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23/06/2023 | FRANCE | N°20/01867

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 23 juin 2023, 20/01867


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2023



N° 2023/224





Rôle N° RG 20/01867 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFR77







Me [Y] [N] - Mandataire liquidateur SELARL MJ SYNERGIE



C/



[S] [D] née [R]

Association CGEA DE [Localité 5]









Copie exécutoire délivrée le :



23 JUIN 2023



à :



Me Maud BERTRAND, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Jea

n-claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE



































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2023

N° 2023/224

Rôle N° RG 20/01867 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFR77

Me [Y] [N] - Mandataire liquidateur SELARL MJ SYNERGIE

C/

[S] [D] née [R]

Association CGEA DE [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée le :

23 JUIN 2023

à :

Me Maud BERTRAND, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Jean-claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F19/01208.

APPELANTE

SELARL MJ SYNERGIE, prise en la personne de Me [Y] [N] mandataire liquidateur de la SAS GIL' B , dont l'Etude est sise [Adresse 4]), désigné en qualité de liquidateur judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de ROANNE du 4 décembre 2018 prononçant la liquidation judiciaire de la société GIL' B dont le siège social est sis [Adresse 1])

représentée par Me Maud BERTRAND, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE-

Maître Anthony SCARFOGLIERO , avocat au barreau de SAINT ETIENNE

INTIMEES

Madame [S] [D] née [R], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Association CGEA DE [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [S] [D] [R] a racheté la carte professionnelle de son père, qui était VRP depuis le 7 mars 1988, pour un montant de 80.000,00 euros.

Madame [D] née [R] a été engagée par la compagnie Cévenole aux droits de laquelle vient la société GIL'B suivant contrat de travail à durée indéterminée du 4 avril 2007 en qualité de VRP multicartes du 4 avril 2007.

La société GIL'B était spécialisée dans la fabrication d'articles de bonneterie et textile. Dans le cadre de ses fonctions, Madame [D] [R] distribuait les marques VOODOO et ZELI.

Son salaire était versé sous forme de commissions, en fonction du chiffre d'affaires réalisé, à hauteur de 8%. Madame [D] [R] était également commissionnée sur les magasins affiliés « VOODOO ».

Suivant jugement du tribunal de commerce de ROANNE du 1er mars 2018, la société GIL'B a été placée en redressement judiciaire.

A l'issue de la période d'observation, suivant jugement du 4 décembre 2018, le tribunal de commerce de ROANNE a placé la société GIL'B en liquidation judiciaire et désigné la SELARL SYNERGIE prise en la personne de Me [Y] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée du 6 décembre 2018, Me [N] a convoqué Madame [D] [R] à un entretien préalable devant se tenir le 17 décembre suivant.

Par lettre recommandée du 18 décembre 2018, Me [N], ès qualités, notifiait la rupture du contrat de travail pour motif économique, Mme [D] optant pour l'indemnité spéciale de rupture.

Par lettre du 26 décembre 2018, Madame [D] [R] notifiait à Me [N] ès qualités, son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Le contrat de travail a pris fin le 7 janvier 2019.

L'AGS a procédé au paiement des salaires de Mme [D] [R] dans la limite de sa garantie de 45 jours, soit pour les salaires du 1er août 2018 au 14 septembre 2018.

Par requête du 14 mai 2019, Madame [D] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de le voir dire le licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse, pour non respect de l'obligation de reclassement, et voir fixer au passif une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que diverses sommes à titre de rappels d'indemnité de licenciement, de salaires et de commissions.

Par jugement en date du 23 janvier 2020, le conseil de prud'hommes a :

- Dit que, par défaut de reclassement, le licenciement de Madame [D] [R] est requalifié sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit que Madame [D] [S] née [R] n'a pas été intégralement remplie de ses droits ;

- Fixe la créance de Madame [D] [S] née [R] à valoir sur la liquidation judiciaire de la SAS GIL'B administrée par Maître [Y] [N], mandataire liquidateur, aux sommes suivantes :

o 18.500 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

o 5.299,50 euros au titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement ;

o 3.752,24 euros nets au titre du complément de salaire du mois de décembre 2018 en deniers ou quittances ;

- Dit que le présent jugement bénéficiera de l'exécution provisoire de droit sur les créances et dans la limite des plafonds définis par l'article R. 1454-28 du Code du Travail ;

- Déclare le jugement opposable au CGEA/ASSEDIC en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites de l'article L. 3253-8 du Code du Travail ;

- Déboute Madame [D] [R] de sa demande de régularisation du salaire de janvier 2019 ;

- Déboute Mme [D] [R] de sa demande au titre des commissions ;

- Ordonne à Maître [N] [Y] liquidateur de la SAS GIL'B de fournir à Madame [D] [R] [S], les documents de fin de contrat modifiés conformément au présent jugement ainsi que le bulletin du salaire de janvier 2019 sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du mois après le prononcé du présent jugement ;

- Dit que les demandes au titre de l'article 700 du CPC et les dépens sont inopposables au CGEA ;

- Dit que les dépens seront prélevés sur l'actif de la société liquidée.

La SELARL MJ SYNERGIE ès qualités a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 14 février 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 mai 2020, la SELARL SYNERGIE prise en la personne de Me [Y] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GIL'B demande à la Cour de :

Réformer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

Débouter Madame [D] [R] de sa demande au titre de complément l'indemnité spéciale de rupture,

Débouter la salariée de sa demande de paiement de rappels de salaires et de commissions sauf à fixer la créance salariale pour le mois décembre 2018 au passif de la liquidation compte tenu du dépassement de la limite de garantie AGS à ce titre.

Débouter Madame [D] [R] de ses demandes pour non- respect de la procédure de licenciement.

Dire que le liquidateur n'a pas manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement est réel et sérieux,

En conséquence :

Débouter Madame [D] [R] de toutes ses demandes à ce titre

' A titre subsidiaire, si la Cour devait requalifier le licenciement de Madame [D] en licenciement sans cause réelle et sérieuse par défaut de reclassement, réduire l'indemnisation à de plus justes proportions.

En tout état de cause,

Condamner Madame [D] [R] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La condamner aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2023, Madame [D] [R] demande à la Cour de :

Dire que Maître [N] ès qualités, n'a procédé à aucune recherche de reclassement ;

En conséquence,

1/ Sur le licenciement

Confirmer le jugement entrepris ;

Juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 63.689,54 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Réformer le jugement quant au quantum de la condamnation ;

Statuant à nouveau :

Condamner le CGEA au paiement de ladite somme, dans la limite de sa garantie ;

2/ Sur les rappels d'indemnité de licenciement, salaires et commissions ;

Juger qu'elle n'a pas été intégralement remplie de ses droits ;

En conséquence,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Fixé au passif de la liquidation judiciaire la somme de 3.752,24 euros au titre de rappel de salaires pour le mois de décembre 2018 ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [D] [R] pour le surplus de ses demandes ;

Statuant à nouveau :

Fixer au passif de la liquidation judiciaire les sommes suivantes :

- 5.555,72 euros au titre de l'indemnité spéciale ;

- 13.079,14 euros brut outre les congés payés au titre de rappel de salaires pour le mois de janvier 2019 ;

- 42.669,72 euros brut outre les congés payés au titre des commissions ;

Condamner le CGEA au paiement desdites sommes, dans la limite de sa garantie.

Sur le bulletin de salaire du mois de janvier 2019

Constater que Maître [N] ès qualités ne lui a pas remis le bulletin de salaire du mois de janvier 2019 ;

En conséquence,

Ordonner la remise de ce document sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;

3/ En tout état de cause

Débouter la SELARL MJ SYNERGIE Mandataires judiciaires et le CGEA de l'intégralité de leurs demandes ;

Fixer au passif de la procédure collective la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 5 mai 2020 par voie électronique, l'AGS CGEA de [Localité 5] demande à la Cour de :

Lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte sur le fond à l'argumentation développée par l'employeur de Madame [S] [D] [R] représenté par son mandataire judiciaire,

Réformer la décision attaquée,

Débouter Madame [D] [R] de ses demandes.

En tout état rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus juste proportions les indemnités susceptibles d'être allouées au salarié,

Débouter Madame [S] [D] [R] de toute demande de condamnation sous astreinte ou au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en tout état déclarer le montant des sommes allouées inopposable à l'AGS CGEA,

En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Madame [S] [D] [R] selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253-1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L.3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, plafonds qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts,

Dire que les créances fixées, seront payables sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail.

Dire que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du Code de Commerce.

La procédure a été close suivant ordonnance du 9 mars 2023.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le non respect de l'obligation de reclassement

Le mandataire liquidateur de la société GIL'B critique le jugement prud'hommal et fait valoir que le reclassement interne n'était pas possible à l'intérieur du groupe en raison de la liquidation judiciaire de la société VOODOO le 04 décembre 2018 avec cessation immédiate d'activité et en raison de la cessation des paiements de la société mère FINANCIERE FERRY, n'employant aucun salarié. Il explique également que s'il a procédé à son obligation de reclassement externe en adressant des courriers à diverses sociétés le 18 décembre 2018, date à laquelle il a notifié le licenciement à Mme [D] [R], c'est en raison du fait qu'il était tenu de la licencier dans les 15 jours de la liquidation judiciaire ; qu'en tout état de cause, elle ne justifie d'aucune perte de chance, ni du préjudice qu'elle aurait subi de ce fait.

Madame [D] [R] indique que la société GIL'B ne justifie pas de ses recherches loyales de reclassement en interne, comme en externe.

Elle soutient qu'elle aurait dû procéder à des recherches auprès de la société VOODOO appartenant au même groupe, car cette dernière n'a pas fait l'objet d'une liquidation sèche, mais d'un plan de cession avec certainement une poursuite d'activité.

En second lieu, elle indique que le fait d'adresser plusieurs lettres rédigées de manière lapidaires, sans aucun détail à diverses sociétés, le même jour que la rupture, ne satisfait pas à l'obligation sérieuse de reclassement.

***

En application de l'article L 1233-4 du code du travail, 'le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises'.

Dans le cadre d'une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur doit procéder, antérieurement au licenciement, à une recherche de reclassement.

Il doit exécuter sérieusement et loyalement cette obligation de reclassement, de la même manière que l'employeur dont il est le mandataire.

En l'espèce, la SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maitre [N] en qualité de mandataire judiciaire de la société GIL'B, ne justifie pas avoir recherché le reclassement de Mme [S] [D] [R] au sein de la société VOODOO, dont elle vendait les produits, alors même que cette dernière avait fait l'objet d'un plan de cession, ce qui suppose une poursuite d'activité.

Mais surtout, les courriers qu'elle a adressés à plusieurs sociétés, s'agissant du reclassement externe au groupe, sont des courriers types ne comportant aucune précision sur l'emploi et les qualifications de Mme [S] [D] [R] et ont été envoyés le 18 décembre 2018, soit le même jour que la notification à la salariée de la rupture pour motif économique.

Or, il résulte des termes de cette notification que le mandataire judiciaire indique à Mme [D] [R] : 'Aucune possibilité de reclassement tant interne, qu'externe n'a pu être trouvée'.

La cour constate, comme le conseil de prud'hommes, qu'en agissant ainsi, sans laisser un temps de réponse minimum aux sociétés questionnées et sans leur transmettre les précisions nécessaires sur le profil de la salariée pour se positionner, la SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maitre [N] n'a pas rempli sérieusement et loyalement l'obligation de reclassement lui incombant.

Le manquement à l'obligation préalable de reclassement qui pèse sur l'employeur ou son mandataire prive de cause réelle et sérieuse le licenciement économique ensuite prononcé.

Sur la demande indemnitaire subséquente

L'article L 1235-3 du code du travail modifié par l'ordonnance du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, prévoit que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et en l'absence de réintégration de celui-ci dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par un barème.

Il résulte de ce barème que, lorsque le licenciement est opéré par une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés et que le salarié a 11 ans d'ancienneté dans la société comme en l'espèce, l'indemnité doit être comprise entre 3 et 10,5 mois de salaire brut.

Les parties s'accordent sur le salaire brut mensuel moyen de Mme [D] [R] qui, au vu de ses bulletins de salaire des trois derniers mois, doit être fixé à la somme de 6.065,67 euros.

Elle justifie d'une période d'indemnisation chômage à compter du mois de février 2019, puis au cours des années 2019, 2020 et 2021 du cumul de trois emplois,à l'institut Cadenelle, au Rectorat d'Aix-Marseille et en tant que VRP saisonnier pour la société ASTER MOD puis pour la société BLUELOBSTER COMPANY, lui procurant des revenus annuels situés entre 6500 euros et 12.300 euros (cf déclarations de revenus), soit bien inférieurs à ses revenus avant licenciement.

Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (50 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (11 ans), de sa qualification, de sa rémunération mensuelle moyenne (6.6065,67 euros bruts), des circonstances de la rupture et de la justification de sa situation professionnelle postérieure plus précaire, il y a lieu de lui octroyer la somme de 36.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée sur le montant de la somme allouée, laquelle sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société GIL'B.

Sur l'indemnité spéciale de rupture

Le mandataire liquidateur de la société GIL'B critique le fait que le conseil de prud'hommes l'ait condamné au paiement d'un reliquat de 5555,72 euros au titre de l'indemnité spéciale de rupture, indiquant qu'il a tenu compte, à tort, dans son calcul des douze derniers salaires bruts de Mme [D] [R], abattus de 30% pour frais professionnels, mais dans la limite de 7.600 euros. Il soutient que cette limite, instituée par l'arrêté du 25 juillet 2005 relatif aux frais professionnels, ne concerne que le calcul des cotisations sociales et la possibilité pour l'employeur de déduire les frais professionnels et non l'assiette du calcul de l'indemnité spéciale de rupture.

Madame [D] [R] fait valoir que pour certaines catégories de salariés, dont les VRP, les employeurs sont autorisés à appliquer à la base de calcul des cotisations de la sécurité sociale et d'assurance chômage une déduction forfaitaire spécifique de 30% dans la limite de 7.600 euros. Elle expose que pour calculer l'assiette du calcul de l'indemnité spéciale de rupture, Maitre [N] ès qualités, a déduit 30% au titre de ses frais professionnels sur les douze mois de salaire, bien au delà de cette limite, de sorte qu'il a versé la somme de 22.100, 04 euros alors qu'elle aurait dû percevoir 27.655,76 euros, soit un reliquat de 5.555,72 euros.

***

Aux termes de l'article 14 de la convention collective des VRP :

'Lorsque le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation du contrat prévus à l'article L 751-9 alinéas 1 er et 2, du code du travail alors qu'il est âgé de moins de 65 ans et qu'il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 16 du présent accord, et sauf opposition de l'employeur exprimée par écrit au plus tard dans les 15 jours de la notification de la rupture ou de la date d'expiration du contrat à durée déterminée non renouvelable, ce représentant, à la condition d'avoir renoncé au plus tard dans les 30 jours suivants l'expiration du contrat de travail à l'indemnité de clientèle à laquelle il pourrait avoir droit en vertu de l'article L 751-9 précité, bénéficiera d'une indemnité spéciale de rupture fixée comme suit dans la limite maximum de 10 mois :

Pour les années comprises entre 0 et 3 ans d'ancienneté :0.7 mois par année entière

Pour les années comprises entre 3 et 6 ans d'ancienneté :1 mois par année entière

Pour les années comprises entre 6 et 9 ans d'ancienneté : 0.7 mois par année entière

Pour les années comprises entre 9 et 12 ans d'ancienneté : 0.3 mois par année entière

Pour les années comprises entre 12 et 15 ans d'ancienneté :0.20 mois par année entière

Pour les années au-delà de 15 ans :0.10 mois par année entière

Cette indemnité spéciale de rupture, qui n'est cumulable ni avec l'indemnité légale de licenciement ni avec l'indemnité de clientèle, est calculée sur la rémunération moyenne mensuelle des douze derniers mois, déduction faite des frais professionnels et à l'exclusion de la partie fixe convenue de cette rémunération.

L'ancienneté à retenir pour la détermination de l'indemnité prévue au présent article sera l'ancienneté dans la fonction'.

L'arrêté du 25 juillet 2005 modifiant celui du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations des cotisations de la sécurité sociale énonce que l'abattement est de 30% plafonnée à 7.600 euros.

Alors que, dans l'assiette de calcul de l'indemnité spéciale de rupture, le mandataire a appliqué l'abattement de 30% résultant de cet arrêté pour calculer le montant des salaires, il n'a cependant pas respecté le plafonnement clairement mentionné à 7.600 euros. Or il ne peut faire une application distributive de cette disposition.

Les bulletins de salaire ne font d'ailleurs apparaître l'abattement pour frais professionnel que sur les salaires des mois de janvier à début août 2018, et ne le font plus apparaître à compter de septembre 2018, dès lors que le plafond était atteint.

En conséquence, au vu du calcul effectué par la salariée, mentionnant des salaires non abattus, la cour constate qu'il lui est dû, en vertu des dispositions précitées, la somme de 27.655,76 euros, dont il faut déduire la somme de 22.100,04 euros versée par le mandataire judiciaire, soit un reliquat de 5.555,72 euros.

La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée quant au quantum retenu et la somme de 5.555,72 euros devra être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société GIL'B

Sur les rappels de salaire de décembre 2018 et janvier 2019

Madame [D] [R] indique qu'elle n'a été réglée que partiellement de son salaire de décembre 2018 à hauteur de 2.514,24 euros et demande confirmation du jugement entrepris qui a condamné l'employeur à lui verser le solde, soit 3.752,24 euros brut outre les congés payés y afférents. Elle réclame en outre le paiement de la somme de 13.079,14 euros brut correspondant au salaire du 1er au 7 janvier 2019, alléguant n'avoir jamais reçu aucune somme à ce titre alors que la somme de 10.060,88 euros est mentionnée sur le relevé CSP adressé à Pôle emploi, comme ayant été versée, après abattement pour frais professionnels.

Le mandataire liquidateur de la société GIL'B fait valoir qu'au vu de l'adhésion de Mme [D] [R] au CSP, la fin du contrat de travail est intervenue au 07 janvier 2019 ; qu'aucune somme n'est due postérieurement ; que l'équivalent de l'indemnité de préavis qui aurait été payée à la salariée si elle n'avait pas adhéré au CSP a été réglé à Pôle emploi dans le cadre de l'adhésion de Mme [D] à ce dispositif. Elle précise, s'agissant du salaire de décembre 2018, que L'AGS a procédé au paiement des salaires dans la limite de sa garantie de 45 jours, soit du 1er août 2018 au 14 septembre 2018 ; que le solde des salaires n'est pas opposable à L'AGS et ne peut faire l'objet que d'une fixation au passif.

***

Il est constant que Madame [D] [R] a adhéré au CSP le 26 décembre 2018 pour un contrat de travail dont la fin est actée au 07 janvier 2019.

Dans le cadre de ce dispositif, les sommes qui pourraient être dûs à la salariée au titre du préavis sont directement payées à Pôle Emploi.

S'agissant des sommes dues antérieurement à la fin du contrat du contrat de travail, soit pour la période du 1er au 7 janvier 2019, Mme [D] [R] affirme que le mandataire judiciaire aurait déclaré à Pôle Emploi lui avoir réglé la somme de 10.060,88 euros après déduction de l'abattement de 30%, au titre du 'salaire versé pour le dernier mois civil', sans toutefois produire le document sur lequel elle s'appuie, ni étayer son calcul de la somme qui resterait due pour la période du 1er au 07 janvier 2019. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

S'agissant du mois de décembre 2018, la salariée verse aux débats son bulletin de salaire faisant ressortir la somme de 6.266,43 euros, tandis qu'elle indique n'avoir perçu que la somme de 2.514,24 euros, ce qui n'est pas contesté par Maitre [N] ès qualités.

Il conviendra de fixer le reliquat, soit la somme de 3.752,24 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société GIL'B.

La décision du conseil de prud'hommes sera confirmée de ces chefs.

Sur les rappels de commissions

Madame [D] [R] sollicite un rappel de commissions à hauteur de 8% sur le chiffre d'affaire réalisé à la prise de commande, soit la somme de 20.345,04 euros sur les commandes enregistrées auprès des magasins affiliés VOODOO pour la saison hiver 2018 et la somme de 22.324,68 euros sur les commandes enregistrées pour la saison été 2019. Elle affirme qu'il ne s'agit pas d'avances sur commissions, mais bien de commissions dues précisant que si les clients n'ont pu être livrés, c'est en raison de la procédure collective et qu'en validant les commandes passées, il a nécessairement été défaillant car il savait pertinemment qu'il ne pourrait les honorer.

La SELARL SYNERGIE prise en la personne de Me [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GIL'B conlut au rejet de cette demande, faisant valoir qu'aux termes de son contrat de travail, les commissions ne sont acquises qu'au fur et à mesure des encaissements et au prorata du paiement des clients; qu'il s'agit d'une clause de 'vente menée à bonne fin' admise pour les VRP ; qu'en l'espèce, la non-réalisation des ventes est due au prononcé de la liquidation judiciaire et non du fait volontaire de la société GIL'B, de sorte qu'aucune commission n'est due.

Le contrat de travail de Mme [D] [R] (antérieurement celui de son père Monsieur [R]) conclu avec la société GIL'B pour la commercialisation des produits VOODOO prévoit dans son article '8-Acquisition et règlement des commissions' que 'les commissions ne seront acquises à Monsieur [R] qu'au fur et à mesure des encaissements et au prorata des paiements des clients. Le paiement des commissions aura lieu le premier de chaque mois de chaque trimestre après que Monsieur [R] aura donné son accord sur le relevé qui lui aura été remis ou envoyé'.

Le contrat de travail de Mme [D] [R] conclu avec la société GIL'B pour la commercialisation des produits ZELI prévoit dans son article '6-Calcul des commissions' que 'le droit à commission ne prend effet qu'au fur et à mesure des encaissements et au proratas de ceux ci (...) Il ne sera dû aucune commission sur les commandes non livrées ou encaissées dès lors que le défaut de livraison ou d'encaissements ne résultera pas d'un fait volontaire de GIL'B'.

Il est admis qu'au titre de la clause dite de 'vente menée à bonne fin' le paiement de commissions puisse être surbordonné au règlement de la facture par le client en vertu soit d'un contrat, soit d'un usage, à condition que ce soit sans faute de l'employeur.

En l'espèce, pour réclamer le paiement de commissions portant sur les commandes prises pour l' hiver 2018 et l'été 2019, elle verse aux débats un tableau listant les boutiques, la quantité de produits et les chiffres d'affaires pour la saison 1 et la saison 2.

Outre que ces pièces sont insuffisantes pour démontrer l'existence des commandes effectivement passées avec lesdites boutiques à défaut de produire les bons de commande ou la validation de celles ci, la cour constate que la salariée n'établit pas, pour écarter la clause contractuelle de 'vente menée à terme', que des commandes n'auraient pas été payées en raison de l'attitude fautive de l'employeur dans le cadre de la procédure collective en cours.

En conséquence, la cour confirme la décision du conseil de prud'hommes qui a débouté Madame [D] [R] de sa demande formée au titre des commissions.

Sur la garantie de l'AGS

Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du code du travail.

Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 5].

Sur les intérêts

Comme le sollicite le CGEA, il convient de rappeler que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 du code de commerce).

Sur la remise des documents de fin de contrat

Dans la mesure où Madame [D] [R] indique que Maitre [N] ès qualités ne lui a pas remis le bulletin de salaire pour le mois de janvier 2019 concernant la période du 1er au 7 janvier 2019 et que ce dernier ne justifie pas le lui avoir remis, il y a lieu de lui ordonner de le remettre à la salariée, sans toutefois que le prononcé d'une astreinte ne soit nécessaire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société GIL'B une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

L'employeur qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel qui seront fixés au passif de la liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement économique de Mme [D] [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse, fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société GIL'B la somme de 3.752,24 euros due à Madame [D] [R] au titre du rappel de salaire du mois de décembre 2018, rejeté la demande au titre du rappel de salaire de janvier 2019, rejeté la demande au titre des commissions, statué sur les frais irrépétibles,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société GIL'B les sommes suivantes due à Madame [D] [R] :

-36.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-5.555,72 euros au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de rupture,

Y Ajoutant :

Enjoint à Maitre [N] représentant la SARL MJ SYNERGIE de remettre à Madame [D] [R] un bulletin de salaire pour le mois de janvier 2019 et rejette la demande d'astreinte,

Rappelle que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail,

Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société GIL'B la somme de 1.500 euros due à Madame [D] [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société GIL'B.

Déclare la décision opposable à L'AGS CGEA de [Localité 5].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 20/01867
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;20.01867 ?
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