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22/06/2023 | FRANCE | N°21/17802

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 22 juin 2023, 21/17802


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023



N° 2023/287



N° RG 21/17802



N° Portalis DBVB-V-B7F-BIRZS







S.A. AXA FRANCE IARD





C/



Etablissement UDAF DE MARTINIQUE

S.A. EQUITE (SIÈGE)

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-SCP ROBERT & FAIN-ROBERT



-SELARL CFG AVOCATS



-SARL ATORI AVOCATS

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 25 Novembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/05498.





APPELANTE



S.A. AXA FRANCE IARD

En sa qualité d'assureur du véhicule conduit ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023

N° 2023/287

N° RG 21/17802

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIRZS

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

Etablissement UDAF DE MARTINIQUE

S.A. EQUITE (SIÈGE)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SCP ROBERT & FAIN-ROBERT

-SELARL CFG AVOCATS

-SARL ATORI AVOCATS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 25 Novembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/05498.

APPELANTE

S.A. AXA FRANCE IARD

En sa qualité d'assureur du véhicule conduit par M. [T] [D],

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Danielle ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Mathilde KOUJI DECOURT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, postulant et plaidant.

INTIMEES

Etablissement UDAF DE MARTINIQUE

En qualité de tutrice légale de M. [K] [U]

né le [Date naissance 2].1972 à [Localité 5] - de nationalité française,

demeurant [Adresse 4]

représenté et assisté par Me Philippe CAMPS de la SELARL CFG AVOCATS, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Laurent GAVARRI, avocat au barreau de TOULON, postulant et plaidant.

S.A. EQUITE (SIÈGE),

demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Laurence BOZZI de la SARL ATORI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 19/08/2008 sur l'autoroute A570 à [Localité 6] (Var), une collision s'est produite entre une motocyclette Kawasaki conduite par M. [S], assuré auprès de la SA L'Équité, et un véhicule Renault Scenic conduit par M. [D], assuré auprès de la SA AXA France IARD. Passager de M. [S], M. [U] a été grièvement blessé lors de l'accident. Son déficit fonctionnel permanent a été évalué à 95'%.

Par ordonnance du 09/09/2010, le juge des référés de Marseille a condamné la SA L'Équité et la SA AXA France IARD au paiement d'une provision de 80.000,00 € et de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 01/02/2010, le tribunal correctionnel de Toulon a statué sur la cuplabilité de M. [S], prévenu d'avoir conduit à une vitesse excessive, sans le permis de conduire requis par la cylindrée de la motocyclette, et sous l'empire d'un état alcoolique. Le tribunal correctionnel a reçu la constitution de partie civile de l'UDAF agissant en qualité de tutrice de M. [U].

Par jugement sur intérêts civils du 30/07/2012, le tribunal correctionnel de Toulon a condamné in solidum MM. [D] et [S] à payer à M. [U] la somme de 3.517.727,06 € au titre de son préjudice corporel, après déduction d'une provision de 80.000,00 €, et hors postes réservés (dépenses de santé actuelles, dépenses de santé futures, frais de logement aménagé), avec intérêts au taux légal, assorti de l'exécution provisoire.

Les deux compagnies d'assurances ont réglé chacune la somme de 1.758.863,53 € à la victime.

Par arrêt du 13/12/2013, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a réduit le montant total alloué à la victime à la somme de 1.128.754,82 €, hors postes réservés (dépenses de santé actuelles, dépenses de santé futures, frais de logement aménagé, ainsi que assistance par tierce personne).

Par acte d'huissier de justice du 26/11/2018, la SA AXA France IARD a assigné l'UDAF Martinique en restitution du trop-perçu, au contradictoire de la caisse générale de la la sécurité sociale (CGSS) de la Martinique, outre la condamnation de la SA L'Équité à lui rembourser la totalité des sommes versées à M. [U].

Par acte d'huissier de justice du 23/04/2019, l'UDAF Martinique a assigné les deux compagnies d'assurances aux fins de liquidation des postes que la cour d'appel avait réservés.

La jonction des instances a été ordonnée.

Par jugement du 25/11/2021, le tribunal judiciaire de Toulon a':

- déclaré le jugement commun et opposable à la CGSS de la Martinique,

- débouté la SA AXA France IARD de sa demande de restitution du trop perçu,

- débouté l'UDAF Martinique ès qualité de tutrice de M. [U] de ses demandes indemnitaires sur les postes réservés,

- constaté l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 13/12/2013 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et, en conséquence, débouté la SA AXA France IARD et la SA L'Équité de leurs demandes en contribution,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,

- rejeté la demande d'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé en substance':

- que la SA AXA n'a assigné aucun fondement juridique particulier à sa demande de restitution,

- que l'action de l'UDAF Martinique tendant à liquider les postes que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a réservés est sans objet compte tenu de la signature d'un procès-verbal de transaction du 27/07/2020, aux termes duquel l'indemnisation revenant à M. [U] est amiablement fixée à la somme de 1.421.721,64 €, après validation par ordonnance du juge des tutelles de Fort-de-France du 29/10/2020,

- que les demandes croisées des deux assureurs concernant leur contribution respective à la charge de l'indemnisation de M. [U] se heurtent à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 13/12/2013 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, laquelle a expressément statué «'qu'en application du principe selon lequel chaque responsable d'un dommage doit être condamné à le réparer en totalité, [T] [D] sera condamné in solidum avec [L] [S] à indemniser l'intégralité du préjudice subi par [K] [U], passager de la moto conduite par [L] [S]'»'; que la cour d'appel a ce faisant écarté tout nouveau débat sur la responsabilité de chacun des conducteurs et, partant, sur la contribution à la dette de leurs assureurs respectifs.

Par déclaration du 16/12/2021 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SA AXA France IARD a interjeté appel du jugement à l'encontre de la SA L'Équité, en ce qu'il :

- l'a déboutée de sa demande en restitution du trop-perçu,

- a constaté l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13/12/2021, et a débouté en conséquence la SA AXA France IARD et la SA L'Équité de leurs demandes en contribution,

- a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 05/01/2022 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SA L'Équité a interjeté appel du jugement entrepris à l'encontre de la SA AXA France IARD, en ce qu'il':

- a constaté l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13/12/2021, et a débouté en conséquence la SA AXA France IARD et la SA L'Équité de leurs demandes en contribution,

- a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 03/03/2022 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SA AXA France IARD a interjeté appel du jugement à l'encontre de l'UDAF Martinique, en ce qu'il :

- l'a déboutée de sa demande en restitution du trop-perçu,

- a constaté l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13/12/2021, et a débouté en conséquence la SA AXA France IARD et la SA L'Équité de leurs demandes en contribution,

- a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

La jonction des instances a été ordonnée par ordonnance du magistrat de la mise en état le 11/04/2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant et d'intimée récapitulatives n°2 notifiées par RPVA le 06/04/2023, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens, la SA AXA France IARD demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris de tous les chefs de son dispositif et, statuant à nouveau,

'$gt;Sur la restitution du trop-perçu par l'UDAF Martinique':

- juger que l'UDAF Martinique ès qualité de tutrice légale de [K] [U] devra lui restituer le trop-perçu résultant de l'exécution provisoire du jugement sur intérêts civils du 30/07/2012 (1.798.863,50 €) avec l'évaluation de l'indemnisation résultant de l'arrêt infirmatif du 13/12/2013 (1.128.754,82 €), soit la somme de 670.108,87 €,

- prendre acte du règlement à la SA AXA France IARD par l'UDAF Martinique de la somme de 670.108,87 € à la date du 21/09/2022,

- condamner l'UDAF Martinique à payer les intérêts sur la somme de 670.108,87 € du 13/12/2013 au 21/09/2022,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, pour la période du 13/12/2013 au 21/09/2022,

'$gt;Sur l'action récursoire en contribution de la SA AXA France IARD à l'égard de la SA L'Équité':

- condamner la SA L'Équité à supporter 100 % de l'indemnisation de M. [U],

- condamner la SA L'Équité à rembourser à la SA AXA France IARD la totalité des sommes versées pour le compte de M. [U], soit la somme totale de 1.798.863,50 € dont à déduire le montant de la restitution du trop-perçu de 670.108,87 €,

À titre subsidiaire,

- condamner la SA L'Équité à supporter 90 % de l'indemnisation de M. [U] et à rembourser à la SA AXA France IARD 90'% des sommes qu'elle a versées,

En tout état de cause,

- débouter la SA L'Équité de toutes ses demandes à l'encontre de la SA AXA France IARD,

- condamner la SA L'Équité et l'UDAF Martinique à payer à la SA AXA France IARD la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA L'Équité et l'UDAF Martinique à payer à la SA AXA France IARD la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- condamner la SA L'Équité et l'UDAF Martinique aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Robert & Fain-Robert, avocats.

La SA AXA France IARD fait valoir'les moyens suivants :

- l'obligation de l'UDAF à restituer le trop-perçu résulte d'une action en répétition de l'indu fondée sur les articles 1235 et 1376 du code civil'; en l'occurrence, le paiement indu résulte du différentiel entre la somme de 1.758.863,53 € qu'elle a réglée à la victime, et le montant réduit à la somme de 1.128.754,82 € par la cour d'appel d'Aix-en-Provence hors postes réservés (dépenses de santé actuelles, dépenses de santé futures, frais de logement aménagé, assistance par tierce personne), soit une somme de 670.108,87 € ; l'obligation de l'UDAF de restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire résulte de plein droit de l'infirmation du jugement de première instance';

- l'autorité de chose jugée par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13/12/2013 porte sur l'obligation à la dette mais non sur la contribution à la dette dont les modalités sont arrêtées par le juge civil';

- le jugement du 01/02/2010 a relaxé M. [D] des fins de la poursuite'; il n'a donc manqué à aucune obligation de sécurité ou de prudence'; en outre, le rapport d'expertise du cabinet EQUAD indique que la moto était distante d'au moins 100 mètres lorsque M. [D] a effectué sa man'uvre de changement de file'; dans ces conditions, l'accident n'aurait théoriquement pas dû avoir lieu. En conséquence, l'accident est dû à trois facteurs': la vitesse excessive de la moto, le manque d'expérience du conducteur de la moto qui n'a pas le permis, et l'alcoolémie du conducteur de la moto'; la cour d'appel dans son arrêt du 13/12/2013 a d'ailleurs stigmatisé la dangerosité de la conduite de M. [S], comme étant à l'origine de l'accident'; par suite, le recours subrogatoire de la SA AXA France IARD doit être admis à hauteur de 100'% ' ou, à titre subsidiaire, de 90'%.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions en réponse et d'appel incident notifiées par RPVA le 11/04/2023, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens, la SA L'Équité demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de L'UDAF, devenues sans objet,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les actions en contribution formées par les assureurs Axa France et L'Équité, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 13/12/2013 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

Statuant sur l'appel formé par la SA AXA France IARD,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté le recours en contribution formé par la SA AXA France IARD à l'encontre de la SA L'Équité,

- débouter purement et simplement la SA AXA France IARD de sa demande de condamnation de la SA L'Équité à supporter 100 % de l'indemnisation de M. [U],

- rejeter également sa demande subsidiaire, tendant à la condamnation de la SA L'Équité à supporter 90 % de l'indemnisation de M. [U],

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SA L'Équité de sa demande de contribution formée à l'encontre de la SA AXA France IARD, motif tiré de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 13/12/2013 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

Statuant à nouveau,

- déclarer recevables les demandes de la SA L'Équité contre la SA AXA France IARD,

- répartir la charge de l'indemnisation entre les compagnies L'Équité et AXA France IARD, à concurrence de 80% pour AXA et de 20% pour L'Équité,

En conséquence, faisant droit à l'appel incident formé par la SA L'Équité,

- condamner la SA AXA France IARD à rembourser à la SA L'Équité 80% des indemnités versées au titre de l'accident advenu à M. [U], soit 1.317.314,36 € (1.646.642,95 € x 80'%),

- condamner la SA AXA France IARD à lui rembourser la somme de 1.137.377,31 €, soit 80 % de la somme non contestée de 1.421.721,64 € réglée à la victime entre les mains de l'UDAF Martinique, représentante légale de M. [U], selon procès-verbal de transaction du 27/07/2020, homologué par décision du juge des contentieux de la protection statuant en qualité de juge des tutelles du tribunal judiciaire de Fort-de-France en date du 29/10/2020,

- condamner la SA AXA France IARD au paiement de 80 % de la rente tierce personne d'un montant annuel payable sous forme de rente trimestrielle à terme échu à compter du 01/09/2020, et suspendue en cas d'hospitalisation de plus de 45 jours, revalorisable conformément à la loi du 05/07/2008,

- assortir les condamnations mises à la charge de la la SA AXA France IARD, des intérêts légaux capitalisés à compter de chaque paiement effectué par la SA L'Équité qui en justifie,

- à défaut, et à titre subsidiaire, répartir par égale moitié une telle charge entre ces deux assureurs,

En conséquence,

- condamner la SA AXA France IARD à lui rembourser la somme de 710.860,82 €, soit 50 % de la somme non contestée de 1.421.721,64 € réglée à M. [U] entre les mains de l'UDAF Martinique, représentante légale de M. [U], selon procès-verbal de transaction en date du 27/07/2020, homologué par décision du juge des contentieux de la protection statuant en qualité de juge des tutelles du tribunal judiciaire de fort de france en date du 29/10/2020,

- condamner la SA AXA France IARD au paiement de 50 % de la rente tierce personne d'un montant annuel payable sous forme de rente trimestrielle à terme échu à compter du 01/09/2020 et suspendue en cas d'hospitalisation de plus de 45 jours, revalorisable conformément à la loi du 05/07/2008,

- assortir les condamnations mises à la charge de la SA AXA France IARD, des intérêts légaux capitalisés à compter de chaque paiement effectué par la concluante qui en justifie,

- débouter la SA AXA France IARD de son recours en contribution à l'égard de la SA L'Équité au constat du règlement qu'elle a effectué de sa quote-part des condamnations in solidum prononcées par le jugement du 30/07/2012 et de l'arrêt du 13/12/2013,

À titre infinîment plus subsidiaire,

- débouter la SA AXA France IARD de sa demande de condamnation de la SA L'Équité à lui rembourser la totalité des sommes versées pour le compte de M. [U], soit la somme totale de 1.798.863,50 €, de laquelle serait en tout état de cause, déduit le montant de la restitution du trop-perçu de 670.108,87 €,

- chiffrer à la somme de 564.377,53 € l'assiette du recours dont disposerait en pareille hypothèse la SA AXA France IARD à l'égard de la SA L'Équité,

- limiter en pareil cas la condamnation de la SA L'Équité à ladite somme de 564.377,53 €,

En tout état de cause,

- ordonner la compensation entre les indemnités par impossible allouées à la SA AXA France IARD et les sommes mises à la charge de cette dernière, sur les demandes formées à son encontre par la SA L'Équité par application des articles 1346 et suivants du code civil,

- condamner la SA AXA France IARD au paiement d'une indemnité de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- rejeter le surplus des prétentions adverses.

La SA L'Équité fait valoir que :

- la transaction qu'elle a conclue avec l'UDAF porte sur les postes que la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait réservés'; elle a été homologuée par ordonnance du juge des tutelles du 29/10/2020'; M. [U] n'a dorénavant ni qualité ni intérêt pour agir de ce chef'; le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté l'UDAF Martinique de ses demandes indemnitaires sur les postes réservés';

- en revanche, le juge pénal qui condamne solidairement les codébiteurs ne préjuge pas de leur contribution respective à la dette (Civ. 2, 08/02/2018, 16-20.951)'; la décision sur la contribution appartient au juge civil'; le premier juge ne pouvait donc pas invoquer l'autorité de chose jugée par le juge pénal';

- pour autant, le juge pénal statuant sur intérêts civils a condamné M. [D] de sorte que son assureur AXA ne peut contester son obligation à la dette'devant le juge civil et tirer argument de la relaxe de son assuré du chef de blessures involontaires et défaut de maîtrise de son véhicule, pour soutenir que M. [S], condamné pour blessures involontaires avec deux circonstances aggravantes, serait seul débiteur de l'indemnisation de M. [U]'; en effet, la loi du 10/07/2000 a dissocié faute pénale et faute civile, et l'absence de faute pénale non-intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'engagement d'une action civile pour obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1241 du code civil (article 4-1 du code de procédure pénale)'; en d'autres termes, la relaxe au pénal de M. [D] n'empêche pas la juridiction civile de retenir sa faute de négligence';

- l'admission de cette faute civile de négligence est justifiée en l'occurrence': M. [X], expert commis sur réquisitions du Parquet, conclut ainsi'(page 44) : «'l'analyse de l'accident fait apparaître que le conducteur de la Renault, [T] [D], a effectué son changement de voie trop tôt après avoir mal évalué la distance qui le séparait de la moto ainsi que sa vitesse d'approche'»'; la cour d'appel a d'ailleurs refusé de le mettre hors de cause en considérant «'que le véhicule conduit par [T] [D] est impliqué dans cet accident ayant été percuté alors qu'il avait déboîté afin d'effectuer le dépassement du véhicule qui se trouvait devant lui, et que sa responsabilité dans la survenance du dommage est établie, le droit à réparation de la victime [K] [U] en sa qualité de passager transporté n'étant par ailleurs pas contestable'; qu'en application du principe selon lequel chaque responsable d'un dommage doit être condamné à le réparer en totalité, [T] [D] sera condamné in solidum avec [L] [S] à indemniser l'intégralité du préjudice subi par [K] [U]'»'; la man'uvre perturbatrice de M. [D] ne laissait aucune chance à un autre conducteur ' fût-il a jeun et titulaire du permis de conduire'(ces données concernant M. [S] sont sans intérêt dès lors qu'elles n'ont pas été causales de l'accident).

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé n°2 notifiées par RPVA le 18/04/2023, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens, l'UDAF Martinique demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris de tous les chefs de son dispositif et, statuant à nouveau,

- débouter la SA AXA France IARD de sa demande nouvelle du 01/01/2023 au titre de l'anatocisme,

- débouter purement et simplement la SA AXA France IARD en ses demandes, fins et conclusions à l'égard de l'UDAF Martinique de la somme de 670.108,87 € assortie des intérêts capitalisés pour la période du 13/12/2013 jusqu'au 21/09/2022,

- à titre subsidiaire, juger que les intérêts dus ne courront qu'à compter de la date de la première demande formulée expressément par la société AXA le 01/03/2023,

- condamner la SA AXA France IARD à lui régler la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

L'UDAF Martinique indique que';

- par ordonnance du 19/07/2022, le juge des tutelles du tribunal judiciaire de Fort-de-France l'a autorisée à restituer à la SA AXA France IARD la somme de 670.108,87 €'; cette somme a été réglée à la SA AXA France IARD le 21/09/2022';

- il ne sera pas fait droit à la demande d'anatocisme pour la période courant de 2013 à 2022'; en effet, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13/12/2013 n'a jamais été signifié'; or, la signification constitue le point de départ du cours des intérêts'; en outre, la demande d'anatocisme a été formée en cause d'appel pour la première fois par conclusions du 01/03/2023': cette demande est irrecevable'; à titre subsidiaire, il ne saurait être fait droit à la demande d'anatocisme qu'à compter de la demande expressément formulée par la SA AXA France IARD le 01/03/2023.

* * *

La clôture a été prononcée le 25/04/2023.

Le dossier a été plaidé le 09/05/2023 et mis en délibéré au 22/06/2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue':

L'arrêt rendu est contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

Sur l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13/12/2013':

Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l'occurrence, la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant par arrêt du 13/12/2013 a condamné in solidum M. [S] et [D] à payer à régler à M. [U] la somme de 1.128.754,82 €. Cette décision ne concerne que l'obligation à la dette, que détermine l'implication des véhicules. La cour d'appel n'a pas pris position sur la contribution à la dette, que détermine la faute respective des conducteurs des véhicules impliqués': « le véhicule conduit par [T] [D] est impliqué dans cet accident, ayant été percuté alors q'il avait déboîté afin d'effectuer le dépassement du véhicule qui se trouvait devant lui'» (page 12).

Il est constant en effet que la contribution à la dette des assurés et de leurs garants est appréciée par la juridiction civile, ce que rappelle expressément l'arrêt du 13/12/2013 : «'il n'appartient pas à la présente juridiction de faire une répartition entre les assureurs des réparations'et préjudices à l'encontre des assureurs auxquels l'arrêt sera déclaré opposable en application de l'article 388-3 du code de procédure pénale » (page 12).

Aucune autorité de chose jugée ne peut donc être opposée à la SA L'Équité et à la SA AXA France IARD.

Sur la contribution à la dette des assureurs des véhicules terrestres à moteur impliqués :

L'assureur qui a réglé la totalité des sommes allouées à la victime dispose d'un recours subrogatoire à l'encontre de ses co-obligés, recours fondé sur les articles 1240 et 1346 à 1346-5 du code civil, issus de l'ordonnance 2016-131 du 10/02/2016.

L'article 4-1 du code de procédure pénale autorise, en matière d'infractions pénales non-intentionnelles, de dissocier la faute pénale et la faute civile en ce que la relaxe du chef de la première n'empêche pas de retenir la seconde pour obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil.

Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la SA AXA France IARD, la relaxe de M. [D] par jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 01/02/2010 ne s'oppose pas à l'admission de sa faute au stade des recours entre coobligés.

Il résulte des procès-verbaux de l'enquête de police effectuée que M. [D], qui circulait à 110 km/h sur une voie autoroutière, soit 20 km/h en deçà de la vitesse maximale autorisée, a entrepris un dépassement par la gauche du véhicule Peugeot qui le précédait. M. [D] indique avoir alors vu arriver par l'arrière une motocyclette progressant à une vitesse jugée foudroyante.

M. [S] a indiqué quant à lui qu'il circulait à une vitesse de 120 à 130 km/h sur la voie de gauche lorsque le véhicule qui le précédait sur la voie de droite a brusquement déboîté pour effectuer un dépassement. Il précise avoir freiné en urgence mais n'avoir pu éviter l'impact sur l'arrière du véhicule.

Il peut être fait grief à M. [D] d'avoir entrepris une man'uvre de dépassement alors que le différentiel de vitesse entre son propre véhicule et celui de M. [S] aurait dû l'inciter, étant lui-même sur le point d'être dépassé, à renoncer ou à différer sa man'uvre de dépassement (article R.414-4, 3° du code de la route). Cette faute a contribué à l'accident à hauteur de 15'%.

Les services de police ont recueilli trois témoignages relatifs au comportement de M. [S] avant l'accident':

- M. [I] circulait sur l'A570 le 19/08/2008. Il a indiqué aux services de police avoir vu dans son rétroviseur une motocyclette roulant à une vitesse estimative de 150 à 160 km/h le rattraper alors qu'il effectuait un dépassement, raser son véhicule de près et éviter son véhicule ainsi que celui qu'il dépassait en effectuant un zig-zag';

- Mme [B] a observé une motocyclette de grosse cylindrée de couleur verte, avec deux personnes à son bord, circuler à vive allure entre les voies de circulation, et entreprendre un dépassement par la droite, la contraignant à se rabattre contre les glissières du terre-plein. Et Mme [B] de conclure que «'vu le comportement routier de ces motards, j'étais persuadée qu'ils auraient un accident dans peu de temps'»';

- Mme [Y] indique enfin avoir «'remarqué cette moto à cause du comportement du pilote et du passager. Dans un premier temps, le pilote nous a doublés sur le rond-point en nous faisant une queue de poisson. Le passager sautait sur le siège arrière tandis que le pilote faisait des zig-zags sur la route. Quand on a vu ça, on leur a fait signe de se calmer. On est rentrés sur l'autoroute, on les voyait plus loin, ils allaient vraiment vite sur la voie de gauche. Une minute après on a vu un grand nuage de fumée et on s'est arrêtés net car ils avaient un accident'».

Ces témoignages convergents caractérisent un comportement dangereux du pilote de la motocyclette et permettent d'établir un lien direct de cause à effet entre la conduite sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par la présence dans l'organisme de 0,78 gramme d'alcool par litre de sang, et avec le défaut de titularité du permis de conduire requis par la cylindrée de la motocyclette Kawasaki (1000 cc) et la survenance de l'accident.

Ce comportement fautif de M. [S] a contribué à l'accident à hauteur de 85'%.

Par suite, la SA L'Équité sera condamnée à supporter 85 % de l'indemnisation de M. [U] et à rembourser à la SA AXA France IARD 85'% des sommes qu'elle a versées.

La SA AXA France IARD justifie avoir versé les sommes de 1.758.863,53 € + 40.000,00 € = 1.798.863,53 €. Sa contribution à la dette est de 1.798.863,53 € x 15'% = 269.829,53 €. Elle peut prétendre à la restitution d'une somme de 1.798.863,53 € ' 269.829,53 € = 1.529.034,00 €, de laquelle se déduit la somme de 670.108,87 € restituée par l'UDAF Martinique le 21/09/2022. Soit un montant de 858.925,32 € restant dû par la SA L'Équité à la SA AXA France IARD.

Sur la répétition de l'indu':

L'appel est sans objet, l'UDAF Martinique ayant réglé la somme de 670.108,87 € à la SA AXA France IARD le 21/09/2022.

- ordonner la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, pour la période du 13/12/2013 au 21/09/2022,

Sur la demande d'anatocisme :

La demande de capitalisation des intérêts de la SA AXA France IARD constitue l'accessoire de sa demande en remboursement des sommes qu'elle a réglées ensuite du jugement du 30/07/2012. Elle n'est donc pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile et sa recevabilité est acquise.

La SA AXA France IARD ne conteste pas que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13/12/2013 n'a jamais été signifié'à l'UDAF Martinique. Elle ne conteste pas non plus que la demande d'anatocisme n'a été formalisée que par conclusions du 01/03/2023 de sorte que les intérêts n'ont jamais couru pour une année entière. La demande d'anatocisme est rejetée.

Sur les demandes annexes':

L'équité ne justifie pas particulièrement l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par les parties en première instance et en appel.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SA L'Équité sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Dit qu'aucune autorité de chose jugée tirée de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13/12/2013 ne peut être opposée à la SA AXA France IARD et à la SA L'Équité.

Condamne la SA L'Équité à supporter 85 % de l'indemnisation de M. [U].

Condamne la SA AXA France IARD à supporter 15 % de l'indemnisation de M. [U].

Condamne la SA L'Équité à régler à la SA AXA France IARD la somme de 858.925,32 € (huit cent cinquante huit mille neuf cent vingt cinq euros et trente deux cents).

Constate que l'UDAF Martinique ès qualité de tutrice légale de [K] [U] a restitué le 21/09/2022 à la SA AXA France IARD la somme de 670.108,87 € (six cent soixante dix mille cent huit euros et quatre vingt sept cents).

Déboute la SA AXA France IARD de sa demande de capitalisation des intérêts au taux légal sur ladite somme.

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA L'Équité aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 21/17802
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;21.17802 ?
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