COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 22 JUIN 2023
N° 2023/214
Rôle N° RG 22/04870 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJFHF
[G] [Y]
[O] [Y]
[E] [Y]
C/
SCP BR ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Nordine OULMI
Me Sandra JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 19 Janvier 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2020J00420.
APPELANTS
Madame [G] [Y],
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Nordine OULMI, avocat au barreau de TOULON, substitué par Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE
Monsieur [O] [Y]
agissant en qualité d'héritier de Monsieur [F] [Y] décédé le [Date décès 3] 2022
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Nordine OULMI, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barrau D'AIX EN PROVENCE
Monsieur [E] [Y]
agissant en qualité d'héritier de Monsieur [F] [Y] décédé le [Date décès 3] 2022, de nationalité française, demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Nordine OULMI, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barrau D'AIX EN PROVENCE
INTIMEE
SCP BR ASSOCIES
agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société DKT, dont le siège est sis [Adresse 5]
Représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Corinne BONVINO-ORDIONI de l'ASSOCIATION C.BONVINO ORDIONI V.ORDIONI, avocat au barreau de TOULON, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Avril 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère-rapporteur
Madame Agnès VADROT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé du 16 décembre 2011, M. [F] [Y] a donné en location-gérance à la société DKT un fonds de commerce de bar, débit de boissons, brasserie situé à [Localité 6].
Le contrat de location-gérance a été consenti, notamment, sous les conditions suivantes:
-durée : 3 années du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 renouvelable par tacite reconduction pour une durée de trois années,
-redevance annuelle de 14 400 euros HT payable mensuellement d'avance le 10 de chaque mois,
-versement par le locataire-gérant d'un cautionnement de 20 000 euros.
Le 3 mars 2014, le tribunal de commerce de TOULON a prononcé la liquidation judiciaire de la société DKT et désigné la SCP BR ASSOCIES, prise en la personne de M. [C] [D], en qualité de liquidateur judiciaire.
Se prévalant d'un accord prétendument conclu le 26 février 2014 pour résilier le contrat de location-gérance et lui attribuer le bénéfice de la caution, M. [F] [Y] a conservé la somme de 20 000 euros qui lui avait été donnée à titre de dépôt de garantie lors de la signature du contrat.
Par acte du 22 mai 2019, la SCP BR ASSOCIES ès qualités à fait citer M. [F] [Y] devant le tribunal de commerce de TOULON pour obtenir le remboursement de la caution de 20 000 euros.
Par jugement du 19 janvier 2022, le tribunal de commerce de TOULON a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
-condamné M. [F] [Y] aux dépens et à payer à la SCP BR ASSOCIES ès qualités les sommes de :
-20 000 euros représentant le montant de la caution,
-1 500 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté M. [F] [Y] de l'ensemble de ses demandes.
Pour prendre leur décision les premiers juges ont retenu que :
-en application des articles 1328 du code civil et R144-1 du code de commerce, l'acte de résiliation du contrat de location-gérance, qui n'a pas été enregistré, a date certaine au jour de sa publication dans un journal d'annonces légales habilité, soit au 5 mars 2014,
-l'acte de résiliation du contrat de location-gérance est inopposable à la procédure collective de la société DKT au visa de l'article L641-9 I du code de commerce en ce que:
- il a été publié après l'ouverture de la liquidation judiciaire,
-le liquidateur judiciaire qui agit en inopposabilité d'un acte n'agit pas en qualité de représentant du débiteur mais en qualité de représentant des créanciers.
M. [F] [Y] étant décédé le [Date décès 3] 2022, Mme [G] [A], veuve [Y] (son épouse), et messieurs [O] et [E] [Y] (ses enfants) ont, le 1er avril 2022, fait appel du jugement rendu le 19 janvier 2022.
Dans leurs dernières conclusions, déposées au RPVA le 29 juin 2022, les consorts [Y] demandent à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d'appel et de :
- débouter la SCP BR ASSOCIES ès qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SCP BR ASSOCIES ès qualités aux dépens et à leur payer 3 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au RPVA le 21 juillet 2022, la SCP BR ASSOCIES, prise en la personne de M. [T], ès qualités demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d'appel et de :
- débouter les consorts [Y] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner solidairement les consorts [Y] à lui payer ès qualités :
-la somme de 20 000 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation,
-1 500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,
-condamner solidairement les consorts [Y] aux entiers dépens et à lui payer ès qualités 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 15 juin 2022, en application de l'article 905-2 du code de procédure civile, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l'audience du 5 avril 2023.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 mars 2023 avec rappel de la date de fixation.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit.
MOTIFS
1)Les consorts [Y] reprochent au premier juge d'avoir fait une appréciation erronée des principes de droit applicables en considérant que :
- le liquidateur judiciaire était un tiers à l'acte de location-gérance,
- il leur revenait de rapporter la preuve de la date de l'acte de résiliation du contrat de location-gérance alors que cet acte, rédigé par un avocat, est daté et signé.
Ils exposent plus précisément que la SCP BR ASSOCIES intervient en qualité de représentant de la société DKT du fait de son dessaisissement.
Toutefois, comme elle le fait valoir sans que les appelants ne lui opposent d'arguments, même si l'ouverture de la procédure collective l'investit du pouvoir de représenter le débiteur, en sa qualité de mandataire judiciaire, la SCP BR ASSOCIES a aussi le devoir et le pouvoir de représenter l'intérêt collectif des créanciers de cette même procédure collective.
C'est donc, comme elle le revendique, en qualité de représentant des créanciers et non en représentation du débiteur qu'elle a valablement saisi le tribunal de commerce de TOULON sur le fondement de l'article L641-9 du code de commerce afin que l'acte, objet du litige, soit déclaré inopposable à la procédure collective de la société DKT.
Les appelants ne contestent pas formellement qu'en qualité de représentant des créanciers la SCP BR ASSOCIES est un tiers à l'acte de résiliation du contrat de location-gérance, ils ne contestent pas non plus que cet acte, passé sous signature privée, est soumis aux règles de preuve édictées par l'article 1328, devenu 1377, du code civil.
Ce texte pose notamment pour principe qu'un acte sous-seing privé n'acquiert date certaine à l'égard des tiers qu'au jour où il a été enregistré.
Dans le cas présent, il n'est pas remis en cause que l'accord dont se prévalent les consorts [Y] n'a pas été enregistré.
Il en résulte que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause en considérant que l'acte avait, par application de l'article R144-1 du code de commerce, date certaine au 5 mars 2014, jour de sa publication.
Il s'ensuit que, conformément à l'article L641-9 du code de commerce cet acte, présumé avoir été conclu postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de la société DSK (3 mars 2014), n'est pas opposable à ses créanciers représentés par la SCP BR ASSOCIES.
En conséquence, à défaut pour les consorts [Y] de rapporter la preuve contraire concernant la date de l'acte litigieux, par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges que la cour adopte, le jugement frappé d'appel sera confirmé en toutes ses dispositions.
2)Les consorts [Y] qui succombent seront condamnés aux dépens d'appel. Ils se trouvent, ainsi, infondés en leurs prétentions au titre des frais irrépétibles.
Au vu des circonstances de l'espèce, aucune considération d'équité n'impose de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SCP BR ASSOCIES ès qualités en cause d'appel.
Elle sera déboutée de sa demande.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats publics et par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
Confirme en toutes ses dispositions, en ce compris celles relatives aux dépens et au frais irrépétibles, le jugement rendu le 19 janvier 2022 par le tribunal de commerce de TOULON ;
Y ajoutant :
Déclare les consorts [Y] infondés en leurs prétentions au titre des frais irrépétibles;
Déboute la SCP BR ASSOCIES ès qualités de sa demande au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les consorts [Y] aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE