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23/06/2023 | FRANCE | N°19/10558

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 23 juin 2023, 19/10558


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 23 JUIN 2023



N° 2023/ 128



RG 19/10558

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQVU







[W] [H]





C/



SAS ETUDES COORDINATION TRANSPORTS ET LOGISTICS















Copie exécutoire délivrée le 23 Juin 2023 à :



-Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V351 >




























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/01042.





APPELANT



Monsieur [W] [H], dem...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2023

N° 2023/ 128

RG 19/10558

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQVU

[W] [H]

C/

SAS ETUDES COORDINATION TRANSPORTS ET LOGISTICS

Copie exécutoire délivrée le 23 Juin 2023 à :

-Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V351

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/01042.

APPELANT

Monsieur [W] [H], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Odile LENZIANI de la SCP LENZIANI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Gilles BOUKHALFA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS ETUDES COORDINATION TRANSPORTS ET LOGISTICS, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Johan DADOUN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 23 Juin 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [W] [H] a été engagé par la société Etudes Coordination Transports et Logistics, selon contrat à durée déterminée à compter du 14 janvier 2015, en qualité de manutentionnaire, statut ouvrier, groupe 2 emploi 14, coefficient 110 M.

La relation contractuelle s'est poursuivie le 6 février 2015 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée dit ' de chantier' avec une rémunération de base de 1 701,68 euros majorée d'une prime d'ancienneté de 34,03 euros.

La convention collective nationale applicable était celle des transports routiers et des activités auxiliaire du transport.

Le salarié était victime d'un accident du travail le 5 avril 2017.

Le 30 janvier 2018, le médecin du travail le déclarait apte à la reprise de son poste de travail de manutentionnaire.

M. [H] était convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 12 février 2018 avec mise à pied conservatoire par voie d'huissier. Il était licencié pour faute grave par courrier du 27 février 2018.

Le salarié saisissait le 29 mai 2018 le conseil de prud'hommes en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités diverses.

Par jugement du 07 juin 2019, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Déboute M. [W] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Déboute la société Etudes Coordination Transports & Logistic (Ecotra Logistics) de sa demande reconventionnelle ,

Condamne M. [W] [H] aux entiers dépens ».

Par acte du 1er juillet 2019, le conseil d u salarié a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 30 septembre 2019, M. [H] demande à la cour de :

« Infirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes en date du 07 juin 2019, en ce qu'il a :

Dit que le licenciement pour faute grave était valablement fondé et en ce qu'il a débouté M. [H] de ses demandes de paiement des sommes suivantes :

- 16000 € à titre de dommage et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1425,84 € à titre d'indemnité de licenciement

- 3471,38 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 347,13 € à titre d'incidence congés payés

- 1735,69 € à titre de paiement du salaire du mois de janvier 2018

- 549,76 € à titre de paiement du salaire sur la période du 1er au 12 février 2018

- 54,97 € au titre de l'incidence congés payés

- 1185,93 € à titre de paiement des jours de mise à pied conservatoire

- 118,59 € au titre de l'incidence congés payés

- 5000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

- 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Et statuant à nouveau de :

Dire et Juger que le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse

Dire et Juger que la société Ecotra Logistics a exécuté de manière fautive le contrat de travail de M. [H]

En conséquence, de :

Condamner la société Etudes Coordination Transports et Logistics à payer à M. [H] la somme de 16000 € à titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamner la société Etudes Coordination Transports et Logistics à payer à M. [H] la somme de 1425,84 € à titre d'indemnité de licenciement

Condamner la société Etudes Coordination Transports et Logistics à payer à M. [H] la somme de 3471,38 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu'à la somme de 347,13 € au titre de l'incidence congés payés

Condamner la société Etudes Coordination Transports et Logistics à payer à M. [H] la somme de 1735,69 € à titre de paiement du salaire du mois de janvier 2018

Condamner la société Etudes Coordination Transports et Logistics à payer à M. [H] la somme de 549,76 € à titre de paiement du salaire sur la période du 1er au 12 février 2018, ainsi qu'à la somme de 54,97 € au titre de l'incidence congés payés

Condamner la société Etudes Coordination Transports et Logistics à payer à M. [H] la somme de 1185,93 € à titre de paiement des jours de mise à pied conservatoire, ainsi qu'à la somme de 118,59 € au titre de l'incidence congés payés

Condamner la société Etudes Coordination Transports et Logistics à verser à M. [H] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Condamner la société Etudes Coordination Transports et Logistics à verser à M. [H] la somme de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La condamner aux entiers dépens».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 27 septembre 2019, la société demande à la cour de :

« Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille du 7juin 2019, en ce qu'il a débouté M. [W] [H] de toutes ses demandes,

et statuant de nouveau:

Constater que le licenciement pour faute grave de M. [W] [H] est parfaitement justifié,

Dire que les demandes de rappels de salaire de M. [W] [H] sont infondées,

Juger que la demande de dommages-et intérêts de M. [W] [H] pour exécution fautive du contrat de travail est infondée,

En conséquence,

Débouter M. [W] [H] de l'ensemble de ses demandes,

Condamner M. [W] [H] à verser à la société ECOTRA la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner M. [W] [H] aux dépens ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.  

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Nous vous avons convoqué le 12 février 201 à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.

Cet entretien, au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [I] [L], conseiller choisi sur les listes affichées en mairie et à 1'inspection du travail, s'est tenu 1e 21 février 2018.

Les explications que vous avez formulées lors de cet entretien ne nous ayant pas convaincus,

nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement.

Vous occupez les fonctions de manutentionnaire depuis le 14 janvier 2015, date de votre embauche au sein de la société. Dans le cadre d'un arrêt maladie, par courriel du 15 janvicr 2018, vous nous avez informés de ce que vous nous aviez transmis votre dernier arrêt de travail. A réception de ce document, nous avons constaté que votre dernier arrêt de travail s'était terminé 1e 11 janvier 2018 ; la remise de ce document était donc extrêmement tardive.

Nous avons donc immédiatement pris attache avec la médecine du travail, afin d'organiser une visite de reprise. Cette visite de reprise a eu lieu 1e 30 janvier 2018 ; vous avez été déclaré apte à la reprise de vos fonctions de manutentionnaire. A la suite de cette visite de reprise et malgré nos nombreuses demandes en ce sens, vous avez toutefois refusé de réintégrer les locaux de la société.

Ce n'est que 1e 6 février 2018 que vous vous êtes finalement présenté sur votre lieu de travail, tout en nous informant que vous refuseriez d'effectuer toute mission qui vous serait confiée.

Par la suite, vous avez effectivement refusé l'ensemble des tâches qui vous ont été proposées.Vos collègues en ont été témoins. Un tel comportement est inadmissible.

Compte-tenu de 1a gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

Votre licenciement prend effet immédiatement, sans préavis ni indemnité de licenciement. La période de mise à pied à titre conservatoire dont vous avez fait 1'objet, du 12 février au 27 février 20l8, ne vous sera pas rémunérée.

A toutes fins utiles, nous vous informons que vous êtes libre de tout engagement de non-concurrence à notre égard.

- 1. Sur la cause du licenciement

Le salarié soutient le conseil des prud'hommes a commis une erreur manifeste d'appréciation des éléments dans la mesure où la véritable cause du licenciement est la fin du chantier d'étiquetage intervenu au mois de juillet 2017 avec la suppression de tous les postes de travail ayant amené l'employeur à licencier tous les salariés affectés à ce service alors qu'il était en arrêt maladie.

Il fait valoir que dès l'instant où le licenciement trouve sa cause dans un motif qui n'est pas celui mentionné aux termes de la lettre de licenciement, ce dernier est privé de cause réelle et sérieuse.

L'employeur rétorque que cet argument n'est pas sérieux et que le salarié lui prête des intentions qu'il n'a pas, alors qu'il demandait simplement à son salarié de reprendre le travail et que ce dernier a décidé de ne pas se présenter sur son lieu de travail et de refuser toutes tâches proposées.

Selon les termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse et être fondé sur des éléments objectifs et imputables au salarié.

Il incombe donc au juge saisi d'un litige relatif à l'appréciation de la cause réelle et sérieuse d'un licenciement de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre, la véritable cause de celui-ci, notamment lorsque le salarié soutient devant le juge que les motifs véritables de son licenciement ne sont pas ceux énoncés dans la lettre de rupture.

Si effectivement la plupart des salariés engagés pour travailler dans le service d'étiquetage de marchandises exportées vers l'Algérie ont été licenciés pour « motif individuel de fin de chantier», il n'en demeure pas moins que la situation de M. [H] à son retour ne relevait pas d'une procédure de licenciement comme l'a indiqué l'employeur dans son mail du 23 janvier 2018 « vous étiez en arrêt de travail pour accident jusqu'au 11 janvier 2018 et par conséquent aucune procédure de licenciement vous concernant n'a été entamée » (pièce appelant 5).

Par ailleurs, les termes de la lettre de licenciement ci-dessus retranscrite n'évoquent aucunement la fin du chantier avec la société Globtrans mais des fautes en lien avec l'absence de justification de la reprise du travail et le refus de travailler.

Le moyen doit donc être rejeté.

- 2. Sur le bien-fondé de la mesure de licenciement

Le salarié fait valoir qu'il a déposé le certificat de reprise dans la boîte aux lettres de la société et que l'employeur ne justifie nullement avoir accompli les formalités de dépôt du règlement intérieur auprès de la Direccte et du greffe du conseil des prud'hommes compétent, le règlement intérieur lui étant inopposable.

Il fait valoir qu'il a contacté par mail et par lettre recommandée avec accusé réception la société afin que l'employeur organise la visite médicale de reprise auprès de la médecine du travail sans obtenir la moindre réponse et qu'il s'est tenu à la disposition de son employeur dans l'attente de la visite médicale de reprise à la fin de son arrêt de travail.

Il fait valoir qu'il n'a jamais retrouvé son emploi de manutentionnaire à la suite de la suppression de son poste de travail en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-8 du code du travail, la société ne démontrant pas qu'un poste de manutentionnaire vacant pouvait être occupé.

Il indique également que l'employeur a tenté de manière déloyale d'imposer au salarié de prendre des congés payés, l'ayant contraint de rappeler par lettre recommandée du 29 janvier 2018 que ses dates de congés devaient lui être communiquées au moins un mois avant la date prévue de départ et de lui confier des tâches de nettoyage et d'archivage, ce qui ne correspondait pas à sa catégorie professionnelle et à son statut et ne relevait pas d'un emploi similaire ou équivalent à celui précédemment occupé.

L'employeur indique que le salarié n'a aucun moment tenté de prendre contact avec la société avant le 15 janvier 2018 et qu'il ne s'est pas tenu à la disposition de la société que ce soit avant ou après la visite de reprise alors qu'il revenait au salarié de transmettre spontanément à l'employeur ses arrêts de travai et qu'il ne s'estt pas présenté sur son lieu de travail après le 31 janvier 2018.

Il relève que le salarié a considéré qu'il devait être payé sans venir travailler et explique qu'il lui a été demandé de poser ses congés afin de recevoir un paiement malgré son absence injustifiée.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

- Sur la remise tardive des arrêts de travail

Le règlement intérieur, dont le salarié déclare avoir pris connaissance le 21 novembre 2016, mentionne en son article 7 'Présence Travail' que « toute absence quelle qu'en soit le motif devra être justifiée dans un délai de 48 heures par la voie d'un document justificatif, soit un arrêt de travail indiquant la durée probable de l'absence, soit un autre document prouvant l'impossibilité de joindre son poste. À défaut et après mise en demeure, l'absence injustifiée pourra faire l'objet d'une sanction prévue par le présent règlement ».

L'employeur ne justifie pas des formalités de dépôt du règlement. Toutefois la mention est reprise dans l'article 8 du contrat de travail signé par le salarié en ces termes « Toute absence prévisible doit faire l'objet d'une autorisation de la direction M.[H] est tenu de prévenir immédiatement la société Etude Coordination Transport et Logistique de toute absence pour maladie ou accident. Il devra fournir un certificat médical justifiant son absence dans les 48 heures. En cas de prolongation d'arrêt de travail M.[H] devra transmettre dans les mêmes délais le certificat médical justifiant cette prolongation».

Par ailleurs, les dispositions de l'article L.1226-1 du code du travail précise 'qu'en cas d'absence au travail justifié par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constaté par certificat médical (...) l'absence doit être justifiée par le salarié dans les 48 heures de l'arrêt de travail'.

Le salarié a été en arrêt de travail du 6 avril au 31 décembre 2017 inclus mais ne s'est pas présenté à son travail à l'issue de cette période, et n'a pas transmis dans les 48h, soit au plus tard le 3 janvier 2018, un justificatif d'absence à son employeur concernant la période du 1er janvier au 11 janvier 2018 (arrêt de travail ou reprise de travail avec soins), ce qui n'a pas permis à l'employeur de connaître la date de son retour et de prendre des dispositions pour la visite de reprise obligatoire pour un arrêt de travail de plus de 30 jours.

L'employeur n'a été avisé que le 15 janvier 2018 de ce que le salarié avait « adressé un papier pour son accident de travail qui a pris fin décembre », l'appelant ayant transmis à cette date un certificat prescrivant une prolongation de soins mais sans arrêt de travail du 11 janvier 2018 avec une reprise de travail à temps complet pour le 12 janvier 2018 ( pièce5).

Le salarié n'a pas respecté son obligation d'information immédiate et ne l'a remplie que tardivement alors que la visite de reprise devait avoir lieu dans les 8 jours de la reprise effective du travail.

L'argument de l'appelant, par ailleurs inopérant, selon lequel il aurait été contraint de rappeler à l'employeur qu'il n'avait pas été soumis à une visite médicale du travail est contredit par les éléments produits attestant que l'employeur, dès qu'il a eu connaissance de la date du retour du salarié fixée au 12 janvier 2018, a contacté le 16 janvier 2018 la médecine du travail pour obtenir une visite médicale de reprise et a même effectué une relance compte tenu de l'indisponibilité de cette dernière. (pièces intimée 6 et 7).

Le grief doit donc être retenu.

- Sur le refus de se présenter sur son lieu de travail et d'exécuter tout travail

En l'état du certificat medical sus-visé, le salarié devait reprendre le travail le12 janvier 2018. L'employeur n'a pas dispensé le salarié d'activité jusqu'à la tenue de la visite médicale de reprise et a adressé au salarié un courrier le 22 janvier 2018 et un e-mail le 23 janvier lui demandant se présenter au travail, la date du rendez vous de reprise de la médecine du travail lui ayant été notifiée le 29 janvier 2018 pour une visite de reprise fixe au lendemain.

Le salarié a refusé de se présenter au travail pendant cette période considérant que son poste était supprimé et qu'il devait toucher son salaire sans venir au travail (pièce intimé 11).

Le salarié a été déclaré apte à reprendre le travail le 30 janvier 2018 par la médecine du travail mais ne s'est pas présenté à son travail le 31 janvier 2018 et l'employeur a dû lui adresser une mise en demeure de venir au travail par courrier recommandé du 1er février 2018 (pièce intimée 13).

Le salarié y a répondu le 5 février 2018 indiquant qu'il n'avait jamais refusé de travailler et qu'il allait se présenter pour occuper son poste ; il n'a cependant pas justifié son absence du 31 janvier au 5 février 2018 et a refusé le travail proposé à son retour le 6 février 2018, ainsi qu'il résulte des témoignages de salariés de la société.

En effet, M. [U] et M. [X], agents d'affrètement, attestent que M. [H] a refusé d'exécuter des tâches comme de la manutention de cartons d'archives, transfert de colis légers d'un bureau à un autre, le classement de cartons d'archives précisant que ce dernier ne voulait rien faire.

Mme [Y], secrétaire de direction de la société, antique : « n'ayant aucune marchandise à étiqueter , M. [Z] [E] a demandé à [H] [W] d'effectuer plusieurs missions de manutention et notamment du travail relatif à l'archivage (...) Il a refusé catégoriquement toutes les tâches qui lui ont été proposées (...) au motif qu'il ne souhaitait faire uniquement que de l'étiquetage » (pièce intimée 15).

Les dispositions de l'article L. 1226-8 du code du travail prévoient qu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail, le salarié doit retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente.

La convention collective prévoit pour la qualification prévue au contrat de travail du salarié que le poste de manutentionnaire 'en groupe 3 et emploi 14" correspond à un ouvrier affecté à des travaux de manutention exigeant soit des connaissances professionnelles élémentaires, soit une initiation de courte durée.

Le poste de manutentionnaire pour l'étiquetage initialement proposé au salarié dans le cadre d'un contrat de chantier n'existant plus, l'employeur a proposé au salarié des tâches telles que le déplacement d'archivage, la manutention et le classement de cartons, le rangement ou des tris de dossier, tâches qui ne requéraient pas de connaissances professionnelles particulièrement élevées et qui correspondent à la catégorie professionnelle du salarié, selon les dispositions conventionnelles.

Le défaut de justification de l'absence au travail du 31 janvier au 5 février 2018 et le refus d'exécuter des tâches conformes à sa qualification, fautes avérées et imputable au seul salarié, constituent une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elles rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, justifiant la mise à pied et le licenciement pour faute grave.

En conséquence la cour, par voie de confirmation, déboute le salarié de ce chef et de ses demandes subséquentes.

Sur le rappel de salaire

Le salarié soutient que l'employeur s'est abstenu de lui verser son salaire pour le mois de janvier 2018 et pour la période du 1er au 12 février 2018. Il indique que la transmission tardive du certificat de reprise avec prolongation de soins sur la période du 12 janvier au 1er juin 2018 n'était pas de nature à l'exonérer de son obligation de paiement du salaire dans la mesure où l'arrêt de travail a pris fin le 31 décembre 2017 et qu'il s'est tenu à la disposition de son employeur, ce qui résulte d'un courriel adressé à la médecine du travail du 24 janvier 2018 indiquant qu'il aurait été congédié jusqu'à la date de réalisation de la visite médicale de reprise.

L'employeur fait valoir que le salarié admet le caractère extrêmement tardif de la remise du certificat du 11 janvier 2018 et souligne que ce dernier ne s'est jamais tenu à la disposition de la société, l'e-mail de Mme [Y] évoqué étant dévoyé puisque la position de l'employeur a été à maintes reprises de demander au salarié de reprendre le travail et qu'il s'est toujours abstenu de se présenter à son poste.

Concernant la période du 1er janvier au 30 janvier 2018 :

Dans l'attente de la visite de reprise du médecin du travail, le contrat de travail est suspendu en application des dispositions de l'article R. 4624-31 et R. 4624-32 du code du travail.

A défaut d'examen de reprise, le salarié qui n'a pas repris le travail ne peut prétendre au paiement d'un salaire. Il peut en bénéficier s'il a été autorisé par l'employeur à rester chez lui en restant à sa disposition.

Les pièces du dossier attestent que le salarié n'a pas été autorisé à rester à son domicile et a refusé de se présenter au travail dès la fin de son arrêt de travail.

Le salarié ne peut donc prétendre au paiement d'un salaire sur cette période.

Concernant la période du 31 janvier 2018 au 5 février 2018 :

Le salarié qui a été mis en demeure par l'employeur le 1er février 2018 de reprendre le travail ne s'est pas présenté à l'issue de la visite de reprise du 30 janvier 2018 le déclarant apte et n'a pas justifié de son absence.

Il ne s'est par ailleurs pas tenu à la disposition de son employeur puisqu'il a refusé de reprendre le travail par courrier du 29 janvier 2018 au motif que son poste était supprimé.

Le salarié ne peut donc prétendre au paiement d'un salaire sur cette période.

Concernant la période du 6 février 2018 au 12 février 2018:

L'employeur rapporte la preuve d'une cause l'exonérant de son obligation de paiement du salaire puisque le salarié a refusé d'exécuter le travail demandé.

Le salarié ne peut prétendre au paiement d'un salaire sur cette période.

Concernant la période du 12 février 2018 au 27 février 2018 :

Le salarié a fait l'objet d'une à pied justifié à compter du 12 février 2018 et ne peut donc prétendre au paiement d'un salaire sur cette période.

La cour, en conséquence, confirme la décision déférée qui a débouté l'appelant de ses prétentions au titre du rappel de salaire.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

Le salarié invoque le fait que l'employeur s'est abstenu de verser au salarié le montant des salaires des mois de janvier et février 2018 en procédant à des sanctions pécuniaires illicites, qu'il lui a imposé de réaliser des tâches de nettoyage et d'archivage ne relevant pas de sa qualification professionnelle et qu'il a tenté de lui faire signer une demande de congés payés préétablie et antidatée.

L'employeur conteste ces moyens soulignant que le salarié ne saurait aujourd'hui se prévaloir d'un préjudice qui est causé par sa seule turpitude et indiquant qu'il a fait preuve d'une grande indulgence l'égard de son salarié en lui proposant de poser des congés payés sur le mois de janvier afin qu'il puisse recevoir un paiement malgré son absence injustifiée.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

La cour a dit que l'employeur n'était pas tenu de verser au salarié les salaires des mois de janvier et février 2018 et qu'il a proposé des tâches conformes à la qualification du salarié.

Concernant la demande de congés payés faite par l'employeur, elle était légitime pour permettre de solder ceux non pris l'année précédente et aurait eu pour effet de rétribuer le salarié, mais il l'a refusée de sorte qu'il ne justifie d'aucun préjudice.

Dès lors, il doit être débouté par voie de confirmation de sa demande.

Sur les autres demandes

M. [H] qui succombe totalement doit s'acquitter des dépens, être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, payer à la société intimée la somme de 800 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [H] à payer à la société Etudes Coordination Transports et Logistics la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [H] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/10558
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;19.10558 ?
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