COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 23 JUIN 2023
N°2023/ 118
RG 19/16192
N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBJ2
[H] [T]
C/
SARL ESPACE DE PROPRETE
Copie exécutoire délivrée le 23 Juin 2023 à :
-Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Isabelle CORIATT, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 17 Février 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 13/4203.
APPELANTE
Madame [H] [T], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL ESPACE DE PROPRETE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Isabelle CORIATT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 23 Juin 2023.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023
Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES
La société Espace de Propreté ayant son siège social à [Localité 7] (Var) a une activité de nettoyage industriel de magasins, commerces, grandes surfaces ou bureaux et applique la convention collective nationale de la propreté.
Selon avenant du 2 avril 2012, en application de l'annexe 7 de la convention collective, cette société a repris le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de Mme [H] [T] née [E], agent de service AQS1-A bénéficiant d'une ancienneté remontant au 12 avril 1995.
Elle était affectée sur le site «Castorama [Localité 4]» où elle était déjà présente, du lundi au vendredi de 6h à 8h30, et le samedi de 8h à 10h30, soit 64,95 heures par mois.
Par lettre recommandée du 25 mars 2013, l'employeur a informé Mme [T] de la fermeture du site «Castorama [Localité 4]» et de sa mutation à compter du 8 avril 2013 sur le site de «Castorama Plan de Campagne» pour le même volume d'heures.
Par lettre recommandée du 10 avril 2013, la salariée a indiqué à son employeur s'être présentée sur le nouveau site et avoir constaté qu'il était fermé tous les lundis ; elle l'informait de difficultés à rejoindre ce nouveau site, le bus arrivant à 6h55 et demandait l'attribution d'un véhicule de service.
En réponse, la société lui indiquait le 19 avril qu'elle serait rémunérée pour le 8 avril, expliquait qu'il s'agissait seulement de changement de ses conditions de travail et lui communiquait ses nouveaux horaires, déplaçant les heures du lundi sur le mardi de 7h à 12h et du mercredi au vendredi de 7h à 9h30, le samedi restant inchangé.
Par lettre recommandée du 24 avril 2013, la salariée refusait ceux-ci invoquant un changement substantiel de son contrat de travail et proposait une rupture conventionnelle.
La salariée a été en arrêt maladie à compter du 2 mai 2013, prolongé de mois en mois.
Par lettre recommandée du 3 mai 2013, la société proposait de nouveaux horaires sur le mardi soit 7h-9h30 puis 15h-17h30, que Mme [T] refusait en indiquant avoir toujours eu des horaires le matin.
Par lettre recommandée du 23 juillet 2013, la société, prenant acte du refus de travailler l'après-midi, affectait Mme [T] sur le site [Adresse 2], tous les lundis matins de 7h à 9h30, ce qu'elle refusait.
Selon requête du 8 octobre 2013, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et en paiement de diverses sommes.
Selon jugement du 17 février 2016, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [T] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Le conseil de la salariée a interjeté appel par déclaration du 2 mars 2016.
L'affaire a été radiée par arrêt du 8 décembre 2017.
Après une première visite de reprise du 12 décembre 2018 et une étude de poste du 13 décembre, la médecine du travail rendait ce même jour, l'avis suivant : «Inapte au poste, selon art.R.4624-42 du code du travail; pourrait occuper au titre d'un rclassement professionnel un poste de type sédentaire ne comportant de gestes répétitif des membres supérieurs, de travaux bras en élévation au dessus du plan des épaules, de postures contraignantes pour le rachis et les genoux, de pot de charges lourdes.»
Par lettre recommandée du 28 décembre 2018, la société proposait à Mme [T] un reclassement à temps complet dans un poste au standard téléphonique de son établissement de [Localité 6].
Sans réponse de la salariée, la société la convoquait le 16 janvier 2019 à un entretien préalable au licenciement pour le 29 janvier et par lettre recommandée du 1er février 2019 la licenciait pour cause réelle et sérieuse en raison de l'impossibilité de la reclasser.
Sur conclusions du 3 octobre 2019, l'affaire a été remise au rôle et les parties ont été convoquées pour l'audience du 21 mars 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions développées oralement, Mme [T] demande à la cour de :
«Infirmer, Réformer et ou annuler le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 17 février 2023 sur les dispositions suivantes ;
Juger qu'une demande de résiliation judiciaire est fondée lorsque les manquements de l'employeur sont suffisamment graves ;
Juger qu'en l'espèce, les manquements contractuels constatés sont liés au changement de lieu de travail imposé unilatéralement à la salariée de manière abusive suite à la fermeture du site sur lequel intervenait Madame [T] ;
Juger qu'il s'agit d'une modification substantielle du contrat de travail, unilatérale, justifiant ainsi la demande de résiliation judiciaire ;
Juger qu'à tout le moins, il s'agit d'une mise en 'uvre déloyale et abusive de la clause de mobilité.
Juger que la clause de mobilité doit définir de manière précise sa zone géographique d'application et ne peut permettre à l'employeur d'en étendre unilatéralement la portée.
Juger que le siège social de la société ESPACE DE PROPRETE est situé à [Localité 7] dans le 83 et que les secteurs d'intervention des salariés sont dans le 13 et que la clause de mobilité insérée au contrat stipule ces deux départements ;
Juger qu'il est donc établi que la clause de mobilité couvre tous les secteurs géographiques de l'employeur et doit être dès lors considérée comme nulle ;
Juger qu'ainsi, la modification imposée à Madame [T] constitue une modifi cation substantielle de son contrat de travail, sauf à ce que les conditions d'application de la clause relative au secteur d'affectation soient remplies ;
Juger que l'article 8 du contrat de travail stipule que Madame [T] peut être affectée sur le secteur géographique de [Localité 5] EST, OUEST et CENTRE ;
Juger que la zone géographique d'intervention fixée dans le contrat de travail ne stipule aucune mutation en dehors de [Localité 5] ;
Juger que l'employeur n'a manifestement et incontestablement pas respecté la clause d'affectation géographique ;
Juger que la mutation sur un site se situant hors de [Localité 5] constitue une modification d'un élément essentiel du contrat de travail et ne pouvait, par conséquent, être imposé à la salariée sans son accord préalable ;
Juger que la rupture d'un contrat de travail à la suite du comportement de l'employeur qui modifie unilatéralement un contrat de travail sans avoir, au préalable, sollicité et obtenu l'accord du salarié, constitue une rupture imputable à l'employeur ;
Juger que la demande de résiliation judiciaire est donc parfaitement fondée au regard du manquement de la SARL ESPACE DE PROPRETE ;
Infirmer et Réformer le jugement déféré
Subsidiairement,
Juger que l'article 9 stipule en son dernier alinéa que Madame [T] doit être informée un mois à l'avance d'une mutation au titre de cette clause
Juger que, par LRAR datée du 25 mars et postée le 26 mars 2013 Madame [T] est informée qu'elle sera affectée sur un nouveau chantier se situant à Plan de Campagne à compter du 8 avril 2013 ;
Juger que le délai d'un mois contractuellement prévu n'a pas été respecté ;
Juger qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement consécutif au refus de sa mutation par la salariée en cas de mutation sans respecter un délai de prévenance suffisant ;
Juger qu'il doit en être de même en cas de non-respect par l'employeur du délai de prévenance contractuellement prévu ;
Juger que l'employeur ne pouvait donc valablement se prévaloir de l'application de la clause de mobilité et imposer à Madame [T] une mutation
Juger que ce comportement constitue lui aussi un manquement grave car la salariée a été mise de ce fait dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail ;
Juger que la société ESPACE DE PROPRETE a tenté de justifier le non-respect du délai de prévenance contractuel en indiquant qu'elle n'avait été prévenue de la fermeture du site à eff et au 6 avril 2013 que par une correspondance de CASTORAMA en date du 22 mars 2013 ;
Juger que la société ESPACE DE PROPRETE a été informée de la volonté de CASTORAMA de résilier le contrat d'entretien de ses locaux de [Localité 4] à partir du mois d'avril 2013 dès le 27 septembre 2012;
Juger que la société ESPACE DE PROPRETE a ainsi fait preuve d'une légèreté particulièrement blâmable et fautive à l'égard de Madame [T] en procédant à sa nouvelle affectation moins de quinze jours avant ;
Juger que la société ESPACE DE PROPRETE a violé les dispositions contractuelles en ne respectant pas le délai de prévenance ;
Juger que la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur est parfaitement justifiée ;
Juger que la société ESPACE DE PROPRETE ne pourra valablement alléguer une perte de chantier pour justifier sa position ;
Juger que, dans ce cas, Madame [T] aurait dû être informée de la perte du marché et de l'éventualité de l'application de l'annexe 7 à son profit ;
Juger que l'employeur demeure le prestataire du magasin sis à [Localité 4] où Madame [T] était affectée
Juger que l'allégation de l'employeur relative à un changement de prestataire n'est corroborée par aucun élément objectif ;
Juger que la justification de la mutation de Madame [T] résulte d'une volonté unilatérale de l'employeur qui a modifié unilatéralement l'essence du contrat de travail souscrit avec la salariée ;
Juger que le changement des conditions de travail est justifié lorsqu'il est réalisé de bonne foi par application des dispositions des articles L.1 222-1 du Code du travail et 1104 du Code civil;
Juger que la mise en 'uvre des changements des conditions de travail ne doit pas se réaliser dans des conditions exclusives de bonne foi ; à défaut le licenciement est injustifié
Juger que la clause de mobilité doit également être appliquée de bonne foi.
Juger que le juge doit contrôler que son application ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du salarié à une vie personnelle et familiale ;
Juger que l'employeur de Madame [T] a utilisé ce motif pour imposer à celle-ci un changement de lieu d'affectation situé en dehors de sa zone géographique d'intervention, en alléguant le contraire ;
Juger que la société ESPACE DE PROPRETE n'a pas respecté le délai contractuel et n'a pas respecté de manière générale un délai de prévenance suffisant
Juger que la société ESPACE PROPRETE a, en tout état de cause, mis en 'uvre la clause de mobilité de mauvaise foi et de manière abusive ;
Juger que Madame [T] apparaît fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
Infirmer et Réformer le jugement déféré ;
A titre infiniment subsidiaire,
Juger que l'obligation de reclassement est telle que la Cour de cassation impose à l'employeur de rechercher le reclassement alors même que le médecin du travail a conclu à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise ;
Juger que la recherche de reclassement doit s'effectuer à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
Juger que c'est à l'employeur d'apporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié, la seule consultation d'une commission n'établissant pas que l'employeur ait satisfait à son obligation de reclassement ;
Juger que le non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement entraîne automatiquement la requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et Juger qu'il appartenait à la société ESPACE DE PROPRETE d'identifier l'ensemble des postes disponibles au sein de ses établissements et des entreprises du groupe auquel elle appartient et de se rapprocher de la médecine du travail pour déterminer l'éventuelle aptitude de sa salariée à ce poste ;
Juger qu'à défaut pour la société ESPACE DE PROPRETE de justifi er qu'elle s'est mise en relation avec le médecin du travail conformément à ses obligations légales applicables en la matière, d'avoir consulté les représentants du personnel, de sa prétendue impossibilité de reclassement en interne ainsi qu'avoir satisfait à son obligation au titre de la recherche en externe, la recherche de reclassement ne peut être retenue comme loyale et exhaustive :
Juger le licenciement de Madame [T] infondé et injustifié
Infirmer et Réformer le jugement déféré ;
En conséquence,
Condamner la société ESPACE DE PROPRETE au versement des sommes suivantes :
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 2 000.00 €
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 11 322.00 €
- Indemnité de préavis 1 258.00 €
- Congés payés sur préavis 125.80 €
- Reliquat d'indemnité de licenciement 1 340.72 €
Ordonner la délivrance des documents de rupture rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de la décision, avec faculté pour la Cour de liquider l'astreinte, s'il y a lieu ;
Fixer les intérêts courant à compter de la demande en justice, prononcer la capitalisation de ceux-ci ;
Condamner la société ESPACE DE PROPRETE au paiement de la somme de 2 500,00 € au titre de l'Article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.»
Dans ses dernières écritures reprises oralement, la société demande à la cour de :
«CONFIRMER le Jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 17 février 2016 dans toutes ses dispositions
DEBOUTER en conséquence Mme [T] de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur
LA DEBOUTER de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail
JUGER que l'employeur a respecté son obligation de reclassement
JUGER que le licenciement a reposé sur une cause réelle et sérieuse
LA DEBOUTER de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
LA DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes
LA CONDAMNER aux dépens.
A titre reconventionnel
LA CONDAMNER au paiement de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .»
Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, la cour observe que l'appelante demande de façon cumulée et alternative l'infirmation, la réformation et l'annulation du jugement déféré mais ne développe aucun moyen de droit concernant ce dernier point.
Il convient également de rappeller à l'adresse de l'appelante qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la présente juridiction ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions au fond en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci au titre de son dispositif, puisqu'il ne s'agit en réalité que de l'exposé de faits, de considérations générales et du rappel des moyens invoqués dans la partie discussion des conclusions, et en outre de façon redondante sur cinq pages.
Sur les manquements invoqués
A l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, Mme [T] soutient que le changement de lieu de travail lui a été imposé unilatéralement et de manière abusive, suite à la fermeture du site sur lequel elle intervenait, et considère qu'il s'agit d'une modification substantielle au contrat de travail ou à tout le moins d'une mise en oeuvre déloyale et abusive de la clause de mobilité.
1- sur la clause de mobilité
La salariée invoque la nullité de la clause prévue à l'article 9 du contrat comme couvrant tous les secteurs géographiques de l'employeur et estime que ce dernier n'a pas respecté la clause d'affectation géographique prévue à l'article 8.
La société fait valoir que la clause est licite puisque les secteurs géographiques sont circonscrits, faisant observer que son activité s'étend également au département 06 ; elle précise que la mutation se faisant hors [Localité 5], l'article 8 n'est pas en cause.
L'article 8 du contrat de travail prévoit un secteur géographique d'affectation sur les zones de [Localité 5] Est, Ouest et Centre mais cette disposition n'est pas en cause, la mutation étant intervenue hors de ces zones.
L'article 9 intitulé clause de mobilité est libellé ainsi : « La profession du nettoyage s'exerçant pas nature sur différents chantiers extérieurs, le salarié ne peut prétendre à un maintien à son affectation initiale. La mobilité est dans ce contexte indispensable.
C'est pourquoi, en dehors du secteur géographique d'affectation de Mme [T] visé à l'article 8 du présent contrat, dans le respect de la loyauté qui sous-tend la relation contractuelle et dans l'intérêt légitime de celle-ci, la société ESPACE DE PROPRETE pourrait être amenée à demander à Mme [T] d'exercer son activité au sein de l'un quelconque des chantiers de la société dans la limite du département du 13 et du 83.
La société informera Mme [T] un mois à l'avance.»
Cette clause limite les secteurs géographiques au département des Bouches du Rhône et à celui du Var où la société a son siège social et l'employeur démontre par sa pièce n°30 que son activité s'exerce également dans les Alpes Maritimes, de sorte que c'est en vain que l'appelante soutient l'illicéité de la clause.
2- sur la mise en oeuvre de la clause de mobilité
La salariée invoque le non-respect du délai prévu à l'article 9 et une légèreté blamâble de l'employeur qui savait depuis 2012 que le contrat serait résilié avec le client.
Elle fait valoir qu'elle aurait dû être informée de la perte de marché qui n'est en réalité qu'une fermeture temporaire.
L'employeur indique qu'il n'a connu la date exacte de cessation du chantier de [Localité 4] que le 22 mars pour le 6 avril ; il rappelle qu'il ne s'agissait pas d'une fermeture temporaire du magasin et se réfère à sa lettre du 1er août 2013 dans laquelle il expliquait à la salariée qu'elle ne pouvait obtenir sa mutation au magasin Castorama-St Loup qui n'est pas son client.
La société a été informée de la future résiliation du contrat avec le magasin Castorama [Localité 4] dès le mois d'octobre 2012 pour avril 2013 (pièce n°6), mais la date exacte ne lui a été communiquée que par mail du 22 mars 2013 (pièce n°7), de sorte que le non respect du délai de prévenance ne lui est pas imputable et ne peut caractériser la mauvaise foi.
En effet, la mutation a été portée à la connaissance de la salariée par lettre du 25 mars pour un début d'exécution le 8 avril 2013, et il résulte de sa propre lettre qu'elle s'est présentée à cette date à son nouveau poste.
La salariée n'établit d'aucune façon que la fermeture du magasin était temporaire et contrairement à ce qu'a dit le conseil de prud'hommes, ne s'agissant pas d'une perte de marché avec possibilité de transfert dans les conditions prévues par l'annexe 7 de la convention collective, la société demeurait son employeur et se devait de lui fournir du travail.
Dans ses courriers, la salariée indique sa volonté d'être «réintégrée» en indiquant que le Castorama St Loup est la continuité de celui où elle était affectée. Sur ce point, l'employeur a répondu clairement dans sa lettre du 1er août 2013 qu'il ne s'agissait pas des mêmes locaux que le Castorama [Localité 4] et qu'il n'était pas le prestataire retenu pour ce magasin ; pour démontrer sa bonne foi, il justifie avoir écrit (pièce n°31) dès le mois d'avril 2013 à l'entreprise en place au Castorama St Loup (ISS Word) pour lui recommander ses salariés s'il y avait eu un poste disponible.
L'employeur a tenu compte des horaires de substitution figurant dans le contrat de travail
puis le 23 juillet 2013 a affecté Mme [T] à un autre site les lundis, pour lui conserver des horaires en matinée, mais manifestement la salariée n'a pas répondu et ne s'est pas présentée pour reprendre le travail.
Il convient de préciser que l'employeur avait, par lettre du 3 novembre 2014, avisé la salariée de la perte du marché de A4 Architecture, et lui avait proposé d'autres sites en remplacement, mais n'a pas eu de réponse de Mme [T], laquelle est restée taisant alors même qu'elle n'était plus en arrêt maladie (attestation de non paiement d'indemnités journalières du 09/04/2013 au 07/02/2014 pièce 17 de l'appelante).
Dès lors, Mme [T] ne peut utilement invoquer un bouleversement de ses horaires de travail, une modification substantielle de son contrat de travail et une atteinte disproportionnée à son droit de disposer d'une vie personnelle et familiale, ne donnant au demeurant aucune précision sur ce dernier point.
En conséquence, le changement de lieu de travail conforme à la clause de mobilité comme le changement d'horaire consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, puis une modification conforme à ses souhaits de travailler uniquement le matin, alors que la durée de travail et la rémunération restaient identiques, constituaient un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise et non une modification du contrat de travail.
L'appelante ne justifie en définitive que d'un seul manquement à savoir le non respect du délai de prévenance d'un mois prévu au contrat de travail mais celui-ci ne peut être considéré comme suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur, puisque la salariée s'est rendue sur son nouveau lieu de travail et dès lors, il convient de confirmer le jugement qui l'a déboutée de sa demande à ce titre et des demandes financières subséquentes.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Cette obligation posée par l'article L.1222-1 du code du travail vise à permettre l'exécution du contrat dans les meilleures conditions possibles et impose aux parties, et non au seul employeur, d'adopter un comportement respectant les intérêts essentiels de l'autre partie et prohibe toute déloyauté vis-à-vis de celle-ci.
La salariée fonde sa demande indemnitaire sur le fait que l'employeur l'a délibérément mise dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail et s'estime victime de la légereté blâmable de la société qui l'a affectée sur une nouveau site sans respecter ses obligations contractuelles et à une date où le site était fermé.
En l'espèce, il a été démontré que l'absence du respect du délai d'un mois ne résulte pas d'une faute de la société mais de la négligence du client qui l'a prévenue tardivement, étant rappelé que ce non respect n'a pas empêché la salariée de se rendre sur le nouveau site.
S'il est exact que l'employeur n'a pas vérifié que le magasin de Plan de Campagne était ouvert le lundi soit le premier jour d'affectation, il n'est pas contesté que la salariée a été rémunérée pour ce jour et ne démontre pas dès lors de préjudice.
La cour relève que l'employeur a fait preuve de patience en répondant de façon claire et circonstanciée à chacun des courriers de Mme [T] et en tentant de trouver des solutions pour qu'elle continue à travailler, notamment en modifiant ses horaires.
De son côté, la salariée a tout de suite proposé une rupture conventionnelle, et s'est obstinée à réclamer un poste dans un magasin dont la société apporte la preuve qu'elle n'était pas le prestataire.
En conséquence, la salariée ne faisant pas la démonstration cumulative de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice, elle doit être déboutée de sa demande.
Sur le licenciement
La salariée soutient que la société n'a pas respecté son obligation de reclassement, précisant qu'il lui appartenait d'identifier l'ensemble des postes disponibles au sein de ses établissements et des entreprises du groupe auquel elle appartient et de se rapprocher de la médecine du travail pour déterminer l'éventuelle aptitude de sa salariée à ce poste.
Elle indique qu'il appartient à la société de justifier avoir consulté les représentants du personnel, de sa prétendue impossibilité de reclassement en interne ainsi qu'avoir satisfait à son obligation au titre de la recherche en externe, sans quoi la recherche de reclassement ne pourra être retenue comme loyale et exhaustive.
L'article L.1226-2 dans sa version postérieure au 1er janvier 2017, applicable au litige, prévoit : «Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.»
L'article L.1226-2-1 du même code édicte :
«Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.»
En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats par la société (n°32-33-34) que lors des dernières élections professionnelles intervenues avant le licenciement soit en 2017, il a été dressé un procès-verbal de carence lequel a été transmis aux autorités, de sorte que l'employeur justifie de son impossibilité de soumettre le dossier de Mme [T] aux représentants du personnel.
L'avis du médecin du travail était clair et ne nécessitait aucune précision supplémentaire et a permis à l'employeur d'identifier un poste, conforme à cet avis, s'agissant d'un poste sédentaire au standard téléphonique, lequel a été proposé à la salariée le 28 décembre 2018 mais celle-ci n'a manifestement pas répondu.
Il est démontré que préalablement (pièce n°36 de l'appelante), l'employeur avait sollicité Mme [T] sur son expérience professionnelle, qu'il produit son registre du personnel pour la période contemporaine au licenciement (pièce n°35 de l'intimée) dont il ressort que la totalité des embauches a été faite pour des agents de service - poste pour lequel la salariée a été déclarée inapte - et que le seul poste disponible et compatible avec l'état de santé de Mme [T] était celui proposé.
Il n'existe aucun indice produit par la salariée permettant de dire que la société faisait partie d'un groupe et avait d'autres établissements que ceux résultant du registre produit, de sorte que la recherche doit être considérée comme exhaustive, la société n'ayant pas notamment du fait de l'identification d'un poste compatible, l'obligation d'une recherche externe.
La société, sans réponse de Mme [T] a suivi la procédure telle que prévue par l'article sus-visé notamment en l'avisant le 15 janvier 2019 des motifs s'opposant à son reclassement et dès lors, la cour dit qu'elle a satisfait à son obligation de moyens.
En conséquence, le licenciement doit être déclaré fondé et l'appelante déboutée de ses demandes salariales et indemnitaires liées à la rupture, y compris celle relative à un reliquat d'indemnité de licenciement basée sur la computation du préavis dont la salariée ne pouvait bénéficier.
Sur les frais et dépens
La témérité de l'appel a contraint la société à exposer des frais non compris dans les dépens, dont il est juste qu'elle soit indemnisée en partie au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme, dans ses dispositions soumises à la cour, le jugement déféré,
Y ajoutant,
Dit le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement fondé,
Déboute Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,
Condamne Mme [H] [T] à payer à la société Espace de Propreté la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [T] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT