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22/06/2023 | FRANCE | N°21/15920

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 22 juin 2023, 21/15920


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023



N°2023/210













Rôle N° RG 21/15920 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIMDM







S.N.C. COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE





C/



Etablissement Public LE DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-

RHONE

































Copie exécutoire délivrée le :

à :
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Me Laure COUSTEIX





Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 12 Octobre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/04704.







APPELANTE



S.N.C. COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE, demeurant [Adresse 3] ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023

N°2023/210

Rôle N° RG 21/15920 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIMDM

S.N.C. COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE

C/

Etablissement Public LE DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-

RHONE

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Mathieu CEZILLY

Me Laure COUSTEIX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 12 Octobre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/04704.

APPELANTE

S.N.C. COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE, demeurant [Adresse 3] - [Localité 6]

représentée par Me Laure COUSTEIX, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

Etablissement Public LE DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHONE représentée par sa Présidente en exercice dûment habilitée à cet effet et domiciliée en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 5] à [Localité 1] - [Localité 2]

représentée par Me Mathieu CEZILLY, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, et Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargées du rapport.

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 24 juillet 2006, la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE a donné à bail au DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHÔNE des locaux situés à [Localité 1] d'une surface de 1.572,95m², à usage exclusif d'activités médico-sociales pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er décembre 2006, moyennant un loyer annuel de 191. 922, 77 euros hors taxe et hors charge.

Le bail a été renouvelé tacitement le 1er décembre 2015.

Par acte extra judiciaire en date du 20 février 2018, la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE délivrait congé au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE à effet au 1er septembre 2018.

Toutefois, le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE annonçait à la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILERE qu'il ne serait pas en mesure de libérer les locaux à cette date, n'ayant pas trouvé de locaux comparables à ceux loués au sein de l'immeuble BUROPOLIS.

Le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE étant le seul locataire de l'immeuble restant, la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE l'informait des frais importants que sa seule présence allait engendrer, vu la taille imposante de l'immeuble et des normes de sécurité s'imposant au bailleur.

Dans un courrier en date du 26 septembre 2018, elle lui rappelait à nouveau que « cette situation générerait un coût très important en termes de charges d'exploitation de l'immeuble, qu'il vous appartiendra naturellement de supporter intégralement, passé cette date »

Par mail du 25 octobre 2018, le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE indiquait à la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE qu'il ne pourrait quitter les lieux qu'au mois de mai 2019 au plus tôt.

Le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE libérait les lieux le 30 décembre 2020.

Par acte en date du 5 avril 2019, la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE assignait le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE devant le tribunal judiciaire de Marseille afin de voir :

*condamner le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE au paiement de l'indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer mensuel soit la somme de 21. 619, 92 euros par mois, outre les taxes et charges jusqu'au 30 décembre 2020.

*condamné le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE au paiement de la somme de 1. 238. 736, 17 euros au titre du préjudice financier causé par le coût de fonctionnement de l'ensemble de l'immeuble depuis le 1er novembre 2018 et jusqu'au 17 septembre 2020 étant précisé que les provisions et charge déjà versées par le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE viendront en déduction de ce montant

A titre subsidiaire,

*ordonner une expertise pour faire l'inventaire des coûts de fonctionnement de cet immeuble à compter du 1er novembre 2018 ;

En tout état de cause,

*condamner le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE à lui payer la somme de 10. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

*condamner le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE aux dépens de l'instance.

L'affaire était évoquée à l'audience du 14 septembre 2021.

La société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE demandait au tribunal de lui allouer le bénéfice de son exploit introductif d'instance.

Le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE concluait au débouté des demandes de la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE et demandait au tribunal de déclarer le congé délivré nul, de rejeter la demande d'expulsion sollicitée ainsi que la demande d'indemnisation au titre du prétendu préjudice financier et de lui donner acte à ses protestations concernant la désignation d'un expert judiciaire.

Il sollicitait la fixation de l'indemnité d'occupation à la somme de 18.160,64 € par mois au lieu des 21.619,92 € demandés et la condamnation de la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE à lui régler la somme de 217. 924 € au titre du remboursement du surplus des loyers réglés.

Il demandait également de prendre acte du règlement des charges locatives et charges relevant des locaux loués opérés par le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE depuis septembre 2018.

A titre reconventionnel, il demandait au tribunal de condamner la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE au paiement de la somme de 100. 000 € au titre des préjudices occasionnés outre celle de 10. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 12 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a :

* prononcé la nullité du congé délivré par acte extra judiciaire en date du 20 février 2020 par la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE concernant le bail reconduit tacitement avec le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE sur un local situé [Adresse 4] [Localité 1]

* débouté le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE de sa demande de remboursement du surplus des loyers versés de septembre 2018 à fin décembre 2020 par la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE d'un montant total de 217. 924 euros

* déboute la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE de sa demande d'indemnisation à hauteur de 1. 238. 736, 17 euros pour les charges et taxes de l'immeuble entier

* condamné la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILERE à verser au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE la somme de 4.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

* rejeté toute autre demande.

* condamné la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILERE aux dépens.

Par déclaration en date du 10 novembre 2021, la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILERE interjetait appel de ladite décision en ce qu'elle a dit:

- prononce la nullité du congé délivré par acte extra judiciaire en date du 20 février 2020 par la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE concernant le bail reconduit tacitement avec le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE sur un local situé [Adresse 4] [Localité 1]

- déboute le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE de sa demande de remboursement du surplus des loyers versés de septembre 2018 à fin décembre 2020 par la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE d'un montant total de 217. 924 euros

- déboute la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE de sa demande d'indemnisation à hauteur de 1. 238. 736, 17 euros pour les charges et taxes de l'immeuble entier

- condamne la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILERE à verser au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE la somme de 4.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- rejette toute autre demande.

- condamne la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILERE aux dépens.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 3 avril 2023, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de ses prétentions et de ses moyens, la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE demande à la cour de :

* infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Marseille du 12 octobre 2021 en ce qu'il a débouté la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE de ses demandes en validation du congé à effet du 1er septembre 2018 et de ses demandes indemnitaires,

Et statuant à nouveau,

* déclarer la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE recevable et bien fondée en ses demandes et en conséquence,

* constater la validité du congé délivré par la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE à effet du 1er septembre 2018.

En conséquence,

* débouter le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE de l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions,

* fixer le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation dont sera redevable le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE à une somme égale au loyer conventionnellement exigible, soit la somme de 21. 619, 92 euros outre les taxes et les charges;

* condamner le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE à payer l'indemnité mensuelle d'occupation de 21. 619, 92 euros outre les taxes et les charges jusqu'au 30 décembre 2020.

A titre principal,

* condamner le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE à payer à la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE la somme de 1. 238.736, 17 euros au titre du préjudice financier causé par le coût et fonctionnement de l'ensemble de l'immeuble, depuis le 1er novembre 2018 et jusqu'au 17 septembre 2020, étant précisé que les provisions pour charges déjà versées par le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE viendront en déduction de cette condamnation,

A titre subsidiaire,

* voir désigner tel expert qu'il plaira au Tribunal de nommer avec pour mission de:

- convoquer les parties et ce, dans le respect du contradictoire,

- se rendre sur place,

- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,

- faire l'inventaire des coûts de fonctionnement de l'immeuble situé au [Adresse 4], [Localité 1], postérieurement au 1er novembre 2018, en déterminer la nature, l'importance et la date d'échéance,

- fournir d'une façon générale tous éléments techniques ou de fait, de nature à permettre à la juridiction compétente de se prononcer sur les responsabilités encourues et d'évaluer tous les préjudices subis, notamment le préjudice financier subi par la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE,

- en cas d'urgence constitutive de danger pour les biens et personnes, dire s'il convient ou non de procéder à la mise en place de mesures de sauvegarde ou de travaux particuliers, décrire les travaux nécessaires, en déterminer la cause, en chiffrer le coût et autoriser leur réalisation,

- dire que l'expert déposera un pré rapport,

- dire que l'Expert pourra procéder à toutes investigations utiles, qu'en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées, qu'il pourra s'adjoindre tous spécialistes de son choix, qu'il déposera son rapport au Secrétariat Greffe du Tribunal dans tel délai qu'il plaira à Madame ou Monsieur le Président de fixer;

En tout état de cause,

* condamner le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE à payer à la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILERE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* condamner le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE aux entiers dépens

* maintenir le bénéfice de l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toute voie de recours et sans caution.

A l'appui de ses demandes, la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE fait valoir qu'elle disposait d'une capacité de donner unilatéralement congé au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE lequel congé est parfaitement régulier.

Elle ajoute que le préavis de six mois était largement suffisant pour permettre au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE d'organiser son déménagement, ce dernier étant le seul fautif de n'avoir engagé des recherches de locaux de remplacement qu'à compter du mois de novembre 2018 soit postérieurement à la date d'effet du congé.

Par ailleurs elle soutient qu'il n'existe aucune disposition légale, aucune disposition contractuelle, ni aucun principe jurisprudentiel qui obligerait un bailleur à motiver un congé donné à un locataire dans le cadre d'un bail de droit commun et qu'ainsi un défaut de motivation de congé ne saurait être un motif de nullité dudit congé.

La société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE rappelle que le maintien abusif du DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE dans les lieux loués l'a obligé à supporter l'intégralité des charges pour maintenir le bâtiment accessible au public pour le seul usage de l'intimé lui causant un important préjudice financier du fait du coût de fonctionnement jusqu'au 31 décembre 2020, date de libération des lieux.

Enfin elle indique que le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE était tenu, du fait de son maintien dans les lieux, de lui verser une indemnité d'occupation qui ne saurait être inférieure au montant du loyer en cours.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 7 avril 2023 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de ses prétentions et de ses moyens, le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE demande à la cour de :

Sur le congé

*confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Marseille du 12 octobre 2021 en ce qu'il a prononcé la nullité du congé délivré par acte extra judiciaire en date du 20 février 2018 par la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE concernant le bail reconduit tacitement avec le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE sur un local situé [Adresse 4] [Localité 1].

Sur la demande d'indemnisation

A titre principal,

* confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Marseille du 12 octobre 2021 en ce qu'il a débouté la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE de sa demande d'indemnisation à hauteur de 1. 238. 736, 17 euros pour les charges et taxes de l'immeuble entier,

A titre subsidiaire,

* débouter la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE de sa demande d'expertise.

A titre encore plus subsidiaire,

*donner acte au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE de ses protestations et réserves sur la demande de désignation d'un expert judiciaire formulée par la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE,

A titre subsidiaire sur l'indemnité d'occupation:

Si la décision devait être réformée sur la nullité du congé, statuant à nouveau:

* débouter la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE de sa demande visant à fixer le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation à une somme égale au loyer soit la somme de 21. 619, 92 euros outre taxes et charges.

* fixer le montant de l'indemnité d'occupation au montant de dernier loyer (base de 25.943,94 euros/mois) subissant une décote de 30 % soit 18. 160,64/mois soit 54.481,92 trimestriellement,

En conséquence

* condamner la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE à régler au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE une somme de 217.924,00 euros au titre du remboursement du surplus de loyers réglés par le DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE (depuis septembre 2018 jusqu'à fin décembre 2020),

* prendre acte du règlement des charges locatives et taxes relevant des locaux loués, opéré par le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE depuis septembre 2018,

Sur la demande indemnitaire du DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE:

* réformer le jugement rendu par le Tribunal de Marseille du 12 octobre 2021 en ce qu'il a débouté le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE de ses autres demandes.

Statuant à nouveau

* condamner la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE à régler au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE la somme de 100.000 euros au titre des préjudices occasionnés,

En tout état de cause, sur l'article 700 du code de procédure civile

* confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Marseille du 12 octobre 2021 en ce qu'il a condamné la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE à verser au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE la somme de 4.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance.

En cause d'appel,

* condamner la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE à payer au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* condamner la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître CEZILLY Avocat au Barreau de Marseille, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes , le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE maintient que le congé délivré par la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE est nul faute de respect d'un délai de préavis suffisant , rappelant qu'elle exerçait dans ses locaux une activité de service public.

Il ajoute que contrairement à ce que soutient l'appelante, il n'a commis aucune faute et n'a fait preuve d'aucune désinvolture.

Par ailleurs il observe que le congé lui a été délivré sans en préciser le motif.

Le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE indique avoir honoré l'ensemble de ses loyers jusqu'à son départ et ne peut être condamné à payer la totalité des charges et taxes de l'immeuble au motif qu'il aurait été le dernier locataire occupant l'immeuble pour des surfaces qu'il n'occupait pas et dont il ne bénéficiait pas

Au surplus il rappelle que l'appelante ne peut réclamer l'indemnisation de son préjudice alors même qu'elle n'établit aucun lien de causalité entre ces coûts de fonctionnement et son maintien dans les lieux

Enfin il indique que la convention d'occupation signée avec l'association Yes We Camp révèle qu'une promesse de vente a été signée avec la société ICADE Promotion France Sud-Est et Nord le 8 octobre 2020 soit prés de trois années après que le congé lui ait été délivré.

Il ajoute avoir appris à la fin de l'année 2020 que la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE avait consenti à cette association une occupation temporaire de l'intégralité de l'immeuble pour une durée de 18 mois destinée à accueillir des artistes, occupation consentie dès février 2021 démontrant ainsi que la prétendue situation urgente justifiant la libération immédiate des lieux n'existait pas.

Il fait ainsi valoir que la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE n'aurait pas eu à subir le coût de fonctionnement de l'immeuble si elle avait entrepris des démarches actives pour louer l'intégralité de son immeuble et/ ou revendre son bien en l'état

Enfin il fait valoir que même à considérer que la demande indemnitaire pouvait être fondée en son principe la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE n'apporte aucun élément qui permettrait d'étayer le montant de sa demande

******

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 avril 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 12 avril 2023 et mise en délibéré le 22 juin 2023.

******

1° Sur le congé délivré par la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE

Attendu qu'il est acquis au débat que la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE a donné à bail le 24 juillet 2002 au DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHÔNE des locaux situés à [Localité 1] d'une surface de 1.572,95m², à usage exclusif d'activités médico-sociales pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er décembre 2006, moyennant un loyer annuel de 191. 922, 77 euros hors taxe et hors charge, lequel bail a été renouvelé tacitement le 1er décembre 2015.

Que les parties s'accordent sur le fait que le bail est soumis aux dispositions du code civil.

Attendu que l'article 1738 du code civil dispose que « si, à l'expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par l'article relatif aux locations faites sans écrit. »

Que l'article 1736 dudit code énonce que « si le bail a été fait sans écrit, l'une des parties ne pourra donner congé à l'autre qu'en observant les délais fixés par l'usage des lieux. »

Attendu que suivant exploit d'huissier en date du 20 février 2018, la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE a fait signifier à son locataire un congé pour le 1er septembre 2018.

Que tenant les articles sus visés, l'appelante pouvait donner congé en respectant un délai de préavis conforme à l'usage des lieux

Que la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE soutient que le délai de 6 mois était parfaitement conforme à l'usage des lieux ce que conteste le DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHÔNE

Que ce dernier fait également valoir que ce congé est nul en l'absence de motif justifiant sa délivrance.

Attendu qu'il est de jurisprudence constante que le congé n'est soumis à aucune formalité, celui-ci devant exprimer la volonté de la part de celui qui le donne de mettre fin au bail lorsque ce dernier est fait sans détermination de durée.

Que la 3ème chambre de la Cour de Cassation a rappelé dans un arrêt du 23 octobre 1969 qu'en l'absence de dispositions contraires de la loi, le congé n'est soumis à aucune autre condition que celle de l'observation des délais fixés par l'usage des lieux, un congé ne pouvant être déclaré nul comme ne comportant aucun motif

Qu'ainsi l'absence de motif du congé délivré par la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE ne saurait être une cause de nullité de celui-ci.

Attendu que le DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHÔNE exerçait dans ces locaux donnés à bail depuis 12 ans une activité de service public, Maison Départemental de la Solidarité sur les [Localité 7], cette activité regroupant plusieurs professionnels dans un même lieu nécessitant la mise à disposition de locaux particuliers afin de leur permettre de recevoir du public adulte et enfant dans le cadre d'entretien soumis au secret professionnel ou d'auscultation médicale. Que cette activité médico sociale suppose qu'un certain nombre de règles soit respecté au sein des locaux qu'il s'agisse des règles en matière d'hygiène, de sécurité ou d'accessibilité au public .

Que par ailleurs le DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHÔNE souligne que cette activité est une activité de proximité dont la continuité doit être assurée en toutes circonstances par le département en vertu de la loi sur le territoire.

Qu'il convient également d'observer l'importance de la surface donnée à bail soit 1.572,95m².

Attendu que la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE fait valoir que le DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHÔNE est le seul fautif de n'avoir engagé des recherches de locaux de remplacement qu'à compter du mois de novembre 2018 soit postérieurement à la date d'effet du congé et ce d'autant plus qu'il avait été informé de ce congé largement en amont de sa délivrance dès le 4 janvier 2018.

Qu'elle ajoute que ce dernier n'apporte aucun élément de preuve quant à l'exercice de son activité au sein des lieux loués pas plus qu'il n'apporterait d'élément susceptible de justifier qu'un délai de 24 mois aurait été plus adapté à son activité.

Attendu que la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE ne peut valablement soutenir qu'elle ignorait l'activité du DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHÔNE alors qu'il est clairement indiqué au bail signé entre les parties que « les locaux à usage de bureaux et de réception du public seront composées selon le plan annexé », que « le preneur déclare qu'il exercera dans les lieux loués des activités médico-sociales, ces locaux sont destinés à recevoir du public » et que l'activité du preneur est « Centre Médico-Social »

Que par ailleurs il est indéniable que le DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHÔNE, collectivité territoriale est contraint par l'exercice d'un service public et la continuité qui le caractérise.

Qu'il devait dès lors trouver des locaux d'une surface au moins identique, détenant une classification ERP ( Etablissement Recevant du Public), situé dans une zone similaire ou desservie par les transports en commun , ce qui suppose de longues investigations et démarches administratives qu'un délai de 6 mois ne lui permettait pas de réaliser

Qu'il ne saurait être reproché au DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHÔNE d'avoir fait preuve de désinvolture depuis 2015 alors qu'il occupait les locaux au titre d'un renouvellement à durée indéterminée et qu'il n'a été avisé de la volonté de son bailleur de mettre fin au bail à peine un mois avant la délivrance du congé.

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le délai de préavis de 6 mois visé au congé délivré le 20 février 2018 était inadapté à la nature et l'ampleur de l'activité du DÉPARTEMENT DES BOUCHES DU RHÔNE

Que 24 mois était le délai minimum pour permettre à ce dernier de prospecter de nouveaux locaux et de s'y installer même si celui-ci n'a pu parvenir à cette fin que fin décembre 2020.

Qu'il convient tenant ces éléments de débouter la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE de ses demandes et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du congé délivré par acte extra judiciaire en date du 20 février 2020 par la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE concernant le bail reconduit tacitement avec le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE sur un local situé [Adresse 4] [Localité 1]

2°) Sur les demandes indemnitaires de la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE

Sur l'indemnité d'occupation

Attendu que la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE demande à la cour de fixer le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation dont sera redevable le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE à une somme égale au loyer conventionnellement exigible, soit la somme de 21. 619, 92 euros outre les taxes et les charges et de condamner le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE à payer l'indemnité mensuelle d'occupation de 21. 619, 92 euros outre les taxes et les charges jusqu'au 30 décembre 2020.

Que cette dernière sera déboutée de cette demande tenant la nullité du congé délivré, le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE n'étant pas occupant sans droit ni titre pendant toute la période antérieure à son départ, soit le 30 décembre 2020.

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point, étant relevé qu'il n'est contesté que le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE a honoré ses loyers jusqu'à son départ des lieux

Sur l'indemnisation du préjudice

Attendu que la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE soutient que le maintien abusif du DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE dans les lieux loués lui a occasionné un préjudice important qui ne saurait être inférieur à 1. 238. 736,17 € du fait du coût de fonctionnement de l'ensemble de l'immeuble depuis le 1er novembre 2018 et jusqu'à la libération effective des lieux et remise des clés.

Qu'elle fait valoir en effet que le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE étant le dernier locataire de l'immeuble, elle a été contrainte de régler les charges de fonctionnement de l'ensemble de l'immeuble déduction faite des charges imputables au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE réparties au prorata de la surface qui lui était affectée.

Qu'elle soutient que le lien de causalité entre le coût de fonctionnement de l'immeuble et le comportement fautif de ce dernier est incontestable dès lors qu'il était évident qu'elle n'aurait pas dû subir ce préjudice s'il avait quitté les lieux aux termes du contrat de bail.

Attendu qu'il est acquis au débat que le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE a toujours réglé le montant de ses loyers et charges appelés chaque mois et correspondant à sa quote part de surface locative.

Que la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE ne peut soutenir qu'elle a été obligée à supporter l'intégralité des charges pour maintenir le bâtiment accessible au public pour le seul usage de l'intimé en raison du maintien abusif de ce dernier dans les lieux.

Qu'en effet il a été démontré que le maintien du DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE dans les locaux n'était absolument pas abusif tenant la nullité du congé qui lui avait été adressé.

Que par ailleurs aucune faute ne saurait être imputée à ce dernier quant aux démarches effectuées pour trouver de nouveaux locaux tenant les contraintes qui s'imposaient à lui.

Que par ailleurs il ne serait être tenu responsable de la vacance des autres locaux de l'immeuble, ni des charges imputées à d'autres locataires de l'immeuble qui auraient quitté les lieux, cette décision de laisser les autres locaux vacants étant de la seule responsabilité de la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈRE.

Qu'ainsi il résulte de ces éléments que la demande indemnitaire de la société COMPAGNIE GÉNÉRALE IMMOBILIÈR n'est pas fondée

Qu'il convient par conséquent de la débouter de cette demande et de confirmer le jugement déféré sur ce point.

3°) Sur la demande indemnitaire du DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE

Attendu que le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE sollicite la condamnation de la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE au paiement de la somme de 100.000 euros au titre des préjudices occasionnés.

Qu'il fait valoir avoir subi un préjudice moral et d'anxiété ainsi qu'un préjudice financier, précisant avoir été contraint d'engager des coûts de recherche de locaux et de frais d'agence immobilière pour les recherches de ses nouveaux locaux.

Qu'il indique que l'attitude de la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE qui l'a régulièrement menacé de fermer le site et fait pression pour qu'il quitte les lieux ne lui a pas permis d'exercer une activité sereine.

Attendu qu'il convient de relever que les frais engagés dans la recherche de nouveaux locaux ne constituent pas un préjudice financier causé par une quelconque faute de la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE, ceux-ci étant simplement la conséquence du terme du bail et de la recherche de locaux en découlant.

Quant au préjudice moral invoqué, la cour souligne que le président du tribunal judiciaire de Marseille a déjà condamné, par ordonnance du 21 septembre 2020, la COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE à réouvrir le site et rétablir le fonctionnement de l'immeuble sous astreinte de 500 € par jour de retard à la suite de la fermeture du site à son initiative et à régler

au DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE la somme de 3.000 € de provision pour dommages-intérêts

Que par ailleurs aucun élément n'est produit au débat permettant de justifier de ce préjudice moral

Qu'il convient par conséquent de débouter le DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE et de confirmer le jugement déféré sur ce point.

4° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Attendu que l'article 696 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.'

Qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point et de condamner la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE aux dépens en première instance et en cause d'appel.

Attendu que l'article 700 du code de procédure civile prévoit que le tribunal condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l'équité et de la situation économique des parties.

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point et de condamner la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE au paiement de la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d 'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du 12 octobre 2021 du tribunal judiciaire de Marseille en toutes ses dispositions.

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE au paiement de la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE la société COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE aux dépens en première instance et en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 21/15920
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;21.15920 ?
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