison de sa défaillance.

Sur la retenue au titre du Compte Inter-Entreprises (CIE) : 6.353,08 €

Sur la retenue prorata : pénalité de 477,85 € sur le décompte général et définitif faute pour cette société d'avoir réglé sa quote-part.

Concernant le DGD de la tranche n°1 :

La validité de la notification : Le DGD tranche 1 a été notifié le 13 décembre 2013 et contesté le 20 décembre 2013 par la société IMP qui a sollicité un rendez-vous sans formaliser une quelconque autre proposition. Aux termes du courrier du 14 janvier 2014, la SAS URBAT PROMOTION soutient avoir proposé en réponse au courrier recommandé du 20 décembre 2013, un rendez-vous afin de trouver un accord. Il est versé au débat le bordereau d'envoi de ce courrier démontrant qu'il a été valablement adressé à la société IMP. Il en résulte qu'il a été répondu à la société IMP dans les délais impartis par la norme et plus précisément par l'article 19.6.4, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge. Il est d'ailleurs à nouveau clairement indiqué à ce courrier que la société URBAT intervient par ce courrier au nom de la SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS, comme cela apparait au centre du document et en caractère gras. La contestation du DGD établi par la société IMP le 20 décembre 2013 a donc valablement été notifiée, il n'a pas dès lors un caractère définitif.

Sur les retenues pratiquées sur le DGD :

Pénalités de retard : 10992,29 euros

La retenue CIE : 38.783,68 €, tel qu'il en est justifié par la production des bons de commandes visés par le maître d'ouvrage qui a procédé aux imputations.

Sur la retenue prorata : 1.051,27 €

Sur la retenue de pilotage ; 26.205,89 € sur le décompte général et définitif de la société IMP, correspondant à 2,99 % du marché.

Sur la retenue SAV : 10.000 €

Retenue de 749,89 € sur le décompte général et définitif concernant l'absence aux réunions et la somme de 1.823,90 € en raison de la carence de la Société IMP à transmettre des documents

L'appelante demande à la Cour :

VU les articles 1134 et suivants du Code civil ;

VU les pièces versées aux débats ;

CONSTATER que la SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la SAS URBAT.

REFORMER le jugement du Tribunal de grande instance de MARSEILLE du 27 novembre 2018. En conséquence,

JUGER que le DGD de la tranche n°2 est réputé avoir été accepté à défaut de contestation dans le délai de 30 jours ;

JUGER que le DGD de la tranche n°1 est valablement notifié.

JUGER que le maître d'ouvrage a répondu à la demande de rendez-vous de l'entrepreneur faisant suite à la notification du DGD de la tranche 1 ;

JUGER que les oppositions de la société IMP au titre du DGD de la tranche n°1 et de la tranche n°2 sont totalement infondées et injustifiées ;

JUGER que les DGD des tranches 1 et 2 sont bien-fondés au regard des obligations contractuelles de parties et des faits de chantier.

JUGER que la SCCV LE HAMEAU DES TROIS LUCS n'a pas commis de faute en n'ayant pas réglé le solde positif des DGD dont l'exigibilité est conditionnée à la résolution de la contestation, et à la remise des documents de fins de chantier ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER la société IMP au paiement de la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

La SARL INSTALLATION MEDITERANNEE PLOMBERIE (conclusions du 17 Juin 2019) fait valoir:

Concernant le DGD de la tranche 2 (bâtiment C et D) :

Le caractère définitif du DGD : elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le décompte général de la société URBAT (24 Octobre 2013) n'a jamais été notifié à l'entreprise par le maître d'ouvrage. Dès lors c'est le décompte général adressé par la société IMP le 30 Septembre 2013 pour un montant de 22 777,37 qui a un caractère définitif.

Dans l'hypothèse où la Cour considérerait que le DGD de l'entreprise n'est pas définitif, il y aurait alors lieu de faire le compte entre les parties et de statuer sur le montant des sommes dues au titre de l'exécution du marché à partir des postes du décompte sur lesquels les parties sont en désaccord. En réalité, les parties sont en désaccord sur un certain nombre de retenues pratiquées unilatéralement par le maître d'ouvrage sans aucun fondement.

Concernant le DGD de la tranche 1 (bâtiment A et B)

Le caractère définitif du DGD : La proposition de décompte général définitif de la maîtrise d''uvre notifiée par courrier du 13 décembre 2013 a été contestée par l'entreprise par courrier du 20 décembre 2013. En l'absence d'observations du maître d'ouvrage dans un délai de 30 jours, il est réputé avoir accepté les contestations de la société IMP fixant le DGD à un montant de 77 621,61 euros.

Dans l'hypothèse où la Cour considérerait que le DGD de l'entreprise n'est pas définitif les déductions auxquelles la maîtrise d''uvre a cru devoir procéder ne sont pas fondées de telle sorte que si par impossible la Cour devait considérer que par application de la norme le décompte présenté par l'entreprise ne doive pas être considéré comme étant définitif, les déductions de la maîtrise d'ouvrage ne peuvent pas être considérées comme présentant un caractère réel et sérieux.

L'intimée demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société IMP de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Elle sollicite la condamnation de la société SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS à payer à la société IMP la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts, la somme de 10 000 € supplémentaires par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 mars 2023 et fixée à l'audience du 14 mars 2023.

MOTIVATION

La SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS représentée par URBAT PROMOTION et l'entreprise INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE (IMP) sont liées par un marché de travaux à prix forfaitaire dans le cadre d'une opération de construction « hameau des 3 Lucs » [Localité 2].

Un acte d'engagement portant sur les bâtiments A, B, E a été signé le 25/11/2010 par l'entreprise, par le maître d''uvre la SAS URBAT et par le maître d'ouvrage la SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS, chacune des parties ayant apposé sa signature sur son cachet.

Les travaux du bâtiment A ont été réceptionnés avec réserves le 23/01/2013.

Les travaux du bâtiment B ont été réceptionnés avec réserves le 05/06/2013.

Les travaux du bâtiment E ont été réceptionnés avec réserves le 03/07/2013 ainsi que les extérieures de la zone ABE.

Un acte d'engagement portant sur les bâtiments C et D a été signé le même jour dans les mêmes conditions.

Les travaux du bâtiment C ont été réceptionnés avec réserves le 30 janvier 2013.

Les travaux du bâtiment D ont été réceptionnés avec réserves le 15 novembre 2012.

Le litige porte sur les comptes généraux définitifs afférents à ces actes d'engagement.

L'article 6 du cahier des clauses générales prévoit que les mémoires sont établis par l'entreprise et transmis au maître d''uvre conformément aux stipulations de la norme NF n° P03 001.

Par dérogation aux dispositions de l'article 19.6.2 de ladite norme le maître d'ouvrage notifie à l'entrepreneur le décompte définitif dans un délai de 120 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d''uvre ou au plus tard dans un délai de 120 jours suivant la date de réception des travaux.

La norme P03-001 dans sa rédaction applicable au litige prévoit la procédure suivante de vérification du mémoire définitif - établissement du décompte définitif :

19.6.1

Le maître d''uvre examine le mémoire définitif et établit le décompte définitif des sommes dues en exécution du marché. Il remet ce décompte au maître de l'ouvrage.

19.6.2

Le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur ce décompte définitif dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d''uvre.

Si le décompte n'est pas notifié dans ce délai, le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif remis au maître d''uvre après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours.

La mise en demeure est adressée par l'entrepreneur au maître d'ouvrage avec copie au maître d''uvre.

19.6.3

L'entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître d''uvre et pour en aviser simultanément le maître de l'ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif.

19.6.4

Le maître de l'ouvrage dispose de 30 jours pour faire connaître, par écrit, s'il accepte ou non les observations de l'entrepreneur.

Passé ce délai, il est réputé avoir accepté ces observations.

Concernant le DGD bâtiments C et D

Est versé aux débats un décompte général définitif en date du 09/10/2013 signé du maître d'ouvrage et du maître d''uvre mentionnant un solde à payer d'un montant de 5045,36 € à la différence de la facture émise par l'entreprise le 30/09/2013 d'un montant de 22 777,37 euros.

Le maître d'ouvrage justifie de la notification de ce décompte par lettre recommandée dont il a été accusé de réception le 24/10/2013.

Par courrier recommandé adressé à la SAS URBAT le 20/12/2013, la société IMP a contesté le solde du DGD retenu.

Considérant que le DGD a été adressé à la société INSTALLATION MEDITERRANEE PLOMBERIE SARL le 24 octobre 2013 par la SAS URBAT PROMOTION en sa qualité de maître d''uvre du projet et non en sa qualité de gérante de la SCCV maître d'ouvrage, le premier juge a retenu que le délai de contestation du DGD n'a pas couru et qu'en l'absence d'observations dans le délai de 30 jours la SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS est réputée avoir accepté le DGD établi par la société IMP le 30 Septembre 2013.

Le maître d'ouvrage se prévaut des dispositions de l'article 19.6.3 de la norme P03 001 aux termes duquel l'entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître d''uvre et pour en aviser simultanément le maître de l'ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif.

L'entreprise se prévaut d'une notification du DGD par le maître d''uvre et non par le maître d'ouvrage alors que seule la deuxième est susceptible de constituer le point de départ du délai de contestation de 30 jours dont bénéficie l'entreprise.

Si l'on se réfère aux conventions des parties, la société URBAT PROMOTION cumule les qualités de maître d''uvre, de pilote en charge de la coordination inter-entreprises (mission dont elle est rémunérée par prélèvements d'un pourcentage sur l'ensemble des travaux réalisée par l'entreprise) et de gérant de la SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS, maître d'ouvrage.

Le courrier adressé à la SARL IMP le 08 octobre 2013 est sur papier à entête de URBAT et ne comporte aucune mention indiquant qu'elle agit en qualité de gérant de la SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS. Il comporte les mentions suivantes :

Vous trouverez ci-joint le décompte définitif (en deux exemplaires) de vos travaux pour la SCCV référencée en marge dûment vérifiés par nos soins. (')

Dès réception de l'ensemble de ces documents (') nous transmettrons le certificat au Maître d'ouvrage pour le règlement du solde.

Il est signé [B] [N], personne, dont la signature est similaire à celle de la personne qui a signé pour le compte de URBAT PROMOTION en qualité de maître d''uvre et non pour le compte de la SCCV HAMEAU DES TROIS LUCS, les actes d'engagement, les ordres de service n°1 et n°2, les situations de travaux 20,21,22,23, les PV de réception des travaux à l'exception de celui du bâtiment D, les DGD.

C'est ainsi à juste titre que le premier juge a retenu que le DGD ayant été notifié à l'entrepreneur par le maître d''uvre et non par le maître d'ouvrage, le délai de 30 jours dont dispose l'entrepreneur pour présenter ses observations n'a pas couru.

Il résulte de l'article 19.6.2. que le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif remis au maître d''uvre après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours.

La mise en demeure est adressée par l'entrepreneur au maître d'ouvrage avec copie au maître d''uvre.

L'entreprise a adressé une mise en demeure à la SAS URBAT PROMOTION le 19 février 2014.

Ce courrier dont il a été accusé réception le 20/02/2014 rappelle que la SARL IMP est dans l'attente du règlement des factures suivantes :

DGD bât ABE 77621,61€

DGD bât CD 22 777,37€

(') nous vous remercions par avance de régulariser la situation de votre compte sous 48 h.

Il constitue ainsi une mise en demeure.

Il a été adressé à la SAS URBAT PROMOTION sans autre précision alors que la SCCV LE HAMEAU DES TROIS LUCS est domiciliée à la même adresse que la SAS URBAT PROMOTION qui est le gérant de la SCCV.

Rien ne permet donc d'affirmer que la SCCV n'a pas été le destinataire cette mise en demeure.

D'autres courriers ont ensuite été adressés afin de règlement du litige.

Le 20 avril 2015, le Conseil de la SARL IMP a réalisé une mise en demeure de régler la créance sous quinzaine par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 23 avril 2015 adressée à la fois à la SCCV LE HAMEAU DES TROIS LUCS et à la SAS URBAT PROMOTION.

Une mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours a bien été adressée au maître d'ouvrage outre la contestation du 20 décembre 2013 reçue le 23 décembre 2023 portant sur les deux DGD, celui relatifs aux bâtiments ABE pour un montant de 77621,61€ et celui relatif aux bâtiments CD pour un montant de 22 777,37€.

Par voie de conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la SCCV LE HAMEAU DES TROIS LUCS est réputée avoir accepté le mémoire définitif de l'entreprise.

Concernant le DGD bâtiments A, B, E

Est versés aux débats un décompte général définitif en date du 09/12/2013 signé du maître d'ouvrage et du maître d''uvre mentionnant un solde à payer d'un montant de 22482,81 € à la différence de la facture émise par l'entreprise le 30 septembre 2013 d'un montant de 77 621,61 euros.

Par courrier recommandé adressé au maître d''uvre le 20/12/2013, la société IMP a contesté le solde du DGD retenu.

Considérant que la société URBAT n'a pas répondu à la contestation émise par la société IMP dans son décompte du 20 Décembre 2013, le premier juge a retenu le montant du décompte général définitif transmis par l'entreprise et condamné la SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS à verser à la société IMP la somme de 77 621, 61 euros au titre du DGD.

La SCCV LE HAMEAU DES 3 LUCS fait valoir qu'elle a répondu le 14 janvier 2014 à la demande de rendez-vous, rappelé que les TMA sont à facturés indépendamment des DGD et que pour les retenues SAV, l'entreprise a été orientée sur le SAV du maître d'ouvrage.

La société IMP fait valoir que la proposition de DGD de la maîtrise d''uvre notifiée par courrier du 13 décembre 2013 a été contestée par courrier du 20 décembre 2013 auquel le maître d'ouvrage n'a pas répondu en contradiction avec les dispositions de l'article 19.6.4 de la norme P03-001 et que les observations faites par l'entreprise sont ainsi réputées acceptées.

Le maître d'ouvrage a reçu le courrier du 20 décembre 2013 le 23 décembre 2013 ;

Le courrier adressé à l'entreprise le 14 janvier 2014 est à l'entête d'URBAT sans autre précision.

Il est indiqué :

« Nous vous invitions à prendre rendez-vous avec le SAV du maître d'ouvrage.

Nous savons qu'un nombre important de quitus ne sont pas en sa possession, en particulier pour les installations solaire »

Il est signé pour le compte de [B] [N], directeur de travaux qui a été signataire pour le compte du maître d''uvre des documents précités.

Le courrier invitant l'entrepreneur à s'adresser à un service du maître d'ouvrage ne peut émaner du maître d'ouvrage.

C'est à juste titre que le premier juge a considéré que le maître d'ouvrage s'étant abstenu de faire lui-même des observations dans le délai de 30 jours de la réception du courrier du 20 décembre 2013, le Décompte Général et Définitif était définitivement arrêté à la somme de 77.621,61 euros.

Sur les intérêts de retard

L'article 20.8 de la norme P03 001 relatif aux intérêts moratoires prévoit qu'après mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception, les retards de paiement ouvrent droit, pour l'entrepreneur, au paiement d'intérêts moratoires à un taux qui, à défaut d'être fixé au cahier des clauses administratives particulières, sera le taux de l'intérêt légal augmenté de sept points.

Par voie de conséquence la décision du premier juge allouant à la SARL IMP les intérêts au taux légal augmenté de 7 points à compter du 20 février 2014 doit être confirmée.

Sur la demande de dommages intérêts de l'intimée

La SARL IMP conteste le jugement de première instance en ce qu'il rejette sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive.

C'est à juste titre que le premier juge a retenu que la SARL IMP ne démontre pas avoir subi de préjudice distinct de celui réparé par l'octroi d'intérêts moratoires ;

En effet, dans le cadre de la procédure d'appel la somme de 10 000 euros dont il est réclamé paiement de ce chef n'est pas plus justifié.

Par voie de conséquence le jugement contesté sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Le jugement de première instance étant pour l'essentiel confirmé, il convient de confirmer les dispositions prises par le premier juge en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de la procédure d'appel, partie perdante la SAS URBAT PROMOTION venant aux droits de la SCCV LE HAMEAU DES TROIS LUCS dissoute suite à la réunion de toutes les parts ou actions en une seule main, sera condamnée aux dépens.

L'équité commande d'allouer à l'intimée une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,  

 

CONFIRME le jugement du 27 novembre 2018 du tribunal de grande instance de Marseille en toutes ses dispositions déférées à la Cour,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS URBAT PROMOTION à payer à la SARL IMP la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS URBAT PROMOTION aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 19/02359
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;19.02359 ?
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