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23/06/2023 | FRANCE | N°19/16186

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 23 juin 2023, 19/16186


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 23 JUIN 2023



N°2023/ 116



RG 19/16186

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBJO







[B] [T]





C/



SARL ESPACE DE PROPRETE





















Copie exécutoire délivrée le 23 Juin 2023 à :



-Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Isabelle CORIATT, avocat au barreau de TOULON



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 17 Février 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 13/4205.





APPELANTE



Madame [B] [T], demeurant [Adresse 1]



repré...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2023

N°2023/ 116

RG 19/16186

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBJO

[B] [T]

C/

SARL ESPACE DE PROPRETE

Copie exécutoire délivrée le 23 Juin 2023 à :

-Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Isabelle CORIATT, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 17 Février 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 13/4205.

APPELANTE

Madame [B] [T], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL ESPACE DE PROPRETE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Isabelle CORIATT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 23 Juin 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

La société Espace de Propreté ayant son siège social à [Localité 5] (Var) a une activité de nettoyage industriel de magasins, commerces, grandes surfaces ou bureaux et applique la convention collective nationale de la propreté.

Selon avenant du 2 avril 2012, en application de l'annexe 7 de la convention collective, cette société a repris le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de Mme [B] [X] épouse [T], agent de service AS2-A bénéficiant d'une ancienneté remontant au 13 mars 2006.

Elle était affectée sur le site «Castorama [Localité 2]» où elle était déjà présente, du lundi au samedi de 7h30 à 9h30, soit 51,96 heures par mois.

Par lettre recommandée du 25 mars 2013, l'employeur a informé Mme [T] de la fermeture du site «Castorama [Localité 2]» et de sa mutation à compter du 8 avril 2013 sur le site de «Castorama Plan de Campagne» pour le même volume d'heures.

Par lettre recommandée du 10 avril 2013, la salariée a indiqué à son employeur s'être présentée sur le nouveau site et avoir constaté qu'il était fermé tous les lundis ; elle l'informait de difficultés à rejoindre ce nouveau site, le bus arrivant à 6h55 et demandait l'attribution d'un véhicule de service.

En réponse, la société lui indiquait le 19 avril qu'elle serait rémunérée pour le 8 avril, expliquait qu'il s'agissait seulement de changement de ses conditions de travail et lui communiquait ses nouveaux horaires, déplaçant les heures du lundi sur le mardi jusqu'à 12h.

Par lettre recommandée du 24 avril 2013, la salariée refusait ceux-ci invoquant avoir un autre employeur notamment le mardi de 9h30 à 12h et proposait une rupture conventionnelle.

Par lettre recommandée du 3 mai 2013, la société lui indiquait de nouveaux horaires tenant compte de cet autre emploi, que Mme [T] refusait.

La salariée a été en arrêt maladie du 9 avril au 20 octobre 2013.

Selon requête du 8 octobre 2013, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et en paiement de diverses sommes.

Par lettre recommandée du 23 octobre 2013, la société demandait à Mme [T] de justifier de son absence et réitérait sa demande par lettre recommandée du 13 novembre, y joignant une convocation devant la médecine du travail pour le 18 novembre 2013.

Après une nouvelle demande de justificatifs le 25 novembre, la société a convoqué Mme [T] à un entretien préalable au licenciement pour le 18 décembre et l'a licenciée pour faute grave le 20 décembre 2013.

Selon jugement du 17 février 2016, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

Déboute Mme [T] de sa demande de résiliation judiciaire .

Dit que le licenciement sera requalifié en licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse.

Condamne la société à payer à Mme [T] les sommes suivantes :

- 1 258,60 euros brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 125,86 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 396,60 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Déboute Mme [T] du surplus de ses demandes, y compris celle formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société aux dépens.

Précise que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la présente décision pour toutes les sommes allouées.

Ordonne la capitalisation des dits intérêts.

Dit que le présent jugement bénéficiera de l'exécution provisoire de droit.

Le conseil de la salariée a interjeté appel par déclaration du 2 mars 2016.

L'affaire a été radiée par arrêt du 8 décembre 2017 et remise au rôle selon conclusions du 3 octobre 2019.

Les parties ont été convoquées pour l'audience du 21 mars 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions développées oralement, Mme [T] demande à la cour de :

«Infirmer, Réformer et ou Annuler le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 17 février 2016

Juger qu'une demande de résiliation judiciaire est fondée lorsque les manquements de l'employeur sont suffisamment graves ;

Juger qu'en l'espèce, les manquements contractuels constatés sont liés au changement de lieu de travail imposé unilatéralement à la salariée de manière abusive à la suite de la fermeture du site sur lequel intervenait Madame [T] ;

Juger qu'il s'agit d'une modification substantielle du contrat de travail, unilatérale, justifiant ainsi la demande de résiliation judiciaire ;

Juger qu'à tout le moins, il s'agit d'une mise en 'uvre déloyale et abusive de la clause de mobilité ;

Juger que la clause de mobilité doit définir de manière précise sa zone géographique d'application et ne peut permettre à l'employeur d'en étendre unilatéralement la portée ;

Juger que le siège social de la société ESPACE DE PROPRETE est situé à [Localité 5] dans le 83 et que les secteurs d'intervention des salariés sont dans le 13 et que la clause de mobilité insérée au contrat stipule ces deux départements ;

Juger qu'il est donc établi que la clause de mobilité couvre tous les secteurs géographiques de l'employeur et doit être dès lors considérée comme nulle ;

Juger qu'ainsi, la modification imposée à Madame [T] constitue une modification substantielle de son contrat de travail, sauf à ce que les conditions d'application de la clause relative au secteur d'affectation soient remplies ;

Juger que l'article 8 du contrat de travail stipule que Madame [T] peut être affectée sur le secteur géographique de [Localité 4] EST, OUEST et CENTRE ;

Juger que la zone géographique d'intervention fixée dans le contrat de travail ne stipule aucune mutation en dehors de [Localité 4] ;

Juger que l'employeur n'a manifestement et incontestablement pas respecté la clause d'affectation géographique ;

Juger que la mutation sur un site se situant hors de [Localité 4] constitue une modification d'un élément essentiel du contrat de travail et ne pouvait, par conséquent, être imposé à la salariée sans son accord préalable ;

Juger que la rupture d'un contrat de travail suite au comportement de l'employeur qui modifie unilatéralement un contrat de travail sans avoir au préalable sollicité et obtenu l'accord du salarié, constitue une rupture imputable à l'employeur ;

Juger que la demande de résiliation judiciaire est donc parfaitement fondée au regard du manquement de la SARL ESPACE DE PROPRETE ;

Infirmer et Réformer le jugement déféré sauf au titre de l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement ;

Subsidiairement,

Juger que l'article 9 stipule en son dernier alinéa que Madame [T] doit être informée un mois à l'avance d'une mutation au titre de cette clause ;

Juger que, par LRAR datée du 25 mars et postée le 26 mars 2013, Madame [T] est informée qu'elle sera affectée sur un nouveau chantier se situant à Plan de Campagne à compter du 8 avril 2013 ;

Juger que le délai d'un mois contractuellement prévu n'a pas été respecté ;

Juger qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement consécutif au refus de sa mutation par la salariée en cas de mutation sans respecter un délai de prévenance suffisant ;

Juger qu'il doit en être de même en cas de non-respect par l'employeur du délai de prévenance contractuellement prévu ;

Juger que l'employeur ne pouvait donc valablement se prévaloir de l'application de la clause de mobilité et imposer à Madame [T] une mutation ;

Juger que ce comportement constitue lui aussi un manquement grave car la salariée a été mise de ce fait dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail ;

Juger que la société ESPACE DE PROPRETE a tenté de justifi er le non-respect du délai de prévenance contractuel en indiquant qu'elle n'avait été prévenue de la fermeture du site à effet au 6 avril 2013 que par une correspondance de CASTORAMA en date du 22 mars 2013 ;

Juger que la société ESPACE DE PROPRETE a été informée de la volonté de CASTORAMA de résilier le contrat d'entretien de ses locaux de [Localité 2] à partir du mois d'avril 2013 dès le 27 septembre 2012;

Juger que la société ESPACE DE PROPRETE a ainsi fait preuve d'une légèreté particulièrement blâmable et fautive à l'égard de Madame [T] en procédant à sa nouvelle affectation moins de quinze jours avant ;

Juger que la société ESPACE DE PROPRETE a violé les dispositions contractuelles en ne respectant pas le délai de prévenance ;

Juger que la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur est parfaitement justifiée ;

Juger que la société ESPACE DE PROPRETE ne pourra valablement alléguer une perte de chantier pour justifier sa position ;

Juger que, dans ce cas, Madame [T] aurait dû être informée de la perte du marché et de l'éventualité de l'application de l'annexe 7 à son profit ;

Juger que l'employeur demeure le prestataire du magasin sis à [Localité 2] où Madame [T] était affectée ;

Juger que l'allégation de l'employeur relative à un changement de prestataire n'est corroborée par aucun élément objectif ;

Juger que la justification de la mutation de Madame [T] résulte d'une volonté unilatérale de l'employeur qui a modifié unilatéralement l'essence du contrat de travail souscrit avec la salariée ;

Juger que le changement des conditions de travail est justifié lorsqu'il est réalisé de bonne foi par application des dispositions des articles L.1222-1 du Code du travail et 1104 du Code civil ;

Juger que la mise en 'uvre des changements des conditions de travail ne doit pas se réaliser dans des conditions exclusives de bonne foi ; à défaut le licenciement est injustifié ;

Juger que la clause de mobilité doit également être appliquée de bonne foi ;

Juger que le juge doit contrôler que son application ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du salarié à une vie personnelle et familiale ;

Juger que l'employeur de Madame [T] a utilisé ce motif pour imposer à celle-ci un changement de lieu d'affectation situé en dehors de sa zone géographique d'intervention, en alléguant le contraire, et a mis Madame [T] dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail auprès d'un autre employeur alors qu'elle n'ignorait pas que cette dernière intervenait sur un autre chantier situé à proximité de son lieu d'intervention habituel immédiatement après sa prestation au service de la société ESPACE PROPRETE ;

Juger qu'en procédant à la mutation de Madame [T], la SARL ESPACE DE PROPRETE a modifié de manière conséquente ses horaires de travail ;

Juger qu'il s'agit incontestablement d'un bouleversement des horaires de travail de Madame [T], ce d'autant plus, ainsi qu'elle l'indiquera à la société, qu'elle bénéficiait d'un emploi auprès d'un autre employeur lui permettant de compléter son salaire ;

Juger que l'employeur n'a jamais modifié les horaires de telle manière à ce que Madame [T] puisse réaliser sa prestation de travail sur le nouveau site, puis se rendre à [Localité 2] pour satisfaire à son obligation contractuelle résultant de son second emploi ;

Juger qu'en cas de bouleversement important des horaires de travail du salarié, la mise en 'uvre de la clause de mobilité suppose, nonobstant toute clause contractuelle contraire, que le salarié accepte cette mise en 'uvre ;

Juger qu'ainsi, Madame [T] était en droit de refuser sa nouvelle affectation et sa demande de résiliation judiciaire est parfaitement justifiée ;

Juger que la société ESPACE DE PROPRETE n'a pas respecté le délai contractuel et n'a pas respecté de manière générale un délai de prévenance suffisant ;

Juger que la société ESPACE PROPRETE a, en tout état de cause, mis en 'uvre la clause de mobilité de mauvaise foi et de manière abusive ;

Juger que Madame [T] apparaît fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail;

Infirmer et réformer le jugement déféré sauf au titre de l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement;

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que le juge et les parties sont liés par la motivation de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ;

Juger que Madame [T] a informé son employeur de son impossibilité de se rendre à son poste de travail depuis le 10 avril 2013 ;

Juger que de nombreux échanges de courriers ont eu lieu entre les parties sans que l'employeur, au vu des impératifs professionnels de Madame [T], impératifs qu'il n'ignorait point, ne modifie sa position;

Juger que la société ESPACE DE PROPRETE ne peut valablement soutenir qu'il s'agit d'une absence injustifiée ;

Juger que l'employeur était parfaitement informé que Madame [T] ne pouvait se rendre sur son lieu de travail sans perdre son autre emploi ;

Juger que Madame [T] a été mise, par son employeur, dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail ;

Juger qu'il a été établi que l'employeur a mis en 'uvre la clause de mobilité de mauvaise foi en ne respectant pas le délai de prévenance contractuelle et en portant atteinte à la vie personnelle et professionnelle de Madame [T] ;

Juger le licenciement prononcé abusif ;

Juger qu'en tout état de cause, quel que soit le licenciement opéré, en vertu de l'article L.1235-1 du Code du travail, le doute doit bénéficier au salarié ;

Infirmer et Réformer le jugement déféré sauf au titre de l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement ;

Juger que le licenciement de Madame [T] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse;

En conséquence,

Condamner la société ESPACE DE PROPRETE au versement des sommes suivantes :

Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 2 000,00 €

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 16 983,00 €

Indemnité de préavis 1 258,00 €

Congés payés sur préavis 125,80 €

Indemnité de licenciement 3 396,00 €

Ordonner la délivrance des documents de rupture rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de la décision, avec faculté pour la Cour de liquider l'astreinte, s'il y a lieu ;

Fixer les intérêts courant à compter de la demande en justice, prononcer la capitalisation de ceux-ci ;

Condamner la société ESPACE DE PROPRETE au paiement de la somme de 2 500,00 € au titre de l'Article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.»

Dans ses dernières écritures reprises lors des débats, la société demande à la cour de :

«CONFIRMER le Jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 17 février 2016 dans toutes ses dispositions

DEBOUTER en conséquence Madame [B] [T] de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur

LA DEBOUTER de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

JUGER que l'employeur exécuté le Jugement du Conseil de Prud'hommes

JUGER que le licenciement a reposé sur une cause réelle et sérieuse

LA DEBOUTER de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

LA DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes

La CONDAMNER aux dépens.

A titre reconventionnel

LA CONDAMNER au paiement de 1500 euros au titre de l'article 700 du DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE .»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour observe que l'appelante demande de façon cumulée et alternative l'infirmation, la réformation et l'annulation du jugement déféré mais ne développe aucun moyen de droit concernant ce dernier point.

Il convient également de rappeller à l'adresse de l'appelante qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la présente juridiction ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions au fond en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci au titre de son dispositif, puisqu'il ne s'agit en réalité que de l'exposé de faits, de considérations générales et du rappel des moyens invoqués dans la partie discussion des conclusions, et en outre de façon redondante sur cinq pages.

Sur les manquements invoqués

A l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, Mme [T] soutient que le changement de lieu de travail lui a été imposé unilatéralement et de manière abusive, suite à la fermeture du site sur lequel elle intervenait, et considère qu'il s'agit d'une modification substantielle au contrat de travail ou à tout le moins d'une mise en oeuvre déloyale et abusive de la clause de mobilité.

1- sur la clause de mobilité

La salariée invoque la nullité de la clause prévue à l'article 9 du contrat comme couvrant tous les secteurs géographiques de l'employeur et estime que ce dernier n'a pas respecté la clause d'affectation géographique prévue à l'article 8.

La société fait valoir que la clause est licite puisque les secteurs géographiques sont circonscrits, faisant observer que son activité s'étend également au département 06 ; elle précise que la mutation se faisant hors [Localité 4], l'article 8 n'est pas en cause.

L'article 8 du contrat de travail prévoit un secteur géographique d'affectation sur les zones de [Localité 4] Est, Ouest et Centre mais cette disposition n'est pas en cause, la mutation étant intervenue hors de ces zones.

L'article 9 intitulé clause de mobilité est libellé ainsi : « La profession du nettoyage s'exerçant pas nature sur différents chantiers extérieurs, le salarié ne peut prétendre à un maintien à son affectation initiale. La mobilité est dans ce contexte indispensable.

C'est pourquoi, en dehors du secteur géographique d'affectation de Madame [T] [B] visé à l'article 8 du présent contrat, dans le respect de la loyauté qui sous-tend la relation contractuelle et dans l'intérêt légitime de celle-ci, la société ESPACE DE PROPRETE pourrait être amenée à demander à Madame [T] [B] d'exercer son activité au sein de l'un quelconque des chantiers de la société dans la limite du département du 13 et du 83.

La société informera Madame [T] [B] un mois à l'avance.»

Cette clause limite les secteurs géographiques au département des Bouches du Rhône et à celui du Var où la société a son siège social et l'employeur démontre par sa pièce n°30 que son activité s'exerce également dans les Alpes Maritimes, de sorte que c'est en vain que l'appelante soutient l'illicéité de la clause.

2- sur la mise en oeuvre de la clause de mobilité

La salariée invoque le non-respect du délai prévu à l'article 9 et une légèreté blamâble de l'employeur qui savait depuis 2012 que le contrat serait résilié avec le client.

Elle fait valoir qu'elle aurait dû être informée de la perte de marché qui n'est en réalité qu'une fermeture temporaire.

Elle considère que le changement opéré n'était pas adapté à ses autres obligations contractuelles connues de l'employeur et que celui-ci n'a pas appliqué la clause de bonne foi, en lui imposant un bouleversement important de ses horaires de travail et en refusant de modifier ses horaires pour lui permettre de réaliser sa prestation de travail sur le nouveau site puis se rendre à [Localité 2] pour son second emploi.

L'employeur indique qu'il n'a connu la date exacte de cessation du chantier de [Localité 2] que le 22 mars pour le 6 avril ; il rappelle qu'il ne s'agissait pas d'une fermeture temporaire du magasin et se réfère à sa lettre du 1er août 2013 dans laquelle il expliquait à la salariée qu'elle ne pouvait obtenir sa mutation au magasin Castorama-St Loup qui n'est pas son client.

S'agissant du cumul d'emploi, il indique n'avoir eu connaissance de son 2ème emploi que par la lettre du 2 avril 2013 alors que l'article 10 imposait à Mme [T] de l'en informer et qu'elle est donc fautive ; il fait valoir que cette dernière n'a jamais indiqué ne pouvoir se rendre sur le nouveau site et qu'il a utilisé les horaires de substitution visés au contrat de travail.

La société a été informée de la future résiliation du contrat avec le magasin Castorama [Localité 2] dès le mois d'octobre 2012 pour avril 2013 (pièce n°6), mais la date exacte ne lui a été communiquée que par mail du 22 mars 2013 (pièce n°7), de sorte que le non respect du délai de prévenance ne lui est pas imputable et ne peut caractériser la mauvaise foi.

En effet, la mutation a été portée à la connaissance de la salariée par lettre du 25 mars pour un début d'exécution le 8 avril 2013, et il résulte de sa propre lettre qu'elle s'est présentée à cette date à son nouveau poste.

La salariée n'établit d'aucune façon que la fermeture du magasin était temporaire et contrairement à ce qu'a dit le conseil de prud'hommes, ne s'agissant pas d'une perte de marché avec possibilité de transfert dans les conditions prévues par l'annexe 7 de la convention collective, la société demeurait son employeur et se devait de lui fournir du travail.

Dans son courrier du 27 juillet 2013 et ceux subséquents, la salariée indique sa volonté d'être «réintégrée» en indiquant que le Castorama St Loup est la continuité de celui où elle était affectée. Sur ce point, l'employeur a répondu clairement dans sa lettre du 1er août 2013 qu'il ne s'agissait pas des mêmes locaux que le Castorama [Localité 2] et qu'il n'était pas le prestataire retenu pour ce magasin ; pour démontrer sa bonne foi, il justifie avoir écrit (pièce n°31) dès le mois d'avril 2013 à l'entreprise en place au Castorama St Loup pour lui recommander ses salariés s'il y avait eu un poste disponible et c'est dans ce prolongement qu'il a invité la salariée dans sa lettre du 9 octobre 2013, à contacter directement l'entreprise ISS Word.

Contrairement à ce qu'a affirmé le conseil de prud'hommes, la salariée ne justifie pas avoir informé avant le 24 avril 2013 la société intimée, du fait qu'elle occupait un second emploi auprès de Multiservices avec des horaires de 9h30 à 12h le mardi.

Il n'est produit en cause d'appel aucun élément sur ce contrat de travail et au contraire des bulletins de salaire et un contrat la liant à la société Onet, alors même que ce contrat de travail résultant d'un transfert (pièce n°22) a été conclu en janvier 2013, postérieurement à l'avenant du 2 avril 2012 et que la salariée se devait d'en informer la société intimée comme prévu à l'article 10, pour ne pas dépasser la durée légale du travail.

Par ailleurs, ce document indique que Mme [T] devait assurer 2 heures du lundi au vendredi à la cour d'appel administrative sans indication d'adresse et la cour constate que le seul planning produit du mois de janvier 2013, prévoit des horaires de 16h30 à 18h30, soit en-dehors des horaires de son contrat de travail avec la société initimée.

Outre le fait que la salariée ne démontre pas en quel lieu elle devait exercer son activité pour d'autres employeurs pour permettre à la juridiction d'apprécier la durée du trajet, elle ne justifie pas d'une incompatibilité de ses horaires ou d'un chevauchement comme prétendu dans sa lettre, et n'a pas même sollicité ses autres employeurs sur un changement d'horaire.

En revanche, dès qu'elle a été avertie par Mme [T] le 24 avril 2013, la société intimée a modifié le 3 mai 2013 ses horaires à effet au 21 mai 2013 et ce, conformément aux horaires de substitution prévus au contrat de travail, de sorte que l'appelante ne peut utilement invoquer un bouleversement de ses horaires de travail, une modification substantielle de son contrat de travail et une atteinte disproportionnée à son droit de disposer d'une vie personnelle et familiale, ne donnant au demeurant aucune précision sur ce dernier point.

Dès lors, le changement de lieu de travail conforme à la clause de mobilité comme le changement d'horaire consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, alors que la durée de travail et la rémunération restaient identiques, constituaient un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise et non une modification du contrat de travail.

L'appelante ne justifie en définitive que d'un seul manquement à savoir le non respect du délai de prévenance d'un mois prévu au contrat de travail mais celui-ci ne peut être considéré comme suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur, puisque la salariée s'est rendue sur son nouveau lieu de travail et dès lors, il convient de confirmer le jugement qui l'a déboutée de sa demande à ce titre et des demandes financières subséquentes.

Sur le licenciement

L'appelante considère que dans le contexte précité, le motif était injustifié et qu'en tout état de cause le doute bénéficie au salarié.

A compter du 21 octobre 2013, Mme [T] ne bénéficiait plus d'un arrêt de travail pour maladie délivré par son médecin traitant .

Malgré plusieurs missives lui réclamant des justificatifs et la convoquant à une visite médicale de reprise qu'elle n'a pas honorée, elle n'a pas repris le travail et a été dès lors en absence injustifiée pendant plus d'un mois accompagnée d'un refus persistant et non légitime de se rendre sur son nouveau lieu de travail résultant de la mise en oeuvre de bonne foi de la clause de mobilité par l'employeur.

Dès lors, ce dernier était fondé à invoquer l'abandon de poste et à conduire une procédure de licenciement pour faute grave.

La société n'ayant pas fait appel incident, il n'y a pas lieu de remettre en cause la décision déférée en ce qu'elle a, pour des motifs erronés, requalifié la faute grave en cause réelle et sérieuse, permettant ainsi à Mme [T] de bénéficier des indemnités de rupture.

Il y a lieu de constater que celles-ci ont été réglées au titre de l'exécution du jugement, de sorte que la salariée qui demande dans son dispositif et ses motifs la confirmation du jugement sur ce point, n'est pas fondée ensuite à demander dans le même dispositif, la condamnation de la société aux mêmes sommes.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Cette obligation posée par l'article L.1222-1 du code du travail vise à permettre l'exécution du contrat dans les meilleures conditions possibles et impose aux parties, et non au seul employeur, d'adopter un comportement respectant les intérêts essentiels de l'autre partie et prohibe toute déloyauté vis-à-vis de celle-ci.

La salariée fonde sa demande indemnitaire sur le fait que l'employeur l'a délibérément mise dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail et s'estime victime de la légereté blâmable de la société qui l'a affectée sur une nouveau site sans respecter ses obligations contractuelles et à une date où le site était fermé.

En l'espèce, il a été démontré que l'absence du respect du délai d'un mois ne résulte pas d'une faute de la société mais de la négligence du client qui l'a prévenue tardivement, étant rappelé que ce non respect n'a pas empêché la salariée de se rendre sur le nouveau site.

S'il est exact que l'employeur n'a pas vérifié que le magasin de Plan de Campagne était ouvert le lundi soit le premier jour d'affectation, il n'est pas contesté que la salariée a été rémunérée pour ce jour et ne démontre pas dès lors de préjudice.

La cour relève que l'employeur a fait preuve de patience en répondant de façon claire et circonstanciée à chacun des courriers de Mme [T] et en tentant de trouver des solutions pour qu'elle continue à travailler, notamment en modifiant ses horaires.

De son côté, la salariée a tout de suite proposé une rupture conventionnelle, n'a pas déclaré ses autres employeurs et s'est obstinée à réclamer un poste dans un magasin dont la société apporte la preuve qu'elle n'était pas le prestataire.

En conséquence, la salariée ne faisant pas la démonstration cumulative de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice, elle doit être déboutée de sa demande.

Sur les frais et dépens

La témérité de l'appel a contraint la société à exposer des frais non compris dans les dépens, dont il est juste qu'elle soit indemnisée en partie au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme, dans ses dispositions soumises à la cour, le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déboute Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Mme [B] [T] à payer à la société Espace de Propreté la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [T] aux dépens d'appel, sous réserve des règles propres à l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/16186
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;19.16186 ?
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