COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 23 JUIN 2023
N° 2023/216
Rôle N° RG 20/01675 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFRQO
SARL BLANCHISSERIE 2000
C/
[R] [X]
Copie exécutoire délivrée le :
23 JUIN 2023
à :
Me Emilie SALVADO, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/02283.
APPELANTE
SARL BLANCHISSERIE 2000, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Emilie SALVADO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [R] [X], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sabrina REBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [R] [X] a été embauchée en qualité d'agent de production le 5 avril 2002 par la SARL BLANCHISSERIE 2000.
Une rupture conventionnelle a été signée entre les parties le 7 mai 2018, avec fin du contrat de travail à effet du 15 juin 2018.
Par requête du 7 novembre 2018, Madame [R] [X] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une indemnité de repos compensateur, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail.
Par jugement du 20 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Marseille a :
-jugé que les demandes de Madame [R] [X] sur l'année 2015 n'étaient pas prescrites,
-fixé le salaire moyen mensuel de Madame [X] à la somme de 1799,80 euros bruts,
-condamné la société BLANCHISSERIE 2000 à verser à Madame [R] [X] les sommes suivantes :
- 3047,98 euros à titre d'indemnité de repos compensateur,
- 304,79 euros de congés payés y afférents,
- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
- 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit qu'à défaut de règlement spontané du présent jugement et en cas d'exécution judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du Décret du 8 mars 2001, portant modification du Décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts,
-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
-débouté le demandeur du surplus de ses demandes,
-débouté le défendeur de ses demandes,
-dit que les entiers dépens seront à la charge de la partie défenderesse.
Ayant relevé appel, la SARL BLANCHISSERIE 2000 demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 5 mars 2023, de :
A TITRE PRINCIPAL
JUGER irrecevable pour cause de prescription, la demande d'indemnisation formulée par Madame [X] pour défaut d'information de ses droits à contreparties obligatoires en repos acquis sur la période du 1er janvier au 6 novembre 2015 inclus
JUGER que sur la période de travail non prescrite du 7 novembre 2015 au 31 décembre 2015, les 27 heures supplémentaires accomplies par Madame [X] sur les semaines 46 à 52 inclus, sont inférieures au contingent et n'ouvrent donc pas droit à la contrepartie obligatoire en repos
INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a dit et jugé que la demande d'indemnisation formulée par Madame [X] pour défaut d'information de ses droits à contreparties obligatoires en repos acquis en 2015 n'était pas prescrite et en ce qu'il a alloué à Madame [X] les sommes de 3047,98 euros à titre d'indemnité de repos compensateur et de 304,79 euros de congés payés y afférents à ce titre
INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société BLANCHISSERIE 2000 de sa demande de condamnation de Madame [X] à lui payer la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC
CONDAMNER Madame [X] à payer à la société BLANCHISSERIE 2000 la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, au titre des frais irrépétibles de première instance
A TITRE SUBSIDIAIRE, si la période du 1er janvier 2015 au 6 novembre 2015 n'est pas jugée prescrite
JUGER que l'indemnisation du défaut d'information des droits à contreparties obligatoires en repos acquis au titre des heures supplémentaires pas réellement accomplies par Madame [X] sur l'année 2015, correspond à la somme totale de 3144,10 euros et non pas à celle de 3352,77 euros
EN TOUT ETAT DE CAUSE
JUGER que Madame [X] a été remplie de ses droits à titre d'indemnisation du défaut d'information de ses droits à contreparties obligatoires en repos acquis sur les années 2016 et 2017
JUGER que l'indemnité complémentaire forfaitairement allouée à Madame [X] à hauteur de 500 euros au motif que son employeur ne l'a pas informée de ses droits à contrepartie obligatoire en repos pour les heures effectuées au-delà du contingent, fait doublon avec l'indemnisation déjà allouée sur le même fondement juridique au titre de la période de travail non prescrite et qui, de jurisprudence constante en la matière, correspond uniquement à l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents
JUGER irrecevable pour cause de prescription et en tout état de cause injustifiée, la demande indemnitaire formulée par Madame [X] à hauteur de 8000 euros en réparation d'un préjudice moral lié à l'accomplissement sur de nombreuses semaines de l'année 2016 d'un nombre d'heures de travail effectif supérieur à la durée hebdomadaire maximale de travail prévue par la loi
JUGER que les créances indemnitaires ne peuvent légalement produire d'intérêts à compter de la date de la décision de justice qui les fixe et non à compter de la demande en justice
INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société BLANCHISSERIE 2000 à payer à Madame [X] la somme de 3047,98 euros à titre d'indemnité de repos compensateur, celle de 304,79 euros de congés payés afférents, celle de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et celle de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a dit que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts, alors qu'il s'agit de condamnations par nature indemnitaire et non de créances salariales
CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Madame [X] du surplus de ses demandes
CONDAMNER Madame [X] à payer à la société BLANCHISSERIE 2000 la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, au titre des frais irrépétibles d'appel
DÉBOUTER Madame [X] de toutes ses demandes formulées en cause d'appel
CONDAMNER Madame [X] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de signification par huissier de justice de l'arrêt à intervenir.
Madame [R] [X] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par voie électronique le 5 mai 2020, de :
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 janvier 2020 ;
Y RAJOUTANT,
CONDAMNER la société BLANCHISSERIE 2000 à verser à Madame [X] les sommes suivantes :
- 8000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail par l'employeur
EN TOUTES HYPOTHÈSES,
DIRE ET JUGER que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
DIRE ET JUGER qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du code civil et que les intérêts échus et dus sur les sommes allouées porteront également intérêts,
DIRE que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96-1080 (tarif des huissiers) devront être supportées par le débiteur en sus.
CONDAMNER la société BLANCHISSERIE 2000 à lui payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 CPC ;
CONDAMNER la société BLANCHISSERIE 2000 aux entiers dépens toutes taxes comprises.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 9 mars 2023.
SUR CE :
Sur la contrepartie obligatoire en repos au titre de l'année 2015 :
Alors que les sommes dues à la salariée au titre des repos compensateurs et congés payés afférents sur les années 2016 et 2017 ont été réglées par la SARL BLANCHISSERIE 2000 par chèque d'un montant de 3047,66 euros en date du 15 mars 2019, la société BLANCHISSERIE 2000 ne reconnaît pas devoir des sommes au titre de l'année 2015, sollicitant l'infirmation du jugement de ce chef. Elle fait valoir en premier lieu que la période d'indemnisation formulée par Madame [X] du 1er janvier au 6 novembre 2015 inclus est prescrite en application de la prescription triennale et que Madame [X] n'est donc pas recevable à solliciter l'indemnisation de contreparties obligatoires en repos acquises au titre d'heures de travail supplémentaires accomplies sur la période prescrite du 1er janvier au 6 novembre 2015 inclus.
S'agissant de la période de travail non prescrite du 7 novembre 2015 au 31 décembre 2015, la SARL BLANCHISSERIE 2000 fait valoir que Madame [X] a accompli 27 heures supplémentaires sur les semaines 46 à 52, d'un nombre inférieur au contingent d'heures supplémentaires, et qu'elles n'ouvrent donc pas droit à contrepartie obligatoire en repos.
À titre éminemment subsidiaire, la SARL BLANCHISSERIE 2000 soutient que doivent être déduites du tableau de calcul d'heures supplémentaires versé au débat par Madame [X] pour l'année 2015 toutes celles qui ne correspondent pas à du temps de travail effectif (absences pour congés payés rémunérées à hauteur de 39 heures par semaine d'absence et de 7,80 heures par journée d'absence, incluant des heures supplémentaires non travaillées), soit un total de 19,2 heures supplémentaires rémunérées mais non effectivement travaillées ; qu'il en résulte que Madame [X] a en réalité effectué 289,3 heures supplémentaires hors contingent, correspondant à la somme totale de 3144,10 euros incluant les congés payés afférents.
Madame [X] soutient que la prescription triennale ne saurait être opposée à la salariée dès lors que l'employeur ne l'a jamais informée de son droit à repos par un document annexé au bulletin de paie tel que la loi l'exige ; qu'il sera dans ces conditions fait droit à l'intégralité des demandes de la salariée pour l'année 2015 ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a alloué à Madame [X] la somme de 3047,98 euros au titre de l'indemnité de repos compensateur, outre la somme de 304,79 euros au titre des congés payés afférents.
*
Les parties s'accordent à reconnaître que s'applique en l'espèce la prescription triennale prévue par l'article L.3245-1 du code du travail, qui prévoit que "l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer".
L'article D.3171-11 du code du travail dispose qu'à défaut de précision conventionnelle contraire, les salariés sont informés du nombre d'heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos portés à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce nombre atteint sept heures, ce document comporte une mention notifiant l'ouverture du droit à repos et l'obligation de le prendre dans un délai maximum de deux mois après son ouverture.
La SARL BLANCHISSERIE 2000 reconnaît ne pas avoir informé ses salariés, dont Madame [X], des heures dont ils pouvaient bénéficier au titre de la contrepartie obligatoire en repos sur les heures supplémentaires de travail accomplies au-delà du contingent, tel que reconnu dans le cadre des protocoles d'accord transactionnel conclus avec ses salariés principalement le 27 juillet 2018, en réparation du préjudice individuellement subi par chacun d'eux sur les périodes de travail non prescrites, au titre du défaut d'information de leurs droits à contreparties obligatoires en repos acquis pour les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent.
La SARL BLANCHISSERIE 2000 a adressé à Madame [X], sortie des effectifs le 15 juin 2018, un courrier recommandé distribué à la salariée le 8 septembre 2018, pour lui proposer la signature d'un protocole d'accord.
Ainsi, Madame [X] n'a jamais eu connaissance de ses droits quant à cette contrepartie obligatoire en repos avant septembre 2018. En conséquence, l'action en paiement de Madame [X] au titre de la contrepartie obligatoire en repos sur l'année 2015 n'était pas prescrite lors de la saisine du conseil de prud'hommes de Marseille par requête du 7 novembre 2018.
La demande de Madame [X] en paiement de l'indemnité de repos compensateur sur l'année 2015 est donc recevable.
Le tableau de 'décompte des heures supplémentaires et contrepartie obligatoire en repos' présenté par Madame [X] sur l'année 2015 mentionne la totalité des heures supplémentaires inscrites sur ses bulletins de paie (438,50 heures supplémentaires), sans déduction des heures supplémentaires payées mais non effectivement travaillées comme celles rémunérées au titre des jours de congés payés pris, lesquels sont rémunérés à hauteur de 7,80 heures par jour de congés payés et à hauteur de 39 heures par semaine de congés payés.
Il ressort des bulletins de salaire de l'année 2015 qu'il a effectivement été rémunéré à Madame [X] :
-1 jour de congés payés le 16 février 2015,
-3 jours de congés payés les 6, 7 et 8 mai 2015,
-3 semaines de congés payés (semaines 20, 21 et 22) du 11 au 31 mai 2015,
-1 semaine de congés payés (semaine 23) du 1er au 6 juin 2015,
soit un total de 19,20 heures supplémentaires rémunérées mais non effectivement travaillées [(0,8 heure supplémentaire x 4 jours) + (4 heures supplémentaires x 4 semaines)].
Par conséquent, Madame [X] a effectué un total de 419,3 heures supplémentaires sur 2015 (438,50-19,20).
Alors qu'il n'est pas discuté par les parties que le contingent conventionnel annuel d'heures supplémentaires est de 130 heures, il est dû à Madame [X] la contrepartie obligatoire en repos sur 289,30 heures (419,30-130).
La Cour réforme le jugement sur le quantum des indemnités accordées au titre du repos compensateur sur 2015 et alloue à Madame [X] la somme brute de 2858,28 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et la somme brute de 285,83 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur l'exécution fautive du contrat de travail :
La SARL BLANCHISSERIE 2000 critique le jugement de première instance ayant accordé à Madame [X] une indemnité de 500 euros pour exécution fautive du contrat de travail au motif que l'employeur ne l'avait pas informée de ses droits à contrepartie obligatoire en repos pour les heures effectuées au-delà du contingent, faisant valoir que cette indemnité complémentaire de 500 euros fait manifestement doublon avec l'indemnisation déjà allouée à Madame [X] sur le même fondement juridique et qui, de jurisprudence constante en la matière, correspond uniquement à l'indemnité de repos compensateur et l'indemnité de congés payés afférente.
S'agissant de la demande d'indemnisation relative au dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire, la SARL BLANCHISSERIE 2000 fait valoir que cette demande porte sur l'exécution du contrat de travail et se prescrit par deux ans ; que Madame [X] ayant saisi le Conseil le 7 novembre 2018, toute la période d'exécution de son contrat de travail antérieure au 7 novembre 2016 est donc prescrite ; que sur la période d'exécution du contrat de travail postérieure au 7 novembre 2016, non prescrite, la durée maximale hebdomadaire de travail autorisée par la loi n'a jamais été dépassée et que Madame [X] doit, en tout état de cause, être déboutée de sa demande indemnitaire.
Madame [R] [X], qui sollicite d'une part la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et, d'autre part la condamnation de l'employeur au paiement de 8000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail, fait valoir qu'elle dépassait chaque semaine le temps maximum de travail (48 heures hebdomadaires), que ce rythme effréné de travail auquel elle était astreinte n'a pas été sans conséquence pour sa santé et sa vie personnelle, que l'employeur pourtant informé du droit au repos compensateur des salariés a volontairement omis de les informer, et que la concluante est fondée à solliciter des dommages et intérêts pour le préjudice subi à hauteur de 8000 euros, pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail par l'employeur.
*
S'agissant de l'indemnisation du préjudice résultant du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail, cette action portant sur l'exécution du contrat de travail est soumise à la prescription biennale prévue par l'article L.1471-1 du code du travail.
À ce titre, l'action en indemnisation de Madame [X] est prescrite sur la période antérieure au 7 novembre 2016 eu égard à la date de saisine du conseil de prud'hommes de Marseille, par requête du 7 novembre 2018.
Madame [X] invoque des dépassements de la durée hebdomadaire maximale de travail sur les semaines 27 à 34 de l'année 2016, soit jusqu'au 28 août 2016.
Si elle soutient que cette situation s'est reproduite à de nombreuses reprises, Madame [X] ne verse toutefois aucun élément susceptible de justifier d'un dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail postérieurement au 7 novembre 2016 (semaine 45 de l'année 2016), sur la période non prescrite.
En conséquence, sa demande d'indemnisation au titre du dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail, sur la période non prescrite postérieurement au 7 novembre 2016, est rejetée.
S'agissant de l'indemnisation au titre d'une exécution fautive du contrat de travail pour défaut d'information par l'employeur des droits à contrepartie obligatoire en repos, Madame [R] [X] est en droit de solliciter une indemnisation autre que le paiement de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents si elle justifie d'un préjudice distinct.
Madame [X] produit les attestations suivantes :
-l'attestation du 29 novembre 2018 de Monsieur [C] [V], Directeur administratif et financier, qui rapporte :
« Je connais M. [W] [F] depuis près de 13 ans pour avoir été responsable de son dossier par le cabinet d'expertise comptable [D] [Y]' avant qu'il ne m'embauche en 2013 en me demandant d'intégrer son groupe en qualité de Directeur administratif et financier.
J'atteste que M. [W] [F], représentant légal de la société BLANCHISSERIE 2000 depuis le début des années 2000, était parfaitement informé de la contrepartie obligatoire en repos.
Dans le cadre de mes fonctions, j'ai alerté M. [W] [F] à de nombreuses reprises de l'obligation d'appliquer le repos compensateur devenu par la suite contrepartie obligatoire en repos'
M. [W] [F] m'avait alors demandé en octobre 2008 l'évaluation pour la société BLANCHISSERIE 2000 :
-du coût du repos compensateur obligatoire qui n'était pas appliqué par la société en 2008 ;
-du coût de la contrepartie obligatoire en repos qui l'avait remplacé, et qui ne sera de toute façon pas plus appliqué par la société.
Après avoir évalué l'évolution du risque financier du repos compensateur devenu contrepartie obligatoire en repos, M. [W] [F] m'avait alors indiqué qu'il ne souhaitait pas faire bénéficier les salariés de la contrepartie obligatoire en repos eu égard au coût, mais également tant qu'aucun salarié ne venait lui demander l'application de ce dispositif.
Toutefois, il a dû se résigner à son application pour les salariés d'une autre société de son groupe'
Je réitère le fait que M. [W] [F] a la parfaite connaissance de la contrepartie obligatoire en repos pour l'en avoir informé depuis de nombreuses années, mais également pour l'appliquer depuis 2013 dans une autre société de son groupe'
Comme je réitère que c'est de manière délibérée qu'il s'est soustrait à ses obligations en la matière et qu'il l'a dissimulé aux salariés de la société BLANCHISSERIE 2000 jusqu'à ce qu'il y soit confronté par la demande des délégués du personnel en mai 2018 » ;
-l'attestation du 19 décembre 2018 de Madame [L] [Z], Assistante de direction, qui témoigne :
« J'ai été embauchée par la société OCTANE du 14/05/2003 au 04/12/2015 en qualité d'assistante de direction et ai accompagné M. [W] [F] dans le développement de son groupe durant toutes ces années. J'avais en charge la gestion administrative de l'ensemble des sociétés du groupe OCTANE et notamment la société BLANCHISSERIE 2000 qui en était la principale.
La société BLANCHISSERIE 2000 était cliente du cabinet d'expertise comptable [D] [Y] et M. [C] [V] le collaborateur en charge de notre dossier.
J'assurais avec ce dernier un lien permanent entre le cabinet [D] [Y] et M. [W] [F] dans la gestion des sociétés du groupe OCTANE et les différents échanges et remontées d'information.
Dans ce cadre, et pour en avoir été l'intermédiaire, j'atteste que M. [W] [F] a été informé par M. [C] [V] dès l'année 2008 des dispositions de repos compensateur et ses modalités d'application à la suite d'une loi portant réforme de ce dispositif.
Toujours dans le cadre de sa mission au sein du cabinet [Y], M. [C] [V] a alarmé plusieurs fois M. [W] [F] de ses obligations en la matière. En effet, la société BLANCHISSERIE 2000 était d'une part en dépassement systématique du contingent de la convention collective car la quasi-totalité de son personnel était à 39 heures hebdomadaires et, d'autre part, elle avait un recours massif aux heures supplémentaires surtout en période de forte activité.
En juillet 2013 M. [W] [F] a directement embauché en qualité de Directeur administratif et financier M. [C] [V] et le sujet a été encore évoqué entre eux pour en avoir été également le témoin dans les locaux de la société BLANCHISSERIE 2000 au cours de réunions de travail.
M. [W] [F] était parfaitement au courant de l'existence du repos compensateur et de ses modalités pour l'en avoir moi-même informé ou avoir été le témoin de discussions à ce sujet entre lui et M. [C] [V].
Pour l'avoir évoqué lui-même, M. [W] [F] n'a jamais voulu appliquer ce dispositif à partir du moment où les salariés de la BLANCHISSERIE 2000 n'en n'avaient pas connaissance et qu'aucun d'entre eux ne venait lui réclamer ».
Au vu de ces témoignages versés par la salariée, cette dernière établit l'existence d'un préjudice moral, distinct du non paiement de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents, eu égard à la grande mauvaise foi de l'employeur qui connaissait le dispositif applicable en la matière et qui a choisi, en violation de ses obligations légales et contractuelles, de ne pas l'appliquer pendant des années tant qu'il n'était pas confronté à une revendication des salariés de la société BLANCHISSERIE 2000.
En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu'il a accordé à Madame [R] [X] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail par l'employeur.
Sur les intérêts :
Les sommes allouées à titre de contrepartie obligatoire en repos et de congés payés afférents, qui sont des éléments de salaire et donc de nature salariale, produisent des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Marseille, soit à compter du 10 novembre 2018.
Les sommes allouées de nature indemnitaire accordées par le premier juge produisent des intérêts au taux légal à compter du jugement du 20 janvier 2020 du conseil de prud'hommes de Marseille.
Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts échus et dus pour plus d'une année en conformité avec les dispositions légales.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
La SARL BLANCHISSERIE 2000, dont les demandes en appel n'ont été que très partiellement reçues, est condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf sur le quantum des rappels de salaire alloués à titre d'indemnité de repos compensateur et de congés payés afférents,
Statuant à nouveau sur le point infirmé et y ajoutant,
Condamne la SARL BLANCHISSERIE 2000 à payer à Madame [R] [X] :
-2858,28 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos sur 2015,
-285,83 euros au titre des congés payés y afférents,
Dit que les sommes allouées ci-dessus de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2018 et que les sommes allouées de nature indemnitaire produisent des intérêts au taux légal à compter du jugement du 20 janvier 2020,
Ordonne la capitalisation des intérêts échus et dus pour plus d'une année en conformité avec les dispositions légales,
Condamne la SARL BLANCHISSERIE 2000 aux dépens et à payer à Madame [R] [X] 2000 euros supplémentaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette tout autre prétention.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction