COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 29 JUIN 2023
N° 2023/289
N° RG 17/15006
N° Portalis DBVB-V-B7B-BBASO
[V] [D]
Société ASSOCIATION TUTELAIRE DE PROTECTION ES QUALITES DE TUTEUR DE M.[D] [V]
C/
Société FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES
Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Olivier KUHN-MASSOT
Me Alain TUILLIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Juillet 2017 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 15/07076.
APPELANTS
Monsieur [V] [D]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 7]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]
représenté et assisté par Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me François TENDRAIEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et plaidant.
ASSOCIATION TUTELAIRE DE PROTECTION
és-qualités de tuteur de [V] [D] :
demeurant [Adresse 2]
représentée et assistée par Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me François TENDRAIEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et plaidant.
INTIMES
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES,
demeurant [Adresse 4]
représenté et assisté par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et plaidan.
CPAM DES BOUCHES DU RHONE,
Assignée à personne morale le 24 octobre 2017
demeurant [Adresse 3]
Défaillante.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Anne VELLA, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et procédure
Le 18 juillet 1993, M. [V] [D] a été victime d'un accident de la circulation dont l'auteur n'a pas pu être identifié. Il a saisi le Fonds de garantie automobile des assurances obligatoires de dommages. Par ordonnance du 19 avril 1994, le juge des référés a désigné le docteur [Z] pour évaluer les conséquences médico-légales de l'accident dont il a été victime. L'expert a déposé son rapport le 14 avril 1997 en retenant notamment que M. [D] était apte à reprendre dans les conditions antérieures l'activité qu'il exerçait au moment de l'accident.
Par jugement du 9 juillet 1998 le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a indemnisé M. [D] de son entier préjudice corporel en lui allouant la somme globale de 424'000 francs, mais il a été débouté de sa demande d'indemnisation du préjudice professionnel, le tribunal, considérant que l'expert a écarté toutes répercussions sur l'activité antérieure, a jugé que l'impossibilité pour la victime d'être sélectionné dans les chantiers de jeunes ne suffisait pas à constituer ce préjudice.
M. [D] a interjeté appel de cette décision ; appel qui a été déclaré irrecevable comme tardif.
Par décision du 14 septembre 1998, le juge des tutelles du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a prononcé la mise sous tutelle de M. [D].
Souffrant d'une gêne fonctionnelle au niveau des hanches et de troubles neuropsychologiques, M. [D] a invoqué une aggravation de son état. Selon ordonnance du 18 juillet 2006, le docteur [Z] a de nouveau été désigné comme expert principal avec possibilité de s'adjoindre deux sapiteurs, l'un en orthopédie et l'autre en neuropsychologie.
Entre temps, M. [D] a obtenu le bénéfice d'une allocation adulte handicapé et le docteur [Z] a déposé son rapport le 24 février 2011.
M. [D] a estimé que les conclusions du docteur [Z] étaient incomplètes.
Une ordonnance de référé du 19 avril 2011 a constaté que le FGAO a offert une indemnité complémentaire de 18'400€ à M. [D] au titre de l'aggravation de son préjudice.
Par acte du 9 décembre 2015, M. [D], représenté par l'association tutélaire de protection a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence le FGAO, en présence de la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) des Bouches du Rhône, pour voir ordonner une nouvelle expertise confiée à un spécialiste en médecine physique et de réadaptation afin d'évaluer son entier préjudice selon la mission spécifique des traumatisés crâniens avec assistance d'un sapiteur neuropsychologue, et d'obtenir une indemnité provisionnelle de 463'561,32€ au titre de la perte de gains professionnels actuels, celle de 150'000€ au titre de l'incidence professionnelle et 24'000€ au titre du déficit fonctionnel permanent porté à 40 % soit 8 % aggravation.
Le FGAO a conclu au rejet de la demande d'expertise, en l'absence de toute critique objective et médicalement documentée proposée. En outre l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 9 juillet 1998 interdit que soit indemnisé un quelconque préjudice professionnel.
Selon jugement du 13 juillet 2017, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :
- déclaré le jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;
- débouté l'association tutélaire de protection, es qualité, de sa demande de nouvelle expertise ;
- débouté l'association tutélaire de protection es qualité de ses demandes d'indemnisation ;
- déclaré satisfactoire l'offre d'indemnisation faite par le FGAO à hauteur de la somme de 18'400€ au titre du déficit fonctionnel permanent ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné l'association tutélaire de protection es qualité aux dépens.
Le tribunal a :
- rejeté la demande de nouvelle expertise.
- rejeté la demande d'indemnisation au titre des frais d'assistance à expertise faute pour M. [D] de produire des justificatifs,
-rejeté la demande d'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels au motif que l'expert n'a retenu aucune période d'incapacité de travail et alors que la victime ne justifie pas d'une perte de revenus,
- a retenu que l'expert a indiqué que la modification de l'état séquellaire n'entraîne aucune nouvelle répercussion sur l'exercice de ses activités professionnelles et la précarité de la situation professionnelle antérieure de M. [D] l'a conduit à rejeter la demande au titre de la perte de gains professionnels futurs,
- examiné la demande formulée au titre de l'incidence professionnelle en considérant qu'elle n'était pas atteinte par l'autorité de la chose jugée le 9 juillet 1998, la situation des parties étant différente. Il a rejeté cette demande en estimant que la victime ne produit aucun élément justifiant d'une perte de chance professionnelle ou d'une augmentation de la pénibilité du travail ou encore de la nécessité d'abandonner une profession,
- évalué le déficit fonctionnel permanent à la somme de 18'400€.
Par déclaration du 1er août 2017, dont la régularité et la recevabilité, ne sont pas contestées l'association tutélaire de protection sa qualité de tuteur de M. [D], a relevé appel général de ce jugement.
Selon arrêt rendu le 20 septembre 2018, la cour d'appel a :
Avant dire droit
- ordonné une nouvelle expertise,
- désigné en qualité d'expert sur l'aggravation alléguée par M. [D] le docteur [S] [O] afin notamment de procéder :
à un examen clinique détaillé permettant :
de décrire les déficits neuro-moteurs, sensoriels, orthopédiques et leur répercussion sur les actes et gestes de la vie quotidienne,
d'analyser en détail les troubles des fonctions intellectuelles, affectives et du comportement, et leur incidence sur les facultés de gestion de la vie et d'insertion ou de réinsertion socio-économique s'agissant d'un adulte
à une évaluation neuro-psychologique appréciant les fonctions intellectuelles et du comportement ;
Dire si après l'indemnisation initiale, est apparue une lésion nouvelle ou non décelée auparavant et en déterminer la date d'apparition ;
- renvoyé la cause à la mise en état,
- réservé les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'expert, le docteur [O] a établi son rapport le 12 octobre 2022 en concluant à une aggravation de l'état de M. [D] justifiant un déficit fonctionnel permanent de 50%.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 mai 2023.
A l'audience de plaidoirie du 16 mai 2023, les parties s'accordent pour voir admettre toutes les conclusions et pièces régulièrement notifiées par RPVA après l'ordonnance de clôture. Il convient par conséquent de révoquer l'ordonnance de clôture du 2 mai 2023 et de fixer la nouvelle clôture avant l'ouverture des débats du 16 mai 2023.
Prétentions et moyens des parties
En l'état de ses dernières conclusions signifiées le 12 mai 2023, M. [D], représenté par l'association tutélaire de protection demande à la cour de :
' réformer le jugement rendu le 13 juillet 2017 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence ;
' condamner le fonds de garantie à lui verser avec intérêts de droit au taux légal à compter du 9 décembre 2015, date de l'introduction de sa demande, les sommes suivantes :
- frais d'assistance expertise par le docteur [B] : 400€
- perte de gains professionnels actuels : 286'549,20€
- assistance par tierce personne à titre temporaire : 189'882€
- assistance par tierce personne permanente : 547'342,48€
- perte de gains professionnels échus : 341'583,48€
- perte de gains professionnels à échoir : 825'389,57€
- incidence professionnelle : 266'329,75€
- souffrances endurées : 8000€
- déficit fonctionnel permanent : 50 % dont 18 % au titre de l'aggravation : 128'340€
- préjudice sexuel : 50'000€
- préjudice d'établissement : 50'000€,
' condamner le FGAO à payer la somme de 10'000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
' condamner le FGAO à lui payer les intérêts au double du taux légal sur la totalité des sommes allouées à compter du 12 juillet 2011, jusqu'au caractère définitif de la décision à intervenir, avec capitalisation annuelle des intérêts.
Après avoir rappelé la motivation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 20 septembre 2018, et qui a ordonné une nouvelle expertise confiée au docteur [O], neurologue, qui s'est adjoint trois sapiteurs en psychiatrie, neuroradiologie et en neuropsychologie, M. [D] fait valoir que dans ses conclusions l'expert a retenu que la dégradation de ses fonctions supérieures justifie :
- une réévaluation du taux de déficit fonctionnel permanent à 50 %,
- des souffrances endurées évaluées à 5/7,
- il n'y a pas de modification des autres postes de préjudice en dehors d'un préjudice sexuel découlant des difficultés à l'installation et au maintien d'une relation durable,
- il existe une inaptitude définitive à la reprise des activités professionnelles précédemment exercées, de même qu'une reconversion ou un apprentissage, encore aggravée par le syndrome dysexécutif découlant des lésions frontales présentées rendant aléatoire l'intégration dans un atelier protégé,
- l'assistance par tierce personne est sans objet compte tenu de l'aide apportée pour la gestion des tâches administratives, et la gestion budgétaire de ses finances par la mesure de tutelle.
L'aggravation de l'état de M. [D] est désormais indiscutable, et elle est consécutive à la dégradation de ses fonctions supérieures, directement imputables à l'accident du 18 juillet 1993. Il présente une inaptitude définitive le privant de la possibilité d'occuper un quelconque emploi.
M. [D], assisté de son tuteur demande à la cour :
- pour évaluer le déficit fonctionnel permanent de tenir compte d'éléments contenus dans le rapport d'expertise pour valoriser le point puisqu'en effet un handicap lié à une dégradation des facultés supérieures d'un individu et d'une toute autre ampleur qu'un simple handicap orthopédique. Par conséquent il est demandé à la cour d'appliquer un doublement de la valeur du point,
- sur le besoin en tierce personne, l'incapacité de planification qui l'affecte le met dans l'incapacité de gérer, mais cette incapacité ne se limite pas au budget car elle impacte tous les secteurs de la vie courante portant sur la gestion du temps et son organisation, et ce qui correspond à un besoin qui varie entre deux et trois heures par jour.
Pour s'opposer à la demande de nouvelle expertise sollicitée par le FGAO :
- il constate que devant la cour alors que jusque là il l'avait admise, le FGAO adopte une position nouvelle consistant à contester l'aggravation de l'état neurologique de M. [D] estimant que les séquelles neuropsychologiques pourraient être imputables au VIH ou à la consommation d'alcool et de cannabis. Cette contestation qui intervient treize ans trop tard se heurte aux conclusions du docteur [O] qui a exclu que les lésions qu'il présente puissent être en relation directe et exclusive avec l'évolution d'une infection au VIH qui n'a jamais débouché sur un 'sida maladie'. Il a considéré que l'examen neurologique ne mettait pas en évidence de séquelles individualisables en rapport avec un alcoolisme au long cours ou les séquelles d'une toxicomanie,
- la date de l'aggravation n'est pas précisée. Toutefois selon le jugement rendu le 9 juillet 1998 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, décision passée en force de chose jugée, il était apte à reprendre dans les conditions antérieures l'activité qu'il exerçait lors de l'accident, ce qui a eu pour conséquence de rejeter toute indemnisation professionnelle en l'état du rapport d'expertise du docteur [Z] qui avait fixé la première date de consolidation au 31 décembre 1995,
le premier fait juridique justifiant d'une aggravation est la survenue du placement sous tutelle de M. [D] devenu incapable de gérer ses biens selon décision rendue le 14 septembre 1998,
le deuxième fait juridique est le certificat médical du docteur [N], psychiatre au centre hospitalier [6] à [Localité 7] du 5 juillet 1999, dont les termes sont entièrement reproduits dans le rapport du docteur [O],
le troisième fait juridique est l'assignation du 22 mars 2006 ayant abouti selon ordonnance rendue le 18 juillet 2006 à la désignation du docteur [Z] avec comme sapiteur le docteur [G],
le quatrième fait et le rapport du sapiteur [G], neuropsychiatre qui a examiné M. [D] le 12 février 2010 confirmant l'aggravation.
Il appartiendra donc à la cour de fixer la date de l'aggravation, qu'il considère établie au 14 septembre 1998, date du jugement de placement sous mesure de tutelle.
Il demande l'indemnisation de son préjudice sur la base d'une part du rapport du 11 janvier 2011 du docteur [Z] qui avait retenu que la date de la précédente consolidation était au 31 décembre 1995 et que la nouvelle date de consolidation était au 8 février 2010 avec un déficit fonctionnel permanent passant de 32 % à 40 % soit donc 8 % au titre de l'aggravation. Et d'autre part du rapport définitif du 12 octobre 2022 du docteur [O] qui a évalué le nouveau taux de déficit fonctionnel permanent à 50 %.
Les demandes indemnitaires sont détaillées de la façon suivante :
- frais d'assistance à expertise par le docteur [B] : 400€
- perte de gains professionnels actuels : 236'972,74€, somme calculée du 14 septembre 1998 à la consolidation du 8 février 2010 et donc sur 137 mois sur la base d'un salaire médian de 1850€ et d'une perte de chance de 99 %. Ces données permettront à M. [D] de ne pas être dépendant de la collectivité et alors qu'il ne faut jamais perdre de vue qu'il n'a pas cotisé pour sa retraite. La demande du FGAO tendant à voir procéder à indemnisation sur la base d'un SMIC annuel et d'une perte de chance de 50 %, soit 8000€ par an, mais aussi d'une prescription, sera rejetée,
- frais d'assistance par tierce personne temporaire : 189'882€, correspondant à un volume quotidien de 2h, 7/7 jours moyennant un taux horaire de 22€,
- la perte de gains professionnels futurs :
sur la base du salaire moyen brut de 2988 € et une perte de chance de 70 % : 341'583,48€
sur la base du salaire moyen net et une perte de chance de 70 % : 358.751,40€
sur la base d'un salaire médian : 296'555€
sur la base d'un salaire médian une perte de chance de 95 % : 280'727,25€
sur la base d'un SMIC brut de 1747,20€ : 280'076,16€
sur la base d'un SMIC brut et d'une perte de chance de 99 % : 277'275,40€ après capitalisation en fonction d'un indice viager pour inclure l'incidence sur les droits la retraite et en fonction du barème de la Gazette du Palais 2022,
sur la base du salaire moyen brut de 2988€ et d'une perte de chance de 70 % et après capitalisation 825'989,57€,
sur la base du salaire médian de 1850€ et d'une perte de chance de 95 % et après capitalisation, 694'050,81€
sur la base d'un SMIC brut de 1747,20€ et d'une perte de chance de 99 % et après capitalisation, 683'083,43€,
- l'incidence professionnelle : 266'329,75€ en retenant une perte de rémunération évaluée a minima sur la base d'un SMIC annuel brut de 20'511,36€ en fonction d'un déficit fonctionnel permanent de 50 % et d'un prix de l'euro de rente pour un homme âgé de 41 ans, venant indemniser une perte de chance de progression professionnelle, la dévalorisation sur le marché du travail et l'abandon de la profession choisie et enfin la perte totale ou partielle des droits la retraite,
- l'assistance par tierce personne : 547'304,48€, en fonction d'un volume horaire journalier de deux heures et d'un coût horaire de 22€ et sur quatre semaines et demie par mois,
- souffrances endurées 3/7 : 8000€
- déficit fonctionnel permanent 50 %, soit une augmentation de 18 % en fonction d'un point qui ne saurait être inférieur à 3565€ dont il demande la majoration soit 128'340€
- préjudice sexuel : 50'000€
- préjudice d'établissement : 50'000€.
Il sollicite la condamnation du FGAO au doublement du taux de l'intérêt légal. Le fonds est tenu à l'obligation issue de l'article L. 211-9 du code des assurances et en vertu de l'article L.211-22. La sanction visée par ces dispositions est applicable en cas d'aggravation aux termes d'une jurisprudence constante. L'offre complète et manifestement insuffisante est assimilée à une absence d'offre. La pénalité a pour assiette la totalité de la somme allouée par le juge avant déduction des provisions et des recours des tiers payeurs. La capitalisation des intérêts est applicable doublement des intérêts.
Il fait valoir que le fonds de garantie qui était informé par le dépôt du rapport d'expertise du sapiteur [G] le 8 octobre 2010 de l'existence d'une aggravation devait faire une offre provisionnelle au plus tard le 8 juin 2011, ce qu'il n'a pas fait. On peut considérer qu'il devait présenter cette offre cinq mois après le dépôt du rapport du docteur [Z] soit avant le 12 juin 2011.
L'offre définitive du 4 mars 2011 indemnisait la seule aggravation du déficit fonctionnel permanent. Elle était donc incomplète et manifestement insuffisante puisque formulée à hauteur de 18'400€. Il n'y a eu aucune offre au titre de l'assistance par tierce personne ni au titre des souffrances endurées, du préjudice sexuel du préjudice d'établissement, de la perte de gains professionnels actuels et de l'incidence professionnelle.
Il sollicite la capitalisation des intérêts issus du doublement de l'intérêt au taux légal.
En l'état de ses dernières conclusions signifiées le 11 avril 2023 le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages demande à la cour, de :
' écarter des débats par application des articles 16 et 135 du code de procédure civile, toutes les pièces qui n'ont pas été effectivement communiquées sous bordereau devant la cour ;
à titre principal
' débouter M. [D] et l'association tutélaire de protection (ATP) de leurs demandes tendant à ce qu'il soit statué sur la base du rapport du docteur [O] qui :
- ne répond pas au point 9 et 10 de sa mission confiée par la cour, n'ayant proposé aucune date de consolidation et n'ayant pas indiqué si les lésions constatées étaient la conséquence de l'accident ou d'un état antérieur,
- n'a pas recherché la cause de la mise sous tutelle de M. [D] en 1998,
- n'a pas examiné les images de l'IRM de 1997 pour les comparer à celles de l'IRM de 2022 alors même qu'il affirme une modification de ces images,
- n'a pas recherché l'effet sur le syndrome anxiodépressif des interventions chirurgicales de 1999 et 2006 consécutives à des ostéonécroses sans lien avec l'accident litigieux,
- l'incidence des antécédents de consommation de produits neurotoxiques à savoir héroïne, cannabis et alcool jusqu'en 2018, et leur incidence sur l'état de M. [D] ;
' ordonner une nouvelle expertise afin que ces points soient précisés ;
à titre subsidiaire
' débouter M. [D] et l'ATP de toutes leurs demandes d'indemnisation autres que celles qui ont été fixées par le premier juge ; l'expert [O] n'ayant retenu aucune aggravation des différents postes de préjudice, ni aucune date à laquelle cette aggravation aurait pu intervenir, qui soit de nature à faire droit à une indemnisation complémentaire par rapport aux indemnités allouées par le jugement du 1er juillet 1988 qui a autorité de la chose jugée ;
' débouter M. [D] et l'ATP de toutes leurs demandes, fins et conclusions présentées devant la cour, faute de justifier de la date, de l'existence et de la nature d'une aggravation du préjudice subi par M. [D] qui soit supérieure à l'indemnité allouée par le jugement déféré ;
' débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions allant à l'encontre et au-delà du jugement entrepris ;
à titre très subsidiaire
' débouter les appelants de leurs demandes relatives aux frais d'assistance à expertise dont ils ne justifient pas du paiement effectif ;
' les débouter de leurs demandes au titre des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle, atteintes par la prescription de l'article 2026 du code civil, et contraires à l'autorité de la chose jugée par jugement du 9 juillet 1998, et dont l'état d'aggravation et de consolidation n'a pas été fixé par expertise ;
' calculer la perte de chance sur la base de la moitié d'un SMIC annuel soit 8000€ capitalisé à compter du 24 juin 2022 jusqu'à l'âge de 64 ans en fonction du barème BCRIV, soit l'euro de rente de 10,56 ;
' débouter les appelants de leur demande au titre de l'assistance par tierce personne qui n'est justifiée ni dans son principe ni dans son montant, ni dans sa date d'effet ;
' les débouter de leur demande au titre du déficit fonctionnel permanent sauf à allouer une indemnité de 2600€ le point, soit 18 % x 2600€ = 45'800€ ;
' les débouter de leur demande au titre de préjudice sexuel et d'établissement qui n'ont aucune existence réelle, consécutive à une aggravation de l'état de M. [D] ;
' confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
' débouter les appelants de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens et l'article 700 ne faisant pas parti des sommes pouvant être mises à la charge du fonds par application des articles L. 421-1 et R.421-1 du code des assurances ;
' débouter en conséquence les appelants de toutes leurs demandes fins et conclusions, et les condamner aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Il conclut au rejet des demandes d'indemnisation.
À titre principal il considère qu'il convient d'ordonner une nouvelle expertise. Il procède à un rappel historique de l'état de M. [D], de la découverte fortuite de sa séropositivité au VIH, et de sa prise d'alcool en quantité. Lors de la première expertise en 1996 l'ensemble du retentissement neurocognitif directement imputable à l'accident a été pris en compte et M. [D] a été considéré comme apte à reprendre les activités professionnelles qu'il exerçait au moment des faits.
Il formule des critiques du rapport du docteur [O] qui :
- n'a pas proposé de date de consolidation,
- n'a pas indiqué si les lésions constatées étaient la conséquence de l'accident ou d'un état antérieur,
- n'a pas précisé le motif médical de la mise sous tutelle en 1998 ni le rapport éventuel avec l'accident du 18 juillet 1993 et la cour devra solliciter cette pièce,
- n'a pas examiné les images de l'I.R.M. de 1997 au motif qu'elles n'étaient pas consultables car M. [D] n'était pas en leur possession au moment de l'expertise, ce qui signifie qu'elles n'ont pas été comparées à celle de 2022 et alors que l'expert base son argumentaire sur une modification des images cérébrales,
- n'a pas tenu compte du fait que les deux grandes causes d'aggravation chez un traumatisé crânien sont l'apparition d'une hydrocéphalie ou d'une épilepsie alors que M. [D] ne présente ni l'une ni l'autre de ces complications,
- n'a pas tenu compte des consommations alcooliques de l'intéressé.
À titre subsidiaire il conclut à l'irrecevabilité des demandes formulées au motif qu'il n'existe pas d'aggravation ouvrant droit à nouvelle indemnisation, même si l'on peut admettre une légère évolution des troubles des fonctions cognitives qui sont la conséquence inévitable du traumatisme initial comme l'avait relevé le docteur [G]. Les souffrances endurées ont déjà été indemnisées par le jugement rendu le 9 juillet 1998. Il n'existe aucune aggravation hormis celle du déficit fonctionnel permanent.
À titre infiniment subsidiaire et sur les réclamations indemnitaires présentées, il formule les observations suivantes :
- frais d'assistance à expertise : rejet au motif qu'il n'y a aucune justification du paiement effectif de la note d'honoraires produites,
- perte de gains professionnels et incidence professionnelle : le docteur [Z] qui avait uniquement retenu l'aggravation de l'état neurologique de M. [D] sur la base de l'avis du sapiteur le docteur [G], neurologue qui a précisé qu'il s'agissait d'une évolution habituelle, n'a retenu qu'une répercussion sur l'exercice des activités professionnelles en relation avec une aggravation de 8 % du taux d'incapacité. L'expert [O] n'a retenu aucune aggravation au titre des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle. Si l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle est consécutive à l'accident du 18 juillet 1993, la demande formulée est atteinte par la prescription de l'article 2226 du code civil, et elle est contraire au principe de l'autorité de la chose jugée par jugement rendu en 1998. Si la cour devait estimer que ce poste mérite une indemnisation, elle devra retenir une perte de chance de trouver un emploi en l'absence de toute justification de revenus antérieurs à l'accident et au regard des facteurs de risque lié à l'alcoolisme et à la toxicomanie, perte de chance calculée sur la base de la moitié d'un SMIC annuel net soit la somme de 8000€ qui sera capitalisée à compter du 24 juin 2022 jusqu'à l'âge de 64 ans en fonction du BCRIV et du prix de l'euro de rente de 10,56,
- l'assistance par tierce personne n'a pas été retenue par l'expert,
- l'incidence professionnelle n'est pas justifiée alors que M. [D], n'a jamais exercé d'activité professionnelle depuis l'accident,
- le déficit fonctionnel permanent sera évalué en fonction d'un taux de 18 % et d'une valeur du point de 2600€ soit une indemnité de 46'800€ sans qu'il y ait lieu de majorer la valeur du point,
- le préjudice sexuel et d'établissement n'ont pas été retenus par l'expert et leur indemnisation sera rejetée.
La CPAM des Bouches du Rhône, assignée par M. [D], par acte d'huissier du 24 octobre 2017, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.
Par courrier du 29 novembre 2017, elle a informé la cour que le chiffrage de sa créance est impossible compte tenu de la date des faits et, par ailleurs elle n'a servi aucune rente au bénéfice de M. [D].
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
Le principe d'une aggravation est désormais discuté pour la première fois devant la cour.
Sur l'aggravation et la recevabilité des demandes
M. [D] a été victime d'un accident de la voie publique le 18 juillet 1993 alors qu'il était âgé de 24 ans. Il a subi un traumatisme crânien avec état de coma et images tomodensitométrique en faveur d'hématomes intra parenchymateux frontaux pariétales gauches outre un traumatisme du membre inférieur droit avec fracture fermée ayant nécessité une ostéosynthèse et une fracture du toit du cotyle.
La lecture de l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 vient démontrer que le FGAO aux termes de ses dernières écritures alors en date du 24 octobre 2017, et pour s'opposer à la demande de nouvelle expertise, demandait à la cour de juger que l'expert, le docteur [Z], dans son rapport du 24 février 2011 a exclu des conséquences de l'aggravation constatée, un quelconque préjudice professionnel, sauf dans les limites de l'aggravation de 8% retenus... C'est dans ces conditions que la cour dans sa motivation et en son premier paragraphe a noté que le principe d'une aggravation de l'état de santé de M. [D] n'est pas discuté. En revanche les conséquences le sont et plus précisément l'incidence qu'elle a pu avoir sur l'activité de la victime. Dès lors le FGAO n'est pas fondé à venir soutenir en audience de lecture du nouveau rapport du docteur [O] que M. [D] ne souffre pas d'une aggravation de son état de santé en lien direct et certain avec l'accident du 18 juillet 1993, dont la réalité sera consacrée au dispositif du présent arrêt.
Par conséquent, les demande nouvelles formulées par M. [D] devant la cour au titre d'une aggravation de son état sont recevables.
Sur la demande de nouvelle expertise
Le FGAO demande à la cour d'ordonner une nouvelle expertise.
Il reproche à l'expert de ne pas avoir répondu aux questions 9/ et 10/ de la mission d'expertise. Si le docteur [O] n'a pas indiqué la date de consolidation, ce qui peut paraître comme une question surabondante en l'état de la finalité de l'expertise ordonnée par la cour selon son arrêt du 20 septembre 2018 qui était d'évaluer les répercussions de l'aggravation sur l'aptitude professionnelle de M. [D], les éléments contenus dans le dossier permettent de la fixer. Quant à la question de savoir si les séquelles en aggravation sont imputables à l'accident initial, la lecture du contenu du rapport, nourri par trois avis sapiteurs permet d'y apporter une réponse positive sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise, les seules questions restant à trancher relevant de l'étendue et des conséquences de cette aggravation sur un certain nombre de postes de préjudice.
Le FGAO fait grief au rapport du docteur [O] de ne pas préciser le motif médical qui a conduit à la mise sous tutelle de M. [D] le 14 septembre 1998. Il suffit pourtant de se reporter aux développements contenus dans le rapport du docteur [Z] du 14 avril 1997 pour lire que du fait de l'accident du 18 juillet 1993, M. [D] a subi un traumatisme crânien grave dont les conséquences immédiates ont été un coma d'emblée et de multiples contusions cérébrales ayant nécessité son hospitalisation en urgence. Le sapiteur, le docteur [X] [G] a retenu, s'agissant des conséquences à long terme, que l'examen neurologique de la victime mettait en évidence la présence de troubles de la mémoire et de l'apprentissage, des difficultés opératoires (manipulation mentale, résolution de problèmes) d'altérations du langage, des désordres visuo-constructifs et que ces troubles témoignaient de l'existence d'un syndrome démentiel léger caractérisé par une diminution globale des fonctions cognitives et une atteinte spécifique des régions frontales et temporales. Il est exact que l'expertise médicale du médecin spécialisé en matière de mesure de protection n'est pas versée aux débats. Mais le rapport du docteur [O] précise que c'est à la demande de son médecin traitant et pour faciliter son suivi et gérer ses avoirs que M. [D] a d'abord été placé sous mesure de sauvegarde le 27 avril 1998. D'autre part les commentaires et conclusions du docteur [G], neurologue de son état, concentrent tous les motifs ayant conduit dix huit mois après le dépôt du rapport à l'instauration d'une mesure de protection sous la forme de la tutelle prise par jugement, précision ici faite qu'à l'époque de ce premier jugement la tutelle était une mesure uniquement destinée à la protection des biens.
Le FGAO reproche au docteur [O] d'avoir tiré des conséquences des images de l'IRM de 1997 qu'il n'a pas consultées et qu'il a pourtant comparées à celles du 24 juin 2022.
C'est oublier de préciser que si effectivement le docteur [O] a fait état de ces deux bilans d'imagerie et qu'il les a comparés pour forger ses conclusions, c'est parce qu'il a eu en main l'interprétation de l'IRM la plus ancienne sous la plume du professeur [M], qui a noté le 6 janvier 1997 - la présence d'un aspect large des cavités ventriculaires pour l'âge ainsi que des espaces sous arachnoïdiens témoignant d'une perte de volume cérébral. Perte... surtout significative au niveau bi fontal, ainsi qu'en ce qui concerne le volume de la substance blanche,
- la présence d'un hypersignal sous cortical frontal gauche témoignant certainement de l'existence d'une gliose à ce niveau. Ces données comparées à l'IRM réalisée en 2022 par le sapiteur radiologue lui ont permis de confirmer la dégradation des fonctions supérieures du patient telle qu'elle avait pu être constatée lors du précédent rapport d'expertise et le reproche formulé par le FGAO n'est pas fondé.
Le FGAO soutient que le docteur [O] n'a pas tenu compte des deux grandes causes d'aggravation chez un traumatisé crânien que sont l'hydrocéphalie et l'épilepsie, absentes du tableau médical actuel de M. [D]. Cependant, et ce faisant le FGAO n'émet qu'une affirmation qu'il n'étaye par aucune donnée ou publication médicale probante, ce qui ne permet pas à la cour d'en évaluer la pertinence.
Le FGAO fait le reproche au docteur [O] de ne pas avoir pris en compte les consommations alcooliques et la toxicomanie de M. [D] qui a abouti à une séropostivité au VIH. Or il s'avère que dans ses observations en 1997, le docteur [G], neurologue avait rappelé que cette séropositivité avait été découverte à l'occasion de l'hospitalisation qui a suivi l'accident et que les bilans réguliers ont montré une stabilisation de l'état clinique de M. [D] et une bonne observance thérapeutique permettant d'écarter l'hypothèse d'une complication neurologique centrale au virus VIH. Plus proche dans le temps le docteur [O] a noté au titre des antécédents une toxicomanie au cannabis et une consommation ponctuelle d'héroïne par injection tout en précisant toutes addictions abandonnées et sevrées, avérées depuis. Il a aussi ajouté qu'à la date de son examen la positivité sérique au VIH semblait s'être amendée au dernier contrôle biologique. En réponse à un dire formulé par le médecin conseil du FGAO, l'expert a dit qu'il existe effectivement peu d'élément, pour ne pas dire aucun, permettant d'affirmer que ces lésions (en lien avec le traumatisme crânien initial subi) sont en rapport direct et exclusif avec l'infection à HIV, et il a jouté que cette séropositivité n'a jamais débouché sur un SIDA maladie. Puis il a affirmé qu'il n'existe pas réellement, à l'examen neurologique, de séquelle individualisable en rapport avec un alcoolisme au long cours ou des séquelles de toxicomanie. Par conséquent, le grief formulé par le FGAO, qui n'est pas fondé, ne saurait justifier l'instauration d'une nouvelle expertise.
La demande de nouvelle expertise est rejetée.
Sur la date de l'aggravation
Le placement sous mesure de tutelle du 14 septembre 1998 avec une mesure provisoire de sauvegarde du 27 avril 1998 a été motivé par une grande difficulté de M. [D] à gérer son quotidien en raison des séquelles physiques de son accident. Ce fait juridique ne marque pas le point d'apparition de l'aggravation.
Si le docteur [N] dans son certificat médical du 5 juillet 1999 note qu'il présentait un ralentissement psycho-moteur, des troubles de l'élocution et une persévération dans l'énoncé de ses idées, il ne dit pas qu'il s'agit là d'une aggravation mais d'un constat sur son état au moment où il a pris en charge le patient. Cette date ne reflète donc pas le début d'une aggravation.
Au cours des opérations d'expertise qu'il a conduites le docteur [Z] a recueilli l'avis du docteur [G], neuro-psychiatre qui a examiné M. [D] a deux reprises le 12 février 2010 puis le 2 avril 2010 en posant sans aucune ambiguïté un diagnostic d'aggravation de son état neurologique, en lien direct avec l'accident du 18 juillet 1993, caractérisée par des troubles de la mémoire de travail et de la mémoire épisodique, associés à des difficultés attentionnelles et des troubles des fonctions exécutives. En revanche, ce sapiteur n'a pas daté l'apparition de cette aggravation. En l'absence d'élément médical précis sur cette date, il paraît cohérent de retenir la date du 22 mars 2006, correspondant à l'assignation diligentée par M. [D] en référé aux fins d'évaluation d'une aggravation, comme date d'apparition de cette aggravation.
Sur la date de la consolidation
Aux termes de son rapport définitif déposé le 11 janvier 2011, le docteur [Z] a fixé la date de consolidation de l'aggravation au 8 février 2010 en fixant le nouveau déficit fonctionnel permanent à 40%, incluant 8% au titre de cette aggravation.
Or et selon les conclusions définitives du docteur [O] et au 12 octobre 2022, et après clôture des opérations d'expertise au 15 septembre 2022, ce taux de déficit fonctionnel permanent a été évalué à 50%, incluant donc 18% de déficit fonctionnel permanent en aggravation.
L'augmentation très sensible du taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'aggravation ne permet pas, et sur un plan médico-légal, de retenir la date de consolidation fixée par le docteur [Z] onze ans auparavant. C'est pourquoi et de façon logique la date de consolidation retenue sera le 15 septembre 2022.
Sur la prescription
Le FGAO soutient que les demandes fondées sur l'indemnisation des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle sont atteintes par la prescription de l'article 2226 du code civil et contraire à l'autorité de la chose jugée par le jugement du 9 juillet 1998 et dont les dates d'aggravation et de consolidation n'ont pas été fixées par expertise.
Par application de l'article 2226 du code civil, l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé. Le présent débat s'instaure autour d'une demande d'indemnisation d'un préjudice en aggravation qui ne porte pas atteinte à l'autorité de la chose jugée par jugement du 9 juillet 1998 rendu en l'état des éléments médico-légaux connus alors au titre du préjudice initial.
Par ordonnance du 18 juillet 2006, le docteur [Z] a été désigné pour évaluer la réalité d'une aggravation, il a déposé son rapport le 11 janvier 2011 en fixant une date de consolidation au 8 février 2010. M. [D] a porté sa demande de désignation d'un nouvel expert et de fixation provisionnelle de son indemnisation selon acte délivré par huissier le 9 décembre 2015. Le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a statué par jugement du 13 juillet 2017, puis sur demande de réformation la cour d'appel a rendu son arrêt le 20 septembre 2018, ordonnant un complément d'expertise dont le rapport a été déposé le 12 octobre 2022. Aucun délai excédant dix ans sans interruption ne s'est écoulé depuis la date du 8 février 2010 initialement retenue par l'expert pour fixer la consolidation.
Le FGAO est débouté de la fin de non recevoir qu'il soulève.
Sur le préjudice corporel
Un bref rappel des évaluations dans le temps des préjudices s'impose.
L'expert, le docteur [Z] a conclu dans son rapport du 14 avril 1997, et pour ce qui intéresse le débat actuel à :
- des souffrances endurées de 4/7
- un préjudice esthétique permanent de 2/7
- une IPP de 32%,
- une aptitude à reprendre dans les conditions antérieures, l'activité qu'il exerçait lors de l'accident.
Ce même expert a conclu dans son rapport du 11 janvier 2011 a :
- une date de consolidation au 8 février 2010
- durée de la nouvelle incapacité temporaire totale : aucune
- nouveau taux global d'IPP ainsi que le taux d'aggravation : 40 % dont 8 % concernant l'aggravation
- nouvelles souffrances endurées : aucune
- nouveau dommage esthétique : aucun.
L'expert le docteur [O] dans son rapport du 12 octobre 2022 a indiqué que la dégradation des fonctions supérieures du patient justifie :
- une réévaluation du taux de déficit fonctionnel permanent et la fixation d'un nouveau taux à 50%,
- des souffrances endurées réévaluées à 5/7,
- aucun élément ne permettant de retenir une modification des autres postes de préjudice en dehors d'un préjudice sexuel découlant des difficultés à l'installation et au maintien d'une relation durable,
- une inaptitude définitive à la reprise des activités professionnelles précédemment exercées de même qu'une reconversion en apprentissage, encore aggravée par le syndrome dysexécutif découlant des lésions frontales présentées rendant aléatoire l'intégration dans un atelier protégé,
- l'assistance par tierce personne : sans objet compte tenu de l'aide apportée pour la gestion des tâches administratives et la gestion budgétaire de ses finances par la mesure de tutelle.
Ces éléments constituent une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 1] 1969, de son activité sporadique de cuisinier au moment de l'accident, âgé de 37 ans à la date de l'aggravation fixée au 22 mars 2006 et de 53 ans à la date de la consolidation, fixée au 15 septembre 2022, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue, et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,30%, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.
Préjudices patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Frais d'assistance expertise 400€
Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par la même indemnisables. M. [D] a versé aux débats la facture du docteur [B] de 400€, dont le montant du remboursement doit lui revenir.
- Perte de gains professionnels actuels 219.079,08€
Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.
Le docteur [O] a clairement indiqué dans les conclusions de son rapport que M. [D] présente une inaptitude définitive à la reprise des activités professionnelles précédemment exercées de même qu'une reconversion en apprentissage, encore aggravée par le syndrome dysexécutif découlant des lésions frontales présentées rendant aléatoire l'intégration dans un atelier protégé.
Au moment de l'accident dont il a été victime, M. [D] était âgé de 24 ans et il avait des activités professionnelles sporadiques dans le secteur de la restauration en qualité d'aide cuisinier, puisque son relevé de carrière sur la période antérieure fait état de six trimestres de cotisation. Il ne justifie pas non plus d'une qualification professionnelle particulière qu'il aurait détenue. Il ne démontre pas plus qu'il travaillait effectivement et qu'il percevait un revenu au moment de l'accident. Pas plus il ne justifie qu'à la date d'apparition de son aggravation il était en situation d'emploi. Ces données conduisent à retenir que sans l'aggravation il aurait été en mesure de percevoir un revenu équivalent au SMIC, qui doit être réévalué à la date où la cour statue, et qu'il a perdu une chance de 90% de percevoir ce revenu.
De façon chiffrée sa perte mensuelle s'établit donc à 80% de la valeur net d'un SMIC au 1er mai 2023 soit 1383,08€, et donc la somme de 1106,46€.
Sa perte de gains s'établit du 22 mars 2006 au 15 septembre 2022, et sur 198 mois à la somme de 219.079,08€ (1106,46€ x 198m).
- Assistance de tierce personne 63.792€
Le docteur [O] qui est le seul à avoir émis un avis sur le besoin en aide humaine a écrit que ce poste est sans objet compte tenu de l'aide apportée pour la gestion des tâches administratives et la gestion budgétaire de ses finances par la mesure de tutelle. Retenir ce raisonnement reviendrait à méconnaître l'intégralité des besoins de M. [D], car s'il est exact qu'il est assisté et donc déchargé de la gestion financière de son budget, de l'organisation de son emploi du temps médical, et des démarches administratives que son état nécessite, il reste dans sa vie une large part d'activités que le tuteur ne peut pas assumer au quotidien, comme l'entretien ménager permanent de son domicile, le contrôle de son hygiène basique personnelle et de vie, l'accompagnement, au besoin, aux divers rendez-vous médicaux et l'assistance dans l'observance de ce suivi, ce qui conduit à retenir un besoin en aide humaine que la cour évalue à quatre heures par semaine.
En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18€.
Le besoin en aide humaine :
- annuelle s'établit sur 54 semaines, conformément à la demande de la victime et pour tenir compte des jours fériés et des congés à la somme de 3888€ (54s x 4h x 18€),
- hebdomadaire à (4h x 18€) 72€.
L 'indemnité de tierce personne s'établit sur la période du 22 mars 2006 au 15 septembre 2022, et donc sur 16 ans (3888€ x 16) à 62.208€ et sur 26 semaines, en tenant compte de l'annuité de 54 semaines (72€ x 22) à 1584€,
soit au total la somme de 63.792€ (62.208€ + 1584€).
Préjudices patrimoniaux
permanents (après consolidation)
- Perte de gains professionnels futurs 401.951,70€
Selon les conclusions du docteur [O], M. [D] qui présente un déficit fonctionnel permanent de 50% correspondant à une altération de ses capacités cognitives est définitivement inapte à toute activité professionnelle y compris dans le cadre d'une intégration dans un atelier protégé.
La cour qui est tenue par les demandes formulées par la victime qui évalue son préjudice en terme de perte de chance retiendra un taux de 90% de la valeur d'un SMIC (1383,08€), soit la somme mensuelle de 1244,77€ et annuelle de 14.937,26€, et en fonction d'un indice de rente viager venant tenir compte de l'incidence sur les droits à la retraite alors que M. [D] était âgé de 37 ans à la date de l'aggravation.
L'indemnité due pour ce poste de dommage s'établit :
- du 16 septembre 2022 au prononcé du présent arrêt le 29 juin 2023 et donc sur 9,4 mois à la somme de 11.700,84€ (1244,77€ x 9,4),
- pour la période à échoir, pour un homme âgé de 54 ans à la liquidation en fonction d'un euro de rente viager de 26,126, la somme de 390.250,85€ (14.937,26€ x 26,126),
et au total celle de 401.951,70€ (11.700,84€ + 390.250,85€).
- Incidence professionnelle 20.000€
Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.
La méthode de calcul proposée par M. [D] est fondée sur une corrélation entre le salaire et l'état séquellaire, prenant pour postulat que la rémunération est le seul instrument objectif de mesure des paramètres bouleversés par l'accident.
La pénibilité, les chances d'évolution professionnelles et l'intérêt porté aux tâches professionnelles ont indiscutablement une valeur économique au sein de la relation de travail qui existe avant un accident.
Pour autant, le coût de l'atteinte portée à ces composantes, outre à la dévalorisation sur le marché du travail et à l'abandon d'une profession, en cas de séquelles en partie ou totalement invalidantes, ne peut être mesurée à l'aune de la rémunération, parfois sensiblement différente d'une victime à une autre, et elle-même corrélée à un pourcentage d'inaptitude séquellaire se référant au taux de déficit fonctionnel permanent ou à un autre taux d'invalidité.
Par ailleurs, l'impact des séquelles sur la rémunération relève du poste de perte de gains, l'incidence professionnelle ayant pour vocation d'indemniser de façon distincte par leur nature, les incidences périphériques du dommage dans la sphère professionnelle, excluant toute référence liée à la rémunération.
Retenant que toute évaluation forfaitaire est proscrite et que le juge doit s'attacher à rechercher de manière concrète l'incidence du dommage, dans la sphère professionnelle, afin de réparer tout le préjudice mais seulement celui-ci, le taux du déficit fonctionnel permanent ne peut être la mesure mathématique de l'impact des séquelles dans la sphère professionnelle.
Il en résulte que pour déterminer leur impact dans la sphère professionnelle, si le juge doit tenir compte des restrictions physiologiques et psychologiques médico-légales, il ne saurait les corréler directement aux gains perçus, manqués ou espérés.
M. [D] était âgé de 53 ans à la consolidation de son état en aggravation. Il est privé du lien social qu'apporte une activité professionnelle, ce qui justifie une indemnisation que la cour évalue à la somme de 20.000€, puisque dans l'absolu il aurait pu exercer une activité professionnelle pendant encore environ une dizaine d'années.
- Assistance de tierce personne 104.637,89€
Le besoin en aide humaine à titre permanent est évalué sur la même base que celle retenue pour l'aide temporaire, soit quatre heures par semaine et sur la base d'un taux horaire moyen de 18€.
L 'indemnité de tierce personne s'établit :
- pour la période échue entre le 16 septembre 2022 et la date du présent arrêt le 29 juin 2023 et donc sur 43 semaines en tenant compte de l'annuité de 54 semaines la somme de 3096€ (43 x 4h x 18€),
- pour la période à échoir en fonction d'une annuité de 3888€ pour un homme âgé de 54 ans à la liquidation et d'un euro de rente de 26,126 issu de la Gazette du Palais 2020, la somme de 101.577,89€ (3888€ x 26,126),
et au total celle de 104.637,89€ (101.577,89€ + 3096€)
Préjudices extra-patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Souffrances endurées 8000€
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime.
L'expert, le docteur [Z] a conclu dans son rapport du 14 avril 1997 que les souffrances endurées devaient être évaluées à 4/7. Le docteur [O] a dit qu'il y avait lieu de les réévaluer à 5/7.
En l'absence de précision fournie par ce dernier expert sur la globalisation de l'évaluation de ce poste et sur la période concernée, il convient de retenir que les souffrances endurées ont été majorées de 1/7 pendant toute la longue période entre l'apparition de l'aggravation et la consolidation qui correspond à plus de seize années, ce qui justifie une indemnisation à hauteur de 8000€ sollicitée par la victime, et qui tient compte des sommes habituellement allouées à hauteur de 4/7 et de 5/7 et de la différence chiffrée que cela représente.
permanents (après consolidation)
- Déficit fonctionnel permanent 51.000€
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.
Contrairement à ce qu'il énonce, il est inexact de dire que l'expert n'aurait pas retenu dans le chiffrage du taux de déficit fonctionnel permanent les composantes de ce poste de préjudice et rien n'autorise à multiplier par deux la valeur moyenne habituellement retenue pour évaluer ce poste.
Il est caractérisé par une dégradation significative des fonctions supérieures, ce qui conduit à un taux de 50% imputable à hauteur de 18% à l'aggravation, justifiant une indemnité de 51.000€ pour un homme âgé de 53 ans à la consolidation.
- Préjudice sexuel Rejet
Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.
L'expert a écrit en conclusion qu'il existait un préjudice sexuel découlant des difficultés à l'installation et au maintien d'une relation durable.
Ce faisant, il n'a pas décrit de préjudice sexuel puisqu'il n'existe aucune atteinte physiologique à la procréation ni gêne positionnelle à l'acte sexuel mais un préjudice d'établissement.
Cette demande est rejetée.
- Préjudice d'établissement 10.000€
Le préjudice d'établissement consiste en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap. M. [D] âgé de 53 ans à la consolidation demeure atteint de séquelles qui rendent désormais totalement illusoires sa capacité à nouer des relations personnelles intimes et amoureuses et le prive donc de créer une vie familiale, ce qui conduit à juger que ce préjudice est constitué et qu'il justifie l'allocation d'une somme de 10.000€.
Le préjudice corporel global subi par M. [D] s'établit ainsi à la somme de 878.860,67€ lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 13 juillet 2017 à hauteur de 18.400€ et du prononcé du présent arrêt soit le 29 juin 2023 à hauteur de 860.460,58€.
Sur le double taux
Dans le dispositif de ses conclusions, M. [D] demande à la cour de dire que les sommes lui revenant porteront intérêts au double du taux légal à compter du 12 juillet 2011 jusqu'au caractère définitif de la décision à intervenir.
En vertu de l'article L 211-9 du code des assurances, l'assureur est tenu de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne une offre d'indemnité, qui comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident, laquelle peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; l'offre définitive doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.
La sanction de l'inobservation de ces délais, prévue par l'article L 211-13 du même code, réside dans l'octroi des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
L'article L. 211-22 du code des assurances précise que ces dispositions sont applicables au FGAO dans ses rapports avec les victimes ou leurs ayants droit mais que les délais prévus à l'article L. 211-9 courent contre le fonds à compter du jour où celui-ci a reçu les éléments justifiant son intervention.
L'offre d'indemnisation du FGAO ne peut porter sur des chefs de préjudice qu'il ignore. Cependant, cette circonstance doit être appréciée à la date à laquelle cette offre a été formulée par le débiteur de l'obligation a paiement et au vu des informations alors portées à sa connaissance.
Cette liquidation présente la particularité d'intervenir sur la base d'un rapport du docteur [Z] du 11 janvier 2011 qui n'a retenu comme nouveau poste d'indemnisation en aggravation qu'un déficit fonctionnel permanent supplémentaire de 8% et sur les conclusions du rapport complémentaire du docteur [O] du 12 octobre 2022 qui portait sur les éventuelles pertes de gains professionnels qui a considéré que le nouveau déficit fonctionnel permanent était de 18% soit un taux global de 50%, qu'il convenait de réévaluer les souffrances endurées, que M. [D] était définitivement inapte à toute activité professionnelle même en milieu protégé, qui a estimé qu'en l'état de l'assistance d'un tuteur le besoin en aide humaine l'évaluation de ce poste était sans objet, et enfin que les séquelles privaient M. [D] d'une installation et d'un maintien d'une relation conjugale durable.
Il s'avère que le 4 mars 2011 et donc dans les délais légaux, le FGAO a présenté à M. [D] une offre d'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, seul poste en aggravation retenu et fixé par le docteur [Z] à hauteur de 18400€. De ce chef la sanction ne peut être encourue.
A la suite du rapport complémentaire du docteur [O] du 12 octobre 2022, dans le délai de cinq mois avant le 12 mars 2023, et en l'état des informations alors portées à sa connaissance, le FGAO devait présenter des offres d'indemnisation du poste de déficit fonctionnel permanent à hauteur complémentaire de 10%, de la perte de gains professionnels, du poste de souffrances endurées et du préjudice d'établissement.
Or il s'avère que si à titre subsidiaire le FGAO a convenu d'une indemnisation de la perte de gains professionnels, il a estimé qu'elle ne pouvait prendre date qu'à partir du 24 juin 2022, correspondant à la réalisation d'une IRM par le sapiteur désigné, et sur la base de 8000€ par an, soit 8000€ jusqu'au présent arrêt prononcé le 29 juin 2023 et pour le futur une capitalisation en fonction d'un indice de rente de 10,56, soit la somme de 84.480€ et au total 92.480€, somme manifestement insuffisante au regard des montants qui viennent d'être fixés. L'indemnisation du nouveau déficit fonctionnel permanent a été proposée soit pour 18% la somme de 46.800€. En revanche, et alors qu'il disposait des éléments pour offrir une indemnisation au titre du préjudice sexuel et/ou du préjudice d'établissement, le FGAO a refusé de prendre en compte ces postes. Pas plus il n'a estimé devoir proposer une indemnisation des souffrances endurées dans leur partie en aggravation. Ces offres d'indemnisation sont donc incomplètes et donc équivalente à une absence d'offre.
En conséquence, la sanction du doublement des intérêts au taux légal est justifiée au titre de son caractère incomplet. Le FGAO est donc condamné au doublement de cet intérêt au taux légal sur la période du 13 mars 2023 jusqu'au jour du présent arrêt devenu définitif sur la somme de 878.860,67€.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles sont confirmées.
Les dépens de première instance et d'appel seront pris en charge par l'Etat, conformément aux dispositions des articles L 421-1 et R 421-1 du code des assurances.
Par ces motifs
La Cour,
Vu l'arrêt du 20 septembre 2018,
- Révoque l'ordonnance de clôture du 2 mai 2023 ;
- Fixe la nouvelle clôture au 16 mai 2023 avant l'ouverture des débats ;
- Déboute le FGAO de sa demande de nouvelle expertise ;
- Déboute le FGAO de la fin de non recevoir tirée de la prescription et de l'autorité de la chose jugée ;
- Fixe la date de l'aggravation de l'état de M. [D] au 22 mars 2006 ;
- Fixe la date de consolidation de M. [D] en aggravation au 15 septembre 2022 ;
- Infirme le jugement,
sauf en ce qu'il a été déclaré commun à la CPAM des Bouches du Rhône et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
- Fixe le préjudice corporel global de M. [D] en aggravation à la somme de 878.860,67€;
- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 878.860,67€;
- Condamne le FGAO à payer à M. [D], assisté de son tuteur l'association tutélaire de protection la somme de 878.860,67€, répartie comme suit :
- assistance à expertise : 400€
- perte de gains professionnels actuels : 219.079,08€
- assistance part tierce personne temporaire : 63.792€
- assistance par tierce personne permanente : 104.637,89€
- perte de gains professionnels futurs : 401.951,70€
- incidence professionnelle : 20.000€
- souffrances endurées : 8000€
- préjudice d'établissement : 10.000€,
sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 13 juillet 2017 à hauteur de 18.400€ et du prononcé du présent arrêt soit le 29 juin 2023 à hauteur de 860.460,58€ ;
- Condamne le FGAO au paiement des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 878.860,67€ à compter du 13 mars 2023 jusqu'au jour du présent arrêt devenu définitif et jusqu'au présent arrêt devenu définitif ;
- Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
- Condamne l'Etat, conformément aux dispositions des articles L 421-1 et R 421-1 du code des assurances et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT