La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2023 | FRANCE | N°19/16058

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 23 juin 2023, 19/16058


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊTAU FOND



DU 23 JUIN 2023



N°2023/ 115



RG 19/16058

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFA7B







[J] [X]





C/



SAS SOM CALCUL [Localité 2]





















Copie exécutoire délivrée le 23 Juin 2023 à :



-Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE


r>









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 26 Février 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/768.





APPELANT



Monsieur [J] [X], demeurant [Adresse 1]



rep...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊTAU FOND

DU 23 JUIN 2023

N°2023/ 115

RG 19/16058

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFA7B

[J] [X]

C/

SAS SOM CALCUL [Localité 2]

Copie exécutoire délivrée le 23 Juin 2023 à :

-Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 26 Février 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/768.

APPELANT

Monsieur [J] [X], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS SOM CALCUL [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppéant chargées d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 29 avril 2013, M. [J] [X] a été engagé en qualité d'adjoint responsable de division, classification cadres coefficient 150 position 2.3 par la société SOM (Services Organisation Méthodes), appliquant la convention collective nationale SYNTEC.

Il bénéficiait d'un forfait de 218 jours avec un salaire mensuel brut de 4 400 euros, une prime de vacances et une gratification de fin d'année ainsi que d'un véhicule de fonction mis à sa disposition.

Son salaire a été porté à 4 687 euros bruts à compter du 1er mars 2014.

Après un entretien préalable, l'employeur a notifié le 17 juillet 2014 un rappel à l'ordre à M. [X] concernant l'utilisation de la carte carburant et l'organisation de son travail.

Le 12 janvier 2015, la société adressait à M. [X] une lettre lui expliquant les motifs de convocation à un entretien préalable au licenciement prévu le 23 janvier 2015.

Par lettre recommandée du 29 janvier 2015, M. [X] était licencié pour faute grave.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille par requête du 19 mars 2015.

Selon jugement du 26 février 2016, le conseil de prud'hommes a dit que les griefs reprochés sont établis constituant une faute grave et en conséquence, a débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes, le condamnant aux dépens.

Le conseil du salarié a interjeté appel par déclaration du 2 mars 2016.

L'affaire a été radiée par arrêt du 8 décembre 2017 et remise au rôle sur conclusions du 24 septembre 2019.

Les parties ont été convoquées pour l'audience du 4 avril 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions développées lors des débats, M. [X] demande à la cour de :

«Juger que Monsieur [X] percevait annuellement une partie variable de rémunération calculée sur le chiffre d'affaire réalisé par l'agence l'année antérieure ;

Juger que cette rémunération variable est expressément prévue dans la lettre d'embauche établie par la société SOM ;

Juger qu'elle est également visée dans la fiche de poste établie par la société SOM, fiche de poste signée par les parties ;

Juger qu'à ce titre, en février 2014, Monsieur [X] a perçu la partie variable correspondant au pourcentage de l'intéressement lui revenant au titre de l'année 2013 ;

Juger que Monsieur [X] n'a pas perçu la part de rémunération variable lui revenant au regard du chiffre d'affaires obtenu par l'agence où il exerçait ses fonctions au titre de l'année 2014 alors même qu'il a été licencié en janvier 2015 ;

Juger que Monsieur [X] est fondé à solliciter la somme lui revenant à ce titre, soit la somme de 8 571,42 € ;

Juger que le Conseil de Prud'hommes de Marseille n'a même pas examiné cette demande;

Juger que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ;

Juger que Monsieur [X] a été recruté alors que les conditions de viabilité de l'agence, au sein de laquelle il était affecté, étaient fortement comprises et que l'objet de son embauche consistait justement et principalement à redynamiser et conclure positivement les négociations en cours ;

Juger que, de manière contradictoire et surprenante, c'est la réalisation même de ses objectifs qui a déclenché le licenciement pour faute grave de Monsieur [X] ;

Juger que l'employeur avait préalablement engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de Monsieur [X] pour non-respect de la procédure applicable sur les bons d'essence et du défaut d'information de sa hiérarchie de sa charge de travail et d'éventuelle modification ;

Juger qu'au regard des explications fournies par Monsieur [X], il n'a reçu aucune sanction ;

Juger que le supérieur hiérarchique reconnaîtra en effet que les consignes applicables et règles internes à la société ne lui avaient pas été exposées ;

Juger que, toutefois, l'employeur, qui ne pouvait pas ignorer ce fait, n'a pas hésité à convoquer Monsieur [J] [X] à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement;

Juger que la société SOM n'a même pas pris le soin d'alerter Monsieur [X] sur les conditions d'utilisation de la carte d'essence avant d'envisager une sanction disciplinaire ;

Juger que Monsieur [J] [X] exerçait ses fonctions depuis 14 mois et le chef d'agence ne pouvait ignorer l'utilisation de la carte d'essence par Monsieur [X] dès lors que, en l'état de l'organisation de l'entreprise, le siège contrôlait ces utilisations et signalait au chef d'agence toute anomalie ;

Juger, bien plus, à ce contrôle, s'ajoutait l'envoi mensuel au chef d'agence du décompte de la carte pour chaque salarié concerné ;

Juger que Monsieur [X] s'est immédiatement adapté aux ordres de son supérieur pour mailer toute question relative à l'organisation, l'utilisation des véhicules, les offres formées, afin d'interroger son supérieur ou toute autre personne ayant qualité pour lui répondre ;

Juger que l'employeur n'a eu de cesse de reprocher à Monsieur [X] différents comportements qui, pourtant, ne résultaient pas de son fait, tant pour ne pas avoir été préalablement informé qu'au regard des propres dysfonctionnements de l'agence et des procédures applicables ;

Juger que le Conseil de Prud'hommes n'a également pas examiné la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat ;

Juger qu'en outre, la société SOM a manqué à ses obligations contractuelles en ne versant pas à Monsieur [X] le montant de la prime d'intéressement ;

Juger qu'il s'agit incontestablement d'un manquement contractuel qui a causé un préjudice à Monsieur [X] qui s'est retrouvé privé d'une partie importante de sa rémunération ;

Juger que les arguments exposés par la société SOM ne pourront être retenus dès lors que ceux-ci font état d'un prétendu comportement de Monsieur [X] postérieur à la notification de son licenciement et qui n'ont donc pas à être pris en compte dans le cadre de l'exécution du contrat de travail;

Juger que le juge et les parties sont liés par la motivation de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ;

Juger que l'employeur doit disposer des éléments justifiant la faute grave reprochée avant la notification de celui-ci ;

Juger que Monsieur [J] [X] a été recruté alors que la société SOM CALCUL [Localité 2] était en déficit et devait dynamiser son image afin de pouvoir générer des profits ;

Juger que Monsieur [J] [X] a d'ailleurs été embauché en qualité de responsable de secteur dans le cadre de la réalisation d'un projet en particulier intitulé « Projet RJH » ;

Juger que, du fait de son investissement, il a largement contribué au développement et au succès de ce projet qu'il a mené à terme avec succès ;

Juger que la finalisation du contrat, intervenue fin décembre 2014, marque le début des reproches formulés par la société à l'encontre de Monsieur [J] [X] ;

Juger que le contrat de travail de Monsieur [X] ne stipule aucune clause d'objectif quant au succès des contrats à conclure, et, dans l'hypothèse où tel serait le cas, les opérations gérées par Monsieur [X] ont été couronnées de succès ;

Juger que des agissements longuement tolérés dans l'entreprise ne sauraient justifier un licenciement pour faute grave ;

Juger qu'en l'espèce, il est reproché au salarié d'avoir transmis au client une offre, sans validation du directeur d'agence, alors qu'il ne disposait pas de la délégation de signature pour une offre de ce montant;

Juger que ce grief ne saura être retenu dès lors que la somme énoncée dans la lettre de licenciement ne correspond pas à la réalité des faits ;

Juger qu'en effet, il s'agissait de deux offres de 35 000 € et en aucun cas du montant énoncé par l'employeur ;

Juger que, de ce seul chef, le premier motif du licenciement ne pourra être retenu ;

Juger que, par de nombreuses fois, Monsieur [X] a signé des commandes d'un montant de 200.000 € ce alors que sa délégation de signature ne lui permettait pas ;

Juger que l'employeur n'a jamais sanctionné Monsieur [X] de ce fait et il ne lui en a jamais été fait reproche ;

Juger que, dans l'hypothèse extraordinaire et fort peu probable où l'employeur entendrait contester ce fait, injonction lui est faite d'avoir à communiquer les offres formées par le concluant aux clients sur toute la période travaillée et preuve de la validation préalable ;

Juger que la lecture du mail du 5 janvier 2015 adressé à Monsieur [X] par son Directeur d'agence et supérieur hiérarchique confi rme que ce dernier avait donné son accord ;

Juger qu'ainsi, contrairement à ce qui est énoncé dans la lettre de licenciement, Monsieur [X] avait reçu l'accord de son supérieur hiérarchique pour établir l'offre qu'il a transmise ;

Juger qu'il résulte des éléments versés au débat que le supérieur hiérarchique de Monsieur [X] a suivi l'ensemble des négociations ayant abouti à l'offre émise dès lors qu'il était destinataire des mails échangés entre le concluant et le client ;

Juger qu'au titre des fiches d'enclenchement, là encore, elles ont été établies par Monsieur [J] [X] à la demande expresse de Monsieur [P] [L] ainsi que le démontre le mail adressé par Madame [Z] en date du 5 janvier 2015 aux collaborateurs;

Juger qu'il est donc incontestablement établi que le supérieur hiérarchique de Monsieur [J] [X] a été parfaitement informé et a demandé à ce dernier d'accepter les conditions du client afin que puisse débuter l'intervention des équipes constituées;

Juger que Monsieur [X] a donc obéi aux ordres de son supérieur hiérarchique en enclenchant l'intervention des collaborateurs ;

Juger que la société SOM n'hésite pas à prétendre que Monsieur [X] aurait apposé la signature électronique de son supérieur hiérarchique sur des suivis mensuels de chantier sans que ce dernier en soit informé ;

Juger que ce grief n'est pas visé dans la lettre de licenciement et que la société se contente de procéder par simples affirmations sans les justifier ;

Juger que Monsieur [X] n'a jamais autorisé un salarié à utiliser la voiture de fonction pour partir en congés ;

Juger que, le 17 novembre, Monsieur [J] [X] sollicite qu'un véhicule soit attribué à Monsieur [T], afi n de permettre à celui-ci d'exécuter une mission, demande qui est accordée ;

Juger que, par mail du 21 novembre, il demande des précisions sur l'utilisation personnelle du véhicule et le Directeur d'agence lui répond que l'essence n'est pas prise en charge par la société pour ses déplacements personnels ;

Juger que les mails suivants sont relatifs aux défauts constatés sur le véhicule lors de son utilisation et les légitimes questions posées à ce sujet au supérieur de Monsieur [J] [X] ;

Juger qu'il n'est, à aucun moment, fait état d'un prêt de véhicule pour le départ en congés du salarié ;

Juger qu'il ne s'agissait que de demandes de clarifications concernant des déplacements personnels entre le lieu de travail et l'hôtel au cours d'une semaine de travail du salarié ;

Juger que l'imprécision des règles applicables au sein de la société SOM au sujet des prêts de véhicule et de l'utilisation des véhicules par les intervenants, au point qu'il a été indispensable pour ses dirigeants de rédiger les conditions d'utilisation pour l'année 2015 ;

Juger que la société SOM est totalement défaillante dans la justifi cation de ce grief formulé ;

Juger qu'elle ne démontre à aucun moment que Monsieur [X] a autorisé un salarié à partir en congés payés avec un véhicule de la société ni même que ce salarié a bien bénéfi cié de ce véhicule pendant sa période de congés ;

Juger qu'au titre de la mauvaise organisation de travail, l'employeur énonce un grief sans pour autant justifier son affirmation par des faits objectifs et vérifiables ;

Juger qu'en conséquence, ce reproche ne saurait valablement être retenu dès lors qu'il ne comporte aucun élément vérifiable et daté que le salarié peut utilement contester ;

Juger qu'enfin, ce grief est en totale opposition avec les résultats obtenus par Monsieur [J] [X], qui, depuis son recrutement, a, de par son énergie et son implication, développé la clientèle de l'agence et participé activement au succès du projet dont il avait la charge ;

Juger que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont infondés et injustifiés dans leur ensemble;

Juger que le licenciement prononcé est abusif ;

Juger qu'en tout état de cause, quel que soit le licenciement opéré, le doute doit bénéficier au salarié ;

Réformer et infirmer le jugement déféré ;

Accueillir Monsieur [J] [X] comme bien fondé en la forme et au fond en son appel ;

En conséquence,

Condamner la SA SOM au versement des sommes et indemnités suivantes :

Rappel de salaire 8 571,42 €

Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 15 000,00 €

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 89 408,00 €

Indemnité de préavis 15 639,00 €

Congés payés sur préavis 1 563,00 €

Indemnité de licenciement 1 042,26 €

Ordonner la délivrance des documents de rupture rectifi és sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de la décision, avec faculté pour la Cour de liquider l'astreinte, s'il y a lieu ;

Fixer les intérêts courant à compter de la demande en justice, prononcer la capitalisation de ceux-ci ;

Condamner la SA SOM au paiement de la somme de 2 500,00 € au titre de l'Article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.»

Dans ses dernières écritures reprises oralement, la société demande à la cour de :

«CONFIRMER le jugement rendu le 26 février 2016 par le Conseil de prud'hommes de Marseille

DEBOUTER Monsieur [J] [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions CONDAMNER Monsieur [J] [X] reconventionnellement au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première instance et 2 000 euros pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées per le greffier à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle à l'adresse de l'appelant qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci en l'état d'un dispositif établi sur 5 pages, s'avérant être en réalité un exposé de faits, des considérations d'ordre général et le rappel des moyens invoqués.

Sur le rappel de salaire

Soulignant que le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur sa demande, l'appelant indique que la prime d'intéressement était prévue lors de son embauche et est visée dans sa fiche de poste. Il précise l'avoir perçue au titre de l'année 2013 mais ne rien avoir reçu pour l'année 2014.

La société fait valoir que la prime d'intéressement n'a été prévue que pour l'année 2013 et a été versée à titre exceptionnel comme indiqué dans le courrier envoyé au salarié, en raison des bons résultats de l'agence.

Le salarié produit les pièces suivantes :

- une lettre de confirmation de son embauche du 23/04/2013 (pièce n°1) prévoyant dans les conditions particulières : «Au titre de l'exercice 2013, une lettre de mission sera établie afin de figer vos modalités d'intéressement dont le montant pourra s'établir entre 3 000€ et 7 000 €. Cet intéressement sera basé sur les critères de gestion de projet, de marge brute, et de synergie.»

- une fiche de description de poste (pièce n°3) validée le 15/04/2013 par M. [P] [L], directeur de l'agence de [Localité 2], prévoyant dans la rubrique Autres éléments de la rémunération : « Intéressement calculé sur la base :

- de la bonne réalisation des tâches qui lui sont confiées,

- en fonction de la MB (Marge Brute) des affaires confiées,

- du développement et du suivi de l'activité AT Sud,

- de la satisfaction des clients,

- de la synergie véhiculée entre les différents pôles et secteurs de l'agence.»

- une lettre du 28 février 2014 de M. [Y], PDG du Groupe Ortec adressée au salarié, lui précisant : «En fonction de votre activité et des résultats que vous avez gérés en 2013, à la demande de votre Responsable Hiérarchique, vous percevrez une prime d'intéressement exceptionnelle de 5 000 €. Elle vous sera versée avec votre salaire du mois de février 2014.»

- son bulletin de salaire de février 2014 mentionnant : prime d'intéressement (P/A-1) : 5 000 €.

C'est à tort que la société prétend qu'une telle prime n'aurait été prévue que pour l'année 2013, la fiche de poste qui décrit les missions et tâches principales du salarié, et précise une telle rémunération complémentaire, étant établie pour l'avenir et donc la durée du contrat.

Le terme exceptionnel ne résulte que de la lettre du PDG mais cette mention ne figure pas sur le bulletin de salaire de février 2014 et vient en contradiction avec les termes clairs de la fiche de poste.

Même si la société ne produit aucun aucun accord d'entreprise, l'octroi de la prime dépendait non pas uniquement des résultats du salarié, mais davantage du rendement de l'entreprise. Faute d'éléments chiffrés fournis par la société, et sans indication de celle-ci sur le fait que le salarié n'aurait pas accompli ses tâches pour l'année 2014, M. [X] est en droit d'obtenir la même somme que celle allouée pour l'année précédente, étant précisé que pour réclamer la somme de 8 571,42 euros, l'appelant ne fournit ni explication ni calcul.

En conséquence, la société doit être condamnée à payer à l'appelant la somme de 5 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

  En l'espèce, la lettre de licenciement est libellée de la manière suivante :

« Par courrier du 12 janvier 2015, nous vous avions convoqué à un entretien préalable pendant vos heures de sorties autorisées, auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Nous vous rappelons les faits qui vous sont reprochés :

Nous constatons à nouveau que vous ne respectez pas les procédures de la société.

En effet, vous avez transmis, directement au client, une offre à plus de deux fois 36 000 euros, soit une offre globale de plus de 72 000 euros, non validée par le directeur d'agence, alors que seul celui-ci a autorité pour valider ce type d'offres.

Vous ne pouvez pas ignorer que vous n'aviez pas autorité pour signer ce type d'offres, puisque vous avez signé une délégation de pouvoirs de votre responsable, exclusivement pour les offres de prix classiques n'excédant pas 25 000 euros.

De plus, l'offre initiale, envoyée au client, sans information ni validation de votre hiérarchie, comportait un certain nombre d'erreurs inadmissibles.

Vous avez autorisé un salarié à partir en congés payés avec une voiture de service de la société, alors que celle-ci ne peut être dédiée qu'aux missions dans le cadre du travail.

Votre décision est contraire aux procédures en vigueur.

Aussi, vous n'aviez pas autorité pour prendre ce type de décision.

Nous sommes intervenus pour vous empêcher d'envoyer des salariés en prestation chez le client, sans avoir l'offre signée du client, sans commande et sans ordre de mission.

En effet, vous avez signé une fiche d'enclenchement sur un ancien modèle, sans en informer votre hiérarchie, sans commande du client, sans communication auprès des collaborateurs et sans être présent le jour dudit enclenchement.

Votre attitude est tout à fait inadmissible et irresponsable.

Vous ne respectez pas les procédures de la société alors que vous avez déjà fait l'objet d'un rappel à l'ordre à ce sujet.

Cette attitude caractérise une insubordination qui porte préjudice à la société.

Enfin, nous ne pouvons que constater, de manière récurrente, une mauvaise organisation de votre temps de travail.

Votre attitude irresponsable est intolérable au vu de vos fonctions.

Aussi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave privative de l'indemnité de licenciement et de préavis.»

Le salarié évoque le contexte d'une société en déficit lors de son embauche et souligne que du fait de son investissement, il a largement contribué au développement et au succès du projet RJH qu'il a mené à terme avec succès.

Il conteste les griefs formulés quant à la mise à disposition d'un véhicule à un salarié en congés et s'agissant de la mauvaise organisation de son travail.

Il fait valoir que le montant énoncé par l'employeur est erroné puisqu'il s'agissait de deux offres à 35 000 euros, invoque avoir déjà signé des commandes d'un montant de 200 000 euros alors que sa délégation de signature ne lui permettait pas.

Il soutient qu'il avait reçu l'accord de son supérieur hiérarchique pour établir l'offre, lequel avait suivi l'ensemble des négociations, et que dès lors, il a obéi à ses ordres en enclenchant l'intervention des collaborateurs.

A titre liminaire, la cour constate que l'appelant n'apporte aux débats aucun élément concernant la situation financière déficitaire de la société en 2013 et le fait qu'il ait accompli de façon satisfaisante ses missions auparavant n'est pas de nature à l'exonérer des fautes reprochées, lesquelles ne constituent pas de l'insuffisance professionnelle - contrairement à ce qu'il avançait dans sa lettre de contestation et dans sa missive envoyée au PDG du groupe.

Il résulte des pièces n° 13 & 14 de la société que M. [X] a reçu de la part de M. [M], chef d'agence le 4 novembre 2013, une délégation de signature pour achats et sous-traitances dans la limite de 1,5K€ et une subdélégation pour la signature d'offres de prix classiques pour 25 K€ maximum.

C'est en vain que le salarié invoque un montant erroné dans la lettre de licenciement puisqu'il résulte de la pièce n°25 produite par la société, qu'il a fait seul une offre portant sur un montant de prestations de deux fois 36 180 euros HT, soit un montant supérieur à celui autorisé par la subdélégation.

L'appelant qui prétend avoir signé des offres de plus de 200 000 euros ne produit aucune pièce en ce sens et ne peut dès lors invoquer un usage toléré.

En outre, l'échange de mails du 6 janvier 2015 révèle que M. [X] a signé en lieu et place de M. [M], approbateur, avec une mention «P.O.» par trois fois les 10/12/2014, 17/12/2014 et 06/01/2015 alors que d'une part, il ne démontre pas avoir reçu un ordre précis ou une habilitation spécifique pour ce faire et que d'autre part, la subdélégation ne l'y autorisait pas.

La cour ajoute qu'il résulte des pièces présentées par le salarié lui-même que si M. [M] a demandé de lui préparer l'offre le 15/12/2014 (pièce 60), il a signalé par mail dès le 17/12/2014, les erreurs et incohérences du contrat, prévoyant ensuite de le signer le 22/12/2014 (pièces 67-68-69) et réclamé à tout le moins une commande de la part de Sogeti, laquelle n'est jamais parvenue à la société, le salarié s'étant contenté d'un message électronique succinct (pièce n°74) .

En outre, il ressort clairement de l'échange de mails intervenu début janvier 2015 entre le salarié et le directeur d'agence, que ce dernier ayant constaté que M. [X] avait signé à sa place et s'en insurgeant («qui a signé à ma place '»), a le 7 janvier 2015 (pièce n°29 de la société) décidé de capituler pour ne pas perdre le marché et le contrat pour les collaborateurs engagés, par l'expression «mis au pied du mur», ce qui ne signifie pas qu'il avalisait les méthodes utilisées par le salarié.

Par ailleurs, l'échange de mails intervenu le 12 janvier 2015 (pièce n°16 et 78 de la société), alors que le salarié déclarait ne pouvoir se déplacer étant malade, démontre que l'opération n'était pas finalisée pour un démarrage le jour même puisqu'aucune réunion d'enclenchement n'avait été réalisée afin de donner des consignes aux collaborateurs chargés de la prestation.

Il s'avère en réalité que le maintien du marché n'a été possible que du fait de la proposition du 15 janvier 2015 de M. [U] (pièce n°79 du salarié) à M. [M] de mettre ses remarques dans le contrat pour ne pas perdre de temps et la pièce n°80 qui est le contrat de sous-traitance signée par les parties, révèle bon nombre de corrections effectuées, par une mention "AOR 20/01/2015".

En conséquence, la faute reprochée au salarié soit le non respect des procédures internes par la signature d'une offre dépassant l'autorisation donnée par délégation, sans validation conforme du chef d'agence par l'apposition d'une mention mensongère, projet au demeurant comportant des erreurs et incohérences visées dès le 19/12/2014 et un manque de préparation, malgré les objurgations du chef d'agence, est avérée.

Alors que le salarié s'était déjà vu reproché en 2014 un manquement concernant l'utilisation de la carte carburant pour des trajets personnels, interdiction qu'il ne pouvait ignorer puisque résultant des consignes spécifiques annexées au contrat de travail et paraphées et signées par lui, il résulte des mails échangés concernant un collaborateur que sans aval de sa hiérarchie et au mépris des procédures internes, il l'a autorisé à prendre un véhicule de service (et non de fonction) pour partir en congés payés.

L'ensemble des faits examinés imputables au salarié démontre une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis, justifiant le licenciement pour faute grave.

En conséquence, la décision doit être confirmée sur ce point et en ce qu'elle a rejeté les demandes salariales et indemnitaires de M. [X] liées à la rupture, ainsi que la demande accessoire de délivrance des documents de rupture.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Au visa de l'article L.122l-1 du code du travail, M. [X] soutient que «l'employeur n'a eu de cesse de lui reprocher différents comportements qui, pourtant ne résultaient pas de son fait, tant pour ne pas avoir été, préalablement informé qu'au regard des propres dysfonctionnements de l'agence et des procédures applicables».

Il rappelle qu'en ne lui versant pas la prime d'intéressement lui revenant, l'employeur a manqué à ses obligations contractuelles, lui causant un préjudice puisqu'il s'est retrouvé privé d'une partie importante de sa rémunération.

La société rappelle que le salarié a eu une attitude déloyale en faisant une utilisation frauduleuse de la carte d'essence, ce qui aurait pu justifier son licenciement immédiat.

Elle considère qu'en envoyant après son licenciement, un mail de délation dont les termes étaient inadmissibles puis en dénigrant M. [M] auprès de M. [Y], le salarié a fait ainsi la preuve de sa mauvaise foi.

La cour constate que la société après ces explications données dans la discussion (page 16) demande la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail mais n'a pas repris cette prétention dans le dispositif de ses écritures ni oralement, de sorte que la cour n'en est pas saisie.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Le salarié ne cite ni ne produit aucune pièce de nature à démontrer que d'autres reproches que ceux déclarés fondés au titre du licenciement lui auraient été faits, étant rappelé que l'employeur a fait preuve de mansuétude en 2014 en ne lui appliquant aucune sanction, alors que le salarié s'était bien rendu coupable d'un manquement.

La cour relève que c'est seulement dans le cadre judiciaire que M. [X] a sollicité le règlement d'une prime et compte tenu du fait qu'elle aurait dû lui être payée en février 2015 et que son montant est à peine supérieur à un mois de salaire, M. [X] n'établit pas de préjudice distinct et supérieur à la somme allouée augmentée des intérêts.

En conséquence, la demande du salarié doit être rejetée.

Sur les frais et dépens

L'appelant succombant au principal doit s'acquitter des dépens.

Les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire,

Statuant à nouveau du chef infirmé et Y ajoutant,

Condamne la société SOM à payer à M. [J] [X] la somme de 5 000 euros brut à titre de prime pour l'année 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2015,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition qu'ils soient dus au moins pour une année entière,

Déboute M. [X] du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [X] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/16058
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;19.16058 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award