COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 23 JUIN 2023
N° 2023/211
Rôle N° RG 19/12375 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEV5K
Commune COMMUNE DE [Localité 4]
C/
[F] [J]
Copie exécutoire délivrée
le : 23 juin 2023
à :
Me Emma DOCHLER GATE, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Arnaud GODEFROY, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 14 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00074.
APPELANTE
Commune COMMUNE DE [Localité 4] Code Naf : 8411Z, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Emma DOCHLER GATE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [F] [J], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Arnaud GODEFROY, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [F] [J] a été engagée par la Commune de [Localité 4] par contrat unique d'insertion à temps partiel de 20 heures à compter du 22 août 2016 jusqu'au 21 août 2017 moyennant un salaire de 838 € pour être affectée au service de l'école [3] sur la commune de Sausset les Pins.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 février 2017 la Mairie de [Localité 4] a informé Mme [J] que 'suite à l'altercation avec la police municipale où des propos injurieux ont été échangés avec cette dernière, vendredi 10 février 2017 à la sortie de l'école [3], votre contrat est suspendu définitivement pour faute grave au 28 février 2017.
Vous ne vous représenterez plus sur votre lieu de travail à compter du 15 février 2017 sachant que des congés payés ont été comptabilisés jusqu'au 28 février 2017..'
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 septembre 2017, Mme [J] a contesté cette rupture anticipée de son contrat de travail n'ayant pas tenu les propos injurieux reprochés.
Soutenant qu'elle avait été victime d'un harcèlement moral et contestant la légitimité de la rupture de son contrat de travail, Madame [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues le 29 janvier 2018, sollicitant la condamnation de la Commune de [Localité 4] à lui payer diverses sommes à titre salarial et indemnitaire lequel par jugement du 14 juin 2019 a :
- dit que l'employeur ne rapporte pas la preuve des fautes reprochées à Madame [J],
- dit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est illicite,
- débouté Madame [J] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- débouté Madame [J] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- condamné la commune de [Localité 4] à verser à Madame [J] les sommes suivantes:
- 4.821,63 € à titre de rappel de salaire jusqu'au terme de son contrat et 482,16 € brut de congés payés afférents,
- 836 € brut à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure,
- 3.500 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- débouté Mme [J] du surplus de ses demandes,
- ordonné à la commune de [Localité 4] de délivrer à Madame [J] sous astreinte de 30 € par jour de retard suivant la notification du jugement et ce dans la limite de 30 jours le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte les documents suivants:
- bulletin de paie correspondant aux créances salariales judiciairement fixées,
- documents de fin de contrat rectifiés,
- dit que les sommes susvisées ne produiront pas intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,
- ordonné l'exécution provisoire de droit qui s'attache aux dispositions qui précèdent en application des articles R 1454-14 et R 1454-28 du code du travail,
- condamné la commune de [Localité 4] outre aux entiers dépens à verser la somme de 1.300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la commune de [Localité 4] de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La commune de [Localité 4] a relevé appel de ce jugement le 26 juillet 2019 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.
Aux termes de ses conclusions d'appelant et de réponse à l'appel incident notifiées par voie électronique le 24 janvier 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, la commune de [Localité 4] a demandé à la cour:
D'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que l'employeur ne rapporte pas la preuve des fautes reprochées à Madame [J],
- dit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est illicite,
- condamné la commune de [Localité 4] à verser à Madame [J] les sommes suivantes:
- 4.821,63 € brut à titre de rappel de salaire jusqu'au terme de son contrat et 482,16 € brut de congés payés afférents,
- 836 € brut à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure,
- 3.500 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- ordonné à la commune de [Localité 4] de délivrer à Madame [J] sous astreinte de 30€ par jour de retard suivant la notification du jugement et ce dans la limite de 30 jours le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte les documents suivants:
- bulletin de paie correspondant aux créances salariales judiciairement fixées,
- documents de fin de contrat rectifiés,
- condamné la commune de [Localité 4] outre aux entiers dépens à verser la somme de 1.300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté Madame [J] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- débouté Madame [J] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- débouté Mme [J] du surplus de ses demandes,
Et statuant à nouveau:
- constater que le jugement du conseil de prud'hommes de Martigues est insuffisamment motivé,
- constater que le jugement du conseil de prud'hommes de Martigues a méconnu les dispositions du code du travail précitées,
- constater le caractère licite de la rupture du contrat en raison de la faute grave de Mme [J],
- débouter Madame [J] de ses demandes de rappel de salaire, de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure, et pour préjudice moral,
Rejeter les demandes incidentes de Mme [J] :
- débouter Mme [J] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- débouter Madame [J] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- débouter Madame [J] de ses demandes d'indemnité de précarité, pour harcèlement moral,
- de condamnation de la commune de [Localité 4] pour la production d'un faux en vue de tromper la présente juridiction,
- rejeter l'ensemble des demandes de Mme [J],
En tout état de cause:
- retirer des écritures les propos diffamatoires sur le fondement de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
- condamner Mme [J] à verser à la commune de [Localité 4] la somme de 1.000 € au titre de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
- condamner Mme [J] à verser à la Commune de [Localité 4] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [J] aux entiers dépens de l'instance.
La commune de [Localité 4] soutient en substance :
- que Mme [J] tient à son égard des propos particulièrement calomnieux en qualifiant de faux la pièce n°7 produite qui n'est que la confirmation du document initialement produit, la date présente en bas de page étant seulement la date d'impression, affirmations injurieuses dont elle sollicite le retrait par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881,
- que Mme [J] n'a subi aucun harcèlement moral, elle-même n'ayant pas manqué à son obligation légale de sécurité, alors qu'elle a travaillé pour la commune dans le cadre de deux contrats différents, du 27/08/2012 au 26/08/2014 puis du 22/08/2016 au 28/02/2017, que le conflit allégué avec le brigadier [G] [C] remonterait à 2014 soit alors que ses fonctions avaient cessé auprès de la commune, qu'elle n'en n'a jamais fait état alors que les deux témoignages versés aux débats sont imprécis, les faits relatés par Mme [B] n'étant pas constitutifs d'un harcèlement moral et ceux décrits par Mme [Z] n'étant corroborés par aucune photographie ni dépôt de plainte,
- que l'absence d'entretien préalable n'a pas pour effet de priver le licenciement de son caractère réel et sérieuse,
- que participant à une mission de service public, le fait d'avoir eu le 10 février 2017 une altercation avec un brigadier de police qu'elle a insulté pendant qu'elle travaillait en présence des familles et des enfants de l'école [3] caractérise une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat aidé permettant à l'employeur de le rompre.
Par conclusions d'intimée et d'appelante incidente notifiées par voie électronique le 17 novembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Madame [J] a demandé à la cour de :
- déclarer mal fondé l'appel formé par la commune de [Localité 4],
- dire que l'employeur ne rapporte pas la preuve des fautes reprochées à Madame [J],
- dire que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Mme [J] est illicite,
- débouter la commune de [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes,
Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
- dit que l'employeur ne rapporte pas la preuve des fautes reprochées à Madame [J],
- dit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est illicite,
- condamné la commune de [Localité 4] à verser à Madame [J] les sommes suivantes:
- 4.821,63 € à titre de rappel de salaire jusqu'au terme de son contrat et 482,16 € brut de congés payés afférents,
- 836 € brut à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure,
- 1.300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident formé par Madame [J],
Dire que Madame [J] a fait l'objet d'une rupture anticipée de son contrat de travail alors qu'elle faisait l'objet de harcèlement pendant l'exécution dudit contrat,
- dire que la commune de [Localité 4] n'a pas respecté son obligation de sécurité dans le cadre de l'exécution du contrat de travail,
En conséquence:
- condamner la commune de [Localité 4] à verser à Mme [J] les sommes suivantes:
- 1.005 € brut au titre de l'indemnité de précarité,
- 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour le harcèlement moral,
- 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour le manquement à l'obligation de sécurité,
- 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- condamner la commune de [Localité 4] pour la production d'un faux en vue de tromper la présente judiction à indemniser Mme [J] à hauteur de 5.000 €,
- ordonner la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte) rectifiés conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de cette décision, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- dire que les condamnations prononcées seront assorties d'intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Martigues,
- condamner la commune de [Localité 4] outre aux dépens à verser la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [J] soutient:
- que la rupture anticipée de son contrat de travail est illicite alors que celui-ci a été rompu sans convocation à un entretien préalable et qu'elle n'a commis aucune faute grave ayant au contraire subi de nombreuses pressions de la part de l'agent de police municipal concerné alors que l'employeur a fondé son argumentation en première instance sur une main courante 'non validée' daté du 10 février 2017 établie par l'agent de police impliqué et en cause d'appel sur le même document 'validé à la date du 13 février 2017' portant des signatures différentes lui faisant suspecter l'établissement d'un faux document destiné à tromper la cour, la police municipale se trouvant sous l'autorité de l'appelante, cette manoeuvre de 'tentative de manipulation d'une juridiction' portant atteinte à son intérêt moral,
- qu'elle a subi un harcèlement moral de la part de l'agent de police municipal qui lui a infligé des pressions physiques et psychologiques qu'elle n'a pas eu la force de dénoncer à son employeur lequel, ayant connaissance du comportement de cet agent, a manqué à son obligation légale de sécurité en ne prenant aucune mesure destinée à prévenir la pression régulière imposée par cet agent municipal et à y mettre fin.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 24 avril 2023, l'audience de plaidoiries étant fixée au 22 mai 2023.
SUR CE:
A titre liminaire, la cour relève que la demande de la commune de [Localité 4] demandant à la cour de 'constater que le jugement du conseil de prud'hommes était insuffisamment motivé' ne constitue nullement une prétention, l'appelante ne tirant dans le dispositif de ses conclusions la saisissant aucune conséquence de ce constat, telle que l'annulation du jugement entrepris, constat au demeurant erroné, la motivation litigieuse étant suffisante.
Par ailleurs, elle n'est pas saisie par Mme [J] d'un appel incident concernant le rejet par la juridiction prud'homale de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 1.000 € au titre de l'indemnité de congés payés.
Sur la demande de retrait de propos diffamatoires sur le fondement de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et les demandes de dommages-intérêts subséquentes :
Les alinéas 4, 5 et 6 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 disposent que :
« Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.
Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.
Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers.»
Ces dispositions étant destinées à garantir le libre exercice du droit d'agir ou de se défendre en justice, en interdisant que des actions ne soient exercées contre des personnes en raison du contenu de l'argumentation présentée au soutien de leur cause, il en résulte que c'est seulement s'ils sont étrangers à l'instance judiciaire que les passages de conclusions peuvent justifier une condamnation à indemnisation en raison de leur caractère prétendument diffamatoire.
En l'espèce, en page 7 de ses conclusions d'intimée et d'appelante incidente, Mme [J] critiquant la pièce n°7 de l'appelante communiquée en cause d'appel présentée par cette dernière comme étant 'la main courante validée le 10 février 2017" suspecte que cette pièce établie selon elle pour les besoins de la cause par l'appelante qui exerce son autorité sur la police municipale de [Localité 4] serait une fausse pièce 'produite délibérément pour tromper l'appréciation de la cour...' sa production portant une atteinte à son intérêt moral lui permettant de solliciter en réparation des dommages-intérêts à concurrence de 5.000 €.
La Commune de [Localité 4] considère que ces propos sont injurieux, outrageants et diffamatoires et sollicite leur retrait ainsi que l'indemnisation du préjudice en résultant.
Cependant, la pièce litigieuse fondant la cause de la rupture du contrat de travail, la discussion autour de son établissement et de sa production figurant en page 7 des conclusions de Mme [J] n'est pas étrangère à l'instance judiciaire de sorte qu'il convient de débouter l'appelante de sa demande de retrait des propos litigieux et de dommages-intérêts subséquents.
Par ailleurs, alors que Mme [J] procédant uniquement par allégations faisait état de son intention 'dans les prochaines semaines' de déposer plainte contre X pour la production d'une fausse pièce faits prévus et réprimés par les articles 441-1 et 441-2 du code pénal, l'examen de la pièce litigieuse, confortée par l'attestation n°8 produite par l'appelante, permet à la cour de constater qu'il ne s'agit nullement d'un faux mais de la même pièce que celle produite en pièce n°2 en première instance mentionnant seulement que cette main-courante a été validée le 13 février 2017.
Mme [J] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts de 5000 € pour production d'un faux.
Sur l'exécution du contrat de travail : harcèlement moral et manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité :
L'employeur , tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral prévus par l'article L.1152-1 du code du travail matérialisés par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Pour se prononcer sur l'existence d'une discrimination directe ou indirecte comme d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens des articles L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et harcèlement.
A l'appui de ses demandes, Madame [J] verse aux débats exclusivement deux témoignages.
Le premier émanant de Mme [B] [X] (pièce n°6) , collègue de travail, dont il résulte que la salariée était très sérieuse dans son travail, qu'elle n'a jamais eu de problèmes avec qui que ce soit. 'Par contre, c'était très tendu entre elle et l'agent de police municipal qui ne cachait pas qu'il ne l'appréciait pas. Pour exemple le jour des voeux du Maire, il parlait avec toutes les filles qui faisaient le service sauf à elle. Il lui avait déjà fermé la portière sur la jambe. Tout le monde était au courant que ce Monsieur n'aimait pas Mme [J]...'
Le second établi par Madame [Z] ( pièce n°7) une amie, indiquant 'j'ai souvenir qu'il y a 3 ans [F] était venue me voir avec la cheville bleue parce que cet agent de police lui avait fermé la portière de son véhicule sur la jambe alors qu'elle déposait son fils à l'école. Elle me racontait qu'il lui faisait régulièrement des réflexions lorsqu'il la croisait dans [Localité 4].....'
Alors que Mme [J] indique n'avoir jamais dénoncé de faits de harcèlement moral auprès de son employeur, que les deux témoignages qu'elle produit se bornent pour le second à rapporter ses propos et pour le premier ne caractérise ni propos, attitudes ou comportements susceptibles de constituer les pressions qu'elle impute au fonctionnaire de police municipal et qu'en l'absence de tout élément médicaux, elle ne démontre pas que le comportement de ce dernier aurait dégradé son état de santé, la cour, à l'instar de la juridiction prud'homale, considère qu'elle n'établit la matérialité d'aucun fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
De même, elle ne peut valablement reprocher à la Commune de [Localité 4] de n'avoir pris aucune mesure de prévention ou destinée à faire cesser un harcèlement moral qu'elle n'a pas porté à sa connaissance et qui n'est pas avéré.
Les dispositions du jugement entrepris ayant débouté Madame [J] de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l'obligation légale de sécurité sont confirmées.
Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences financières :
L'article L.5134-24 du code du travail dispose que le contrat de travail associé à une aide à l'insertion professionnelle attribuée au titre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi est un contrat de travail de droit privé conclu en application de l'article L.1242-3 s'il est à durée déterminée lequel porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits.
Par application de l'article L.1243-4 du code du travail, la rupture du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail ouvre droit pour le salarié à une indemnité au moins égale aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L.1243-8.
Cependant, dans le cas d'un contrat unique d'insertion conclu sous la forme d'un contrat de travail à durée déterminée les salariés ne perçoivent pas d'indemnité de fin de contrat laquelle n'est d'ailleurs pas énoncé dans le contrat de travail de Mme [J].
L'absence de convocation à l'entretien préalable à la rupture du contrat de travail à durée déterminée, en l'espèce CUI, constitue une irrégularité de la procédure de rupture de celui-ci qui, si elle ne remet pas en question la rupture si la faute grave est caractérisée peut causer un préjudice au salarié dont ce dernier peut solliciter la réparation.
En matière de faute grave, la charge de la preuve incombe à l'employeur, le doute profitant au salarié.
La commune de [Localité 4] a rompu le contrat de travail de Mme [J], sans la convoquer à un entretien préalable, par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 février 2017 pour faute grave lui reprochant 'l'altercation avec la police municipale où des propos injurieux ont été échangés avec cette dernière, vendredi 10 février 2017 à la sortie de l'école [3]'.
L'appelante verse aux débats :
- une fiche de main-courante 'non validée' (pièce n°2) rédigée par M. [G] [C], fonctionnaire de police municipale, le 10 février 2017 entre 12h00 et 12h35 rapportant que vers 11h55 le même jour, il a remarqué un véhicule stationné sur une place réservé aux handicapés, que l'agent préposé à la traversée des élèves lui a dit 'Le véhicule est à moi, j'ai les clés je le déplace dès qu'une place se libère', qu'il lui a demandé de le déplacer immédiatement, qu'elle a déclaré 'Ah mais tu fais chier je dois laisser les enfants seuls traverser pour la déplacer bravo et ben comme ça tu vas me remplacer', qu'il a assuré la traversée des élèves et qu'à son retour sur le passage piéton il lui a fait remarquer qu'à l'avenir elle devrait éviter de stationner sur les GIG CIC, qu'elle s'est emportée aussitôt 'Putain mais tu as fini de m'emmerder, t'as que ça à foutre va te faire foutre mets le ton PV puisque tu veux te faire plaisir'...'au moment des faits des parents d'élèves continuaient à venir vers l'école primaire et étaient gênés dans leur progression par le véhicule en stationnement..'
- le même document imprimé le 10 septembre 2019 (pièce n°7) portant la mention 'Main courante validée le 13 février 2017 à 08h34",
- une attestation sur l'honneur établie le 12 juillet 2018 (pièce n° 6) par le chef de service de la police municipale certifiant que depuis sa prise de fonction le 1er mars 2015, le brigadier [C] est sous ses ordres et a eu un comportement digne de sa fonction, a toujours fait preuve de professionnalisme pour l'exécution de ses missions,
- une attestation de M. [P] (pièce n°8) brigadier chef de la police municipale de [Localité 4] certifiant que la date et l'heure qui se trouvent sur le bas de la page des mains-courantes correspondent au jour et à l'heure de leur impression.
Il se déduit de ces éléments que la seule pièce susceptible d'établir la matérialité des faits contestés par la salariée est la fiche de main-courante rédigée par Monsieur [G] [C], brigadier de police à [Localité 4] dans les minutes qui ont suivi l'altercation du 10 février 2017 et validée trois jours plus tard , lequel est le fonctionnaire de la police municipale impliqué dans l'altercation, qu'une main-courante y compris lorsqu'elle est établie par un fonctionnaire de police municipale ne revêt nullement la force probante d'un procès-verbal de police figurant dans une enquête contradictoire puisqu'il s'agit d'une déclaration unilatérale relatant des faits correspondant ainsi à un commencement de preuve qui n'a été corroboré en l'espèce par aucun autre élément, ni ouverture d'une enquête, ni poursuite pénale alors même que lors de l'intervention litigieuse M. [C] était accompagné d'un autre fonctionnaire de police municipale, M. [R] [D], qui aurait pu utilement témoigner du déroulement des faits.
Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, le doute devant bénéficier à la salariée, c'est à juste titre par des dispositions qui sont confirmées que la juridiction prud'homale a estimé que l'employeur ne justifiant pas de la faute grave alléguée, la rupture anticipée du contrat de travail était illicite puisque dépourvue de cause réelle et sérieuse sans pour autant être nulle en l'absence de preuve du harcèlement moral allégué.
La Commune de [Localité 4] ne peut valablement se prévaloir de ce que le contrat de travail étant un contrat aidé, elle ne pourrait être condamnée à verser à Mme [J] l'ensemble de son salaire dû jusqu'au terme de son contrat alors que les sommes de 4.821,63 € brut outre 482,16€ brut de congés payés retenues par la juridiction prud'homale présentent en réalité un caractère indemnitaire et non salarial s'agissant d'une réparation forfaitaire, minimale et incompressible, les dispositions du jugement entrepris, non critiquées à titre subsidiaire quant au montant retenu étant confirmées.
Les dispositions du jugement entrepris ayant débouté Mme [J] de sa demande au titre de l'indemnité de précarité, qui n'est pas dûe dans l'hypothèse d'un contrat unique d'insertion, sont confirmées.
Par ailleurs, le fait pour la commune de [Localité 4] de ne pas avoir convoqué Mme [J] à un entretien préalable à la rupture du contrat de travail pour faute grave a causé un préjudice à celle-ci qui n'a pas été mise en mesure de donner sa version des faits et qui a été brutalement évincée de son travail de sorte que c'est à juste titre par des dispositions qui sont confirmées que la juridiction prud'homale a condamné la Commune de [Localité 4] à lui payer une somme de 836 € brut, non critiquée à titre subsidiaire quant au montant retenu à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure.
Madame [J] sollicite enfin la condamnation de la Commune de [Localité 4] à lui payer une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts au lieu de celle de 3.500 € qui lui a été allouée en réparation du préjudice moral distinct résultant de la rupture illicite et du harcèlement moral subi.
Elle indique qu'elle a fait l'objet d'une rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée pour faute grave pour des motifs fallacieux sans qu'il lui ait été laissé les moyens de se défendre n'ayant pas été convoquée dans le cadre d'un entretien préalable, qu'elle a été placée dans une situation de détresse se retrouvant sans travail du jour au lendemain et qu'elle a fait également l'objet d'un harcèlement moral que ne pouvait ignorer l'employeur qui n'a pris aucune mesure.
La commune de [Localité 4] sollicite l'infirmation de ce chef de jugement en indiquant qu'il incombe à Mme [J] d'apporter la preuve de l'existence du préjudice moral dont elle sollicite l'indemnisation ce qu'elle ne fait pas.
Mme [J] a été déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation légale de sécurité qu'elle reprend pourtant dans le cadre de cette dernière demande, de même qu'elle a déjà été indemnisée tant de la rupture illicite de son contrat de travail par une indemnité qu'elle a elle-même limitée au montant des salaires restant dûs jusqu'au terme de son contrat de travail que de l'irrégularité de la procédure résultant de l'absence de convocation à un entretien préalable de sorte que ne rapportant pas la preuve de l'existence et de l'étendue du préjudice moral distinct dont elle réclame réparation, les dispositions du jugement entrepris ayant fait droit à cette demande sont infirmées cette demande étant rejetée.
Sur la demande de communication sous astreinte des documents de fin de contrat et des bulletins de paie rectifiés :
Les dispositions du jugement entrepris sont infirmées, les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte) et les bulletins de paie devant être rectifiés par application des dispositions du présent arrêt sans que cette remise soit assortie d'une astreinte.
Sur les intérêts légaux :
Les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce.
Les dispositions du jugement entrepris ayant dit que les sommes allouées ne produiraient pas intérêts au taux légal sont ainsi infirmées.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné la Commune de [Localité 4] aux dépens de première instance et à verser à Mme [J] une somme de 1.300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées.
La commune de [Localité 4] est condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour:
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que l'employeur ne rapporte pas la preuve des fautes reprochées à Madame [J],
- dit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est illicite,
- condamné la commune de [Localité 4] à verser à Madame [J] :
- une indemnité de 4.821,63 € brut correspondant aux rappels de salaire jusqu'au terme de son contrat et 482,16 € brut de congés payés afférents.
- une indemnité de 836€ brut à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure,
- débouté Mme [J] de ses demandes au titre de l'indemnité de précarité, du harcèlement moral, du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
- condamné la commune de [Localité 4] outre aux entiers dépens à verser la somme de 1.300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant:
Rejette la demande de Mme [J] de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct.
Ordonne la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte) et des bulletins de paie rectifiés conformément à au présent arrêt.
Rejette la demande d'astreinte assortissant cette remise.
Rejette la demande de Madame [J] de condamnation de la Commune de [Localité 4] à des dommages-intérêts pour production d'un faux.
Rejette la demande de la Commune de [Localité 4] de retrait des écritures de l'intimée les propos diffamatoires sur le fondement de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Rejette la demande de la Commune de [Localité 4] de dommages-intérêts au titre de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881.
Dit que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce.
Condamne la commune de [Localité 4] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président