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23/06/2023 | FRANCE | N°19/08847

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 23 juin 2023, 19/08847


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 23 JUIN 2023



N° 2023/ 127



RG 19/08847

N° Portalis DBVB-V-B7D-BELOS







[H] [T]





C/



SAS PROTECTIM



















Copie exécutoire délivrée le 23 Juin 2023 à :



- Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V227



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01605.





APPELANTE



Madame [H] [T], demeurant [Adresse 2]



représe...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2023

N° 2023/ 127

RG 19/08847

N° Portalis DBVB-V-B7D-BELOS

[H] [T]

C/

SAS PROTECTIM

Copie exécutoire délivrée le 23 Juin 2023 à :

- Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V227

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01605.

APPELANTE

Madame [H] [T], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS PROTECTIM SECURITY GROUP, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 23 Juin 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [H] [T] née [L] a été engagée par la société Protectim Security Services SAS par contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 18 novembre 2014 en qualité d'agent de sécurité, statut employée, niveau 3, échelon 1, coefficient 130 avec un salaire mensuel brut de 1 462,19€.

La convention collective nationale applicable était celle des entreprises de prévention et de sécurité du 1 août 1985 étendue le 25 juillet 1985.

Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée percevait la somme mensuelle de 1501,99 euros bruts.

La salariée adressait le 12 janvier 2017 un courrier sollicitant une rupture conventionnelle de son contrat de travail et signait le 20 janvier le formulaire de rupture conventionnelle avec un délai de rétractation jusqu'au 6 février 2017 ainsi qu'une attestation de présence à l'entretien d'information.

Elle envoyait un courrier de rétractation le 3 février 2017 à son employeur.

La salariée était en arrêt maladie du 8 février au 31 mars 2017.

Mme [L] était convoquée le 3 mai 2017 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 15 mai 2017. Elle était licenciée pour faute grave par courrier du 18 mai 2017.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, la salariée saisissait le 5 juillet 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille en exécution fautive du contrat de travail et en paiement d'indemnités diverses.

Par jugement du 13 mai 2019, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Dit que Mme [T] [H] n'apporte pas la preuve de l'exécution fautive du contrat de travail, ni d'éléments concernant le préjudice subi,

Déboute Mme [T] [H] de sa demande d'exécution fautive du contrat de travail,

Déboute Mme [T] [H] de sa demande de rappel de salaire relative au paiement de sa mutuelle,

Déboute Mme [T] [H] du surplus de ses demandes,

Condamne Mme [T] [H] aux dépens ».

Par acte du 30 mai 2019, le conseil de la salariée a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 août 2019, Mme [L] demande à la cour de :

«Déclarer l'appel recevable et bien fondé quant au fond.

En conséquence,

Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille le 13 mai 2019.

Constater l'exécution fautive du contrat de travail de Mme [L] par la société Protectim Security Services.

En conséquence,

Condamner la société Protectim Security Services à verser à Mme [L] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Constater que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.

Condamner la société Protectim Security Services à verser à Mme [L] la somme de 4.500€ à titre de licenciement abusif.

Condamner la société Protectim Security Services à verser à Mme [L] la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner l'employeur aux entiers dépens ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 15 novembre 2019, la société Protectim Security Services demande à la cour de :

« Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du CPH de Marseille en date du 13 mai 2019 ;

Débouter Mme [H] [L] de l'intégralité de ses demandes ;

Confirmer / Dire que le son licenciement intervenu est parfaitement justifié ;

Confirmer / Dire que la société Protectim a exécuté de bonne foi le contrat de travail,

En toutes hypothèses,

Confirmer / Dire que Mme [H] [L] n'apporte pas la preuve de l'exécution fautive du contrat de travail, ni d'éléments concernant le préjudice subi ;

Confirmer /Dire qu'aucune somme n'est due à Mme [H] [L] au titre de la mutuelle mise en place ;

La Condamner au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour relève que l'appelante ne remet pas en cause le jugement en ce qu'il l'a déboutée du rappel de salaire au titre de la mutuelle, de sorte que sur ce chef, elle est réputée en application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, s'être appropriée les motifs du jugement.

Sur l'exécution du contrat de travail

La salariée soutient qu'elle a subi des conditions de travail difficiles, des pressions voire un harcèlement moral, expliquant qu'elle était affectée à des chantiers éloignés de son domicile, et constituant un abus dans les affectations soudaines, non motivés par l'intérêt du service puisque lorsqu'elle se présentait sur les différents sites, il y avait déjà d'autres agents titulaires affectés. Elle indique que pendant ses jours de repos, elle recevait des appels téléphoniques pour faire des vacations le jour même et si elle n'était pas disponible, elle subissait une retenue en jours d'absence.

Elle produit notamment les pièces suivantes :

- un courrier de la société Protectim du 24 octobre 2016 « nous faisons suite à votre réclamation du 6 octobre 2014 (...), concernant vos plannings et la gestion de vos vacations sur site je vous invite à vous rapprocher de votre responsable qui pourra donner suite à vos demandes (...) » (pièce 4)

- son courrier du 2 août 2016 énumérant les problèmes rencontrés avec la société « (....)Quand je reçois mes plannings j'ai des jours de repos. Pendant ces jours de repos on m'appelle pour faire une vacation, on me prévient le jour même, n'étant pas disponible on me les retient en jours d'absence. Ce n'est pas normal. Je suis en contrat à durée indéterminée à temps plein, ci-joint la date de cette erreur et qu'on doit payer. Le 23 février 2016 et le 29 avril 2016 (...) »(Pièce 3)

- le témoignage de M. [K] : « à chaque fois que je me trouvais en présence de mon amie [H] [T], elle se plaignait de ne pas avoir son planning, elle demandait son planning à son responsable [Z] [W] par téléphone et son responsable lui disait qu'il n'avait pas de planning à lui donner mais demandait à Mme [T] son adresse pour pouvoir passer chez elle et parler du planning. Et Madame [T] refusait qu'il aille chez elle. Suite à cela Madame [T] rapportait ces infos à ses responsables (...)» ( pièce 12)

- le témoignage de M. [E], agent de sécurité incendie :« (...) Sachant qu'elle habite sur [Localité 5], les responsables l'ont envoyé faire des vacations sur [Localité 8], [Localité 4]. Donc nous sommes partis sur les sites d'affectation et nous avons trouvé des agents titulaires surplace dans les sites d'affectation. À ce jour, nous ne sommes plus retournés là-bas(...) Mme [T] [H] a été victime de harcèlement moral par les responsables du bureau de la société Protectim à [Localité 5] et ça pendant toute la période où elle a travaillé avec moi » (pièce 13)

- le témoignage de M. [F] :« j'ai vécu avec Mademoiselle [T] [H] pendant plus de deux ans (...) On a passé plus d'un an avec courrier pour qu'elle puisse récupérer un complément de salaire (...) on l'appelle pendant ces jours de repos et on lui fait monter la pression. Le comble c'est qu'on lui a retenu en jours d'absence (...)». (Pièce 15)

- Mme [I], ancienne employée de la société, :« la société Protectim donne un même site aux mêmes heures à deux personnes différentes. En effet, mon expérience personnelle fait que je me suis déplacée sur un site et qu'arrivée sur celui-ci, il y avait de prévu un autre agent. Le chef de poste a contacté M. [B], contrôleur pour Protectim, qui m'a demandé de quitter le site. Donc, ils avaient déjà conclu que je n'allais pas y être et avaient déjà prévu un autre agent, comme ils avaient prévu pour mon ancienne collègue de travail, Mme [H]. Il lui a donné Primapark de [Localité 8] sur son planning et d'après ce qui se disait au PC, les dirigeants de la société savaient très bien qu'elle n'allait pas se présenter et que ce serait un motif de licenciement » (pièce 11)

- ses plannings du mois de septembre 2016 au mois de mars 2017 sur les sites de Primapark centre commercial Grand littoral à [Localité 5], Séphora, Stradivarius à [Localité 5], Séphora à [Localité 3] (pièce 9).

L'employeur conteste les faits reprochés et explique que les affectations éloignées de son domicile sont conformes à la clause de mobilité sur toute la région PACA et à la notion de trajet normal tel que défini par la jurisprudence.

Il considère que les témoignages constituent de simples commentaires subjectifs lesquels sont dépourvus de la moindre force probante.

Concernant la présence d'agents déjà présents sur les sites d'affectation, il précise produire des documents démontrant l'existence d'une pratique qualifiée par l'entreprise de « geste commercial» au profit des clients, soit l'attribution gracieuse d'agents supplémentaires, dont la salariée n'a pas à juger de la pertinence et que malgré la présence d'autres agents sur les sites, elle aurait dû se joindre au travail de ses collègues alors qu'elle a choisi délibérément de quitter le lieu de travail.

La société produit notamment les pièces suivantes :

- le contrat de travail mentionnant une clause de mobilité,

- un contrat cadre de surveillance signé en renouvellement avec la société Séphora du 18 décembre 2017 et en annexe la liste des magasins où la société intervient (pièce 27)

- le cahier des charges 2017 de la société Séphora (pièce 28)

- la liste mensuelle de la planification des personnes affectées sur Séphora d'octobre 2016 au 31 juillet 2017 (pièce 30)

- le tableau recensant les heures payables mais non facturées au client sur l'année 2017 (pièce 31).

La convention collective des entreprises de prévention et de sécurité prévoit en son article 7. 07:

« Lorsque la durée du travail de ces personnels est organisée sous forme de cycles, des plannings de service seront établis. Toute modification ayant pour effet de remettre en cause l'organisation du cycle doit être portée à la connaissance des salariés par écrit au moins 7 jours avant son entrée en vigueur(...) ».

Si le contrat de travail à durée indéterminée de la salariée mentionne effectivement que « le lieu de travail de l'intéressé sera situé au sein de la région Paca étant précisé que celui-ci pourra être amené à se déplacer partout où les nécessités de son travail l'exigeront », il s'avère qu'en vertu des dispositions conventionnelles, l'employeur doit porter à la connaissance de la salariée par écrit l'organisation prévue au moins 7 jours avant son entrée en vigueur.

En l'espèce, l'examen des plannings fait apparaître que pour le mois de septembre 2016, le planning concernant Primapark à [Localité 5] a été édité le 31 août 2016 pour un déplacement de la salariée sur le site au 1er septembre 2016.

Pour le mois d'octobre 2016, le planning concernant Primapark a été édité le 29 octobre 2016 pour un déplacement sur site de la salariée le 1er novembre 2016.

Pour le mois de janvier 2017, le planning concernant Séphora [Localité 8] a été édité le 29 décembre 2016 pour un déplacement de la salariée sur le site de le 6 janvier 2017.

Pour le mois de février 2017, le planning concernant Séphora la Valentine et Bonneveine a été édité le 30 janvier 2017 pour un déplacement de la salariée sur le site les 1er et 2 janvier 2017.

Ainsi, il est avéré que la société a de façon récurrente transmis à la salariée ses plannings la veille pour le lendemain, fait corroboré par le témoignage de M. [K].

Par ailleurs, la salariée a alerté la direction dès 2014 des difficultés relatives à ses plannings et à compter de 2016 du fait qu'elle était appelée pendant son temps de repos pour des interventions le jour même et qu'il lui était retenu des jours d'absence. Ces faits sont attestés par le témoignage précis et circonstancié de M. [F] et il est constant que la société n'a pas pris les mesures nécessaires pour éviter ces appels lors des jours de congés de la salariée ainsi que les retenues.

La société reconnaît par ailleurs la présence d'autres agents sur les sites alors que la salariée y était affectée. Il est observé que ces faits concerne également d'autres salariés puisque M. [E] et Mme [I] en font également état et qu'il leur a été demandé de quitter le site.

Les pièces produites par l'employeur attestent que Mme [T] ne figure même pas sur les plannings avec l'enseigne Séphora et le « geste commercial » dont fait état la société ne saurait en tout état de cause légitimer cette pratique qui porte atteinte aux conditions de travail de la salariée.

Par ailleurs il est établi que le supérieur hiérarchique de la salariée a eu un comportement inaproprié.

En conséquence, il convient de constater que la société a exécuté de façon déloyale le contrat de travail, ce qui a causé un préjudice à la salariée en ne lui permettant pas de connaître son affectation et de prendre ses dispositions et ayant eu un retentissement sur sa vie personnelle et sur sa santé.

Dès lors, par infirmation de la décision, il convient de condamner la société à payer à l'appelante la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« En fonction au sein de notre entreprise depuis le 18 novembre 2014 en qualité d'Agent de sécurité, nous vous avons convoqué le 3 mai 2017 pour un entretien préalable en date du 15 mai 2017 au cours duquel nous vous avons exposé les motifs pour lesquels nous étions amenés à envisager à votre encontre une mesure de licenciement.

En effet, suite à un arrêt maladie de plus de 30 jours consécutifs, du 8 février 2017 au 31 mars 2017, vous étiez dans l'obligation de passer une visite médicale de reprise.

Pour cela, le 3 avril 2017, nous vous avons convoqué à une visite médicale de reprise pour le 6 avril 2017 par lettre recommandée avec accusé réception n° 1A 140 236 6821 5 (pli présenté Ie 4 avril 2017).Cependant, vous ne vous êtes pas présentée à ce rendez-vous et n'avez fourni aucun justificatif d'absence :à ce sujet sans nouvelles de votre part, ni justifications de votre absence, nous vous avons convoqué une seconds fois pour une visite médicale de reprise prévue le 12 avril 2017 et nous vous avons envoyé votre convocation par courrier recommandé avec accusé réception n°1A 140 236 6978 6 (pli présenté le 11 avril 2017).

Nous vous avons alors envoyé une mise en demeure en date du 13 avril 2017 par courrier recommandé n°1A 140 236 6966 3 (réceptionné le 26 avril 2017) vous demandant de justifier de votre absence à la visite médicale de reprise du 18 avril 2017.

Pour autant, vous n'avez toujours pas daigné vous rendre à cette visite médicale de reprise qui est pourtant obligatoire comme vous ne pouvez l'ignorer.

Nous vous avons alors envoyé une nouvelle mise en demeure en date du 20 avril 2017 par courrier recommandé n°1A 140810 1856 4 (réceptionné Ie 26 avril 2017) vous demandant de justifier de votre absence aux visites médicales de reprise du 6 avril 2017 et 12 avril 2017 Sans nouvelles de votre part ni justifications de votre absence, nous vous avons convoqué une troisième fois pour une visite médicale de reprise prévue le 3 mai 2017 et nous vous avons envoyé votre convocation par courrier recommandé avec accusé réception n°1A 140 809 4924 1 (réceptionné le 26 avril 2017).

Compte tenu de votre absence à triple reprise à la visite médicale, nous n'avons pas pu vous planifier sur le mois d'avril et mai 2017 en raison de l'impossibilité de statuer sur votre aptitude à reprendre votre poste.

En revanche, nous vous avons fait parvenir votre planning du mois de mai 2017 par voie recommandée avec accusé de réception sous réserve de votre aptitude à la visite médicale de reprise.

En vous absentant par trois fois à votre visite médicale de reprise, vous avez gravement contrevenu à vos obligations professionnelles. Vous n'êtes pourtant pas sans connaître le caractère impératif des dispositions légales et réglementaires régissant la médecine préventive du travail.

Nous vous rappelons que conformément aux dispositions du règlement intérieur en vigueur l'article 3.17 du Règlement intérieur précise que « Tout salarié est tenu de se présenter aux convocations du service médical du travail, de se soumettre aux examens médicaux obligatoires définis par la législation en fonction des activités spécifiques et des risques encourus (visite d'embauche, visite annuelle, visites périodiques, visite de reprise après maladie ou accident du travail ».

De plus, au regard de l'article R4624-31 du code du travail « « Le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail [..] après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise I'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.»

De même, l'article R4624-32 du code du travail dispose que « L'examen de reprise a pour objet: 1° De vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé;

2° D'examiner les propositions d'aménagement ou d'adaptation du poste repris par le travailleur ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises le cas échéant par le médecin du travail lors de la visite de pré reprise;

3° De préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du travailleur;

4° D'émettre, le cas échéant, un avis d'inaptitude ».

Aussi, sans cette visite médicale de reprise obligatoire, nous ne pouvons présumer de votre aptitude ou non à la reprise de votre poste de travail. De surcroît, par votre refus réitéré de vous rendre à cette visite médicale de reprise, vous empêchez votre employeur de satisfaire à son obligation de sécurité de résultat à votre égard.

Nous vous rappelons que vous ne nous avez pas non plus fourni d'arrêt de prolongation ou tout autre document officiel pouvant justifier de vos absences aux visites médicales de reprise que nous vous avions organisées. Vous ne pouvez pourtant ignorer les dispositions suivantes du règlement intérieur en vigueur sur ce point:

« 13.1 Dès l'instant où le salarié se trouve dans l'impossibilité d'assurer son service, il est tenu d'en informer immédiatement sa hiérarchie par téléphone et d'en donner justification par écrit dans un délai de 48 heures.

13.3. Toute absence injustifiée ayant fait l'objet d'une mise en demeure écrite, restée sans effet, sera considérée comme un abandon de poste caractérisé, constitutif d'une faute grave.

13.4. En cas d'absence pour maladie ou accident, le salarié devra, sauf cas de force majeure, prévenir la Direction, par téléphone, au plus tôt, et justifier sa situation dans les 48 heures par l'envoi d'un certificat médical indiquant la durée probable de l'absence. Toute prolongation de cette absence doit faire l'objet d'un certificat médical indiquant sa durée probable et produit dans les mêmes conditions que le certificat initial.

13.5. Toute absence autre que l'absence pour maladie au accident doit être signalée dans les mêmes conditions que ci-dessus (article 13.4.) et justifiée, par écrit dans les 48 heures, sauf cas de force majeure.

Toute absence non justifiée dans ces conditions peut faire l'objet d'une sanction. Il en est de même de toute sortie anticipée sans motif légitime et sans autorisation (voir ci-dessus article 8.1), sauf pour les personnes appelées à s'absenter de façon régulière en raison de leur fonction au mandat syndical. »

Lors de l'entretien préalable du 15 mai 2017, vous n'avez pas pu nous remettre de justificatif d'absence à vos visites médicales de reprise et avez confirmez ne pas vous être présentée à celles-ci.

Votre refus réitéré de vous soumettre à l'examen obligatoire de la Médecine du travail, malgré plusieurs injonctions de notre part (par téléphone, courriel et courrier recommandé), est inacceptable et constitue un manquement grave rendant impossible la poursuite de la relation de travail.

Ne pouvant vous maintenir dans de telles conditions dans l'entreprise, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité de licenciement, votre manquement empêchant la poursuite du contrat de travail ainsi que l'exécution d'un préavis.

Vous cesserez donc de faire partie des effectifs de notre société à la date d'envoi de la présente lettre » .

La salariée fait valoir qu'elle s'est toujours rendue à la médecine du travail en 2015 et 2016 mais qu'elle n'a pas reçu les convocations d'avril 2017, son employeur lui écrivant dans le [Localité 6] alors qu'elle vit dans le [Localité 7].

Elle demande qu'il soit dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

La salariée produit notamment ses courriers adressés à la société mentionnant son adresse dans le [Localité 7](pièce 8 et 9 de l'appelante)

La société reproche un comportement fautif de la salariée suite à son refus se rendre au rendez-vous de la médecine du travail et compte tenu des absences prolongées et en dépit des mises en demeure de reprendre le travail notifiées par l'entreprise.

Elle souligne que la production des justificatifs postaux annexés au courrier ne laisse aucun doute sur le fait qu'ils étaient bien présentés à la salariée et relève que celle-ci ne conteste pas les absences prolongées et qu'aucune prise d'acte ne lui a été notifiée en temps utile.

La société produit notamment les pièces suivantes :

- les notifications d'absence de la médecine du travail (pièces 13,15 et 18)

- les justificatifs postaux d'envoi des convocations près de la médecine du travail (pièces 12, 14 et 17) ainsi que le détail de l'acheminement des courriers.

- les mises en demeure de reprendre le travail adressées par la société (pièce 16 et 19)

- l'e-mail du 15 mai 2017 du responsable secteur agence [Localité 5] indiquant que « la salariée s'est présentée à son entretien et qu'elle ne peut pas justifier de ses absences confirmant ne pas avoir été à toutes les convocations à la visite médicale » (pièce 21).

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, il est établi par les pièces produites par l'employeur que la salariée a bien reçu les courriers recommandés adressés par l'employeur, l'erreur concernant l'arrondissement de [Localité 5] n'ayant pas fait obstacle à la présentation des courriers recommandés dans la mesure où la signature de la salariée figure bien sur les avis de réception, y compris pour la convocation à l'entretien préalable à la mesure de licenciement.

La salariée ne s'est pas présentée aux rendez-vous fixés pour la médecine du travail alors que la visite médicale est prévue par le code du travail et qu'elle est obligatoire. Il est par ailleurs de la responsabilité de l'employeur de faire respecter cette obligation, ce dernier ne pouvant s'en exonérer pour permettre la reprise du travail.

De même, suite à ses absences prolongées, la salariée n'a produit aucun justificatif auprès de son employeur, ni ne donne d'explications devant la cour.

Dès lors, les manquements de la salariée sont constitutifs d'une faute suffisamment grave qui rend impossible son maintien dans l'entreprise, y comprise pendant la période de préavis.

La cour, par voie de confirmation, déboute la salariée de sa demande de ce chef et d'indemnité subséquente.

Sur les autres demandes

La salariée qui succombe au principal doit s'acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les circonstances de la cause justifient de voir écarter à ce titre la demande de la société.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF s'agissant de l'exécution déloyale du contrat de travail;

Statuant à nouveau de ce chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Protectim Security Services à payer à Mme [H] [T] née [L] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Mme [H] [T] née [L] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/08847
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;19.08847 ?
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