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22/06/2023 | FRANCE | N°22/14988

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 22 juin 2023, 22/14988


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 22/14988 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJRX







[X] [Z] épouse [D]

[B] [D]





C/



Société GMF ASSURANCES

S.A. ABEILLE IARD & SANTE

S.A.R.L. E.M.C.R.

S.E.L.A.R.L. DE SAINT RAPT - BERTHOLET













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Philippe BRUZZO



Me Laure ATIAS



Me Dominique PETIT-SCHMITTER

Me Olivia DUFLOT



Me Alexandre MUSACCHIA











Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge de la mise en état d'AIX EN PROVENCE en date du 20 Octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 22/14988 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJRX

[X] [Z] épouse [D]

[B] [D]

C/

Société GMF ASSURANCES

S.A. ABEILLE IARD & SANTE

S.A.R.L. E.M.C.R.

S.E.L.A.R.L. DE SAINT RAPT - BERTHOLET

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe BRUZZO

Me Laure ATIAS

Me Dominique PETIT-SCHMITTER

Me Olivia DUFLOT

Me Alexandre MUSACCHIA

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état d'AIX EN PROVENCE en date du 20 Octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/02094.

APPELANTS

Madame [X] [Z] épouse [D]

née le 21 Décembre 1957 à [Localité 7], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Alexandre MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [B] [D]

né le 29 Juillet 1957 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alexandre MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Société GMF ASSURANCES

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Olivia DUFLOT de la SCP FRANCOIS - DUFLOT - COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Ingrid SALOMONE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A. ABEILLE IARD & SANTE

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Dominique PETIT-SCHMITTER de la SELARL SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sylvie GHIGO, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.R.L. E.M.C.R.

, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Antoine WOIMANT de la SELARL MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Romain NAVA, avocat au barreau de MARSEILLE,

S.E.L.A.R.L. DE SAINT RAPT - BERTHOLET

ès-qualité de 'Mandataire ad'hoc' de la 'société SCELLES' suivant ordonnance du tribunal de commerce de Salon de Provence du 10 janvier 2018

, demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Philippe BRUZZO de la SELAS SELAS BRUZZO DUBUCQ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Inès BONAFOS, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [X] [Z] épouse [D] et monsieur [B] [D] sont propriétaires d'une maison située à [Localité 6] qu'ils ont fait édifier. Les travaux ont été confiés à la société EMCR, assurée au titre des responsabilités civile et décennale par la société Abeille assurances, devenue AVIVA Assurances, puis désormais Abeille et Santé iard.

Le procès-verbal de réception est daté du 1er octobre 1992.

A compter de l'année 1996, sont apparues des fissures susceptibles d'être en lien avec les mouvements de terrain différentiels consécutifs à des sécheresses en série ayant fait l'objet d'arrêtés reconnaissant l'état de catastrophe naturelle. Ils ont régularisé des déclarations de sinistres auprès de leur assureur habitation, la société GMF assurances, ainsi qu'auprès de la société EMCR et de son assureur la société Abeille assurances.

Un rapport d'expertise daté du 25 septembre 1998 conclut que les désordres sont la conséquence directe de phénomènes de tassements différentiels survenus au niveau des semelles de fondation du bâtiment mais les impute au constructeur dès lors que l'habitation bénéficiait toujours de la garantie décennale.

Un rapport d'expertise contemporain impute les désordres pour partie à la sécheresse constatée par arrêté de catastrophe naturelle du 12 juin 1998, analysée comme l'élément déclenchant, et pour partie à l'absence d'un joint de structure entre le garage et la villa, élément aggravant des désordres.

Le sinistre a fait l'objet d'une indemnisation partagée par les assureurs.

Suite à de nouveaux désordres en 2005, 2009 et 2017, les époux [D] se sont vu opposer un refus de garantie.

Par ordonnance de référé en date du 03 juillet 2018, les époux [D] ont obtenu la désignation de M. [T] [V], en qualité d'expert judiciaire, au contradictoire de la société GMF Assurances et de la Selarl de Saint-Rapt Bertholet, en sa qualité de mandataire ad-hoc du cabinet Scelles, ordonnance déclarée commune et opposable à la Sarl EMCR et à son assureur la société AVIVA assurances par ordonnance de référé en date du 05 novembre 2019.

Par exploit d'huissier délivré les 28 et 29 mai 2020, 09 juin 2020, les époux [D] ont assigné devant le tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE la société GMF Assurances, la Selarl de Saint-Rapt-Bertholet, en qualité de mandataire ad hoc de la société cabinet Scelles, la société EMCR et la société AVIVA assurances, anciennement dénommée Abeille assurances, en qualité d'assureur de la responsabilité décennale de la société EMCR en indemnisation.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé par M. [V] le 30 avril 2021.

Par conclusions d'incident, notifiées par RPVA le 24 janvier 2022, la société GMF assurances a sollicité du juge de la mise en état, sur le fondement de l'article L. 114-1 du code des assurances, de déclarer prescrite l'action engagée par les époux [D] à son encontre tant sur le fondement de la responsabilité de l'assureur du fait des fautes commises dans l'exécution du contrat, que sur le fondement de la garantie contractuelle.

Par conclusions d'incident notifiées par RPVA le 16 mai 2022, la société Abeille et Santé iard, anciennement dénommée AVIVA assurances, a sollicité, sur le fondement des articles 1792 et 2224 du Code Civil, L 125-1 du Code des Assurances que soit déclarée prescrite l'action engagée par Monsieur et Madame [D] à l'encontre de de la Société ABEILLE & SANTE et ce quel que soit le fondement juridique de leurs demandes.

Par conclusions en réponse sur incident notifiées par RPVA le 18 mai 2022, la société EMCR a sollicité du Juge de la Mise en Etat qu'il déclare les époux [D] irrecevables en leurs demandes formées à l'encontre de la société E.M.C.R. comme se heurtant à des fins de non-recevoir tirées de la forclusion décennale ainsi que de la prescription contractuelle et délictuelle.

Par ordonnance du 22 octobre 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables l'ensemble des demandes des époux [D].

Par déclaration au greffe en date du 11 novembre 2022 madame [X] [Z] épouse [D] et monsieur [B] [D] ont interjeté appel de l'ordonnance rendue le 20 octobre 2022 par le Juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en ce que cette décision :

Déclare irrecevables comme étant prescrites l'action en responsabilité et les demandes de provision des appelant à l'encontre des sociétés GMF assurances, EMCR et Abeille et Santé iard sur le fondement des articles L.114-1 du code des assurances et 2224 du code civil,

Déclare irrecevables comme étant forcloses l'action en responsabilité et les demandes de provision des époux [D] contre les mêmes codéfendeurs sur le fondement des dispositions de l'article 1792-4-1 du code civil,

Rejette la demande de provision formée à l'encontre de la Sarl de saint-Rapt-Bertholet en qualité de mandataire ad hoc de la société cabinet Scelles,

Constate que les recours en garantie des Société EMCR, Abeille et Santé Iard et GMF assurances entre elles sont devenus sans objet,

Condamne solidairement les époux [D] à payer à la société GMF assurances, à la société Abeille et Santé iard et à la Société EMCR la somme de 1.500 €chacune,

Condamne les époux [D] sous la même solidarité à payer les dépens de l'incident.

Par conclusions notifiées au RPVA le 04/04/2023, les appelants sollicitent de la Cour :

Vu l'article 789 du Code de procédure civile,

Vu les articles L 125-1 à L 125-6 du Code des assurances ;

Vu les articles 1217 et suivants, 1231-11 et suivants, 1240, 1242 et suivants, 1792 et suivants du Code civil,

Vu le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [V] et ses annexes,

S'entendre :

REFORMER l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

ET STATUANT A NOUVEAU,

DECLARER recevable l'action en réparation des époux [D].

DEBOUTER la GMF ASSURANCES, ABEILLE & SANTE iard et l'entreprise EMCR de toutes leurs demandes fins et conclusions.

CONDAMNER IN SOLIDUM la Société GMF ASSURANCES, la Société ABEILLE & SANTE iard, la Société EMCR et la Société SCELLES prise en la personne de son mandataire ad hoc, la SELARL DE SAINT RAPT BERTHOLET, ou celle ou celles contre laquelle ou lesquelles, l'action la mieux complètera, à porter et payer aux époux [D] les sommes de:

* 238.552 € à titre de provision à valoir sur la réparation de leur préjudice global ;

* 20.000 € à titre de de dommages et intérêts pour résistance abusive maligne vexatoire et même dolosive ;

* 6.000 € pour frais irrépétibles et aux entiers dépens ;

FIXER au passif de la Société Cabinet SCELLES, prise en la personne de son mandataire ad'hoc, la SELARL DE SAINT RAPT BERTHOLET, le montant des sommes mises à sa charge.

Par conclusions notifiées au RPVA le 23 janvier 2023, la société GMF ASSURANCES demande à la Cour :

Vu l'article 789 du code de procédure civile

Vu l'article L114-1 du code des assurances

Vu l'article L125-1 du code des assurances

Vu l'article 700 du code de procédure civile

CONFIRMER l'ordonnance rendue le 20 octobre 2022 dans toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a :

- déclarée irrecevable comme prescrite l'action exercée par les époux [D] à l'encontre de la société GMF

- rejeté la demande de provision formulée par les époux [D] à l'encontre de la société GMF

- déclaré sans objet le recours en garantie exercé à l'encontre de la société GMF par la société ABEILLE

Et statuant à nouveau :

DECLARER irrecevable comme prescrite l'action engagée par les époux [D] à l'encontre de la société GMF tant sur le fondement de la responsabilité de l'assureur du fait des fautes commises dans l'exécution du contrat, que sur le fondement de la garantie contractuelle.

DEBOUTER les époux [D] de leur demande provisionnelle à hauteur de la somme de 238.552€ à l'encontre de la société GMF.

DEBOUTER les époux [D] de leur demande de condamnation à l'encontre de la société GMF à leur payer la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

DEBOUTER les époux [D] de leur demande de condamnation à l'encontre de la société GMF à leur payer la somme de 6000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTER les époux [D] et toutes autres parties de toutes autres demandes formulées à l'encontre de la société GMF.

CONDAMNER les époux [D] à payer à la société GMF la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées au RPVA le 26 janvier 2023, la société E.M.C.R. demande à la cour :

Vu les articles 122 et 789 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1231-1, 1240, 1241, 1792-4-3 et 2224 du code civil,

' REJETER l'appel formulé par Madame [X] [D] et Monsieur [B] [D]

' CONFIRMER l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence du 20 octobre 2022, en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevables comme étant prescrites l'action en responsabilité et les demandes des consorts [D] à l'encontre des sociétés GMF assurances, EMCR et ABEILLE ET SANTE IARD sur le fondement des articles L. 114-1 du Code des assurances et 224 du Code civil ;

- Déclaré irrecevables comme étant forcloses l'action en responsabilité et les demandes de provision des consorts [D] contre les mêmes codéfendeurs sur le fondement de l'article 1792-4-1 du Code civil,

- Rejeté la demande de provision formée à l'encontre de la SARL DE SAINT RAPT ' BERTHOLET en qualité de mandataire ad hoc de la société cabinet Scelles,

- Constaté que le recours en garantie des sociétés EMCR, ABEILLE ET SANTE IARD et GMF ASSURANCES entre elles sont devenus sans objet,

- Condamné solidairement les consorts [D] à payer à la société GMF ASSURANCES, à la société ABEILLE ET SANTE IARD et à la société EMCR, la somme de 1.500 € chacune,

- Condamné sous la même solidarité à supporter la charge des dépens de l'incident

A titre subsidiaire dans l'hypothèse où par impossible la forclusion décennale et la prescription quinquennale ne devaient pas être considérées comme acquises,

' CONDAMNER la société AVIVA ASSURANCES, venant aux droits de la compagnie ABEILLE ASSURANCES, à relever et garantir la société E.M.C.R. de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Y ajoutant :

' CONDAMNER Madame [X] [D] et Monsieur [B] [D] à allouer à la société E.M.C.R. la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' CONDAMNER Madame [X] [D] et Monsieur [B] [D] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées au RPVA le 25 janvier 2023, la société ABEILLE & SANTE IARD (ex AVIVA ASSURANCES,) sollicite de la Cour :

Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,

Vu l'article 2224 du Code civil,

Vu l'article L125-1 du Code des assurances,

Confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 20 octobre 2022, en ce qu'il a déclaré irrecevables comme étant prescrites l'action en responsabilité et les demandes de provision des époux [D] à l'encontre de la Société ABEILLE IARD & SANTE sur le fondement des dispositions de l'article 2224 du Code civil.

Confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 20 octobre 2022, en ce qu'il a déclaré irrecevables comme étant forcloses l'action en responsabilité et les demandes de provision des époux [D] fondées sur les dispositions de l'article 1792-4-1 du Code civil.

En tout état de cause, rejeter les demandes de condamnation provisionnelle formulées par les époux [D] à l'encontre de la Société ABEILLE IARD & SANTE les travaux exécutés par la Société EMCR relevant d'une activité de Constructeur de maison individuelle activité non déclarée dans le cadre e la police souscrite.

Rejeter les demandes de condamnation provisionnelle formulées par les époux [D] à l'encontre de la société ABEILLE IARD & SANTE les désordres ayant pour cause déterminante la sécheresse.

A tout le moins, rejeter les demandes de condamnation provisionnelle formulées par les époux [D] à l'encontre de la société ABEILLE IARD & SANTE comme se heurtant à l'existence de contestations sérieuses.

A titre subsidiaire, condamner la société GMF à relever et garantir la société ABEILLE IARD & SANTE de toute condamnation prononcée à son encontre.

Condamner les époux [D] à payer à la société ABEILLE IARD & SANTE, la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les condamner aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL qui affirme y avoir pourvu en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 12 avril 2023 à laquelle elle a été retenue.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'action contractuelle des époux [D] dirigée contre la société GMF, assureur habitation :

Le juge de la Mise en Etat a dit l'action des époux [D] dirigée contre leur assureur irrecevable au visa de l'article L114-1 du code des assurances dans sa version applicable en l'espèce qui prévoit que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

Toutefois, ce délai ne court :

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.

Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.

Les époux [D] font valoir que s'agissant d'une action en responsabilité en raison de l'inexécution de ses obligations contractuelles, les dispositions visées par le Juge de la Mise en Etat ne sont pas applicables.

L'assureur se prévaut d'un arrêt du 27 avril 2017 pourvoi n°16-16517 de la cour de cassation qui énonce qu'en application de l'article L114-1 du code des assurances, l'action en responsabilité engagée par l'assuré contre l'assureur en raison d'un manquement à ses obligations se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle l'assuré a eu connaissance de ce manquement et du préjudice qui en est résulté pour lui.

Ces dispositions sont donc en principe applicables.

Toutefois, l'assureur ne produisant pas les conditions générales mentionnant expressément le délai de prescription et attestant ainsi que cette disposition a été portée à la connaissance des maîtres d'ouvrage qui font valoir ce moyen, il convient de se référer au délai de prescription de droit commun de cinq ans.

En l'espèce les travaux objet du litige ont été réceptionnés le 1er octobre 1992, les premiers désordres consistant en des fissures sont survenus en 1996.

Suite à une expertise amiable déposée le 25 septembre 1998, un accord est intervenu entre et les époux [D], la GMF, le constructeur EMCR et la société ABEILLE, son assureur imputant les désordres pour partie à une absence de joint de structure entre la villa et le garage et pour partie à un effet de tassement consécutif à l'état de catastrophe naturelle résultant de la sécheresse reconnu par arrêté du 12 juin 1998.

Malgré la réalisation de travaux de reprise en janvier 2001 par la société EMCR, de nouvelles fissures et leur aggravation sont apparues et ont donné lieu à de nouvelles déclarations de sinistres en 2006 ,2009 et 2017 :

- s'agissant des désordres de 2006, en l'absence d'arrêté reconnaissant l'état de catastrophe naturelle, les époux [D] se sont heurtés à un refus de garantie de leur assureur notifié par courrier du 13 septembre 2006 sur la base d'un rapport de l'expert monsieur [J] indiquant que le sinistre résultait d'une aggravation des effets des mouvements du sol de 1998,

- l'assureur a également décliné sa garantie au titre de la déclaration de sinistre 2007 par courrier du 18 décembre 2008 en se prévalant du rapport de l'expert monsieur [J] indiquant qu'il ne s'agit pas de nouveaux désordres ou nouveaux mouvements mais la conséquence des précédents puis a confirmé sa position par courrier du 02 avril 2009.

Les époux [D] ont, sur la base d'un rapport de l'expert monsieur [F], saisi le juge des référés qui a ordonné une expertise par ordonnance du 03/07/2018 déclarée commune et opposable à l'entreprise EMCR et à son assureur, AVIVA, par ordonnance du 05/11/2019.

L'analyse de l'expert de l'assurance selon laquelle, les désordres survenus ultérieurement ne sont que la conséquence de l'insuffisance des travaux réalisés en 2001 pour remédier aux désordres de 1998 est confirmée par l'expertise judiciaire.

Si, comme l'indique le premier juge les époux [D] ont eu connaissance le 13 septembre 2006 de la nature et de l'origine des désordres, à savoir l'insuffisance des travaux de reprise réalisés en 2001 pour remédier aux désordres consécutifs à l'état de catastrophe naturelle constaté par arrêté du 12 juin 1998 , ce n'est qu'avec le courrier du 15 décembre 2008 confirmé par celui du 02 avril 2009 que les époux [D] ont eu définitivement connaissance que le sinistre ne serait pas pris en charge par leur assureur LA GMF suite à une nouvelle expertise réalisée à l'initiative de cette dernière concluant que l'aggravation constatée au titre de l'évènement sécheresse 2007 consiste en une augmentation d'amplitude des mouvements déjà observés en 2006.

Toutefois, les époux [D] indiquant dans leurs dernières conclusions que la preuve n'est pas rapportée de la réception du courrier du 02/04/2009, il y a lieu de se référer au courrier du 15 décembre 2008, monsieur et madame [D] ayant indiqué l'avoir reçu dans un courrier en réponse adressé à la GMF le 29 mars 2009.

Bien que le point de départ de la prescription soit le 15/12/2008 et non le 13/09/2006 et le délai de prescription de référence de cinq ans, l'action dirigée contre la société GMF est prescrite, le premier acte interruptif de prescription étant l'assignation en référé du 30 janvier 2018.

La décision du juge de la mise en Etat du 20 octobre 2022 doit être confirmée en ce qu'elle juge l'action des époux [D] dirigée contre la GMF prescrite.

Sur la recevabilité de l'action des époux [D] dirigée contre le constructeur EMCR et son assureur AVIVA sur le fondement de la responsabilité contractuelle :

L'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 26 II de cette loi dispose que les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

La loi est entrée en vigueur à la date de sa publication soit le 19 juin 2008.

Le délai de prescription est le 19 juin 2013 s'agissant d'une prescription ayant commencé à courir antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi précitée et de cinq ans à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action lorsque la prescription commence à courir postérieurement au 19 juin 2008.

S'agissant d'une action en responsabilité, le point de départ de la prescription correspond au jour où le dommage dont l'action a pour but d'obtenir réparation est avéré.

En l'espèce, c'est lorsque les époux [D] ont su qu'ils ne seraient pas indemnisés par leur assureur en raison de la nature et de l'origine des désordres qu'ils ont eu connaissance des éléments leur permettant d'agir en responsabilité contractuelle pour faute à l'encontre de l'entreprise EMCR et en responsabilité délictuelle contre AVIVA ASSURANCES, l'assureur du constructeur ,soit lorsqu'ils ont été informés par la GMF par courrier du 15 décembre 2008 qu'elle ne prendrait en charge aucun sinistre compte tenu de la nature et de l'origine des désordres.

Le premier acte interruptif étant l'appel en cause devant le juge des référés le 05/11/2019, la décision du juge de la mise en Etat du 20 octobre 2022 doit être confirmée en ce qu'elle juge irrecevable l'action des époux [D] dirigée contre la SARL EMCR et son assureur AVIVA ASSURANCES.

Sur la recevabilité de l'action des époux [D] sur le fondement de la garantie décennale :

L'article 1792-4-1 dispose que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.

Le délai de la garantie décennale étant un délai d'épreuve et non un délai de prescription, toute action fondée sur cette garantie ne peut être exercée plus de dix ans après la réception des travaux

En l'espèce, il n'est pas contesté que les travaux ont été réceptionné le 1er octobre 1992.

Un accord est intervenu entre les parties en 2000 à l'occasion du sinistre de 1996 par lequel il a été convenu d'une prise en charge à hauteur de 12 000 euros par la GMF, assureur habitation des maître d'ouvrage, et de 8050 euros par l'assureur du constructeur compte tenue d'une décote en l'absence de déclaration d'une cause d'aggravation du risque ;

Cet accord vaut effectivement interruption de la prescription.

Une nouvelle interruption est intervenue du fait de la réalisation de travaux de reprise en janvier 2001 comme l'indique une attestation délivrée par l'entreprise en 2017 qui précise que le montant des travaux correspond à celui des indemnités d'assurance ;

Le délai de garantie décennale du fait des désordres dont sont atteints ces travaux de reprise a commencé à courir au jour de leur réception en 2001.

Les maîtres d'ouvrage se prévalent du caractère évolutif du désordre objet du litige.

Il résulte de l'article 1792 du code civil que relève de la garantie décennale le désordre qui trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté et dont la réparation a été demandée en justice avant l'expiration de ce délai. (Cassation 1 octobre 2020 n° 17-31.188)

Le délai de garantie ayant expiré au plus tard le 31/01/2011 sans qu'il ait été constaté judiciairement que les désordres ont compromis la solidité du bâtiment ou l'ont rendu impropre à sa destination, l'action est forclose.

Ensuite les maître d'ouvrage font valoir que le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive.

Il appartient aux maîtres d'ouvrage de rapporter la preuve d'une faute dolosive de nature à exclure l'application du délai de la garantie décennale.

L'expert désigné par le juge des référés indique que le constructeur et l'assureur LA GMF ne se sont pas donné les moyens de la recherche de l'origine du sinistre et ont convenu d'une simple reprise des désordres.

Toutefois il ne peut être affirmé que la société EMCR a volontairement violé les obligations contractuelles dont elle était débitrice à l'égard des maîtres d'ouvrage, par dissimulation ou man'uvres frauduleuses du seul fait que les travaux mises en 'uvres à la suite du premier sinistre et de l'accord intervenu sous l'égide des deux assureurs suite à une expertise réalisée à l'initiative de la GMF n'étaient pas adéquates , qu'aucune étude du sol n'a été réalisée à cette occasion alors qu'à la date de réalisation de la construction comme des travaux de reprise aucune étude du sol n'était imposée , que selon l'expert le constructeur a édifié la villa en 1992 en considération des règles de construction en usage à l'époque et qu'il est probable que sans la succession de plusieurs sécheresses exceptionnelles, les tassements différentiels n'auraient généré que des microfissures.

Par voie de conséquence, ce moyen doit être écarté et la décision du juge de la mise en Etat confirmée.

Sur les autres demandes :

L'incident étant fondé, il ne traduit pas une résistance manifestement abusive de l'assureur LA GMF susceptible de justifier une condamnation au paiement de dommages intérêts au profit des époux [D].

Parties perdantes, les appelants doivent être condamnés aux dépens.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties.

PARC CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en Etat du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence du 20 octobre 2022 en toutes ses dispositions déférées à la Cour

Y ajoutant,

Déboute l'ensemble des parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Madame [X] [Z] épouse [D] et monsieur [B] [D] aux dépens dont distraction au profit de la SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 22/14988
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.14988 ?
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